L'opposition du jaune et dubleu forme avec celles entre lerouge et levert et entre lenoir et leblanc la base de la perception humaine des couleurs, constituée dès les cellules nerveuses ganglionnaires et bipolaires, dans l'œil. Ces six couleurs sont lescouleurs élémentaires deHering[2].
Ensynthèse additive, les jaunes et les orangés s'obtiennent par mélange descouleurs primaires rouge et verte, avec une faible quantité de primaire bleue s'ils ne sont pas saturés. Leur colorimétrie dépend de celles des primaires, qui varient suivant la technique utilisée, et leurs proportions exactes. Avec un écran sRGB, les jaunes selon AFNOR X08-010 ajoutent au rouge de 0,64 à 0,91 fois autant de vert.
Ensynthèse soustractive, c'est-à-dire principalement enphotographie argentique en couleurs et enimpression en couleurs, le jaune est une des trois couleurs primaires avec lecyan et lemagenta. En synthèse soustractive, les couleurs primaires ne sont pas définies par une longueur d'onde. L'étendue du spectre visible est divisée en trois zones, correspondant au rouge, au vert et au bleu. Les couleurs primaires soustractives correspondent idéalement à des filtres qui bloquent la zone de la couleur complémentaire, laissant passer tout le reste. Le filtre jaune bloque les lumières de la zone du bleu, laissant passer celles de la zone du rouge et celle de la zone du vert.
unedensité optique supérieure à 2 (transmet moins de 1 % de la lumière) pour les longueurs d'onde inférieures à 510 nm
une densité optique inférieure à 0,3 (transmet plus de 50 % de la lumière) pour les longueurs d'onde supérieures à 528 nm[3].
Enimprimerie, les trois couleurs primaires de la synthèse soustractive forment avec lenoir la base de l'impression en couleurs enquadrichromie, codée CMJN (cyan, magenta, jaune, noir). La norme ISO 2846, qui fixe la courbe d'absorption spectrale et la transparence des encres afin de permettre une reproduction uniforme en quadrichromie, définit avec précision le jaune primaire.
Le jaune est la seule primaire de synthèse négative pour laquelle on dispose de colorants réalisant d'assez près l'idéal d'uneteinture bloc[4].
Le jaune est une couleur primaire, on ne peut pas en produire à partir de pigments ou teintures d'autres couleurs. On mélange par contre souvent un colorant jaune à un colorant principal pour en ajuster la teinte. Les matières jaunes ternes ne manquent pas ; ces ajustements se font principalement pour tirer la couleur vers l'orangé ou vers le jaune-vert.
La peinture et la teinture ont utilisé des colorants jaunes depuis des temps reculés. La teinture a surtout eu recours aux matières d'origine végétale (épice telle que lesafran ; herbes telles que les fougères, orties, cerfeuil ; arbustes tels que lagaude — plante favorite des teinturiers —, labruyère, lacamomille ou legenêt), tandis que la peinture utilisait des minéraux broyés[5]. Toutes ces matières demandant des préparations, parfois compliquées, la limite entre couleurs naturelles et couleurs artificielles n'est pas nette ; mais à partir du milieu duXIXe siècle, l'essor de l'industrie chimique a produit des colorants organiques entièrement artificiels, qui, souvent, surpassent leurs prédécesseurs en éclat, en résistance à la lumière et aux lavages.
l'ocre jaune (PY43) sert depuis lapréhistoire et jusqu'à nos jours ; l'orpiment (ou jaune royal, jaune dePerse et orpin de Perse, jaune d'arsenic, or des fous...), en usage depuis l'Antiquité, a été, comme leréalgar (PY39, les deux), complètement abandonné à cause de ses multiples inconvénients : il est toxique, instable et change la couleur des autres pigments par interaction chimique (PRV3,p. 130-131).
Le corps du grand cheval de lagrotte de Lascaux est peint à l'ocre jaune.
Laluminosité du jaune est élevée, ce qui le rend propre auxvaleurs claires. La représentation des ombres d'un objet de couleur jaune doit trouver la teinte debrun convenable. Sa couleur decontraste oucouleur complémentaire se situe, selon la nuance, dans lesbleu-violets ou lesviolets, couleurs sombres quand elles sont pures. Il se classe parmi lescouleurs chaudes ; on « réchauffe » un vert ou un rouge en lui ajoutant du jaune. Un jaune peut être plus ou moins chaud. On le réchauffe en le rendant plus orangé. On le refroidit en le lavant de blanc, ou le rompant avec du vert. Le jaune sert ainsi souvent en peinture pour ajuster le coloris, sans apparaître pur dans l'image. Les artistes classiques peignaient souvent avec des couleurs trop froides pour tenir compte de lapatine, la tendance des huiles et vernis à jaunir en vieillissant[6].
L'homme préhistorique utilise les pigments jaunes de l'ocre dans l'art pariétal[7]. L'ocre jaune fournit un pigment naturel couvrant, très solide et qui s'allie facilement avec le noir de charbon et les terres rouges.
L'art religieux médiéval différencie les deux jaunes, le brillant, tirant sur l'orangé, et le terne, tirant sur le vert. On utilise l'or pour les saints, dont l'auréole, souvent réduite à un cercle doré, indique qu'ils rayonnent la lumière de l'Esprit. Le fonds desicônes est souvent d'or. Le jaune terne désigne la trahison. C'est ainsi queGiotto di Bondone peintJudas avec une robe jaune dans la scène de la trahison duChrist[b].
À partir duXVe siècle les artistes ont plus recours à l'expression corporelle qu'à une symbolique des couleurs pour indiquer le rôle des figures. Le Judas de laCène deLeonard de Vinci a la même tenue que ses voisins. Les artistes hollandais utilisent le jaune sans discrimination.
« C'est curieux la révolution amenée par l'art japonais (...) Qui est-ce qui aurait osé peindre, il y a vingt ans, une femme en robe jaune. Ça n'a pu se tenter qu'après laSalomé japonaise deRegnault, et cette introduction autoritaire dans l'art de l'Europe de la couleur impériale de l'Extrême-Orient, c'est une vraie révolution dans la chromatique du tableau et de la mode. »
Les artistes de la fin duXIXe siècle vont utiliser abondamment le jaune de cobalt. LesTournesols devan Gogh étaient sans doutejaune impérial avant que la mauvaise tenue de ce pigment ne les ternisse[9].
EnOccident, le jaune, quand il estdoré et qu'il brille, est un insigne de la gloire, de la sagesse, du bon conseil[11].
Durant l'Antiquité, les Romains ont porté le jaune lors des cérémonies et des mariages. Le système antique s'articule autour de trois pôles, le blanc, le noir et le rouge. Le bleu ou le jaune n'ont pas la même importance que les trois autres sur le plan symbolique et social[12]. Dans laGrèce antique et laRépublique romaine, le jaune est une belle couleur, signe de richesse, de prospérité (couleur associée à l'or), de fertilité, de chaleur, de lumière, de joie, et est souvent associée au sacré.« Mais àRome, à l'époque impériale, pour des raisons méconnues, le jaune se déprécie et devient dans le vêtement une couleur que l'on évite. Au théâtre, par exemple, c'est la couleur des affranchis, des parvenus, des efféminés et des hypocrites[13] ».
Dans lathéorie des humeursgalénique, la bile jaune est celle de la colère. Elle a son origine dans le foie, dont les maladies donnent un teint jaunâtre. Quand le jaune est mat, terne, verdâtre, il s'associe à l'infâmie[15]. Ainsi dit-on que le jaune est « la couleur des cocus » et« la livrée des jaloux (...) et la couleur destraîtres en France, où l'on barbouille de jaune le portail de leurs maisons, selon que celle deCharles de Bourbon le fut, pour marquer sa félonie sousFrançois premier[16] ». Dans les romans médiévaux, un chevalierfélon commeGanelon s'habille de jaune[17].
Lequatrième concile du Latran imposa aux Juifs en territoire catholique le port d'un signe distinctif ; en France, ce fut larouelle jaune, le béret ou lechapeau pointu souvent de couleur jaune, jusqu'au début duXIXe siècle quand lesghettos s'ouvrent enfin[18]. Le jaune est une couleur dépréciée en devenant la couleur la plus mauvaise à la fin du Moyen Âge. Elle devient le symbole de la fausseté, lafélonie, lemensonge, lafolie ou lecrime, et celui deJudas, lefélon par excellence. C’est ainsi qu’elle devient le symbole desJuifs. Le jaune lié aux Juifs est un jaunesafran d’où la création d’unJudasroux au Moyen Âge - le roux associe les mauvais côtés du rouge avec les mauvais côtés du jaune[19]. Mais la correspondance entre Juif et jaune est loin d'être parfaite, puisque la couleur du signe distinctif des Juifs varia.
Le drapeau duSaint-Siège est jaune et blanc, allusion aux Clefs d'or et d'argent de sesarmoiries.
Exemples d'usage infamant du jaune :
En France on remettait aux bagnards libérés un passeport jaune qui les condamnait à l’opprobre pour la vie[c].
On désigne jusqu'à nos jours commejaune un ouvrier non-gréviste, un briseur degrève, qui est, du point de vue gréviste, un « traître ». Après la création des premierssyndicats jaunes en 1899, uneFédération nationale des Jaunes de France revendique le terme de 1902 à 1912, pour montrer son opposition aurouge arboré par les syndicatssocialistes. Par la suite, lesyndicalisme de collaboration a évité l'association à la couleur jaune que lui assignent ses adversaires[15],[21].
En obligeant les Juifs à porter uneétoile de David jaune, les nazis activaient un code de couleur séculaire, relié aussi bien à l'or qu'à l’infamie.
Le langage entretient les associations négatives : lerire jaune s'oppose au rire franc et sincère, il est contraint, c'est un rire nerveux déclenché par la peur, la honte ou la gêne[22].
Le jaune reste la couleur la moins appréciée en Occident[23].
Enhéraldique on échappe à l'association négative en disantor (voiror) pourjaune ; la différence entre le vrai or et un vil métal de couleur jaune est peut-être l'origine de la dévalorisation du jaune dans la société européenne duMoyen Âge, et l'association entre la couleur jaune et la trahison peut trouver son origine dans la dénonciation des faux-monnayeurs, conduits au supplice couverts d'une robe jaune. La couleur or se trouve investie des aspects positifs liés à la richesse, tandis que le jaune ne conserve que les aspects négatifs[24].
AuXVIe siècle enTurquie, le voyageur françaisPierre Belon remarque que les Juifs doivent y porter un turban jaune alors que celui des Turcs est blanc[25].
L'expressionjaune — ourace jaune — est parfois encore employée en Occident pour désigner de manière générique les personnes originaires d'Asie de l'Est, que leurcouleur de peau soit teintée de jaune ou pas. Lepéril jaune évoque en Europe à la fin duXIXe siècle la crainte despeuples d'Asie de l'Est. Cette association du jaune avec laChine n'est pas tout à fait dénuée de correspondance dans l'écriture chinoise.
La couleur de la terre jaune est sans doute à l'origine du nom dufleuve Jaune (Huánghé, 黃河/黄河). Le caractèrechinois traditionnel 黄 (pinyin :huáng) se traduit ordinairement parjaune. Formé à partir de lalumière desterres labourées, il a peu à peu évolué vers la désignation générique de la couleur jaune, associée, parmi les sept directions, au centre. Le caractère chinois traditionnel 漢 (pinyin :hàn), qui désigne le peuple chinois, en dérive[26].
EnExtrême-Orient, le jaune (chinois traditionnel 黄 ; pinyin,huáng) est la couleur du pouvoir comme lerouge ou plus précisément lapourpre l'est en Europe. Autrefois en Chine, le vêtement jaune était réservé exclusivement à l'empereur et s'en vêtir était considéré, pour qui que ce soit d'autre, comme un acte de rébellion et de trahison, passible de mort[réf. souhaitée]. Letapis de fonction était jaune, et non rouge. Le premier empereur, mythique, est appelé l'empereur jaune (黄帝,Huángdì).
Dans la cosmologiewuxing des cinq phases, le jaune s'associe à l'élément terre ; dans le cycle des conquêtes et des engendrements, il succède au rouge du feu et succombe au blanc du métal.
L'usage des couleurs en signalisation impose un petit nombre de couleurs bien distinctes afin de ne pouvoir être confondues. Des normes spécifient parfois la nuance particulière à employer.
Dans le code de couleurs desrésistances électriques et descondensateurs, la couleur jaune correspond au chiffre 4, au multiplicateur ×10000 et à un coefficient de température de 25 ppm. La normeCEI 60757 la nomme YW (abréviation de yellow).
Avec lerouge, lebleu et levert, le jaune est l'une des quatre couleurs adoptées par laCommunauté européenne pour les conteneurs et poubelles dutri des déchets[réf. souhaitée]. Les conteneurs jaunes sont en principe destinés à recevoir les emballages en plastique et en métal.
EnFrance, les degrés de gravité se marquent par une progression de couleurs vert —jaune — orange — rouge. C'est le cas pour unealerte météorologique ou pour leplan Vigipirate.
Dans certains pays comme laFrance et enSuisse, le jaune signale lesboîtes aux lettres publiques et les véhicules postaux.
Enhéraldique, le jaune est appeléor, sans distinction de nuance, à l'exception de l'orangé, couleur rare mais distincte.
Dans certaines villes, le jaune est la couleur destaxis. Lesfiacres parisiens étaient souvent peints en jaune auXIXe siècle[27]. Une compagnie deNew York exploitait, en 1880, desvoitures hippomobiles de la même couleur. John Daniel Hertz fonda laYellow Cab Company àChicago en 1907, peignant ses voitures automobiles en jaune, certain que dans l'environnement urbain, c'était la couleur la plus visible de loin. L'usage en est passé àNew York où la couleur jaune est devenue obligatoire pour les taxis, exemple suivi par d'autres villes américaines.
Ledrapeau de la Catalogne étant rouge et jaune commecelui de l'Espagne, les partisans de l'indépendantisme catalan adoptent le jaune comme couleur distinctive en2017. Après avoir appliqué l'article 155 lui permettant d'organiser de nouvelles élections duparlement de Catalogne pour le, le gouvernement espagnol décide le d'interdire les lumières jaunes dans les espaces publics deCatalogne (fontaines, façades), celles-ci pouvant être interprétées comme un soutien aux indépendantistes[28].
EnFrance, un mouvement social d'origine automobiliste, lancé en, se désigne commegilets jaunes, ayant pris comme emblème legilet haute visibilité à utiliser en cas d'urgence, obligatoire dans les véhicules.
Le mot « jaune » est issu dulatingalbinus, dérivé degalbus, « vert pâle, jaune »[30],[31].
Dans la plupart des langues,jaune est une classe de couleurs à la fois vives et claires. Les langues qui ont troischamps chromatiques connaissent le clair (blanc), le sombre (noir), le coloré (rouge). Les langues qui en ont quatre différencient soit un champ coloré et clair (jaune), soit un champ coloré et sombre (vert), celles qui en ont cinq connaissent les deux. La distinction entre le jaune et le brun, entre le jaune et l'orangé, entre le jaune et le beige ne se trouve que dans les langues qui possèdent au moins sept champs chromatiques[32].
AnnieMollard-Desfour,« La haute note jaune. Identité chromatique du Midi », dansCatalogue d'exposition.Oh couleurs ! Le Design au prisme de la couleur,.
↑Couleurs calculées par interpolation cubique des fonctions trigonométriquesCIE XYZ, mélange d'une proportionp de la couleur à (1-p) d'un gris de même luminosité et multiplication par un facteur, tels que la conversion en coordonnéessRGB linéaires donne 0 pour la composante la plus faible et 1 pour la plus forte, conversion en valeurs sRGB. Le rendu des couleurs n'est correct que si les réglages de l'écran sont conformes à la sRGB.
↑Françoisde La Mothe Le Vayer,Opuscules, ou Petits traittez, Paris, T. Quinet,(lire en ligne). Il se peut que la « livrée des jaloux » ait à voir avec la langue italienne, dans laquelle le jaune estgiallo. Voir aussiLe nain jaune, conte publié en 1698.
↑Louisde Maynard, « L'Antony du bagne »,Le Routier des provinces méridionales,,p. 83-86(lire en ligne)
↑MauriceTournier, « Couleurs, fleurs et drapeaux dans les débuts de la Troisième République »,Mots. Les langages du politique,no 81,(lire en ligne, consulté le)
↑PaulGrunebaum-Ballin, « Les Juifs d'Orient d'après les géographes et les voyageurs »,Revue des études juives,vol. 27,no 53,,p. 131(lire en ligne, consulté le)
↑KyrilRyjik,L'idiot chinois : Initiation à la lecture des caractères chinois, Paris,Payot,.
↑Attesté dansLa Pucelle de Belleville, dePaul de Kock, 1834.
↑V. Vals, « Catalogne: le jaune, couleur non grata sur les bâtiments et les fontaines », L'Indépendant,(lire en ligne, consulté le).