Étudiant polonais enphilologie, il joue dans un groupe de théâtre antinazi et entre au séminaire clandestin en 1942. Ordonné prêtre en 1946 en Pologne communiste, il est envoyé pour des études àRome, et de retour en Pologne, affecté auprès de la jeunesse à partir de 1949. Après sa thèse sur l'amour, particulièrement conjugal, il est nommé à l'université par lecardinal Sapieha. Il devient, en 1958, le plus jeune évêque polonais et s'oppose au matérialisme communiste, notamment en faisant construire une église àNowa Huta, malgré l'opposition du pouvoir.
PendantVaticanII, sa maîtrise des langues et de la théologie en font le porte-parole de l'épiscopat polonais, ce qui le fait remarquer par le futurPaulVI. Archevêque, puis cardinal en 1967 (le plus jeune), il se fait l'avocat des ouvriers face au régime communiste, défendant les droits de l'homme. S'intégrant à laCurie sous le pontificat dePaulVI, il reçoit des voix lors duconclave d'août 1978. À l'issue duconclave d'octobre 1978, qui fait suite à la mort subite deJean-PaulIer, il est élu, sur proposition ducardinal König. C’est le premier pape non italien depuis le pape néerlandaisAdrienVI en 1522, ainsi que le premier pape polonais et slave de l’histoire du catholicisme.
Son pontificat (26 ans,5 mois et18 jours) est le troisième plus long de l’histoire catholique après ceux desaint Pierre (37 ou34 ans selon la tradition, non documentée) etPieIX (31 ans et8 mois). Il a parcouru plus de129 pays pendant son pontificat, plus de cinq cents millions de personnes ayant pu le voir durant cette période[D 1], et institué de grands rassemblements, comme lesJournées mondiales de la jeunesse. Il a béatifié 1 340 personnes et canonisé483saints, soit plus que pendant les cinq siècles précédents.
Jean-PaulII est généralement considéré comme l’un des meneurs politiques les plus influents duXXe siècle[b]. Plus encore, il est présenté de plus en plus comme le modèle de lanouvelle évangélisation, portée par l'ensemble de sa vision pastorale et incarnée jusque dans sa sainteté de vie[1].Béatifié en 2011par son successeur le papeBenoît XVI, puiscanonisé par le papeFrançois en 2014, il est considéré commesaint par l'Église catholique et est fêté le, date de son intronisation pontificale.
Jeunesse
Karol Józef Wojtyła naît àWadowice, petite ville dePetite-Pologne, le où réside une communauté juive importante qu'il côtoie quotidiennement[A 1].
Son père, Karol Wojtyła (né en 1879), est militaire de carrière. Sous-officier dans l'arméeaustro-hongroise, il devient, après l'indépendance de la Pologne en 1918, officier de l'armée polonaise. Il prend sa retraite en 1927 avec le grade de capitaine. Il épouse en 1906 Emilia Kaczorowska, de cinq ans sa cadette. Le couple a trois enfants : Edmund Antoni (né en 1906), Olga Maria (morte dès sa naissance, en 1916), et enfin Karol Józef (prénoms de son père et de l'ex-empereurCharlesIer d'Autriche) en 1920. Très tôt, le petit Karol perd sa mère, atteinte d'une infection rénale (1929)[H 1], et son frère aîné, devenu médecin, emporté par lascarlatine (1932)[H 1].
Les époux Wojtyła avec le petit Edmund.
Karol Wojtyła père et fils.
Edmund Wojtyła.
Adolescent, Karol Wojtyła est passionné de littérature et de théâtre[G 1]. Il participe à des représentations théâtrales données par son lycée[A 2]. Il se lie d'amitié avec deux actrices de sa troupe,Halina Krolikiewicz et Ginka Beer, joue dans de nombreuses pièces et obtient souvent les rôles principaux, remplaçant même au pied levé un acteur qui ne pouvait être présent[G 2]. Il rencontreMieczysław Kotlarczyk[A 3], professeur d'histoire au lycée des filles de Wadowice et passionné de théâtre[G 3] qui, à partir de 1936, le forme à sa propre technique théâtrale, essentiellement fondée sur la force de la parole et du texte[G 3]. Ils échangent sur la place de la langue dans la culture et l'identité polonaises et Karol lui écrit même après son départ de Wadowice. Karol Wojtyla a alors la volonté de devenir acteur et souhaite se consacrer authéâtre[A 3].
À quinze ans, il devient président d'une association de jeunes qui se consacre à la Vierge Marie[A 4]. Le 6 mai 1938, Karol Wojtyła reçoit lesacrement deconfirmation[A 3]. Son pére et lui quittent Wadowice, pourCracovie. Il y suit des études de lettres à l’université Jagellonne[A 5]. Il approfondit sa connaissance de l'étymologie, de la phonétique polonaise, du théâtre et de la poésie lyrique[A 5] et se spécialise enphilologie polonaise.
Ladéfaite polonaise de 1939 entraîne ledémembrement et l'occupation du pays par l'Allemagne nazie et l'URSS. Parmi d'autres mesures, l'occupant allemand impose la fermeture de l'université[A 6], et l'interdiction de fêter les saints polonais[A 6]. Karol Wojtyła rencontre alorsJan Tyranowski, tailleur féru de spiritualité, homme de prière engagé dans sa paroisse[G 4]. Une fois pape,Jean-PaulII dit de celui qui était devenu un proche qu'il était« l'un de ces saints inconnus, cachés comme une lumière merveilleuse au bas de la vie, à une profondeur où règnent habituellement les ténèbres »[A 7]. Celui-ci lui propose de participer auRosaire vivant[A 8], organisation catholique clandestine. Jan Tyranowski pousse les membres du Rosaire vivant à prier, à se former, à vivre en présence de Dieu et à faire que« chaque instant serve à quelque chose »[A 7],[G 4]. Tyranowski conseille à Karol Wojtyła la lecture des écrits de saints de l'Ordre du Carmel, commeJean de La Croix[G 4],Thérèse d'Avila etThérèse de Lisieux[2].
Karol Wojtyła continue à être acteur dans des pièces de théâtre[B 1]. Il écrit aussi trois pièces, David, Job et Jérémie[A 9]. Dans ces pièces on peut voir des parallèles entre le destin de la Pologne et d'Israël. Le théâtre est conçu par Karol Wojtyła comme un moyen de résistance et de défense de la patrie polonaise contre l'occupant nazi[A 9]. Karol Wojtyła donne des représentations clandestines avec des amis : c'est le théâtre surnommé Studio 39[A 9].
Pendant l'automne 1940 dans la carrière de Zabrziwek[A 10], il découvre la réalité du travail manuel, puis, en, il se fait embaucher en tant qu'ouvrier dans l'usine chimique Solvay[A 11], ce qui lui permet d'échapper au service obligatoire allemand. Cette expérience marque durablement sa vie :« Cette expérience de la vie ouvrière avec tous ses aspects positifs et ses misères, aussi bien qu'à un autre niveau, les horreurs de la déportation de mes compatriotes polonais dans les camps de la mort, ont profondément marqué mon existence »[A 10].
Le survient le décès de son père[A 12], dernier membre vivant de sa famille[c].
En juin 1941, l'Allemagne nazie déclare la guerre à l'URSS et toute la Pologne passe sous le joug nazi.
En juillet 1941, son ancien professeur de théâtreMieczysław Kotlarczyk rejoint Cracovie avec son épouse. Ils sont hébergés dans l'appartement de Karol Wojtyła. Un mois plus tard, avec un groupe d'acteurs incluant Karol Wojtyła, Kotlarczyk fonde le« théâtre rhapsodique ». Ce style théâtral, d'une grande sobriété de moyens, met en exergue le texte à travers un art déclamatoire très travaillé[G 5]. Pour Kotlarczyk, la tension dramaturgique provient de la« parole » exprimée et reçue, plus que d'une mise en scène spectaculaire. Ce travail sur la puissance, en soi, de la parole, influence profondément Karol Wojtyła dans son apostolat de prêtre, puis d'évêque et de pape[G 5].
L'éradication de la culture polonaise est un des moyens utilisés par les nazis pour supprimer toute résistance à long terme dans le pays. Le théâtre rhapsodique fait dès lors partie d'un vaste mouvement de résistance culturelle clandestine, baptisé Unia[G 6]. L'Unia a aussi une branche militaire. Mais Karol Wojtyła refuse d'entrer dans la résistance armée, préférant des moyens plus pacifiques, comme le combat culturel et la prière[G 6],[A 13]. La troupe du« Théâtre rhapsodique » se produit dans la clandestinité, les acteurs risquant le peloton d'exécution s'ils se font prendre[G 5].
Au cours de l'automne 1942, après un long temps de réflexion, il décide de devenir prêtre, et entre au séminaire clandestin de Cracovie[A 14],[G 7].
Séminariste sous l'occupation
L'abbé Wojtyła, vicaire à Niegowic (1948).
Karol Wojtyła est accepté auséminaire clandestin qu'Adam Stefan Sapieha, archevêque de Cracovie, a organisé malgré l’interdiction allemande de former de nouveaux prêtres, en octobre 1942[A 15]. Chaque étudiant est suivi par un professeur ; les cours ont lieu dans des églises ou chez des particuliers[A 15]. Karol travaille comme ouvrier la journée et étudie le soir[B 2]. Il lit alors leTraité de la dévotion à la Très Sainte Vierge Marie, de saintLouis-Marie Grignion de Montfort[A 16]. La lecture de Louis-Marie Grignion de Montfort a eu un grand impact dans sa vie, (sa devise en tant qu'évêque puis pape« Totus Tuus », est issue de la lecture duTraité de la dévotion à la très Sainte Vierge Marie).Ses armoiries comportent un écu d'azur à la croix d'or accompagné dans le canton en pointe senestre de la lettre M, en hommage à la Vierge Marie[3]. Il s'initie aussi à la philosophie, et notamment à la métaphysique. Celle-ci, dans un premier temps, le déroute. Mais au bout de deux mois de travail intensif, il y trouve les raisons profondes de son existence et la confirmation de ses intuitions sensibles[G 8]. Il restera toute sa vie passionné de philosophie[G 9].
Le, il frôle la mort. Il est renversé par une voiture et se retrouve pendant quinze jours à l'hôpital, victime d'un traumatisme crânien[A 17].
Le,Hitler décide de réprimer l'insurrection de Varsovie. Karol Wojtyła échappe à une rafle qui a lieu dans son immeuble, restant silencieusement en prière dans son appartement situé en sous-sol[G 10],[A 18]. Menacé par la répression, il trouve refuge au palais épiscopal oùSapieha décide de cacher les séminaristes[A 19]. Il ne sort que très rarement du palais épiscopal[A 18] et avec de faux papiers[B 3]. Il ne retrouve sa liberté de mouvement que le, à la suite de la libération deCracovie par l'Armée rouge. L'armée soviétique salue l'attitude de l'archevêque face aux nazis[B 4].
Le en plein hiver, dans la gare deJędrzejów, le jeune séminariste donne son manteau à Edith Zierer, qui gît exténuée et affamée[4],[5]. Elle vient d'un camp nazi près deCzęstochowa, où lesJuifs fabriquaient des munitions pour lesnazis et qui a été libéré par lesRusses. Elle est vêtue de son uniforme de prisonnière portant son numéro de matricule. Il lui offre un sandwich et du thé. Elle lui explique qu'elle veut se rendre àCracovie, où elle pense trouver ses parents. Il la porte sur son dos pendant trois kilomètres jusqu'à une autre gare. Elle sera sauvée. Plus tard, elle émigre enIsraël et fonde une famille[6],[7],[8]. Edith Zierer se rend à l'audience deJean-PaulII au Vatican en 1998. Elle le revoit l'année 2000 au mémorialYad Vashem àJérusalem[9],[10]. Elle lui dit alors en polonais : « Kto ratuje jedno życie – ratuje cały świat » (« Qui sauve une vie sauve le monde »).
B'nai B'rith et d'autres autorités disent queJean-PaulII a protégé des Juifs contre les nazis. Durant l'occupation nazie de la Pologne, une famille juive envoie son fils Stanley Berger dans une famille de Gentils à la campagne. Les parents de Berger meurent exterminés par les nazis et, après la guerre, ses nouveaux parents demandent à Wojtyła de le baptiser ; celui-ci refuse, arguant que le garçon devait grandir dans la foi juive de ses parents et de son peuple. Il fait alors l'impossible pour que Stanley Berger quitte la Pologne et aille aux États-Unis. En, peu après la mort deJean-PaulII, le gouvernement israélien crée une commission pour honorer le legs du pape. Emmanuele Pacifici, représentant de la communauté juive italienne, propose pour lui la médaille des Justes. Dans son dernier livre,Jean-PaulII décrit les12 années de l'ère nazie sous le terme de « bestialité », citant le théologien et philosopheKonstanty Michalski.Jean-PaulII est aussi un ami d'Ariel Sharon[11].
Karol Wojtyła séminariste étudie particulièrement la théologie deJean de La Croix, deThérèse d'Ávila et deThérèse de Lisieux[B 5]. Il pense d'ailleurs un temps à devenircarme, mais y renonce[G 11],[12]. En 1946, Sapieha, qui vient d'être nommécardinal, décide de l'envoyer compléter sa théologie àRome. Il avance la date de son ordination pour faciliter son départ[B 5]. Karol Wojtyła estordonné prêtre lors de laToussaint, le. Il a26 ans.
Ministère de prêtre
Karol Wojtyła poursuit ensuite sa formation à l’Angelicum de Rome, université alors dirigée par lesdominicains, adeptes de la néoscolastique traditionaliste, et où les cours sont dispensés en latin[B 6]. Il y reste deux ans, pour préparer une thèse dedoctorat enthéologie sur« La foi dans la pensée de saintJean de la Croix »[B 5],[A 20], sous la direction deRéginald Garrigou-Lagrange, strict thomiste. Il loge dans le collège belge, où il apprend le français[B 6]. Pour les besoins de sa thèse, il apprend aussi l'espagnol[13]. Mais il n’imprime pas ce travail et, finalement, obtiendra l’habilitation à l’université Jagellone grâce à un travail surMax Weber. C’est ainsi qu’il deviendra aumônier des étudiants de Cracovie puis professeur de philosophie morale[14].
Lecardinal Sapieha lui demande de visiter l'Europe pendant ses vacances afin d'y étudier les méthodes pastorales. Il voyage alors enFrance et enBelgique. Pendant ce séjour, il découvre la réalité du début de la déchristianisation de la France mais aussi les nouvelles méthodes pastorales[B 7]. Il rencontre le théologienHenri de Lubac et observe l’expérience desprêtres-ouvriers. En Belgique, il rencontre l’abbéJoseph Cardijn, fondateur de laJeunesse ouvrière chrétienne[B 7]. À son retour en Pologne, il publie dans la revue catholique deCracovie son impression positive sur les nouvelles formes d'évangélisation en France, pays d'une« magnifique culture intellectuelle catholique », mais pays de mission ayant de nombreux incroyants[C 1]. Il voit alors la nécessité de s'adapter aux situations nouvelles liées à la disparition d'une foi plus traditionnelle et observe avec intérêt les nouvelles formes d'évangélisation, qui« montrent de nouvelles voies, de nouvelles méthodes pour le travail apostolique »[C 2] : unenouvelle évangélisation.
Karol Wojtyła, jeune prêtre, entouré de ses étudiants à Cracovie (1950).
En juin 1948, il est envoyé àNiegowić[B 8], un petit village de la campagne galicienne à cinquante kilomètres de Cracovie[A 21]. Il y découvre le développement dustalinisme en Pologne. Il litLénine etKarl Marx, afin de mieux comprendre la logique communiste[A 22]. Il défend cette conception :« Le socialisme n'est pas contraire aux enseignements de l'Église, mais les méthodes des communistes sont contre l'Église. Le communisme prétend imposer aux gens des conceptions matérialistes, il torture la nation »[A 22]. Face aux pressions faites par le régime communiste, Karol Wojtyła conseille de ne jamais résister, affirmant que« les choses mauvaises doivent être vaincues par la bonté. Nous devons montrer le bon exemple, faire preuve d'humilité »[A 23].
Le cardinal Sapieha le nomme en mars 1949 à la paroisse universitaireSaint-Florian de Cracovie. Pendant cette période il découvre« l'importance fondamentale de la jeunesse »[A 23],[15]. Il encadre alors un groupe de jeunes, à qui il donne des conférences[B 9].
Il apprend avec eux, fait du ski avec eux[B 10] et organise une nouvelle forme d'évangélisation[A 23]. Il organise des excursions[B 9], composées de temps de réflexion, de prière et de sport, ceci deux fois par an pendant quinze jours[B 11]. Il célèbre la messe sur un canoë, chose assez rare avant leconcileVaticanII, et s'habille en civil, afin de ne pas se faire repérer par le régime communiste[A 24]. Au cours de ces excursions, il écoute et discute beaucoup avec des jeunes, souvent fiancés, avec qui il parle des différents aspects de la vie conjugale[A 24]. Il innove en discutant ouvertement de la sexualité[A 25]. Il invite hommes et femmes« à apprendre à être ensemble avant de s'engager dans une relation plus intime. Ils devraient apprendre à se comporter l'un vis-à-vis de l'autre, à être patients, à s'entendre, à se comprendre mutuellement »[A 26]. Il développe une réflexion profonde sur la vocation du mariage, qui restera toute sa vie l'une des grandes thématiques de son enseignement[A 26].
Karol Wojtyła pendant une excursion.
Il est nommé à l'université par le cardinal Sapieha contre sa volonté[B 12]. Il étudie alors pour rédiger une thèse de philosophie. Il se spécialise en éthique et précisément sur la question de l'amour en général et de l'amour conjugal[B 13]. Il étudie la philosophie de saintThomas d'Aquin et lesphénoménologues, dontEdith Stein[G 12], et sa thèse porte sur le phénoménologueMax Scheler. Il apprend l'allemand, afin de mieux comprendre Scheler[B 14]. Il obtient son doctorat dephilosophie en 1953[B 14]. Il continue cependant ses excursions avec les jeunes pendant l'été[B 14].
En 1953, il occupe la chaire dethéologie morale etéthique sociale de la Faculté de théologie de l'université Jagellonne[B 15]. Il écrit des poèmes sous le pseudonyme d'Andrzej Jawień[B 16]. Le régime soviétique accentue alors sa répression, développant unculte de la personnalité autour deStaline. Des personnalités catholiques comme le cardinalStefan Wyszyński sont emprisonnées en septembre 1953[A 27]. Le prêtre responsable du Rosaire Vivant est condamné à mort[A 27]. L'enseignement catholique est interdit dans les écoles[A 20], et la faculté de théologie de l'université Jagellonne, où enseigne Karol Wojtyła, est fermée[B 17] en octobre 1954[A 27]. Après la mort de Staline, les relations deviennent plus libres. Des manifestations en faveur de la liberté religieuse ont lieu et le cardinal Wyszyński est libéré[B 18] en 1956[A 28]. En 1954, Karol Wojtyła est nommé professeur d'éthique à l’université catholique de Lublin. Il fonde dans cette ville un Institut de morale dont il conserve la direction jusqu’en 1978.
Karol Wojtyła participe alors secrètement autour du doyen et des professeurs de philosophie à des réunions afin de discuter de la situation de l'Église et de la nation. Ensemble, ils développent des moyens subtils afin de saper le communisme de l'intérieur, spirituellement et philosophiquement. Karol Wojtyła critique le communisme, considérant que l'éthique marxiste ne permet pas d'appréhender la réalité de l'homme en tant que tel[A 29]. Ainsi il estime que les marxistes« considèrent l'homme comme quelque chose qui peut être créé dans le communisme - mais il n'y a pas de place pour l'individu, pour l'essence de l'homme. Parce que l'essence de l'homme s'incarne en chaque individu »[A 29]. Karol Wojtyła estime aussi que l'approche chrétienne de la vie et de la société est extrêmement réaliste, alors que l'approche marxiste finit par« être purement idéaliste, faute d'être concrète »[A 29]. Face à cette opposition, il ne cherche jamais à développer un affrontement armé ou violent avec les communistes. Il cherche ainsi à fuir les problèmes politiques et les conflits, afin de ne pas gaspiller de temps, et concentre son activité au développement de la connaissance, afin de se consacrer à un travail positif[A 29]. Ainsi on ne trouve pas de réaction officielle du futur pape lors dusoulèvement de Poznań en 1956[A 29].
Évêque à Cracovie
Visite de l'église de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Marie à Cracovie début juin 1967, peu de temps avant d'être créé cardinal.
Le, le papePieXII le nomme évêque auxiliaire de Cracovie. Ordonné évêque le 28 septembre 1958 à38 ans, Karol Wojtyła est le plus jeune évêque de larépublique populaire de Pologne[B 19]. Cette nomination est validée par le régime communiste, car Karol Wojtyła est considéré comme une personne qui ne s'intéresse pas aux débats politiques, contrairement au cardinalStefan Wyszyński[A 30]. Le régime communiste voit dans le nouvel évêque un moyen de contrer et de diviser l'épiscopat polonais[A 30].
C’est à cette époque qu’il choisit sa devise« Totus tuus » (« tout à toi »), inspirée[16] de la spiritualité deLouis-Marie Grignion de Montfort et illustration de sa dévotion à laVierge Marie.
En tant qu'évêque auxiliaire il est responsable de la pastorale des étudiants[B 20]. Il continue alors d'enseigner la morale à la faculté de théologie[B 21]. Il enseigne principalement saintThomas d'Aquin,Scheler,Husserl,Heidegger,Ingarden[B 21]. Il tente de concilier dans sa réflexion, mais aussi dans les articles qu'il publie, la philosophie de saint Thomas avec la phénoménologie. Il considère que la phénoménologie propose des outils mais qu'il lui manque une vision générale du monde propre au thomisme[B 18].
Il continue ses activités littéraires, donnant même en 1960 une pièce de théâtre,La Boutique de l’orfèvre, dont le sous-titre est :« Méditation sur le sacrement de mariage qui, de temps en temps, se transforme en drame »[17], puis en 1964, une dernière pièce,Rayonnement de la paternité, sous-titrée :« Un mystère ». Il collabore aux revuesZnak etTygodnik Powszechny, signant ses poèmes du pseudonyme« Andrzej Jawień ».
En, l'administrateur apostolique de Cracovie,Eugeniusz Baziak, meurt. Karol Wojtyła est alors nommé pour le remplacer le, devenant ainsi le plus jeune administrateur de diocèse en Pologne[B 22].
Pendant plus de vingt ans, Karol Wojtyła défend les paroissiens de la ville nouvelle deNowa Huta, cité communiste modèle, privée initialement de lieu de culte. Il soutient la construction d'une église en célébrant des messes de Noël en plein air[D 2].PaulVI lui offre une pierre de l'ancienne basilique vaticane[A 31], qui devient la première pierre de l'église de l'Arche du Seigneur(de), inaugurée en 1977[18].
Peu de temps après sa nomination comme évêque, le nouveau papeJeanXXIII décide d'ouvrir leIIe concile œcuménique du Vatican[A 32]. L'évêque Karol Wojtyła est alors invité à participer au concile. La phase préparatoire se déroule du au[B 23]. Dans la réponse au questionnaire pour le concileVaticanII, Karol Wojtyła demande que le concile se prononce clairement sur« l'importance de latranscendance de la personne humaine face aumatérialisme croissant de l'époque moderne »[A 33]. Il souhaite que soit renforcé le rôle des laïcs dans l'Église, mais aussi ledialogue œcuménique et lecélibat des prêtres qu'il défend[A 34],[D 3]. Même s'il n'a jamais joué un rôle essentiel au cours du concile, sa position semble s'être progressivement renforcée au fil du concile au sein de la délégation des évêques polonais[A 35].
En effet, dès la première session du concile du au[B 23] Karol Wojtyła, parlant le français, l'anglais, l'allemand, le polonais, le russe, l'espagnol, l'italien et le latin, devient progressivement le porte-parole de la délégation polonaise[A 36]. Cette délégation étant la plus importante du monde communiste, elle jouit d'une certaine autorité sur les questions concernant la vie de l'Église au sein dubloc de l'Est[A 37]. Au fil des débats, Karol Wojtyła se lie d'amitié avec des évêques africains[B 24], qu'il sent animés d'une foi jeune, vivante, mais aussi avec les évêques allemands[A 37]. Il croise des théologiens tels queHans Küng etJoseph Ratzinger[D 4]. La nomination de Karol Wojtyła comme archevêque en 1964, lui permet d'avoir une plus grande stature au sein de la délégation[A 38].
Il participe de manière active auSchémaXIII du concileVaticanII, contribuant principalement au développement de l'exhortation surl'Église dans le monde de ce temps[B 13]. Lors du concileVaticanII, deux tendances s'affrontent sur la conception de l'athéisme, souvent liée à la représentation existante du marxisme. Karol Wojtyła ne prend jamais ouvertement position pour l'une d'entre elles, mais défend sa conception face à l'athéisme, lors d'une tribune le :« Nous poursuivons une quête en même temps que nos frères humains… Évitons de faire de la morale ». Il invite l'Église à employer la méthode heuristique, exactement« comme on aide l'élève à découvrir la vérité par lui-même »[A 39]. Karol Wojtyła demande alors de considérer l'athéisme, non dans sa composante sociologique ou politique, mais avant tout dans son état intérieur de la personne humaine[A 39]. Ainsi lors de son intervention du, il déclare :« L'athée croit fermement à son« ultime solitude », parce qu'il croit que Dieu n'existe pas. D'où son désir de se rendre d'une certaine manière immortel, à travers la vie de la collectivité. Nous devons donc nous demander pourquoi le collectivisme favorise l'athéisme et vice versa ».
Le,PaulVI reçoit pour la première fois Karol Wojtyła lors d'une audience privée. Le pape avait suivi ses interventions lors du concile, et il lui apparaissait comme la figure la plus marquante parmi la délégation polonaise[A 31], celle d'un évêque attaché à la tradition mais recherchant résolument le renouveau de l'Église, défendant l'autorité de l'Église sans étroitesse d'esprit, tout en étant doté d'une volonté de mettre la personne humaine et son salut au cœur des préoccupations[A 40].
À la fin du concile, les évêques polonais envoient une lettre aux évêques allemands, appelant à la réconciliation des deux nations. La dernière phrase« Nous pardonnons et implorons le pardon »[B 25], est vivement critiquée par le régime politique polonais[A 31], qui stigmatise l'attitude des évêques et leur manque depatriotisme[D 5]. L'objectif était de favoriser la réconciliation entre les deux nations et d'éviter les revendications de territoire entre celles-ci[D 6], tout en n'oubliant pas la réalité des tensions historiques entre les deux pays, liées aux guerres et aux camps de concentration.
PaulVI le nomme archevêque de Cracovie le[A 41] au côté duCardinal Wyszyński, primat de Pologne, et figure de proue de l’épiscopat polonais dans la résistance au communisme. Il entre en fonction le[19]. Cette nomination continue à être soutenue par le régime communiste, qui considère toujours Karol Wojtyła, du fait de son absence d'implication dans les débats politiques, comme un allié face au cardinal Wyszyński[A 36],[D 7]. Cette nomination intervient alors même que le cardinal Wyszyński voulait promouvoir d'autres personnes à ce poste[A 41]. Ce titre posa des problèmes à Karol Wojtyła qui craignait que le pouvoir communiste utilise et développe une concurrence entre les deux archevêques de Pologne. Wojtyła choisit alors de soutenir inconditionnellement le cardinal Wyszyński[B 26],[D 7]. Il est secrètement convoqué par le régime communiste. Il décide en juillet 1965, sans l'en avertir, de reprendre et de défendre les conceptions du cardinal Wyszyński sans montrer la moindre divergence avec lui[A 42]. Ainsi Wojtyła refuse de participer au premiersynode des évêques, qui a lieu à Rome, car le cardinal Wyszyński n'est pas autorisé par le régime à y participer[D 7]. Karol Wojtyła est alors mis sous écoute et espionné par le pouvoir en place ; il est parfois suivi lors de ses déplacements[D 8].
En 1966, l'archevêque Wojtyła organise la célébration du millénaire de la Pologne, lié à la commémoration du baptême deMieszkoIer de Pologne, le 4 avril 966[D 9]. Il préside plus de cinquante messes d'anniversaire, dont unemesse pontificale au nom du papePaulVI, qui n'est pas autorisé à entrer en Pologne, au sanctuaireJasna Góra deCzęstochowa, haut lieu du catholicisme polonais[A 42]. L'objectif de la célébration du millénaire de la Pologne est aussi de mettre en avant l'héritage profondément chrétien du pays[B 27] alors même que le gouvernement communiste promeut l'athéisme.
Amour et responsabilité
En 1962[B 28], il publieAmour et responsabilité dans lequel il développe une conception philosophique et chrétienne de l'amour et de la sexualité.
Cardinal
Remise de la barrette cardinalice à Karol Wojtyła par le papePaulVI le 26 juin 1967.
PaulVI le créecardinal deSan Cesareo in Palatio, titre cardinalice de l'église de San Cesareo de Appia à Rome, dédiée auSaint Césaire de Terracina, le[B 29]. Il est alors, à 47 ans, le plus jeune de tous les cardinaux vivants[A 43]. À la suite de cette nomination, il passe deux mois par an au Vatican[B 30]. Il y devient membre de quatre congrégations : celle pour le clergé, pour l'éducation catholique, pour le culte divin, et pour les Églises orientales[A 43].PaulVI le nomme aussi consulteur du Conseil des laïcs[A 43].
Au printemps 1968, une révolte des étudiants polonais éclate face à la censure du régime communiste. Celui-ci accuse les Juifs d’être responsables de la révolte. Karol Wojtyła prend alors publiquement la défense des étudiants[D 10] et invite, à une conférence organisée à l’archidiocèse de Cracovie, le philosophe juifRoman Ingarden, montrant ainsi son soutien à la communauté juive[A 44]. L'année suivante il visite officiellement unesynagogue, affichant une nouvelle fois sa solidarité envers la communauté juive[D 11].
Au cours de ces années, Karol Wojtyła organise l'aide secrète à l'Église deTchécoslovaquie, en grande partie détruite par le régime communiste. Il ordonne alors secrètement des prêtres àCracovie[D 12]. Après la mort de l'évêque tchèqueŠtěpán Trochta en 1974, le pouvoir interdit à Karol Wojtyła de venir célébrer les obsèques. Néanmoins, il salue publiquement la figure héroïque du défunt[D 13].
Les ouvriers de Polognese révoltent en 1970 face à l’augmentation des prix. La répression du régime entraîne la mort d'une quarantaine de personnes. Le cardinal Wojtyła, tout en se défendant de vouloir agir politiquement, prend la défense des ouvriers. Il tente d'éviter le durcissement des conflits[A 45].
Une nouvelle révolte éclate le. Des ouvriers manifestent dans la rue. Karol Wojtyła prend la défense desdroits de l’homme[D 10], affirmant, lors de l’homélie de la veille du jour de l’an, qu’il défendait« le droit de manger à sa faim, le droit à la liberté… une atmosphère d’authentique liberté sans contraintes… que rien ne menace »[A 44]. Il critique plus tard ouvertement lacensure[A 45] et les obstacles à la pratique du catholicisme. Cette défense des droits de l’homme se fait de plus en plus ouvertement. Il va jusqu’à affirmer en 1977 que« les droits de l’homme ne peuvent être accordés sous la forme de concessions. Ce sont des droits innés, qu’il s’efforce de concrétiser au cours de sa vie. Et s’il ne peut pas les réaliser, les vivre pleinement, l’homme se révolte. Et il ne peut en être autrement, car il est homme, son sens de l’honneur l’exige »[A 46]. Cette défense des droits de l’homme va de pair pour le cardinal Wojtyła avec la défense et la reconnaissance de lanation. Il rejette la conception d’une nouvelle Pologne rattachée aumouvement communiste international et qui oublierait l’histoire et l’héritage du pays[A 47].
Parallèlement à ces prises de positions publiques, le cardinal encourage l’émergence du réseau d’intellectuels clandestins Odrodzenie (Renaissance), dialoguant fréquemment avec eux.
Le cardinal Wojtyła participe aussi à des congrès internationaux, invité par la philosophe américaineAnna-Teresa Tymieniecka, tant à Naples où il débat avec des phénoménologues sur la place de l'auto-détermination (1974), qu'àHarvard où il participe à une conférence en 1976[A 48]. Ces voyages lui permettent de rencontrer l'épiscopat américain, et d'acquérir progressivement une stature internationale[20].
Selon une enquête journalistique, relayée par la chaine de télévisionTVN, Karol Wojtyła était informé d'abus sexuels sur mineurs par des prêtres de son diocèse, sans pour autant intervenir. PourThomas Patrick Doyle, auteur d'un rapport sur des prêtres pédophiles aux États-Unis, « Il devait savoir mais il n’y avait pas de preuves. Et là, on a une preuve »[21].
Humanæ Vitæ
Dès la fin duconcileVaticanII, le papePaulVI nomme Karol Wojtyła membre de la commission sur les questions de lacontraception et de la sexualité[A 43]. Le cardinal polonais joue un rôle important dans le groupe qui conseillePaulVI sur le thème de la contraception juste avant l'encycliqueHumanæ Vitæ, publiée en 1968. Il reprend la conception de la sexualité qu'il avait développée au début de son ministère de prêtre. Il préside une commission d'étude dans son diocèse. Celle-ci est composée de laïcs et de membre du clergé[A 49]. Il envoie directement au papePaulVI le fruit de ses réflexions[A 49]. Lors de la publication d’Humanæ Vitæ, Karol Wojtyła se dit très satisfait d'avoir« aidé le pape ». Un prêtre du diocèse de Cracovie affirme que près de soixante pour cent de l'encyclique provient du rapport de Wojtyła[A 49].
Une de ses initiatives originales, en tant qu’archevêque de Cracovie, est l'ouverture, en 1972, d’un synode pastoral visant à partager la collégialité deVaticanII avec les prêtres et fidèles de l’archidiocèse[B 31],[D 14]. Plus de500 groupes d’études, composés de fidèles de toutes conditions, vont approfondir régulièrement les textes deVaticanII. Ce sont en tout plus de onze mille personnes qui étudient ainsi les enseignements du concile[A 50]. Ce synode de Cracovie se poursuit jusqu’en 1979 et contribue à mettre en pratique les principes du concile dans l’archidiocèse[B 32],[G 13],[22].
PaulVI reçoit souvent le cardinal Wojtyła[A 49], dont plus de onze fois pendant la période 1973 à 1976. Cette connivence entre le cardinal Wojtyła etPaulVI conduit ce dernier à proposer à Karol Wojtyła de prêcher lesExercices spirituels du carême 1976[D 15] au pape et à la curie romaine[A 49],[23]. La préparation des Exercices spirituels conduit à un échange de correspondance entre Karol Wojtyła et le théologien allemandJoseph Ratzinger qui lui envoie son introduction au christianisme. Ce sera le début d'une amitié entre les deux hommes[F 1]. Cette retraite prêchée au Vatican fait connaître Karol Wojtyła auprès de la Curie, le rendant pour la première foispapabile[A 49],[24]. Au cours de ces homélies il développe l'idée que les catholiques devaient être un signe de contradiction dans le monde, affirmant la vérité de Dieu, face au silence. Il critique tant leconsumérisme de l'Occident que l'athéisme d'État communiste[D 16].
Personne et Acte
En 1969 paraît en Pologne une première version de ce qui est considéré comme l'œuvre philosophique majeure du futurJean-PaulII,Osoba i czyn (« Personne et Acte »). Il y développe sa conception de l'amour et de l'homme. Après sa rencontre avec Anna-Teresa Tymieniecka en 1973, commence une amitié« intense » (selon le journalisteEdward Stourton(en) qui sous-entend une amitié amoureuse d'après les300 lettres de la main de Karol Wojtyła retrouvées dans laBibliothèque nationale de Varsovie)[25] et une longue collaboration qui aboutira en 1979 à la publication en anglais de la version définitive de l'ouvrage,The Acting Person[26].
Le développement de sa conception de l'homme donne une place primordiale à l'autodétermination de l'être humain, l'individu devant donner forme à sa vie et décider ce qu'il veut en faire. Cette conception centrée sur la personne constitue le fondement pour le cardinal Wojtyła du rôle des systèmes politiques, qui ont pour vocation d'aider les individus à se déterminer eux-mêmes. Cela le conduit à critiquer les dérives des systèmes politiques :« Si, d'une part, un système sociopolitique ne donne pas à l'individu ce droit légitime — c'est le cas des régimes totalitaires et communistes, qui abolissent l'autodétermination de l'être humain —, l'État est pernicieux. D'autre part, si les sociétés et les cultures autorisent l'individu à devenir strictement individualiste et à négliger les liens avec la communauté que cette autodétermination exige et établit à la fois, la cohésion sociale s'effrite »[A 51].
Le 26 août 1978, à la mort dePaulVI, Karol Wojtyła, cardinal, participe à l'élection du futur pape.Albino Luciani, patriarche de Venise, est alors élu, et prend le nom deJean-PaulIer[A 52], en hommage aux deux précédents papes qui ont ouvert et fermé le concileVaticanII,JeanXXIII etPaulVI.Jean-PaulIer meurt trente-trois jours plus tard. Au cours de ce conclave, Wojtyła aurait déjà reçu quelques voix de cardinaux[27].
Première apparition deJean-PaulII au balcon après l'annonce de son élection le 16 octobre 1978.
D'après l'opinion qui s'imposa par la suite, leconclave aurait été divisé entre deux favoris :Giuseppe Siri, archevêque deGênes, plutôt conservateur etGiovanni Benelli, archevêque deFlorence proche deJean-PaulIer et grand électeur du conclave précédent[28],[G 14]. Mais aucun ne s'impose[B 34] et Karol Wojtyła, qui était aussi pressenti, est élu au huitième tour de scrutin, le,pape de l’Église catholique. On sait d'autre part, queKönig, archevêque de Vienne, était très proche de lui, et paraît avoir été l'un de sesgrands électeurs[B 35].
Enfin, les cardinaux allemands ont activement fait campagne pour l'archevêque de Cracovie ; parce qu'ils représentaient une Église aux moyens financiers considérables, ils passaient beaucoup de temps en déplacements hors d'Europe pour mettre en œuvre une action caritative importante (hôpitaux, écoles, etc.) ; ils disposaient d'une forte notoriété auprès de prélats africains et sud-américains et donc, d'une influence importante ; moins de quarante ans après l'agression nazie sur la Pologne, ce soutien était particulièrement symbolique.
D’aprèsGeorge Weigel, plusieurs facteurs peuvent expliquer son élection. Cardinal depuis onze années, Karol Wojtyła était bien connu des autres électeurs[29]. Ses interventions lors duconcileVaticanII et sa prédication pendant la retraite papale en 1976 avaient été remarquées[30]. Il avait une longue expérience de la résistance culturelle au communisme qui pouvait contribuer à renouveler l’Ostpolitik du Saint-Siège. Mais avant tout, selon Weigel, il avait marqué les esprits dans sa mission d’évêque diocésain, montrant qu’une direction ferme pouvait être possible au milieu des tensions post-conciliaires[G 15]. De même, pour Bernard Lecomte, le souhait général des cardinaux était« d'élire un pasteur, un homme ayant l'expérience du terrain »[31]. Son énergie et sa jeunesse l'imposent aussi comme une garantie de vitalité nécessaire après la fin de règne de Paul VI et la mort subite de Jean PaulIer.
La surprise n'en est pas moins très grande : il est le premierpapeslave de l'histoire et le premier non italien depuisAdrienVI en 1522. La foule croit d'abord avoir affaire à un cardinalafricain, et nombre de commentateurs sont pris de court lors de l'annonce, ignorant tout du nouveau pape, le service de presse du Vatican n'ayant lui-même pas prévu de fiche biographique.Jean-PaulII se démarque dans la succession des papes par sa nationalité, sa relative jeunesse et sa condition d’ancien athlète. Surtout, il vient d’un pays communiste, d’au-delà durideau de fer. Dans sa première déclaration, ce détenteur de l'infaillibilité suggère avec humour à la foule de le corriger s'il fait des erreurs… en italien. Le pape est polyglotte.
Après avoir, semble-t-il, renoncé à prendre lemême nom que le saint patron de laPologne, Stanislas, sur demande du cardinal-primat de Pologne, ilchoisitJean-PaulII, en continuité avec ses trois prédécesseurs immédiats. Il inaugure son pontificat le22 du même mois.
Son pontificat est le troisième plus long (9 664 jours) de l’histoire bi-millénaire de la papauté. Sur ses263 prédécesseurs, seulPieIX (1846-1878) a régné plus longtemps que lui (31 ans,7 mois et17 jours), mais saintPierre, le premier des évêques de Rome, aurait régné encore plus longtemps (34 ans ou37 ans dont 25 à Rome). Durant son règne, il aura connu trois présidentsfrançais, cinq présidents desÉtats-Unis, et sept chefs d’État d’Union soviétique puis deRussie[32].
Premières années du pontificat
Jean-PaulII arrivant auYankee Stadium àNew York, lors de son premier voyage aux États-Unis en octobre 1979.
Les premiers jours de son pontificat sont marqués par des changements de forme : il prépare personnellement ses premiersdiscours, et va directement à la rencontre du public, montrant alors sa grande indépendance vis-à-vis du protocole et de lacurie[A 53].
Les premiers discours deJean-PaulII marquent son attachement auconcileVaticanII, à la collégialité dans l'Église, mais aussi au respect de la tradition, de la liturgie et sa volonté de poursuivre le dialogue œcuménique et la recherche de la paix et de la justice[A 54].
Le 22 octobre 1978, lors de la messe inaugurale de son pontificat, il prononce le discours« N'ayez pas peur » qui marque le début de son pontificat, montrant sa détermination, appelant à un christianisme plus engagé et à l'ouverture des frontières, interpellant :
« N'ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ. À sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des États, les systèmes politiques et économiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation et du développement. N’ayez pas peur ! Le Christ sait ce qu’il y a dans l’homme ! Et lui seul le sait[33] ! »
Il visite alorsAssise, et se proclame porte-parole de« l'Église du silence », représentant l'Église sous les régimes communistes[A 55]. Il défend très vite les droits de l'homme, considérant la liberté de pratiquer sa religion comme le fondement de toutes les autres libertés lors d'un discours pour le trentième anniversaire de laDéclaration des droits de l'homme[A 56].
Jean-PaulII décide d'aller au Mexique en 1978. Au cours de son voyage, il multiplie les rencontres et les allocutions. Il visite le sanctuaire marial deNotre-Dame de Guadalupe. Au cours de ce voyage le pape critique les fonctions politiques que prennent certains prêtres[B 36], en partie liés à lathéologie de la libération. Cependant le refus par le pape de fonctions trop politiques de la part du clergé ne l'empêche pas de prendre position pour la défense des pauvres et des indigènes[A 57]. Il invite ainsi à lutter contre l'injustice et dénonce les atteintes portées à la dignité de l'homme[B 37].
Dès l'année suivante il visite laPologne, l'Irlande, lesÉtats-Unis (il est le premier pape à se rendre à laMaison-Blanche[34]) et laTurquie[A 58]. Il débute au cours des audiences papales du mercredi une véritable catéchèse sur la destinée humaine, la sexualité ou la théologie du corps. En 1980 il se rend enAfrique, enFrance et auBrésil. Il défend l'appartenance à l'Église catholique de l'Église uniate, que Staline avait voulu dissoudre et annexer au patriarcat orthodoxe[A 58].
Atteint par trois balles, le pape doit être opéré en urgence, mais aucun organe vital n'est atteint[35]. L'attentat ayant lieu le jour-anniversaire de la première apparition de laVierge de Fátima, qu'il devait mentionner dans son discours,Jean-PaulII attribue sa survie à l’intervention de la Vierge de Fátima[A 60], et il pense que cet attentat est celui évoqué dans lemessage de Fátima.
Plusieurs thèses ont été formulées sur un possible commanditaire. Selon certaines sources, cet attentat pourrait être l’œuvre duGRU, les services de renseignements de l’armée soviétique[A 61] ;cependant, l'étude des archives desservices secrets bulgares par Allen Weinstein et les membres d'une commission d'enquête américaine du Center for Democracy ne permit pas de découvrir de preuves susceptibles d'attester d'une participation bulgare ou du KGB[réf. nécessaire]. D'autres personnes, du fait de la nationalité de Mehmet Ali Ağca, pensent que des groupes islamistes radicaux pourraient être à l'origine de l'attentat[A 62], le jeune Turc étant contre la visite du pape en Turquie, voyant en lui« le Commandant des Croisades, Jean-Paul déguisé en chef religieux. Si cette visite n'est pas annulée, je ne manquerai pas de tuer le pape-Commandant »[A 63].D'autres sources[Lesquelles ?] laisseraient entendre qu'il s'agirait d'une action menée par lamafia turque commanditée par la mafia italienne. Enfin, certains n'y ont vu que la volonté propre de Mehmet Ali Ağca, considérant qu'il souffrait de troubles psychiatriques[A 64].
À la suite de cet attentat, qui a manqué de peu de lui coûter la vie et qui lui laissera des séquelles, le pape circule parmi la foule dans une voiture blindée, surnommée la« papamobile ». En 1983, il se rend dans la cellule de Mehmet Ali Ağca pour lui accorder son pardon[D 17].
En,Lech Wałęsa, qui lance le syndicatSolidarność, place sur les grilles deschantiers navals de Gdańsk des affiches deJean-PaulII, qu’il présente comme une référence morale. Il obtient la permission de rencontrer le pape en 1981 ; il affirme alors que« sans l'Église rien ne peut se passer » en Pologne[A 65],[D 18].Jean-PaulII publie sa première encyclique sociale entièrement consacrée à la question du travail,Laborem Exercens[36]. Il affirme dans cette encyclique la supériorité du travail sur le capital, définissant une anthropologie catholique du travail. Il défend aussi la légitimité des syndicats[A 66].
Par cette encyclique, il montre son soutien à la cause polonaise deSolidarność. Il pousse les évêques polonais à défendre les accords qui ont lieu en Pologne[A 67]. Cette période marque un fort rapprochement entre l'administration Reagan etJean-PaulII, qui partagent des informations confidentielles sur la Pologne[d]. Ronald Reagan soutient aussi la position du pape sur les questions liées à l'avortement. Le, face à l'augmentation des protestations en Pologne, le généralWojciech Jaruzelski déclare laloi martiale[A 68].Jean-PaulII cherche alors à apaiser les revendications, craignant un bain de sang, et affirmant qu'il faut promouvoir la paix. Lors de sa visite en Pologne en 1983, il soutient les opposants au régime. Il appelle les Polonais à suivre leur conscience, à« faire un effort pour être un individu doté de conscience, appeler le bien et le mal par leur nom et de ne pas les confondre… développer en soi ce qui est bon et chercher à redresser le mal en le surmontant en soi-même ». Par la suite il défend la justice sociale, les droits fondamentaux, les salaires équitables et les syndicats interdits par la loi martiale[A 69]. Au cours de cette visite, il reçoit le titre dedocteur honoris causa de l'université Jagellonne[37].
Attaque à Fatima en 1982
Dans le filmTestimony, portant sur la vie deJean-PaulII, le cardinalStanisław Dziwisz affirme que le souverain pontife a été blessé par un coup de poignard lors d'une visite au sanctuaire marial de Fatima au Portugal en 1982.
Le pape, qui venait remercier, dans ce sanctuaire, la Vierge Marie pour avoir échappé aux coups de feu tirés contre lui parMehmet Ali Ağca, est attaqué parJuan María Fernández y Krohn, un prêtre intégriste espagnol opposé à la libéralisation de l'Église. Celui-ci se précipite sur lepape avec un poignard à la main, mais il est rapidement maîtrisé. L'information n'est pas diffusée et le pape termine son voyage sans révéler ses blessures.« Je peux aujourd'hui révéler que le Saint-Père avait été blessé. Quand nous sommes entrés dans la salle, nous avons vu qu'il saignait », déclareStanisław Dziwisz dans le documentaire.
Jean-PaulII fait un voyage en 1983 en Amérique centrale, au cours duquel il prend position contre lathéologie de la libération. Il défend la lutte contre la pauvreté et l'exclusion qui touche ces populations, mais s'oppose aux révolutions armées[A 70]. Face aux théologiens voulant concilier révolution et christianisme, il appelle à l'unité de l'Église et au dialogue, montrant une opposition à certains aspects de lathéologie de la libération[A 71]. S'il condamne la théologie de la libération et le communisme, il adopte une posture plus ambiguë envers les dictatures militaires implantées en Amérique latine. AuNicaragua, il refuse de donner la main au pèreErnesto Cardenal, agenouillé devant lui, pour son adhésion à la théologie de la libération et sa participation au gouvernementsandiniste en tant que ministre de la Culture. Pourtant, au cours de ce même voyage en Amérique centrale, il rencontre et salue le dictateur guatémaltèqueRíos Montt, ultérieurement condamné à80 ans de prison pour génocide, et au major salvadorienRoberto D'Aubuisson, chef des paramilitaires responsables de l'assassinat de l’archevêqueÓscar Romero[38].
Lors de son séjour enArgentine alors sous dictature militaire, en juin 1982, après avoir été accueilli« avec une profonde affection » par le généralLeopoldo Galtieri, il refuse de recevoir les organisations humanitaires et s’abstient de toute critique au sujet des atteintes aux droits de l'homme. En 1987, il est reçu parAugusto Pinochet au Chili. Le, des opposants à la dictature se rassemblent afin de tenter d'obtenir le soutien du souverain pontife. La police charge la foule et des carabiniers ouvrent le feu ; une personne est tuée, six cents sont blessées et des dizaines arrêtées mais en dépit de ces violencesJean-PaulII n'interrompt pas sa messe donnée à proximité et n'y fait pas allusion[38]. Cependant le pape ne critique pas lors de cette visite le vicariat à la solidarité, organisé par l'Église chilienne, qui aide les opposants au régime[A 72]. Au cours de cette visite, il demanda en privé àAugusto Pinochet de démissionner et de rendre le pouvoir à la société civile[D 19].
Il rencontreMère Teresa et lui demande à partir de 1986 d'être son porte-parole pour défendre la position de l'Église concernant la vie, et notamment son opposition à l'avortement[D 20]. En 1986, il lance les premièresJournée mondiale de la jeunesse. Ces journées sont nées de sa volonté de répondre aux préoccupations des jeunes et de les rencontrer.Stanisław Dziwisz affirme que ces journées sont issues des rassemblements qu'il a eus avec les jeunes, et particulièrement celui ayant eu lieu à Paris, au Parc des princes, en 1980[D 21]. Ces rencontres réunissent des millions de personnes, et ont lieu tous les deux ou trois ans.
En 1988, il publie l'encycliqueSollicitudo Rei Socialis[39]., où il défend une vision chrétienne du progrès social, tout en dénonçant les inégalités criantes entre le Nord et le Sud[D 22].
Jean-PaulII a pris l'initiative d'inviter les représentants de toutes les grandes religions à Assise, le, pour participer à une Journée mondiale de la prière. Pour la première fois dans l'histoire, toutes les religions sont représentées ensemble afin de prier pour la Paix[D 23]. Sa démarche ne relevait pas du syncrétisme : toutes les religions étaient ensemble pour prier, mais ne priaient pas d'une seule voix[D 24]. Cette démarche inter-religieuse fut critiquée parMarcel Lefebvre[D 24]. Au cours de cette journée le pape pria avec les autres chefs religieux, et fit acte de repentance, affirmant que les catholiques n'avaient pas toujours été des bâtisseurs de paix[A 73].
Au cours de cette journée pour la paix, il n'y eut aucun mort sur les champs de bataille[D 25].
Nouveau millénaire
Statue de cire du papeJean-PaulII au musée Tussaud de Londres en 1992.
Lachute du mur de Berlin en 1989 et la fin de l'URSS, deux ans plus tard, furent considérées comme liées à l'action deJean-PaulII. Ses voyages, en Pologne notamment, avaient contribué à fragiliser lecommunisme.
Jean-PaulII critique alors avec plus de force les dérives ducapitalisme. Au Mexique il dénonce les inégalités criantes de richesses dans le monde, du fait d'un capitalisme qui se développe sans souci du bien commun[D 26]. La même année il publie l'encyclique socialeCentesimus Annus[40], où il critique le néolibéralisme et sa conception capitaliste du profit qui ne tient compte ni de l'homme ni des ressources de la terre.Jean-PaulII refuse« la primauté des choses matérielles sur l'homme » et insiste sur la nécessité d'une éthique dans l'économie. Il affirme que l'exploitation du pauvre et des ignorants est« un crime contre l'œuvre de Dieu »[A 74], affirmant que les pays pauvres jugeront les pays riches.
Lors de sa visite en Pologne àLubaczów les 2 et 3 juin 1991, il dénonce avec force la société de consommation. Il réaffirme également dans ses homélies son opposition claire à l'avortement et appelle les Polonais à suivre leur conscience et à ne pas confondre liberté et immoralisme. Il dénonce« toute cette civilisation du désir et du plaisir qui règne désormais sur nous, en profitant des divers moyens de séduction. Est-ce de la civilisation ou de l'anticivilisation ? »[A 75].
Il proclame l'année 1994année de la famille. Il fait de la lutte contre l'avortement l'une de ses priorités[D 27], luttant contre sa légalisation lors de la conférence desNations unies au Caire[D 27]. Il dénonce alors une« culture de mort », et invite les catholiques à défendre la vie humaine face auxmanipulations génétiques, à l'avortement et à l'euthanasie[A 76].
Il organise leJubilé de l'an 2000 qui marque le deux millième anniversaire de la naissance de Jésus[F 2]. Au cours de cette année, il soutient officiellement la démarche d'annulation de la dette des pays d'Afrique, initiative lancée parBob Geldof etBono.
Jean-PaulII a tenu à ce que l'Église catholique fasse acte de repentance pour les erreurs commises par les chrétiens dans l'histoire. Cela concerne :
l'affaireGalilée : en 1992, la commission d'étude de lacontroverse ptoléméo-copernicienne a remis ses conclusions et a reconnu les erreurs commises par les théologiens de l'époque[41] ;
les relations avec lejudaïsme : en mars 1998, une déclaration émanant de la Commission vaticane pour les relations avec le judaïsme, comportant une introduction de la main du pape lui-même, admettait l'existence d'uneculture antijudaïque diffusée par l'Église dans le passé[42] ;
L'historienPhilippe Levillain estime que trop malade,Jean-PaulII« n'a pas réellement gouverné l'Église » durant les cinq dernières années de son pontificat[44].
Jean-PaulII avait réclamé dès l'ouverture de son pontificat que« les malades soient placés au premier rang »[45]. Il a lui-même subi en tout six interventions chirurgicales. Après avoir perdu trois litres de sang lors de l'opération de cinq heures qui a suivi l'attentat de 1981, il a été transfusé avec du sang contaminé par uncytomégalovirus, ce qui l’affaiblira énormément par la suite[G 16],[46]. Il a souffert de lamaladie de Parkinson depuis le milieu desannées 1990. Il a été victime d'une tumeur de l'intestin, suivie d'une opération en 1992. Il fit plusieurs chutes, occasionnant notamment unefracture du col du fémur et uneluxation de l'épaule.
En 2005, il contracte une grippe qui se transforme en laryngotrachéite aiguë avec des crises de spasmes dularynx, ce qui l'oblige à être hospitalisé le. Le, il est de nouveau hospitalisé à la suite d'une crise d'étouffement, puis on pratique unetrachéotomie. Il s'était entraîné à prononcer la bénédictionUrbi et orbi le jour de Pâques mais reste muet à sa fenêtre, sans arriver à dire un mot. Le, il est victime d'unchoc septique, d'uncollapsus cardio-vasculaire et d'uneinfection urinaire en même temps.Jean-PaulII refuse alors l'hospitalisation. Dans la journée du, il dit adieu à ses collaborateurs, un par un, puis écoute l'Évangile de Jean prononcé par une des religieuses qui l'avait servi pendant25 ans.
Trois aéroports — Fiumicino, Ciampino, et l’aéroport militaire de Pratica di Mare — accueillent quelque110 avions d’États et une soixantaine d’avions civils pour l’arrivée de ces délégations qui comprennent jusqu’à une cinquantaine de membres ; sont notamment présents lors des funéraillesGeorge W. Bush, président des États-Unis,Jacques Chirac, président de la République française,Juan Carlos, roi d'Espagne etAlbertII, roi des Belges. Parmi les dignitaires religieux qui se rendent à Rome, on trouve, entre autres,Rowan Williams, archevêque deCantorbéry et président du Conseil mondial des évêques anglicans, etBartholoméeIer, patriarche orthodoxe de Constantinople.
Plus de3 millions de personnes viennent à Rome, du 2 au 8 avril 2005. Celles qui vont en la basilique vaticane, saluer la dépouille du pape, défilent au rythme de 21 000 à l'heure, soit350 personnes à la minute. L'attente va de 13 à 24 h, avec une queue maximale de cinq kilomètres.
Le jour des funérailles, 500 000 fidèles se trouvent place Saint-Pierre et Via della Conciliazione, 600 000 dans les sites urbains dotés d'écrans géants installés par la municipalité. La salle de presse du Saint-Siège et le Conseil pontifical pour les Communications sociales délivrent plus de 6 000 accréditations (journalistes, photographes, reporters de radio-télévision) pour la couverture de l'événement.137 chaînes TV de81 pays diffusent la messe de funérailles. On estime à deux milliards le nombre de personnes qui ont vu la cérémonie d'enterrement deJean-PaulII à travers le monde[F 3].
La messe de funérailles est concélébrée par157 cardinaux, en présence de700 archevêques et évêques, 3 000 prélats et prêtres.
Carte des pays déclarés en deuil national à la mort deJean-PaulII.
Au total,58 pays décrètent une ou plusieurs journées de deuil à la suite du décès deJean-PaulII. Certains sont à majorité catholique comme le Brésil, l'Italie, les Philippines, la Pologne. D'autres comptent en revanche une part minoritaire de chrétiens, à l'instar de l'Inde, du Tchad, de l'Albanie, etc. Dans d'autres pays, dont la France, la Suisse et la Turquie, les drapeaux sont mis en berne sur les bâtiments publics.
Il a plus que doublé le nombre desnonciatures (ambassades du Saint Siège) qui passent de 85 en 1978 (à son élection) à 174 à la fin du pontificat.
Au 16 octobre2004, il a participé à plus de 1 475 entretiens avec des personnalités politiques, comprenant les38 visites officielles :738 audiences avec deschefs d'État et 246 avec des chefs de gouvernement,190 ministres des affaires étrangères,642ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège. Ces chiffres ne comprennent pas les diverses rencontres qui ont lieu en clôture de cérémonies liturgiques, tant au Vatican que de par le monde.
De plus, il a institué la journée du malade (célébrée chaque année le) et lesJournées mondiales de la jeunesse (JMJ), la journée mondiale pour la Paix, la journée mondiale pour les migrants et les réfugiés, la journée mondiale pour les communications ainsi que six autres journées mondiales.
Représentations diplomatiques du Saint-Siège.
En 1989, il rencontre leChef Raoni afin de discuter des enjeux liés à la préservation de laforêt amazonienne.
Il a été le premier pape à tenir des conférences de presse dans desavions etune dans la salle de presse du Saint-Siège ().[pas clair]
L'organisation de l'Église a été profondément remaniée sous le pontificat deJean-PaulII. Il a, au cours des 9 consistoires, créé 232 cardinaux et cherché à universaliser la Curie. Dès 1988, la majorité des cardinaux, ceux qui élisent le pape, venait des pays non européens[E 1]. Il a également convoqué6 réunions plénières du collège des cardinaux.
Jean-PaulII a voulu rendre l'administration du Vatican universelle. Il nomma aux postes importants de la Curie des cardinaux venant du monde entier commeFrancis Arinze ouFrançois Xavier Nguyen Van Thuan, alors que l'administration était principalement italienne avant son pontificat[D 28]. Privilégiant la pastorale à la gouvernance du Vatican, il délègue une bonne partie de ses pouvoirs à soncardinal secrétaire d'ÉtatAgostino Casaroli surnommé le« vice pape »[47].
Il a nommé plus de 3 500 des 4 200 évêques encore vivants lors de son décès. Il intervient directement dans la nomination des évêques, ce qui fut critiqué comme une marque d'autoritarisme du pape[E 1]. Il n'a pas fait évoluer la pratique dessynodes des évêques, et convoqua quinze synodes : six assemblées générales ordinaires (sur la famille en 1980, la réconciliation en 1983, les laïcs en 1987, la formation des prêtres en 1990, la vie consacrée en 1994 et en 2001 sur le ministère épiscopal), une assemblée générale extraordinaire (sur leconcileVaticanII en 1985), sept assemblées spéciales (sur l'Europe en 1991 et en 1999, l'Afrique en 1994, leLiban en 1995, l'Amérique en 1997, l'Asie et l'Océanie en 1998) et unsynode particulier (pour lesPays-Bas en 1980). Il réaffirma l'autorité du pape sur les évêques et les églises locales afin de renforcer l'universalité de l'Église[E 2].
Il a consacré environ 10 000 audiences auxévêques venus àRome.
Il a permis l’ordination d'hommes mariés dans certains cas très précis (par ex. pasteurs protestants mariés qui se convertissent au catholicisme). Il a œuvré à la promotion du diaconat.
Jean-PaulII appuiera tout au long de son pontificat l'émergence et le développement de nouvelles congrégations religieuses et les nouvelles formes de rassemblement de catholiques en dehors des structures paroissiales habituelles de l'Église. Une partie de ces communautés et associations avaient des origines pré-conciliaires. Il les avait parfois rencontrées pendant ces voyages durant le concileVaticanII. Il les appuya durant son pontificat malgré certaines réticences parmi des membres de la Curie. Il marqua son attachement à ces groupes commeCommunion et Libération, leMouvement des Focolari, lacommunauté de l'Arche, communauté de vie avec des personnes handicapées ; l'Opus Dei, qui favorise la sanctification sur le lieu de travail ; leslégionnaires du christ, mouvement de laïcs ; leChemin néocatéchuménal, fondé dans les taudis de Madrid ; lacommunauté de l'Emmanuel, fondée par un laïc ; laCommunauté de Sant'Egidio, promouvant un intense engagement social, ouSodalitium Christianæ Vitæ, mouvement né au Pérou qui a une mission d'enseignement[F 4]. Le pape les soutient malgré les risques de déstabilisations que ces mouvements pouvaient représenter vis-à-vis des structures traditionnelles de l'Église[F 5].
Pays visités parJean-PaulII.Jean-PaulII visitantEstelle Satabin lors d'une visite au Gabon en 1983.
Durant son pontificat,Jean-PaulII effectue104 voyages, représentant576 jours en dehors du Vatican,143 voyages en Italie,740 visites àRome ainsi qu'àCastel Gandolfo. Il rend visite à 317 des333 paroisses de Rome. Il visite129 nations, la plupart d'entre elles accueillant un pape pour la première fois, et614 villes. La distance parcourue lors de ses voyages apostoliques est de 1 163 835 km soit28 fois le tour de la Terre ou presque trois fois la distance Terre-Lune.
Les trois pays les plus visités parJean-PaulII sont : la Pologne, son pays natal (neuf fois) ; la France (huit fois, dont sept fois en métropole et une fois àLa Réunion) ; et les États-Unis (sept fois).Jean-PaulII a un attachement particulier pour la France[51]. Il rappelle, lors de son premier voyage en France en 1980, qu'elle est la « fille aînée de l'Église » et demande, à la fin de son homélie auBourget :« France, Fille de l’Église et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l’homme, à l’alliance avec la sagesse éternelle ? »[52]. Il effectue également deux voyages àLourdes (1983 et 2004), un voyage « européen » àStrasbourg[53],Metz, etNancy (1988), un voyage pour le 1 500e anniversaire dubaptême de Clovis àReims (1996), et un voyage pour lesJournées mondiales de la jeunesse àParis (1997)[54].
Durant son plus long voyage, le32e, qui a lieu en novembre-décembre 1986,Jean-PaulII, qui a déjà visité l'Inde du au de la même année, parcourt le Bangladesh, les Seychelles, Singapour, les îles Fidji, la Nouvelle-Zélande et l'Australie.
Alors que certains de ses voyages (comme aux États-Unis ou àJérusalem) le mènent sur les traces dePaulVI, beaucoup d’autres pays n’ont jamais été visités par un pape. Il devient le premier pape à se rendre au Royaume-Uni où il rencontre la reineÉlisabethII, gouverneur suprême de l’Église d'Angleterre. Lui et l’archevêque anglican de Cantorbéry s’embrassent devant les médias dans lacathédrale de Cantorbéry.
Il est le premier pape à descendre dans un hôtel et non à lanonciature du pays visité (l'hôtel Irshad deBakou en Azerbaïdjan, en mai 2000), à dire la messe dans un avion, à dire la messe pour la communauté catholique la plus septentrionale (à 350 km au nord du cercle polaire àTromsø en Norvège, en 1989). Il reprend la pratique dePaulVI de baiser la terre à son arrivée sur un sol étranger[55].
Il préside 1 160 audiences générales hebdomadaires en présence de plus de 18 512 300 pèlerins provenant du monde entier, et plus de 1 500 audiences privées. Plus de160 millions de personnes se rendent à Rome pour le voir.
Les raisons de ses nombreux voyages sont sa volonté de montrer le caractère universel de la mission du pape, qui doit parler au monde entier, et doit être un signe visible de l'universalité de l'Église[A 77]. Il veut aussi permettre aux fidèles de voir le pape, en allant lui-même,« comme le Christ », à leur rencontre[D 30], d'autant que beaucoup parmi eux n'ont pas les moyens de se déplacer à Rome[D 31].
Format des visites apostoliques
Durant ses voyages, il montre une dévotion particulière envers laVierge Marie, visitant de nombreux lieux lui étant consacrés, dontLourdes en France par deux fois,Notre-Dame de Banneux en Belgique,Fátima au Portugal,Guadalupe auMexique, ou encoreNotre-Dame de Šiluva enLituanie[56]. Ces visites ont trois principales motivations : l'attachement personnel deJean-PaulII envers laVierge Marie, la volonté de renforcer et populariser les pèlerinages vers des sanctuaires mariaux, et le désir de rappeler la dévotion des catholiques pour la mère du Christ, dévotion qui n'est pas partagée, au même titre, par les protestants[A 78].
Ses visites ont la particularité de rassembler des foules gigantesques. Lors de grandes manifestations, comme lesJournées mondiale de la jeunesse, le nombre du million de personnes présentes est souvent dépassé.
Doctrine sociale
Le pontificat deJean-PaulII a été marqué par un profond engagement social. La dignité de l'homme est l'aspect le plus marquant de sa doctrine au cours de son pontificat[A 79].
Lesystème soviétique athée a été critiqué parJean-PaulII dès le début de son pontificat, même si lecommunisme avait déjà étécondamné parPieXI en 1937[E 3]. Selon le pape, la dignité de l'homme lui confère des droits inaliénables. Ce principe le conduit à critiquer les idéologies et lestotalitarismes qui vont à l'encontre de cette dignité. Cetteopposition au communisme sera renforcée par sa conviction que le communisme nie, selon lui, la vérité tant de Dieu, que la nature humaine[A 80]. Il affirme ainsi que« La vérité est aussi nécessaire que le charbon ». Au nom de la dignité de l'homme dans le travail, il défendit la création de syndicats libres, qui étaient interdits sous le régime communiste. Il favorisa enPologne une résistance intransigeante au communisme. Son élection comme pape venu de derrière lerideau de fer, puis son soutien aux dissidents du bloc soviétique, en particulier au syndicatSolidarność et àLech Wałęsa, ont joué un rôle central dans l’effondrement des régimes communistes d'Europe de l’Est en 1989. Il fut considéré comme l'un des acteurs principaux de lachute du communisme[E 4], ce que reconnutMikhaïl Gorbatchev en 1992 :« Tout ce qui s'est passé en Europe de l'Est au cours de ces dernières années n'aurait pas été possible sans la présence de ce pape, sans le rôle éminent – y compris sur le plan politique – qu'il a joué sur la scène mondiale »[57].
Dénonciation de la pauvreté
Lors d'une visite àRiga en,Jean-PaulII émet « des doutes sérieux sur la validité ducapitalisme », et il précise quelques semaines plus tard que le programme socialiste contenait « des graines de vérité » qui ne doivent pas être oubliées, allant jusqu'à évoquer « les bonnes choses réalisées par le communisme »[58].
Le pape s'est en effet opposé aux inégalités criantes dans le monde. Il rejette l'impérialisme et toutes formes de négation de l'indépendance des nations. Dans ses discours, il s'oppose à des idéologies et politiques telles que leféminisme, l'impérialisme, lerelativisme, lematérialisme, lefascisme (y compris lenazisme), leracisme, et l'ultra-libéralisme. À plusieurs reprises, il a dénoncé l'oppression des plus pauvres.
Démocratie
L'attitude deJean-PaulII à l'égard des courants proches dumarxisme, et notamment lathéologie de la libération, ainsi que sa dénonciation de certains régimes dictatoriaux, tant en Amérique, qu'en Asie, ont favorisé, selon certains, la transition démocratique en Amérique du Sud et en Asie[F 6],[F 7].
À l’occasion de son voyage auChili,Augusto Pinochet demanda au pape :« Pourquoi l’Église parle-t-elle sans cesse de démocratie ? Toutes les méthodes de gouvernement se valent. »Jean-PaulII répondit :« Non, le peuple a le droit de jouir de ses libertés fondamentales, même s’il commet des erreurs dans l’exercice de celles-ci »[59],[E 5]. Au cours de cette même visite, le pape demanda à Augusto Pinochet, lors d'un entretien en privé avec lui, de démissionner et de rendre le pouvoir à la société civile[D 19].
Pacifisme
En 1990-1991,Jean-PaulII s'est opposé à laguerre du Golfe en préparation après l'invasion irakienne du Koweït : cette opposition n'a pas été relayée par les médias[60]. En 2003, il s'est opposé à laguerre d'Irak, « une guerre d'agression » dans la mesure où l'Irak n'avait alors attaqué aucun pays[61].
Le pontificat deJean-PaulII s’est caractérisé par une intensification des échanges avec les autresreligions. Au cours de ses voyages, il a rencontré bon nombre de leurs dignitaires et a prié dans plusieurs de leurs lieux saints. Le papeJean-PaulII a sensiblement amélioré les relations entre le catholicisme et les autres religions. À plusieurs reprises, il a invité les responsables de toutes les religions à une prière commune pour la paix àAssise :, en 1993 pendant la guerre des Balkans et le, quelques mois après les attentats du[E 6].
Jean-PaulII a grandi dans un contexte de culture juive florissante, son intérêt pour elle datant de son enfance[F 8],[D 32]. Il écrit un grand nombre de textes et de discours sur le sujet des relations entre l’Église et lesJuifs, rendant hommage aux victimes de laShoah[A 81]. Son premier voyage, qui est aussi le premier d’unpape en ce lieu, est àAuschwitz. Il est le premier pape à visiter unesynagogue, à laGrande synagogue de Rome en avril 1986[A 82],[E 7]. Il déclare que les juifs sont« nos frères bien-aimés et, d'une certaine manière,[…] nos frères aînés »[62].
En 1993,Jean-PaulII décide de reconnaître l'État d'Israël, établissant pour la première fois des liens diplomatiques officiels avec l'État hébreu, et ceci malgré l'opposition de membres de laCurie qui souhaitaient le règlement de la question palestinienne avant la reconnaissance des relations diplomatiques[A 83]. Lors d'un colloque le[63],Jean-PaulII affirme qu'un« examen lucide du passé […] peut démontrer clairement que l'antisémitisme est sans justification aucune et est absolument répréhensible »[64].
En mars2000,Jean-PaulII se rend auMémorial de Yad Vashem, où il retrouve une rescapée qu'il avait secourue, et demande pardon àDieu pour les actes antisémites commis par les chrétiens[E 6]. Dans un billet glissé dans une fente duMur des Lamentations, il demande à Dieu de pardonner pour les torts faits au peuple juif[D 25].
La rédaction par une partie des théologiens juifs du documentDabru Emet en 2000, qui affirme qu'« un nouveau dialogue religieux avec les chrétiens n'affaiblirait pas la pratique juive et n'accélèrerait pas l'assimilation des juifs » et affirme la volonté de dialogue théologique avec les chrétiens, montre, pour certains, l'impact du pontificat deJean-PaulII qui a permis de favoriser l'émergence de ce courant juif dans le développement du dialogue inter-religieux[F 9].
Des polémiques émaillèrent le pontificat deJean-PaulII. Uncarmel s'était établi àAuschwitz. Cette fondation fut très critiquée par une partie de la communauté juive.Jean-PaulII finit, après plusieurs années, par ordonner aux religieuses de déménager, afin de pacifier les relations[A 84],[D 33]. De même la canonisation d'Edith Stein, juive convertie au catholicisme, morte à Auschwitz fut décriée, et considérée par certains comme une« récupération » de laShoah par l'Église[G 17], alors queJean-PaulII, lecteur d'Édith Stein, considérait celle-ci comme exemplaire et sainte.
Islam
Jean-PaulII devint le deuxième pape à avoir visité laTurquie en se rendant dans ce pays en novembre 1979[65].
Le pape effectue une visite les 18-19 août 1985[66] àCasablanca auMaroc. Il parle devant 80 000 musulmans. Au cours de cette rencontre le pape affirme« nous adorons le même Dieu »[E 8]. Des réactions négatives dans les pays musulmans suivirent cette rencontre ; l'Iran et l'ayatollahKhomeini ne reconnurent plus le titre de commandeur des croyants au roiHassanII[D 34]. Lepape a effectué une visite d’une journée àTunis le 14 avril 1996. L'assassinat des moines de Tibhirine en mai 1996 ainsi que celui de l'évêquePierre Claverie ont cependant rendu les relations entre les deux religions plus difficiles[E 9].
Il encourage la construction d'une mosquée à Rome, tout en demandant plus de réciprocité dans la liberté de culte des pays musulmans[A 82]. Lesattentats du, conduisentJean-PaulII à condamner toute forme de violence au nom de Dieu, et affirme que ces attentats n'ont rien à voir avec le vrai islam[E 9]. Il invita alors à une journée de prière rassemblant toutes les religions et particulièrement les musulmans, voulant éviter de légitimer toute guerre des religions entre chrétiens et musulmans.
Jean-PaulII a rencontré le14edalaï-lama,Tenzin Gyatso au Vatican en 1980, 1982, 1986, 1988 et 1990. Plus tard, le, après une audience avec le pape, le dalaï-lama a déclaré lors de sa rencontre avec leprésident duSénat italienMarcello Pera :« J'ai dit au pape mon admiration pour ce qu'il a fait pour la paix et l'harmonie religieuse dans le monde ».
Le pontificat est marqué par une volonté de rapprochement avec les églises orientales. Dès le début il se pose en avocat deséglises orthodoxes en grande partie contrôlées par le régime communiste. En se proclamant le chef de l'Église silencieuse, il affirme sa défense des églises orientales et occidentales lors de sa première visite en Pologne[A 85].
Sur le sujet de la primauté du pape, il a proposé aux chrétiens des autres confessions de« chercher, évidemment ensemble, les formes dans lesquelles ce ministère pourra réaliser un service d’amour reconnu par les uns et par les autres » dans l’encycliqueUt Unum Sint (1995).
En 1999,Jean-PaulII visite laRoumanie avec les personnalités locales de l’Église orthodoxe. Il est d’ailleurs le premier pape à visiter un pays à majorité orthodoxe depuis leschisme de 1054. Au cours de ce voyage, il demande pardon au nom des catholiques pour lesac de Constantinople[D 35].
Lors duJubilé de l'an 2000, il ouvre la Porte Sainte avec lemétropolite orthodoxe Athanasios et le primat anglicanGeorge Carey, marquant la volonté d'unité des différents chrétiens[D 36]. Cependant il ne put jamais se rendre enRussie, le patriarche de Moscou,AlexisII, refusant de le rencontrer[E 6].
Le, il signe avec le patriarche œcuméniqueBartholoméeIer de Constantinople la déclaration de Venise« pour le bien de tous les êtres humains et pour la protection de la création », une des premières déclarations communes entre catholiques et orthodoxes depuis le schisme de 1054[68].
Les tentatives de réconciliation avec les orthodoxes ont aussi été entravées par des conflits de juridictions et de frontières, lesÉglises uniates réclamant les églises confisquées par les Soviétiques au profit des orthodoxes[E 10]. Le pape fut critiqué du fait duprosélytisme des catholiques en Russie, conduisant au refus de l'épiscopat russe de le recevoir[E 11]. Enfin la reconnaissance par le Vatican de l'indépendance de laCroatie fut très mal vécue par les orthodoxesserbes qui considéraient ce pays comme lié à la Serbie[E 11].
En 1983,Jean-PaulII entre dans un temple évangélique luthérien de Rome et y prononce un sermon en allemand, à l'occasion du500e anniversaire de la naissance deMartin Luther. Aucun pape avant lui n'avait fait un tel geste[70].
À plusieurs reprises il demande pardon, au nom des catholiques, pour les torts infligés aux autres chrétiens[D 37]. Ainsi, lors de son voyage enSlovaquie, il se rend devant un monument commémorant l'assassinat decalvinistes par des catholiques[D 38].
Jean-PaulII développa une véritable théologie du corps au cours de129 conférences de 1979 à 1984. Cet enseignement est considéré comme une« bombe à retardement » théologique[72],[G 18]. Dans sa catéchèse,Jean-PaulII affirme, en s’appuyant sur uneanthropologie biblique, que le corps, créé à l’image de Dieu, a pour vocation première de permettre lacommunion entre l’homme et la femme, cette communion étant à l’image de la communion des personnes en Dieu. La sexualité ne peut donc pas se réduire à une relation deplaisir, qui réduit l’homme ou la femme à un objet dont on peut se satisfaire. Cette tendance utilitariste est selonJean-PaulII une conséquence dupéché originel. Cependant selonJean-PaulII, le Christ contribue à restaurer la sexualité à travers le mariage, qui devient donc le lieu indissociable de la sexualité. Lemariage est le lieu de la communion entre deux personnes, à l’image de Dieu. La relation du mariage conduit à une relation de soumission réciproque de l’homme et de la femme, source de sanctification. La sexualité, le don des corps selonJean-PaulII, dans l’acte conjugal vient donc exprimer et réaliser le don mutuel que les époux font d’eux-mêmes et de toute leur vie. La sexualité exprime donc l’amour, lafidélité et l’honnêteté entre les époux.
Cette conception conduitJean-PaulII à confirmer l’opposition de l’Église à lacontraception. Celle-ci va à l’encontre de la dignité du mariage et du don véritable des époux, et empêche une communion véritable à l’image de Dieu. Dans un entretien avec des scientifiques, il affirme qu’il ne veut pas séparer la sexualité de sa« potentialité procréative », la contraception allant à l’encontre de la vocation de l’homme et de l’ordre dans lequel Dieu l’a créé. SelonJean-PaulII l’homme n’est pas et ne doit pas être maître de la vie, mais dépositaire de la vie[E 13].
Son opposition alla aussi à l’encontre de l’avortement. La vie humaine étant présente dès la fécondation, tout avortement constitue selon lui un meurtre[E 14], constituant une atteinte fondamentale tant auxdix commandements« tu ne tueras point », mais aussi à la dignité de l’homme qui est niée.
À plusieurs reprises, il a rappelé l’enseignement de l’Église concernant l’exigence de fidélité conjugale et la recommandation d’éviter les méthodes artificielles decontraception. Ainsi quand on l’interrogea sur la possibilité d’utiliser la contraception pour éviter des avortements,Jean-PaulII affirma que la contraception et l’avortement étaient les deux fruits d’une même plante, qui conduit à nier toute la vocation à l’amour présente dans le mariage.
Il n'a jamais prononcé une seule fois le motpréservatif, mais a par contre insisté de nombreuses fois sur l'efficacité absolue de l'abstinence et de la fidélité contre les maladies sexuellement transmissibles[73]. Cette position fut très vivement critiquée, certains accusant le pape d’être responsable duSIDA en Afrique.
Face aux nouvelles questions de bioéthique et notamment la fécondation artificielle, il publia le documentDonum Vitæ[74]. Le document la considère comme« une technique moralement illicite parce qu'elle prive la procréation humaine de la dignité qui lui est propre et conaturelle », ainsi le détachement de la fécondation de l'acte sexuel, tout comme la contraception est là encore critiqué[E 15]. Il s’opposa à tous les travaux sur les cellules souches embryonnaires, leclonage humain, qu’il considère comme une atteinte à la dignité humaine.
Il a également confirmé la tradition catholique sur lemariage en s'opposant aumariage homosexuel. Il a par ailleurs maintenu l’interdiction de la communion sacramentelle pour les divorcés remariés en raison de leur absence de communion spirituelle préalable avec l'enseignement de l'Église.
Plusieurs observateurs ont relevé que le Saint-Siège avait tardé à réaliser l’ampleur du problème des abus sexuels commis par des prêtres[75],[76]. Ces dossiers étaient traités, la plupart du temps, dans les diocèses[77], ce qui a pu empêcher une prise en compte globale de ce phénomène. PourBernard Lecomte,Jean-PaulII, sans être indifférent, a pu être négligent sur ce problème[76]. Les accusations en 1998 contre le pèreMarcial Maciel Degollado, fondateur desLégionnaires du Christ, n'ont pas été traitées avec suffisamment de moyens et de rapidité[76],[78],[79],[80]. Cette confiance excessive dans la personne du père Marcial Maciel constitue, d'aprèsGeorge Weigel, une erreur de gouvernement du pape[81]. Les allégations d'abus sexuels contre le cardinalHans Hermann Groër, n'ont pas non plus donné lieu à une enquête immédiate[82],[83],[84]. L'habitude de traiter les affaires de mœurs dans la discrétion, une certaine culture du silence qui prévalait sur ces sujets, n'ont pas favorisé l'émergence de la vérité et la reconnaissance publique des souffrances subies par les victimes[75],[83]. Pour plusieurs vaticanistes, un tournant est pris en 2001, avec le motu proprioSacramentorum sanctitatis tutela deJean-PaulII et la lettreDe delictis gravioribus (Les Délits les plus graves), envoyée par le cardinal Ratzinger, imposant aux évêques de faire remonter les dossiers d'abus sexuels à Rome[85],[77]. Une plus grande transparence est alors préconisée[85],[86],[87]. En avril 2002, alors que le scandale des abus sexuels de prêtres américains sur des enfants vient d'éclater,Jean-PaulII convoque onze cardinaux, tous venus desÉtats-Unis. À cette occasion, il déclare :« les gens ont besoin de savoir qu’il n’y a pas de place dans la prêtrise et dans la vie religieuse pour ceux qui feraient du mal aux jeunes. » Il ajoute être« profondément peiné » et tient à exprimer sa« solidarité aux victimes des violences sexuelles et à leurs familles, où qu’elles soient »[88].
Il a redonné une impulsion auculte des saints, en célébrant 1 338 béatifications et 482 canonisations[F 5] dont402 martyrs. Il réforme les exigences de la canonisation, en ne demandant qu'un miracle au lieu de deux pour canoniser[A 86],[F 10]. La volonté du Pape était de montrer l'universalité de la sainteté[D 39], leconcileVaticanII affirmant que tous les chrétiens étaient appelés à la sainteté.Jean-PaulII voulait donc revivifier la dévotion aux saints qui avait été un peu oubliée après le concileVaticanII[F 10], la vie des saints étant souvent considérée comme exceptionnelle et éloignée de la réalité quotidienne. Il a recherché par ces nombreusesbéatifications etcanonisations à démontrer que tous les catholiques étaient appelés à devenir des saints, et ceci quels que soient leurs pays, leurs cultures et leurs origines, montrant par là même l'universalité de l'Église[A 86]. Ainsi, il béatifia de nombreuses personnes, tant laïcs que prêtres et religieux, montrant que tous les états de vies, le mariage comme la vie religieuse, étaient des formes possibles de la sainteté[F 5].
En octobre 1986, il décide de constituer une commission de cardinaux et d’évêques pour préparer un projet de catéchisme universel romain et en confie la présidence au cardinalRatzinger. Le cardinal autrichienChristoph Schönborn en sera l’un des principaux rédacteurs[89]. LeCatéchisme de l'Église catholique[90] est approuvé officiellement[91], le, par le pape qui le considère comme un acte majeur de son pontificat[92].
La publication du catéchisme de l'Église catholique avait pour objectif de montrer que le catholicisme pouvait rendre compte de la foi, de l'amour qui sont à la base de la vie chrétienne[F 2]. Dans cet ouvrage sont expliquées la doctrine et la tradition de l'Église catholique. Il place au cœur de l'enseignement de l'Église l'enseignement de la Vérité[F 11].
Liturgie et spiritualité
Le pape a commencé son pontificat par l'écriture de deux encycliques,Redemptor Hominis etDives in Misericordia[93], recentrant la foi catholique sur la personne du Christ rédempteur et invitant à approfondir le mystère de la miséricorde de Dieu[94]. En 1986, il complète cette trilogie par l'encycliqueDominum et vivificantem, consacrée à l'Esprit Saint[95],[94].
Le, à l'occasion de la célébration du centenaire de la naissance d'Albert Einstein, il exprime le désir que des théologiens, des savants et des historiens, animés par un esprit de sincère collaboration, approfondissent l'examen du cas Galilée. Le, il désigne une commission d'étude chargée de réexaminer l'affaireGalilée, afin de reconnaître les erreurs commises par l'Église[G 19]. Le, il reconnaît les erreurs de la plupart des théologiens dans la condamnation deGalilée en 1633.
Théorie de l'évolution
Le, il reconnaît dans un message à l’Académie pontificale des sciences que lathéorie de l’évolution est« plus qu’une hypothèse », faisant allusion au qualificatif qu'avait employéPieXII dans son encyclique de 1950,Humani Generis. Il précise en revanche que les théories qui verraient« l'esprit comme émergeant des forces de la matière vivante ou comme un simple épiphénomène de cette matière sont incompatibles avec la vérité de l'homme » et« incapables de fonder la dignité de la personne »[98].
Il a abordé laquestion écologique sous un angle théologique, en associant la « structure de péché » à ce qui blesse la Création de Dieu. Ses interventions les plus remarquées en matière d'écologie sont :
l'encycliqueRedemptor Hominis en 1979, où il met en cause« les structures et les mécanismes financiers, monétaires, productifs et commerciaux qui, appuyés sur des pressions politiques diverses, régissent l'économie mondiale : ils s'avèrent incapables de résorber les injustices héritées du passé et de faire face aux défis urgents et aux exigences éthiques du présent. Tout en soumettant l'homme aux tensions qu'il crée lui-même, tout en dilapidant à un rythme accéléré les ressources matérielles et énergétiques, tout en compromettant l'environnement géophysique, ces structures font s'étendre sans cesse les zones de misère et avec elles la détresse, la frustration et l'amertume[100]. »
son voyage à Récif en 1980, où, dans une homélie, il exprime son souci de l'avenir de la terre qui sera léguée auxgénérations futures ;
son appel en faveur du Sahel en 1985 ;
son allocution à un congrès de cosmologie le, où il affirme la nécessaire prise de conscience d’une coresponsabilité à l’échelle mondiale pour la sauvegarde la planète ;
son message pour la journée de la paix, le, où il associe l’écologie à la sauvegarde de la paix entre les peuples[101].
« À côté du problème de la consommation, la question de l'écologie, qui lui est étroitement connexe, inspire autant d'inquiétude. L'homme, saisi par le désir d'avoir et de jouir plus que par celui d'être et de croître, consomme d'une manière excessive et désordonnée les ressources de la terre et sa vie même. À l'origine de la destruction insensée du milieu naturel, il y a une erreur anthropologique, malheureusement répandue à notre époque. L'homme, qui découvre sa capacité de transformer et en un sens de créer le monde par son travail, oublie que cela s'accomplit toujours à partir du premier don originel des choses fait par Dieu. Il croit pouvoir disposer arbitrairement de la terre, en la soumettant sans mesure à sa volonté, comme si elle n'avait pas une forme et une destination antérieures que Dieu lui a données, que l'homme peut développer mais qu'il ne doit pas trahir. Au lieu de remplir son rôle de collaborateur de Dieu dans l'œuvre de la création, l'homme se substitue à Dieu et, ainsi, finit par provoquer la révolte de la nature, plus tyrannisée que gouvernée par lui[102]. »
Le 12 juin 1999, dans une homélie à Zamosc (Poligne), il déclare« La beauté de cette terre me pousse à invoquer sa préservation pour les générations futures (…) Je m’adresse en particulier à ceux auxquels a été confiée la responsabilité de ce pays et de son développement, les invitant à ne pas oublier le devoir de le protéger contre la destruction écologique ! Qu’ils préparent des programmes pour la protection de l’environnement et qu’ils veillent à leur application efficace ! Qu’ils adoptent surtout des comportements de respect pour le bien commun, pour les lois de la nature et de la vie ! »[103].
En 2001, lors d'une audience générale, il a appelé à une« conversion écologique », soulignant que« Ce qui est en jeu n'est donc pas seulement une écologie « physique », attentive à sauvegarder l'habitat des divers êtres vivants, mais également une écologie « humaine » qui rende plus digne l'existence des créatures »[104].
Le, il a signé avec le patriarche œcuméniqueBartholoméeIer de Constantinople la déclaration de Venise« pour le bien de tous les êtres humains et pour laprotection de la création », une des premières déclarations communes entre catholiques et orthodoxes depuis le schisme de 1054[105]. Cette déclaration fixe six objectifs éthiques[68].
Le 8 avril 2005, lors des funérailles deJean-PaulII, présidées par le doyen du collège cardinaliceJoseph Ratzinger, une partie de la foule scande en italien« Santo subito! »« saint tout de suite »[106], appuyant cette demande par des calicots écrits en grandes lettres rouges. Le futurpapeBenoîtXVI, alors encore cardinal Ratzinger et responsable de l'office religieux, n'a pas répondu immédiatement à ces souhaits d'autant plus que ce mouvement était mûrement préparé et non spontané : l'exécuteur testamentaire deJean-PaulIIStanisław Dziwisz a joué un rôle non négligeable et des banderoles étaient faites par leMouvement des Focolari[107].
Le cardinalCamillo Ruini, vicaire de l'évêque de Rome, demande que la cause deJean-PaulII soit introduite sans attendre la fin du délai de cinq ans après sa mort. Le, soit24 ans jour pour jour après l’attentat de la place Saint-Pierre, et seulement41 jours après la mort du pape, son successeurBenoîtXVI, élu le19 avril, dispense la cause en béatification deJean-PaulII du délai de cinq ans.
C'estJean-PaulII lui-même qui avait ramené de trente ans (code de droit canonique de 1917) à cinq ans après la mort du candidat le délai requis pour l’ouverture d’une cause. Mais il avait aussi fait une exception à cette règle en autorisant, en 1999, l'ouverture du procès diocésain deMère Teresa deux ans seulement après sa mort[108].Antoine de Padoue a été canonisé un an après sa mort, mais depuis que le papeSixte Quint a instauré, en 1588, la procédure moderne de canonisation, jamais aucune cause n’a été ouverte aussi vite que celle deJean-PaulII. C'estSławomir Oder qui est nommé postulateur de la cause en béatification du pape défunt.
Le, la guérison de lamaladie de Parkinson d'une religieuse du diocèse d'Aix-en-Provence,sœur Marie Simon-Pierre, est reconnue comme un miracle, et le Vatican annonce sa décision de béatifierJean-PaulII[112],[113]. La béatification a lieu le, place saint Pierre, à l'occasion dudimanche de la divine Miséricorde célébré parBenoîtXVI devant plus d'un million de fidèles, parmi lesquels beaucoup de Polonais[114]. Le cercueil deJean-PaulII, retiré de la crypte vaticane le pour être exposé au public dans le chœur principal de labasilique Saint-Pierre de Rome, est ré-inhumé, le, dans la chapelle Saint-Sébastien de cette basilique, à la place précédemment occupée parInnocentXI[115]. Lacanonisation deJean-PaulII peut donc avoir lieu si une autre guérison miraculeuse, postérieure à la béatification, est authentifiée[116],[117].
Canonisation des bienheureuxJeanXXIII etJean-PaulII par le papeFrançois.Tombeau deJean-PaulII dans la chapelle Saint-Sébastien de labasilique Saint-Pierre de Rome, dont le nom est modifié depuis sa canonisation.
Le 23 avril2013, la commission de sept médecins de laCongrégation pour les causes des saints reconnaît le caractère scientifiquement inexplicable d'une guérison attribuée àJean-PaulII. Il s'agit deFloribeth Mora Diaz, avocatecostaricienne, atteinte d'une maladie incurable, plus précisément d'une lésion cérébrale, qui aurait été guérie dans la soirée du, le jour de la béatification deJean-PaulII[118].
La commission des théologiens a reconnu le caractère scientifiquement inexpliqué de cette guérison le, selon la presse italienne.
Le 2 juillet 2013, les évêques et cardinaux membres de laCongrégation pour les causes des saints se réunissent en assemblée plénière pour évoquer différents cas de béatifications et de canonisations. Dès le5 juillet suivant, le papeFrançois autorise la congrégation à promulguer le décret permettant la canonisation des bienheureuxJean-PaulII etJeanXXIII. Lors duconsistoire convoqué le, le pape fixe la date de la cérémonie de canonisation de ses deux prédécesseurs au[119],dimanche de la divine Miséricorde, fête instituée parJean-PaulII, fixée par lui au deuxième dimanche de Pâques, et au cours duquel il meurt le[120].
Le, lors de la messe dudimanche de la divine Miséricorde, le papeFrançois préside la cérémonie de canonisation conjointe des papesJeanXXIII etJean-PaulII. C'est la première fois dans l'histoire de l’Église qu'unedouble canonisation de papes a lieu en présence de deux papes vivants, François, qui préside la cérémonie, accompagné de son prédécesseurBenoîtXVI[122].Jean-PaulII est fêté le 22 octobre, date de son intronisation pontificale.
Il en va de même pour le parvis des cathédrales deMetz, Nancy (visitées toutes les deux par le pape en 1988) et deCambrai, et celui de l'église Notre-Dame des Mineurs àWaziers[125] et de la basilique Saint-Sernin àToulouse[126]. La place jouxtant lacathédrale d'Évry (qu'il avait visitée le), initialement appelée« clos de la Cathédrale », porte le nom de« square Jean-Paul-II »[127].
Une statue en bronze de9 mètres de haut du papeJean-PaulII a été offerte à la ville dePloërmel, dans leMorbihan, par l'artiste russeZurab Tsereteli[128], nommé citoyen d'honneur de la ville. Cette œuvre d'art, installée au centre-ville, place SaintJean-PaulII, a été inaugurée le dimanche après-midi en présence de 2 000 personnes. La subvention du conseil général du Morbihan pour ce monument a été annulée par le tribunal administratif de Rennes, à la suite d'un recours de membres de la Libre Pensée du Morbihan. La même statue (mais non surmontée d'une croix) du même artiste a été inaugurée le à Paris près de lacathédrale Notre-Dame en présence de la maire de Paris,Anne Hidalgo, de l'ancien maire de Ploërmel,Paul Anselin et de l'artiste russe, Zourab Tsereteli.
Une autre statue en bronze de3 mètres et de7 tonnes deJean-PaulII a été érigée le sur le parvis de labasilique de Fourvière àLyon en mémoire de son passage le. Elle a été intégralement financée par le mécénat et la fondation Fourvière à hauteur de 200 000 €.
La maison où il se rendait d'habitude en été pour ses vacances, auxCombes d'Introd, enVallée d'Aoste, est devenue aujourd'hui unmusée. Elle témoigne de son amour pour la montagne, qu'il considérait être l'endroit idéal pour la réflexion et la prière.
ÀNice, depuis le, la place sise devant le monastère franciscain de Cimiez porte le nom deJean-PaulII et est ornée d'un buste le représentant.
Le 18 mai 2020, jour de la réouverture du Vatican, fermé en raison de lapandémie de Covid-19, le pape François célèbre une messe pour le centenaire de la naissance deJean-PaulII.
Selon un article de duNew York Post,Jean-PaulII a procédé personnellement à troisexorcismes pendant son pontificat. Le premier exorcisme qu’il a conduit a eu lieu en 1982 sur une femme qui se convulsait sur le sol. Le deuxième a eu lieu en septembre 2000 quand il a pratiqué le rite sur une femme de19 ans qui était devenue furieuse sur la place Saint-Pierre. Un an plus tard, en septembre 2001, il a exorcisé une femme de20 ans.
Jean-PaulII avait étécréé cardinal par le papePaulVI en 1967. À sa mort, il était donc le prélat le plus ancien ayant reçu la dignité cardinalice, aucun autre cardinal n’ayant alors autant d’ancienneté.
Au début de son pontificat et conformément à l'orthographe latine, le double prénomJean Paul s'écrivit quelque temps sans trait d'union. Lorsque le site du Vatican utilisa ce trait d'union sur la partie francophone de son site, cette nouvelle orthographe s'imposa peu à peu.
Neuf jours après le décès du pape, le maire deCholet (Maine-et-Loire), décide de renommer la rue du Commerce enrue Jean-Paul-II et ce fut la première rue à porter son nom enFrance.
Le,Jean-PaulII préside une messe au sein duCamp Nou, stade defootball où évolue leFC Barcelone. À cette occasion, il devient officiellement un « socio » du club catalan[132].
D'azur à la croix d'or décentrée à dextre, accompagnée dans le canton en pointe senestre du « M » marial d'or. Totus tuus ego sum, Maria « Je suis tout à toi, Marie »
Jean-PaulII a prononcé 20 351 discours pendant son seul pontificat dont 3 438 hors d'Italie. Ses écrits et textes de discours représentent plus de 80 000 pages (soit environ40 fois le volume de la Bible).
Les seuls écrits officiels deJean-PaulII représentent55 volumes auxquels il faut ajouter des publications à titre personnel et sans doute des milliers de lettres et documents privés divers.
En tant que Karol Wojtyła, sous son nom ou sous le pseudonyme Andrzej Jawień
Frère de notre Dieu (1944-50) etÉcrits sur le théâtre, éditions Cana/Jean Offredo et éditions du Cerf, 1983,157 p(ISBN978-2-204-01967-5) (Cerf)(ISBN978-2-86335-037-9) (Cana).
La Boutique de l’orfèvre, en 1960, traduit aux éditions Cana/éditions du Cerf, 1983,157 p(ISBN978-2-204-01455-7).
Entrez dans l’Espérance, avec Vittorio Messori, 1994, Rééd. Pocket, 2003, 331 p.(ISBN978-2-266-14091-1).
Homme et femme il les créa : une spiritualité du corps, Cerf, 2004, Documents d’Église, 694 p.(ISBN978-2-204-07589-3).
Jean-PaulII parle aux enfants, illustrations de Giulia Orecchia, Flammarion, 2004, Albums jeunesse, 84 p.(ISBN978-2-08-162639-3).
À vous les jeunes. Paroles d’un père spirituel, en coll. avec sœur Joëlle-Marie Micaud (commentaires), Saint-Augustin, 2004, 108 p.(ISBN978-2-88011-343-8).
Mon dernier livre de méditations pour le troisième millénaire, textes choisis par Krzysztof Dybciak sous l'autorité du Saint-Siège, Claude-Henry du Bord et Christophe Jezewski (traduction), 348 p., Éditions du Rocher, 2008(ISBN978 2268 06512 0).
Poèmes
Triptyque romain (édition originale :Trittico romano. Meditazioni traduit parGrazyna Miller - éditions du Cerf, 2003, 64 pages)
Disques
En tant que Karol Wojtyła
Karol Wojtyla Poesie, poèmes de Karol Wojtyla, musiques d'accompagnement écrites par Jean-Pierre Stora, dits en italien par Giulietta Masina et Romolo Valli, 1979
Karol Wojtyla Poèmes, poèmes de Karol Wojtyla, musiques d'accompagnement écrites par Jean-Pierre Stora, dits en français par Judith Magre et Sébastien Lemoine, 2020
Parmi quelques autres, letéléfilmKarol, l'homme qui devint pape, deGiacomo Battiato, racontant la vie de Karol Wojtyla à partir de ses18 ans dans la Pologne en guerre et jusqu'à sa mort. La prestation dePiotr Adamczyk dans le rôle deJean-PaulII est assez étonnante, notamment par les transformations physiques majeures de l'acteur pendant le déroulement chronologique du film (vieillissement du visage et du corps).
Après sa première présentation et projection au Vatican avec le réalisateur et les acteurs, le papeBenoîtXVI a qualifié le film de« véritable encyclique » et a déclaré« Le film montre des scènes et des épisodes dont le réalisme suscite chez le spectateur un frisson d'horreur instinctif et le poussent à réfléchir sur les abîmes de cruauté qui peuvent se cacher dans l'âme de l'homme. Dans le même temps, la révocation de telles aberrations ne peut manquer de raviver en chaque personne ayant des sentiments justes l'engagement à faire tout ce qui est en son pouvoir afin que ne se répètent jamais plus des épisodes de barbarie si inhumaine » en parlant de l'Europe et de la Pologne en guerre[140].
En 2016, la sérieThe Young Pope dePaolo Sorrentino s'inspire partiellement de la personnalité deJean-PaulII pour élaborer le personnage de Lenny Belardo (Jude Law), devenu pape sous le nom dePieXIII. CommeJean-PaulII, ce personnage se distingue par sa jeunesse au moment de son élection au pontificat, et par certaines particularités de son mode de vie : il a ainsi l'habitude de faire son jogging en survêtement, ce qui embarrasse son entourage (cette activité ne s'accordant pas avec la dignité papale). Dans la réalité, cette habitude était partagée parJean-PaulII qui avait pour coutume de faire son jogging dans les jardins du Vatican : l'allure décontractée du Saint-Père obligeait alors la sécurité à redoubler de vigilance pour qu'il ne soit pas aperçu dans cette tenue autre que la traditionnelle soutane blanche[141]. Sa santé déclinant,Jean-PaulII devra abandonner certaines de ses activités sportives.
2001 :Un Pape pour l'HistoireJean-PaulII d'après l'œuvre de George Weigel. Commandant L.L.C 2001
2006 :Jean-PaulII - Sa vie, son pontificat produit par le Centre de télévision du Vatican [distr. HDH Communications].
2011 :Jan PawełII. Szukałem Was… (Jean-PaulII. Je vous ai cherché), long métrage polonais réalisé par Jarosław Szmidt sur un scénario écrit avec Mariusz Wituski
2020 : Christiane Ratiney,Jean-PaulII, le triomphe de la réaction, collection « les coulisses de l'histoire ».
Jean PaulII Santo Subito[142] de l'abbé Pierre Amar, du Padreblog, Éditions Parole & Silence, Lethielleux[143] et réédité en aux Éditions Artège[144].
Comédie musicale
Jean-PaulII de Michel Olivier Michel produite par l'association Revelateur. À Paris les, et, et les et. Une comédie musicale avec plus de50 jeunes chanteurs, danseurs, acteurs sur scène.
Discographie
En 1980,Jean-Pax Méfret composeLe messager, dans lequel il chante le rôle du Pape dans la chute du communisme.
Pierre Bachelet en 1986 composaL'Homme en blanc, hommage à tous les voyages deJean-PaulII dans le monde.
Christine Baud,Jean-PaulII, le messager de la paix. Récit pour enfant de la vie deJean-PaulII. [distribué par les Éditions des Béatitudes]
Chanson hommage àJean-PaulII,Un berger de Pologne (vêtu de blanc), texte de Michel Jourdan, musique de Jean-Pierre Stora et Georges Nawrocki
↑Le quotidienLe Monde, comme le faisait le Vatican au début du pontificat, écritJean PaulII, sanstrait d’union. Il peut s’agir d’unlatinisme, car lelatin ne connaît pas letrait d’union, pas même lorsqu’il est employé par l’Église catholique d’aujourd’hui en tant que langue officielle.
↑cf. Entretien du pape avecAndré Frossard :« À vingt ans, j'avais déjà perdu tous ceux que j'aimais, et même ceux que j'aurais pu aimer, comme ma sœur ainée qui, paraît-il, mourut six ans avant ma naissance. »
↑L'administration américaine donnant au pape des informations stratégiques, notamment des vues satellites de la Pologne. Cette relation très proche pendant le mandat deRonald Reagan peut être considéré par certains comme une alliance tacite entre les États-Unis et le Vatican (cf LivreSa Sainteté de Carl Bernstein et Marco Politi). Cependant dans ses mémoiresStanisław Dziwisz nie toute« alliance » de la part deJean-PaulII, même s'il confirme des relations très proches (cf.p. 154 des mémoires de Stanislas Dziwisz).
↑Cette pièce a été adaptée pour le cinéma par Michel Anderson sous le titre originalLa Bottega dell'orefice,La Boutique de l'orfèvre au Québec etThe Jeweller's Shop aux États-UnisIMDB.
↑Mais à notre époque, l'Église demeure un« signe de contradiction » (Lc 2, 34). Ce n'est pas sans raison que le papeJean-PaulII, alors qu'il était encore cardinal, avait donné ce titre aux Exercices spirituels prêchés en 1976 au papePaulVI et à la curie romaine.,http://www.libertepolitique.com/public/decryptage/article.php?id=1452.
↑LeNew York Times inclut Karol Wojtyła dans la liste des10papabile aprèsPaulVI en 1976.
↑Mais à notre époque, l'Église demeure un« signe de contradiction » (Lc 2, 34) Exercices spirituels prêchés en 1976 au papePaulVI et à la curie romaine.
↑a etbMaurice Lemoine,Les enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d’Etat modernes et autres tentatives de déstabilisation, Don Quichotte,,p. 152-154
↑Marc Girard,Les Symboles dans la Bible : essai de théologie biblique enracinée dans l'expérience humaine universelle, Editions Fides,(lire en ligne),p. 722.
↑« Lituanie : 400 ans des apparitions de la Vierge Marie à Siluva »,Zenit,(lire en ligne, consulté le).
↑« Message du papeJean-PaulII adressé le aux participants d'une conférence internationale sur le sida » et« Rencontre avec les nouvelles générations au Stade Nakivubo de Kampala (Ouganda) le » dans Bernard Lecomte,Jean-PaulII, folio, 2006,p. 749-750.
↑Simon M.,« Le catéchisme deJean-PaulII, genèse et évaluation de son commentaire du symbole des apôtres », éd. Peeters Publishers, 2000,p. 648(ISBN978-90-429-0910-6).
↑Dives in Misericordia,, Sur la miséricorde divine etRedemptor Hominis,, sur la dignité humaine.
↑a etbThéo, l'encyclopédie catholique pour tous, éd. Mame, Paris 2009,p. 513.
↑MónicaCárdenas Moreno, « La culture populaire péruvienne à l’intérieur de la tradition artistique européenne. Passage et métissage dans la peinture d’Herman Braun-Vega »,Amerika. Mémoires, identités, territoires,no 14,(ISSN2107-0806,DOI10.4000/amerika.7149,lire en ligne, consulté le) :
« Le pouvoir est critiqué […] par le remplacement des personnages les plus puissants de la scène : le couple royal reflété dans le miroir. Braun-Vega rend contemporain le pouvoir représenté dans le miroir à travers deux personnages : le pape Jean Paul II accompagné par son invité au Vatican Kurt Waldheim »
↑« Jean-PaulII témoins de l'espérance », surpapej-p2.blogspot.com(consulté le).