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Unjardin est un lieu durablement et hypothétiquement aménagé où l'on cultive de façon ordonnée desplantes domestiquées ou sélectionnées. Il est le produit de la technique dujardinage et, comme elle, il remonte au moins à l'Antiquité. Les différentes cultures humaines dans le monde, au fil des époques, ont inventé de nombreux types et styles de jardins. Lieux d'agrément, de repos, de rêverie solitaire ou partagée, les jardins ont aussi été revêtus dès l'Antiquité d'une valeur symbolique. Ils apparaissent dans les mythologies et les religions, et ils ont été fréquemment évoqués dans les arts.
Le termejardin est attesté auXIIe siècle au sens de « terrain, généralement clos, où l'on cultive des végétaux utiles ou d'agrément » (Grand mal fit Adam, éd. H. Suchier, 88). Il remonte à un gallo-roman*hortus gardinus (autrement *HORTU GARDINU,gardinium étant attesté auIXe siècle enlatin médiéval), ce qui signifie littéralement « jardin entouré d'une clôture », composé du latinhortus « jardin » et duvieux bas francique*gart ou*gardo « clôture » (d'où l'ancien françaisjart, gart « jardin » et le russe город,gorot)[1]. Le terme vieux bas francique, langue non attestée, est reconstitué d'après levieux haut allemandgart, garto « jardin », l'ancien néerlandaisgaert et le gotiquegarda[1]. Cette étymologie suggère que le jardin se doit d'être clos pour être protégé de l'extérieur et bien entretenu à l'intérieur.
Le mot s'est diffusé dans les autres langues romanes à partir du françaisjardin, ainsi qu'en anglais (garden) via le normandgardin, semblable au picardgardin[1].
Au sens actuel un jardin comprend 3 composantes qui sont simultanément présentes :
la notion d'aménagement durable de l'espace : dans, proche ou extérieur à l'habitation, clos ou délimité, aménagé d'équipements hydrauliques, d'entretien, d'aides à la végétation comme les pots horticoles, de circulations, de meubles, d'objets d'art, de constructions fonctionnelles ou décoratives. L'aménagement a généralement un caractère pérenne car les jardins sont spécialement destinés à cultiver des plantes vivaces, des arbres, qui sont durablement présents, mais les jardins peuvent aussi être saisonniers dans les pays à saisons marquées, ou fugaces.
la notion de culture des végétaux signifie que les végétaux ont pour le moins été sélectionnés intentionnellement, naturalisés, ou plus communément sont des plantes qui ont subi unedomestication, l'objet de nombreux jardins est l'étude, la conservation ou la production de végétaux ou de sous produits végétaux. Ces végétaux peuvent être desfleurs, deslégumes, desarbres fruitiers ou d’ornement, des plantes médicinales ou utilitaires. Le terme jardin est également accepté pour un espace clos constituant un décor entièrement minéral typique dujardin japonais, où la notion de culture des végétaux est repoussée à l'environnement.
la notion d'ordonnance qui signifie qu'un jardin est toujours organisé. Philippe Descola, observant les Indiens Achuar, définit le jardin comme une « anti-forêt », exhibant la « maîtrise dans la destruction du naturel »[2].
Unefriche n'est pas un jardin, même si elle est un ancien jardin à l'abandon. La notion de jardin suppose un minimum d'attention, y compris pour ce qu'il est convenu d'appeler jardin sauvage ou naturel qui sont des jardins où on laisse pousser des plantes spontanées.
Lorsque les jardins sont utilisés pour produire delégumes ou defruits, on parle alors de « jardin potager » ou « verger ». Dès la révolution néolithique proche orientale, les jardiniers cultivent également des plantes parfumées,condimentaires,médicinales,tinctoriales, utilitaires. Le mot jardin est utilisé pour les champs de théiers.
Le « jardin d'agrément » et lejardin public, revêtent ces fonctions. L'opposition « jardin d'agrément » et jardin « utilitaire » est moderne : depuis l'origine des jardins, l'essentiel de l'agrément d'être dans un jardin était les plaisirs des sens, les parfums, récolter et manger de bons fruits, s'asseoir dans une ombre reposante, écouter les oiseaux et les bruits des feuillages... Par un lent processus qui commence enEurope sous laRenaissance (invention de l'imprimerie, vue perspective de jardins, invention des aciers pour les outils de coupe, déplacement des jardins vers le nord de l'Europe), le terme « agrément » prend souvent un sens purement visuel et le jardin devient un projet pictural. Dans ce cas, faire un jardin privatif est reproduire une image de jardin, comprenant devant la maison un « jardin pour être vu» et derrière la maison un « jardin privé avec terrasse » et éventuellement une serre chaude (dans les pays à hiver froid) et souvent un gazon ornemental ou d'agrément. L'anthropologue anglais Jack Goody a décrit et analysé la place occupée par la culture des fleurs au sein de nombreuses sociétés ou communautés, le plus souvent dans des parcs et des jardins[3].
On parle deparc et non plus de jardin quand il s'agit d'un jardin étendu et clos.
Les jardins ont leurs propres phénomènes de mode et leurs propres codes ; un lien identitaire fort noue le jardin et son propriétaire. Le jardin peut être appréhendé, selon le lieu et l'époque, comme une vitrine du statut social ou de la personnalité de son propriétaire[4]. Ainsi, les grands jardins royaux en France, en Espagne témoignent de la remarquable maîtrise de l’homme sur la nature et offrent de la sorte une image rassurante de l’ordre que le souverain est censé garantir à ses sujets. Les jardins de Versailles sont à la fois expression et représentation du pouvoir absolu de Louis XIV.
attenant à l'habitation, il devient un lieu d’habitation non couvert typique du climat méditerranéen depuis les premiers villages sédentaires ducroissant fertile : cour intérieure (impluvium,péristyle de l'Antiquité) ;
accessible depuis l'habitation : potagers et vergers urbains et suburbains . Nous pouvons inclure ici leJardin de balcon, de plus en plus populaires dans les grandes citées urbaines.
attenant à un palais, un château, un bâtiment officiel, une ancienne usine, un musée, le jardin perdra sa fonction de production pour devenir un décor comme lejardin à l'italienne des villastoscanes, puis les grands jardins de l'époque classique qui sont conçus comme une mise en scène théâtrale ou picturales (« jardins anglo-chinois ») ;
regroupés, dans le cas desjardins collectifs et familiaux (autrefois appelés « jardins ouvriers ») ou communautaires dans le cas des «jardins partagés» généralement gérés par une association.
Plusieurs styles de jardins existent, depuis l'Antiquité.
Lejardin persan et les jardins moyen-orientaux remontent à la plus hauteAntiquité, aux premiers jardins humains, terrassés, géométriquement ordonnés autour d'un bassin : lesjardins suspendus de Babylone[5] ont façonné l'imaginaire méditerranéen antique.
En Europe, on distingue plusieurs styles de jardins. Lejardin espagnol ou hispano-mauresque, sensuel et parfumé, en est la continuation pendant leMoyen Âge sous l'impulsion des agronomes andalous. Lejardin maniériste, le jardin symbolique, le jardin toscan, s'enrichissent à laRenaissance de statues, grottes, labyrinthes, lourdement chargés de références antiques ou alchimiques. Lejardin à la française inspiré des jardins de l'Italie du nord ;André Le Nôtre, jardinier du roi de France et de NavarreLouis XIV, lui donne une dimension monumentale et le normalise. Lejardin à l'italienne, caractérisé notamment par des rocailles et des bassins, les jardins de la Riviera.
Lejardin à l'anglaise,ou « anglo-chinois » : ses courbes, creux et bosses, fabriques et ruines théâtrales, imitation de la nature sauvage, désordres apparents et sa variété végétale sont une réaction au formalisme du jardin classique à la française. Il ne s'agit que d'une rupture apparente, le jardin romantique est un spectacle visuel au même titre que les jardins classiques.
En Asie, on retrouve principalement lejardin chinois est un micro univers, un monde en miniature. Lejardin japonais exprime une esthétique savante de la perfection combinée au respect de la nature.
Galerie de photos permettant de voir la diversité des styles de jardin
Selon Noé-Conservation[6], les jardins français couvrent plus d’un million d’hectares ; c'est 4 fois la superficie totale de toutes les réserves naturelles, ce pourquoi cette ONG encourage à y protéger labiodiversité et en particulier les papillons[7] (considérés comme bonindicateur de biodiversité), qui ont, par exemple, auRoyaume-Uni décliné de 71 % en 20 ans. Ce taux étant proche de ceux constaté dans la plupart des pays industriels et agricoles d'Europe de l'Ouest.
Les jardins jouent par ailleurs un rôle notamment en ville, en formant des corridors écologiques[8]. Pour que les jardins remplissent ce rôle d'habitats pour la faune, certaines pratiques peuvent être favorables comme la conservation d'une friche[9], l'aménagement de percées dans les clôtures pour permettre le passage des hérissons ou encore l'installation de nichoirs.
En complément de la protection au titre des "Monuments Historiques", le Ministère de la Culture et de la Communication a créé en 2004, sur la proposition du Comité national des Parcs et Jardins un label "Jardin remarquable"[11] dont l’objet est de distinguer des jardins et des parcs, publics ou privés, présentant un intérêt culturel, esthétique, historique ou encore botanique. Ces jardins et parcs doivent être ouverts au public au moins 40 jours par an. Ce label, gage de qualité, est attribué pour 5 ans. En 2017, 407 parcs et jardins revendiquent ce label, en France et dans les DOM.
Les jardins constituent un produit des cultures humaines puisqu'ils forment un type d'aménagement de la nature. Mais ils ont à leur tour été revêtus de valeurs symboliques, que ce soit dans les religions ou dans les arts.
Le mot « paradis » a, dans certaines de ses acceptions antiques, le sens de « jardin ». Plusieurs religions imaginent un lieu de vie éternelle après la mort réservé aux âmes bienheureuses et qui prend la forme d'un jardin agréable : c'est la notion religieuse deparadis. La mythologie gréco-romaine connaît des lieux de ce type, principalement lesChamps Élysées. Dans le christianisme, lejardin d'Eden est l'habitat initial des premiers humains avant le Péché originel à l'issue duquel Dieu les chasse et les rend sujets aux peines, aux maladies et à la mort. Dans l'islam, le paradis est souvent appelé en arabeJannah, « jardin ».
En dehors de ces lieux relevant de l'au-delà, d'autres lieux mythologiques ou légendaires prennent la forme de jardins. Lesjardins suspendus de Babylone, qui font partie desSept Merveilles du monde selon les écrivains de l'Antiquité, relèvent autant voire davantage de la légende que de la réalité historique.
Dans la littérature classique puis européenne, le jardin est un lieu volontiers lié à l'amour, en tant que lieu abritant, protégeant ou enfermant l'objet de l'amour, mais aussi en tant que lieu de séduction et de bonheur. La poésie grecque antique, puis la poésie romaine antique, décrivent la région grecque de l'Arcadie comme une région idéale faite de collines paisibles où des bergers poètes évoluent dans une nature idéalisée et pacifiée en chantant l'amour de leurs belles. La littérature du Moyen Âge et de la Renaissance apprécie le thème du jardin symbolique. Dans la littérature française, il est illustré auXIIIe siècle par leRoman de la Rose, dont la première partie, composée par Guillaume de Lorris, montre un jeune homme qui tente en vain d'entrer dans un jardin où une rose symbolise l'amour et la virginité de la dame aimée. La littérature française duXVe siècle connaît un autre ouvrage important situé dans un jardin symbolique : leSonge de Poliphile (en latinHypnerotomachia Poliphili) qui décrit l'aventure initiatique d'un jeune homme amoureux pour séduire la femme qu'il aime.
En 1869, le poète françaisPaul Verlaine, s'inspirant à la fois de la mythologie gréco-romaine et de la peinture de paysages de jardins, compose son recueilFêtes galantes qui met en scène les promenades amoureuses et les jeux de séduction de jeunes gens dans un vaste parc.
L'écrivain américainJohn Steinbeck publie en 1938, dans son recueil de nouvellesLa Grande Vallée, une nouvelle intituléeLes Chrysanthèmes, qui évoque l'amour d'une femme passionnée de jardinage pour un homme qui semble s'intéresser à ces fleurs.
En 1782, l'abbé françaisJacques Delille consacre un ouvrage savant aux jardins sous la forme d'uneépopée en huit chants,Les Jardins ou l'art d'embellir les paysages.
En 1911, l'écrivaine britanniqueFrances Hodgson Burnett publie le romanLe Jardin secret qui s'inspire des résidences aisées de son époque pour imaginer l'aventure de deux enfants fascinés par un jardin laissé à l'abandon près de leur maison.
Plusieurs romans de l'écrivain françaisHenri Bosco (auXXe siècle), commeL'Âne Culotte ouLe Jardin d'Hyacinthe, mettent en avant des jardins retirés où des personnages d'enfants se promènent et s'adonnent à des rêveries.
La peinture médiévale ou de la Renaissance connaît de nombreuses scènes symboliques situées dans des jardins. Le peintre flamandJérôme Bosch peint ainsi, à la fin duXVe siècle, une représentation du Paradis terrestre intituléeLe Jardin des délices.
De nombreux peintres cherchent des modèles de paysages dans des jardins. Dans les années 1910-1920, le peintre impressionniste françaisClaude Monet peint de nombreuses toiles prenant pour modèle des paysages du jardin de sa résidence àGiverny, dont la fameuse série de toilesLes Nymphéas.
Jardins, revue sous la dir. deMarco Martella, éditions du Sambre (n° 1 à 6), éditions des Pommes sauvages à partir du n° 7. Recueils thématiques de textes littéraires se rapportant au jardin.
Jean-Pierre Le Dantec et Tangi Le Dantec,Histoire contemporaine des paysages, parcs et jardins, Le Moniteur, 2019.
Tim Richardson, Barbara Segall,Le Musée des jardins, anthologie du design paysager, Phaidon, 2021,(ISBN978-1-83866-350-6).
↑Philippe DESCOLA,La nature domestique. Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achuar, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme,, 450 p.(ISBN9782735113552,lire en ligne),p. 216