Pour les articles homonymes, voirAzéma.
| Professeur des universités |
|---|
| Naissance | |
|---|---|
| Décès | |
| Nom de naissance | |
| Nationalité | |
| Formation | |
| Activités | |
| Famille | |
| Père | |
| Enfant | Ariane Azéma(d) |
| A travaillé pour | |
|---|---|
| Domaine | Histoire durégime de Vichy |
| Membre de | Comité d'histoire de la ville de Paris(d) |
| Directeur de thèse | |
| Distinction |
|
Jean-Pierre Azéma, né le àParis et mort le dans la même ville[1], est unhistorienfrançais, spécialiste de laSeconde Guerre mondiale en France et figure marquante de larecherche historique.
Parmi ses ouvrages figurentLa Collaboration (1975),Vichy (1997),1940, l'année noire (2010),L'Occupation expliquée à mon petit-fils (2012) ainsi que des biographies deJean Cavaillès, héros de la Résistance, et deJean Moulin (2003)[2].
Élevé par sa grand-mère, Jean-Pierre Azéma connait les privations lors de l'enfance puis l'internat[3].
Il est le fils d'un journaliste célèbre,Jean-Henri Azéma (1913-2000), militant de l’Action française, qui fréquente les écrivainsRobert Brasillach etPierre Drieu la Rochelle[4] puis devient un pilier du régime dePhilippe Pétain pendant laSeconde Guerre mondiale[5], au service du journalJe suis partout, et une voix deRadio Paris.Jean-Henri Azéma fuit la France à laLibération, s’engageant dans laWaffen-SS[4], gagnant l’Allemagne puis la Suisse[4], et s’exilant en Argentine[4], condamné par contumace à la prison à perpétuité par la Justice française[4]. Son fils ne le revoit qu'en 1968 enArgentine[6].« En causant, causant, causant, j’ai mieux compris ce qui avait pu le motiver. Cela a permis des relations plus saines », indique l'historien au magazineL'Histoire en 1988.Interrogé par le quotidienLa Croix en 2012 sur le fait d'être devenu« Monsieur Seconde Guerre mondiale », il a précisé n'avoir pas choisi la période pour« débrouiller » son histoire familiale, en rappelant qu'elle est compliquée[7], mais indiqué qu'« un certainSigmund dirait certainement que cela a dû beaucoup compter »[7].
La mère de Jean-Pierre Azéma a traduit en 1972La France de Vichy deRobert Paxton paru la même année en anglais[8], qui déclenche une« onde de choc dans la société française »[7], en montrant comment le régime de Vichy« rechercha la collaboration avec l'occupant, devançant même les demandes nazies »[7]. Son ami l'historienMichel Winock, directeur de collections auxéditions du Seuil, le contacte pour lui demander de jauger l'ouvrage de sa mère avant de le publier[7].
Jean-Pierre Azéma, qui se dit lui-même« fils de la guerre »[3], est père de trois enfants[6].
Après avoir été pensionnaire dans plusieurs collèges et lycées, il intègre en classe de première lelycée Lakanal deSceaux (Seine-et-Oise) où il se lie d'amitié avec le futur historienMichel Winock[6]. Tous deux cosigneront leurs premiers ouvrages, à commencer parLes Communards (Seuil, 1964)[4].
Après unehypokhâgne et unekhâgne, il passe l'agrégation d’histoire en 1961[6].
Jeune historien, il suit en 1967 le séminaire queRené Rémond (1918-2007) consacra au gouvernement de Vichy à l'Institut d'études politiques de Paris (IEP) qui pour lui s’avéra décisif, l'amenant à« s'immerger dans la période, au risque de dénoncer très tôt une littérature qui l'irritait par son manque de rigueur et ses engagements partisans »[4]. Il décide de défricher« sans œillères ni parti pris toute information d'où qu'elle provienne »[4].
Après avoir intégré l’enseignement secondaire à Troyes, il revient en région parisienne pour enseigner au lycée Lakanal deSceaux puis aulycée Henri-IV à Paris, avant de devenirprofesseur des universités, en particulier à l'Institut d'études politiques[9].
En 1975, l'ouvrageLa Collaboration, 1940-1944, édité par lesPresses universitaires de France,« fait autorité, l’érigeant en figure majeure des chercheurs sur la période »[10].
Il soutient sathèse d’État, intituléeLa France des années sombres, 1938-1948, en 1987 à l’IEP de Paris, sous la direction de René Rémond[11]. Il devient ainsi spécialiste de laSeconde Guerre mondiale, plus particulièrement de l'histoire durégime de Vichy et de laRésistance. On compte parmi ses élèvesSylvie Lindeperg,Emmanuelle Picard,Alya Aglan etFlorence Tamagne.
En 1995, Jean-Pierre Azéma fait partie de la commission présidée parRené Rémond, chargée d'enquêter sur les fichiers ayant servi sous l'Occupation à la persécution des Juifs, commission dont le rapport fut rendu public[12]. L'Insee y étant mis en cause, Jean-Pierre Azéma fut chargé d'un nouveau rapport sur le rôle duService national des statistiques[13].
Fin 1997, au procès deMaurice Papon devant lacour d'assises de laGironde, accusé de crime contre l’humanité, il fait partie des historiens cités par les parties civiles, aux côtés de Robert Paxton,Marc-Olivier Baruch,Philippe Burrin et René Rémond[4]. Au cours du procès, Jean-Pierre Azéma établit une distinction entre les« vichysto-résistants » qui avaient« commencé par Vichy mais se sont rendu compte de leur aveuglement et qui ont choisi une autre voie », et le« vichysto-vichyste » Papon. Plus tard, une de ses thésardes, Johanna Barasz, approfondira cette catégorie[14].
Dans sa démarche d’histoire orale consultant des témoins de l’époque, il fait la rencontre capitale deDaniel Cordier (1920-2020), résistant devenu galeriste, qui avait dirigé le secrétariat du président duConseil national de la résistance, et qui l'aide à« rétablir une vérité malmenée depuis les affirmations d’Henri Frenay (1905-1988) qui, dans les années 1970, faisaient deJean Moulin un agent crypto-communiste »[4] et celles du livre deThierry WoltonLe Grand Recrutement publié en 1993, qui tend à prouver qu'il était un agent soviétique[15]. Il publie sa biographie-enquête sur Jean Moulin en 2003[16],[17]. Il rappelle les enjeux strictement internes à la Résistance et parfaitement établis par les historiens pour prendre la défense dePierre de Bénouville et s'indigner des thèses peu étayées ayant attendu sa mort pour« le piétiner »[18]. En 2013 à la télévision, il rappelle la personnalité deJean Moulin, fêtard et artiste[19]. Lors d'une émission en 1993 sur France Inter, il est invité avecDaniel Cordier, qui se dit écœuré par les thèses de 1973 et 1993, en rappelant que Jean Moulin« s'est battu pour cette liberté qui permet aujourd'hui à n'importe qui de dire impunément n'importe quoi »[15].
Jean-Pierre Azéma meurt àParis le à l’âge de87 ans[4].
« C'était un historien exceptionnel, l'un des pionniers à écrire sur l'Occupation », selonHenry Rousso, autre spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, tandis qu'Éric Anceau a rappelé que« ses cours et ses travaux sur la Seconde Guerre mondiale ont marqué plusieurs générations d'étudiants »[20]. Le quotidienLa Croix a souligné« l'un des premiers à défricher sérieusement l’histoire de Vichy, dès lesannées 1960 »[5], se« distinguant notamment par sa connaissance des moindres recoins de cette période trouble de l’histoire »[21].
Ce travail conduit à la publication dès 1979 de « son maître ouvrage »,De Munich à la Libération, qui lui offre un« vrai succès universitaire »[5], devenant par la suite, selonLibération, une« figure marquante de la recherche historique »[10]. Il a au total« consacré sa carrière à essayer d’éclairer la période de l’Occupation à travers ses deux versants, la Résistance et la collaboration »[21].
« Je ramassais la moindre information, je n’éliminais rien… Cela faisait partie du jeu d’essayer de comprendre l’ensemble du dispositif, les deux côtés, aussi bien Vichy que la Résistance »[21], a expliqué Jean-Pierre Azéma, qui figure auPetit Larousse des noms propres[21]. En 2004, il évoque aussi les synergies nécessaires entre histoire orale et travail sur les archives :« l'émotion, c’est très bien, et ça ne gêne pas le travail de l’historien. Parce que intégrer les mémoires émotives, passionnelles, passionnées donc injustes, souvent, ça fait partie de notre boulot. Il faut ensuite qu’on les transforme en histoire, c’est-à-dire en construction intellectuelle. Cela nous apporte une musique que les archives ne nous donnent pas »[10].
Au cours de ses années d'étudiant en histoire, il est bousculé par la vague de décolonisation et un admirateur de l’engagement dePierre Mendès France dans cette voie. Durant laguerre d'Algérie (1954-1962), il milite à l’Unef et s’engage contre la torture[4], selonLe Monde.
Jean-Pierre Azéma a été en 1993 adhérent du Parti socialiste[10] et n'a jamais caché être proche de lagauche française. En 2007, il a signé l'« appel des intellectuels » pour le vote en faveur deSégolène Royal[22].
Membre du conseil d'administration de l'associationLiberté pour l'histoire, il est l'un des initiateurs de la pétition éponyme[23], demandant à ce que l'histoire ne soit pas instrumentalisée à des fins politiques,au moment où une loi[pas clair] sur le« rôle positif de la présence française » dans les territoires colonisés[10].
Professeur auCentre de formation des journalistes[17], il intervient dans les médias pour dénoncer toute« instrumentalisation » et demander l'abrogation de certains article des lois mémorielles[17] :« Quand la loi édicte une vérité officielle, nous disons non », écrit-il alors dansLibération[10]. Le jour de soninvestiture en mai 2007, le président de la RépubliqueNicolas Sarkozy annonce qu'il fera lire dans tous leslycées du pays, en début d'année scolaire, la dernière lettre du résistantGuy Môquet. Interviewé à ce sujet parMarie Drucker, Jean-Pierre Azéma exprime son désaccord avec cette décision prise sans consultation et susceptible d'être perçue comme« le fait du prince »[24]. En 2023, lors des 80 ans de la mort deJean Moulin, il prend la défense du gaullistePierre de Bénouville, mis en causeaprès sa mort, injustement et sans tenir compte du contexte.
En, il est nommé président du comité historique de la mission interministérielle, chargé de préparer les célébrations du70e anniversaire de laRésistance et de laLibération et le centenaire de laPremière Guerre mondiale[25].
Passionné de cinéma, Jean-Pierre Azéma a participé, commeRobert Paxton, au documentaire deClaude ChabrolL'Œil de Vichy (1993), sélection sans commentaire des actualités durégime de Vichy[4], avant de devenir le conseiller historique de la série téléviséeUn village français (France 3, 2009-2017)[4].