La déroute et la confusion des jansénistes représente la condamnation de l’Augustinus et du mouvement janséniste par labulleCum occasione du papeInnocent X (gravure éditée en 1653 parJean Ganière pour l’Almanach des Jésuites).
Le jansénisme naît au cœur de laContre-Réforme (Réforme catholique). Il doit son nom à l’évêque d’Ypres,Cornelius Jansen, auteur de son texte fondateur : l’Augustinus, publié de façon posthume àLouvain en1640. Cette œuvre est l’aboutissement de débats sur la grâce remontant à plusieurs dizaines d’années, coïncidant avec l’hostilité grandissante d'une partie du clergé catholique envers la compagnie de Jésus ; il prétend établir la position réelle d'Augustin sur le sujet, qui serait opposée à celle des jésuites, ceux-ci donnant une importance trop grande à la liberté humaine.
L’Augustinus provoque de vifs débats, en particulier en France, où cinq propositions déclarées hérétiques sont extraites de l’ouvrage par des docteurs hostiles à l’évêque d’Ypres ; celles-ci sont condamnées en1653 par le papeInnocent X. Les défenseurs de Jansenius répliquent en distinguant « le droit et le fait » : les propositions seraient bien hérétiques, mais on ne les retrouverait pas dans l’Augustinus. Ils s’attaquent également à lacasuistique des jésuites jugée laxiste, en particulier avecLes Provinciales deBlaise Pascal, lettres fictives défendant leur cause, qui suscitent un large écho dans l’opinion française. Dans le même temps, ayant pour haut lieu l’abbaye dePort-Royal, la spiritualité janséniste se développe et se popularise.
Cependant, considérés comme des ennemis de la monarchie, les jansénistes sont très vite l’objet de l’hostilité du pouvoir royal :Louis XIV et ses successeurs entreprennent contre eux de fortes persécutions. De même, les papes font preuve d’une sévérité grandissante à leur égard, avec notamment la proclamation de la bulleUnigenitus en 1713 parClément XI. Dans ce contexte, le jansénisme se confond auXVIIIe siècle avec la lutte contre l’absolutisme et l’ultramontanisme. Les clercs soutenant laRévolution française et laconstitution civile du clergé sont ainsi jansénistes pour une grande part. Toutefois, auXIXe siècle, le jansénisme s’étiole et disparaît, le concileVaticanI mettant un terme définitif à la plupart des débats ayant provoqué son apparition.
Le jansénisme est considéré comme une hérésie au sein de l’Église catholique, dans la mesure où ce courant tiendrait des positions hétérodoxes, en particulier concernant la grâce et le péché originel[1].
Le terme« jansénisme » est rejeté par ceux qu'on appelle« jansénistes », lesquels ne cessent, tout au long de l'histoire, de protester de leur appartenance à l'Église catholique. L'abbé Victor Carrière, précurseur des études contemporaines sur le jansénisme, en dit ceci :
« il n'est peut-être pas de question plus embrouillée que celle du jansénisme. Dès l'origine, beaucoup de ceux qu'on regarde à juste titre comme ses légitimes représentants affirment qu'il n'existe pas […]. De plus, afin d'échapper aux condamnations de l'Église, pour désarmer certaines attaques et gagner de nouveaux adhérents, il a suivant les circonstances, atténué ou même modifié ses thèses fondamentales. Ainsi, malgré les travaux innombrables qui lui ont été consacrés, l'histoire du jansénisme aujourd'hui reste encore à faire dans son ensemble, car pendant deux siècles l'esprit de polémique l'a emporté[3]. »
Augustin Gazier, historien du mouvement etport-royaliste convaincu, tente une définitiona minima du mouvement, évacuant les questions particulières pour créditer tous les jansénistes de quelques traits communs : ils placent toute leur vie sous la règle d'unchristianisme exigeant, ce qui leur donne une vision particulière de lathéologie dogmatique, de l'histoire religieuse et du monde chrétien. Ils critiquent avec sévérité les évolutions de l'Église mais lui gardent en même temps une fidélité inébranlable[g 1].
Se situant sur un plan plus étendu,Marie-José Michel estime que les jansénistes occupent un terrain vide entre le projet ultramontain deRome et la construction de l'absolutisme des Bourbons :
« Le jansénisme français est une création de la société d'Ancien Régime […]. Élaboré à partir d'un fond augustinien très solidement ancré en France, il se déploie parallèlement aux deux grands projets de l'absolutisme français et de la Réforme catholique. Son élaboration, par une partie des élites religieuses et laïques françaises, lui confère une audience immédiate jamais atteinte par les deux autres systèmes. Il est ainsi enraciné dans les mentalités françaises, et sa survivance réelle dure aussi longtemps que ses deux ennemis, c'est-à-dire jusqu'à la Révolution française pour l'un, et jusqu'au concile Vatican I pour l'autre[4]. »
Il faut donc chercher dans le jansénisme non pas une doctrine figée et défendue par des partisans facilement identifiables et revendiquant un système de pensée, mais plutôt les développements mouvants et divers d'une partie du catholicisme français eteuropéen à l'époque moderne[5].
L'essentiel des débats ayant abouti au jansénisme porte sur les relations entregrâce divine (queDieu accorde aux hommes) etliberté humaine dans le processus dusalut. AuVe siècle, l'évêqueafricain Augustin d'Hippone (saint Augustin) s'était opposé à ce sujet aumoinebritanniquePélage. Ce dernier soutenait que l'homme a en lui la force de vouloir lebien et de pratiquer lavertu, une position relativisant l'importance de la grâce divine. Augustin refuse cette vision et déclare queDieu est le seul à décider à qui il accorde (ou non) sa grâce. Les bonnes ou mauvaises actions de l'Homme (sa volonté et sa vertu, donc) n'entrent pas en ligne de compte, puisque lelibre arbitre de l'homme est réduit par lafaute originelle d'Adam. Dieu agit sur l'homme par l'intermédiaire de lagrâce efficace, donnée de telle manière qu'elle atteint infailliblement son but, sans pour autant détruire la liberté humaine[d 2]. L'homme a donc un attrait irrésistible et dominant pour le bien, qui lui est insufflé par l'action de la grâce efficace.
Lathéologiemédiévale, dominée par la pensée augustinienne, laisse peu de place à laliberté humaine dans la question de la grâce.Saint Thomas d'Aquin tente cependant d'organiser autour de la pensée d'Augustin un système métaphysique permettant de concilier grâce et liberté humaine. Il lui faut tenir à la fois l'affirmation de l'action divine dans chaque action de l'homme, et l'affirmation de la liberté de ce même homme[d 2]. Lesscolastiques duXIVe siècle et duXVe siècle vont s'éloigner de l'augustinisme en ayant une vision plus optimiste de la nature humaine[d 2].
LaRéforme s'inscrit en rupture avec lascolastique[d 2].Luther etCalvin prennent tous deux Augustin comme référence mais en radicalisant le discours. Là où, pour Augustin, il ne s'agit que d'affirmer la toute-puissance de Dieu face à la liberté humaine exaltée par lepélagianisme, Martin Luther considère que seule lafoi (accordée ou non par Dieu, librement) permet d'être réceptif à la grâce divine, et Jean Calvin va encore plus loin en liant grâce et salut : celui qui n'a pas reçu la grâce ne peut être sauvé. Lelibre arbitre de l'homme est donc totalement nié[c 2]. Toutefois, ce jugement n'est pas partagé par tous. PourLouis Cognet, si les réformateurs mettent en avant laprédestination de l'homme, ils ne lient pas explicitement grâce et libre arbitre[d 3].
Pour contrer la Réforme, l'Église catholique lors duconcile de Trente réaffirme dans la sixième session, en1547, la place du libre arbitre, sans toutefois se prononcer sur son rapport avec la grâce[d 4]. Mais cette position ne fait pas l'unanimité et un jésuite, le pèreLainez, défend une position que ses détracteurs vont qualifier depélagienne[d 4]. De fait, lesjésuites relancent le débat, craignant qu'un augustinisme trop marqué n'affaiblisse le rôle de l'Église dans lesalut deschrétiens et sa position face aux protestants[d 4]. Dans le sillage de l'humanisme de laRenaissance, ils ont une vision moins pessimiste de l'homme et cherchent à lui donner sa place dans le processus du salut en s'appuyant sur lathéologie thomiste, qui leur paraît un bon compromis[d 5]. C'est dans ce contexte que Thomas d'Aquin est proclamédocteur de l'Église en1567.
Les conflits théologiques s'accentuent à partir de 1567 : àLouvain, le théologienMichel De Bay (Baïus) est condamné par le papePie V pour sa négation de la réalité du libre-arbitre. En réponse à Baïus, le jésuite espagnolLuis de Molina, alors enseignant à l’université d'Évora, soutient l'existence de la grâce« suffisante », qui apporte à l'homme les moyens de son salut, mais n'entre en action que par la volonté expresse de l'être humain. Cette thèse est violemment combattue par les augustiniens, ce qui aboutit en1611 à l'interdiction par leSaint-Office de toute publication sur le problème de la grâce[d 6].
La controverse se concentre alors à Louvain, ville où l'université, augustinienne, s'oppose au collège jésuite[d 7]. En 1628,Cornelius Jansen, plus connu sous le nom de Jansenius, alors professeur à l'université, entreprend la rédaction d'une somme théologique visant à régler le problème de la grâce en faisant une synthèse de la pensée d'Augustin. Ce travail, un manuscrit de près de mille trois cents pages intituléAugustinus, est presque achevé lorsque son auteur, devenuévêque d'Ypres, meurt brusquement en1638[d 8]. Il y affirme que, depuis le péché originel, la volonté de l'homme sans le secours divin n'est capable que du mal. Seule la grâce efficace peut lui faire préférer la délectation céleste à la délectation terrestre, c'est-à-dire les volontés divines plutôt que les satisfactions humaines. Cette grâce est irrésistible, mais n'est pas accordée à tous les hommes. Jansen semble rejoindre ici la théorie de laprédestination deJean Calvin, même si les Jansénistes tiendront par la suite constamment à marquer leur différence avec ce dernier.
Dès les années 1600, Jansenius avait établi une fructueuse collaboration avec un de ses condisciples de l'université de Louvain, le BayonnaisJean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran (dit Saint-Cyran). Ayant achevé leurs études, les deux hommes se retirent àBayonne, de 1611 à 1616, pour y travailler ensemble sur divers problèmes théologiques. La question de la grâce n'est alors pas centrale dans leurs travaux[d 9]. Ce n'est qu'après la publication de l'Augustinus, en 1638, que Saint-Cyran se fait le héraut desthèses augustiniennes, d'abord plus par fidélité envers son défunt ami que par véritable conviction personnelle.
Une des voies de l'augustinisme à la française : Saint-Cyran et les Arnauld
La France jusqu'alors était restée à l'écart des débats sur la grâce, occultés par le problème desguerres de religion. Les jésuites ayant été bannis du royaume de 1595 à 1603, la doctrine augustinienne n'a pas vraiment d'adversaires.
Dans la France du début duXVIIe siècle, le principal mouvement spirituel est l'École française de spiritualité, essentiellement représenté par laSociété de l'oratoire de Jésus fondée en1611 par le cardinalPierre de Bérulle, un proche de Saint-Cyran. Ce courant cherche à mettre en pratique une certaine théologie augustinienne sans réellement se focaliser sur le problème de la grâce comme le feront plus tard les jansénistes. Il s'agit, par l'adoration duChrist sauveur, d'amener les âmes à un état d'humilité devant Dieu[d 10]. Si Bérulle se mêle peu de la question de la grâce, malgré tout, l'ordre de l'Oratoire et les jésuites sont en concurrence, et l'abbé de Saint-Cyran prend part à ce conflit en publiant des écrits contre les« molinistes »[d 11]. Par ailleurs, Bérulle, après avoir été l'allié de Richelieu, est devenu son ennemi quand il s'est aperçu que ce dernier ne cherchait pas tant la victoire du catholicisme en Europe que de« construire une synthèse politique qui assurât la suprématie universelle de la monarchie française »[d 12] en se plaçant dans la continuité des légistes royaux. À la mort de Bérulle en 1629, Richelieu reporte son hostilité sur Saint-Cyran[d 13], d'autant qu'une querelle théologique l'oppose à ce dernier, faisant de lui, au moins sur ce point, un allié des jésuites.
En effet, au cours des années 1620, Saint-Cyran insiste dans ses écrits sur la nécessité pour le chrétien d'une véritable « conversion intérieure », seul moyen selon lui d'être en état de recevoir lesacrement depénitence et l'Eucharistie. Ce processus, appelé technique des« renouvellements », est nécessairement long et, une fois l'état de conversion atteint, le pénitent doit faire fructifier les grâces qu'il a reçues, de préférence en menant une vie retirée[d 14]. Or cette conversion intérieure est en cohérence avec la thèse de la contrition dans la rémission des péchés, c'est-à-dire est liée à un amour de Dieu. Au contraire, Richelieu, dans son livreInstruction du chrétien (1619), et les jésuites soutiennent la thèse de l'attrition, c'est-à-dire que, pour eux, le« regret des péchés fondé sur la seule crainte de l'enfer » suffit[d 15].
C'est à cette époque que Saint-Cyran entre en relation avec lesArnauld, une grande famille de lanoblesse de robe parisienne. Mettant en pratique sa vision augustinienne du salut, il devient le directeur spirituel de l'abbaye dePort-Royal et de son abbesse,Angélique Arnauld[d 15]. En 1637,Antoine Le Maistre, neveu d'Angélique Arnauld, se retire à Port-Royal pour vivre pleinement cettespiritualité exigeante qu'il a apprise auprès de Saint-Cyran[d 16]. Il est ainsi le premier desSolitaires de Port-Royal et son exemple sera suivi par d'autres hommes pieux désireux de vivre dans l'isolement. Saint-Cyran veille particulièrement à l'éducation du plus jeune des vingt enfants de l'avocat Arnauld,Antoine, dont il se fait le protecteur. Avocat brillant, celui qu'on appellera le « Grand Arnauld » devient prêtre et docteur à laSorbonne en 1635.
Ses talents d'avocat vont faire de lui le porte-voix des jansénistes. QuandRichelieu suscite l'opposition du parti dévot en s'alliant avec des princes protestants contre des princes catholiques, Saint-Cyran condamne ouvertement sa politique extérieure. Il est pour cette raison emprisonné en 1638 à laBastille[d 16]. Brillant orateur et ayant fait sa thèse sur l'augustinisme, Arnauld est chargé de défendre l’Augustinus et son auteur Jansenius. Il va ainsi être le véritable introducteur et propagateur du jansénisme en France. C'est dans l’Augustinus que l'accent est mis sur la théorie augustinienne de la grâce et de la prédestination[d 17].
Cornelius Jansen, évêque d'Ypres, auteur de l’Augustinus et « père » du jansénisme. Gravure de Jean Morin (c. 1605-1650).
L'Augustinus est imprimé en France pour la première fois en 1641, puis une deuxième fois en 1643. C'est la polémique liée à sa publication qui introduit réellement le débat sur l'augustinisme en France.
Lesoratoriens et lesdominicains accueillent bien l'ouvrage. Une grande partie des docteurs de la Sorbonne le soutient également. Mais les jésuites s'y opposent immédiatement. Ils sont soutenus par le cardinal de Richelieu, puis, après sa mort en 1642, parIsaac Habert, qui attaque Jansenius dans ses sermons àNotre-Dame, et le théologienfeuillantPierre de Saint-Joseph qui publie en 1643 uneDefensio sancti Augustini.
Les premières années sont favorables aux augustiniens : l'archevêque de Paris,Jean-François de Gondi, interdit de traiter ce sujet dans des publications. La bulleIn eminenti, qui condamne l'ouvrage comme reprenant des thèses condamnées auparavant, est signée par le papeUrbain VIII le mais, grâce aux appuis des jansénistes auParlement, sa publication est retardée en France jusqu'en[6].
Dès 1640, les jésuites condamnent la technique des renouvellements de Saint-Cyran, qui selon eux risquent de décourager les fidèles et donc de les éloigner des sacrements[c 3]. Antoine Arnauld leur répond en 1643 avecDe la fréquente communion[7], où il affirme que cette technique n'est qu'un retour aux pratiques de l'Église primitive, et en expose clairement les modalités. Cet ouvrage est approuvé par quinze évêques et archevêques, ainsi que par vingt et un docteurs de la Sorbonne. Il est largement diffusé, sauf dans les milieux jésuites[8].
En 1644, Antoine Arnauld publie uneApologie pour Jansenius[9], puis uneSeconde apologie[10] l'année suivante, et enfin uneApologie pour M. de Saint-Cyran[11]. En cela, il lie clairement le problème du jansénisme avec l'augustinisme« à la française » prôné par Saint-Cyran.
Les opposants au jansénisme veulent faire officiellement condamner l’Augustinus. Isaac Habert, ancien collaborateur de Richelieu, devenuévêque deVabres, publie en une liste de huit propositions extraites de l’Augustinus, qu'il tient pourhérétiques. Quelques années plus tard, en 1649, lesyndic de la Sorbonne,Nicolas Cornet, demande que soient examinées sept propositions tirées de thèses soutenues par des bacheliers et qui touchent au problème de la grâce. Le nom de Jansenius n'est pas explicitement prononcé, mais il est évident pour tout le monde qu'il s'agit de le condamner :
« Le rusé syndic se garda bien de donner des indications précises, comme la loyauté lui en faisait un devoir : il n'attribuait ces propositions à personne, et le nom de Jansenius ayant été prononcé par un interrupteur, il osa dire qu'il n'était nullement question de lui,Non agitur de Jansenio, alors que dans sa pensée c'était de Jansenius et de lui seul qu'il était question, pour le moment du moins[g 2]. »
Les débats sont animés, puisque certains craignent, en condamnant le jansénisme, de condamner en même temps la doctrine de saint Augustin[réf. nécessaire]. Sur le conseil des jésuites, les docteurs de la Sorbonne décident alors d'en appeler au jugement du pape. C'est Isaac Habert qui écrit àInnocent X en1650, en ne retenant que cinq des sept propositions initiales. Dans sa lettre, il n'évoque pas directement Jansenius, mais fait part du trouble suscité en France par la publication de son ouvrage. Lescinq propositions ne sont pas formellement attribuées à Jansenius[g 3].
La lettre provoque la controverse : si plus de quatre-vingt-dix évêques français la signent, elle est contrée immédiatement par treize prélats augustiniens, qui rédigent une lettre de réfutation à Rome. Dans cette lettre, ils dénoncent les cinq propositions comme « faites à plaisir et composées en des termes ambigus, qui ne pouvaient produire d'elles-mêmes que des disputes pleines de chaleur »[12] et demandent au pape de prendre garde à ne pas condamner trop précipitamment l'augustinisme, considéré selon eux depuis longtemps comme la doctrine officielle de l'Église au sujet de la question de la grâce[réf. nécessaire]. Parmi ces évêques, on trouve notammentHenri Arnauld, évêque d'Angers et frère d'Antoine Arnauld, ainsi queNicolas Choart de Buzenval, évêque deBeauvais qui se montrera plus tard fervent soutien de Port-Royal[g 4]. Dans le même temps, Antoine Arnauld doute ouvertement de la présence des "cinq propositions" (formulaired'AlexandreVII) dans l'œuvre de Jansenius, faisant porter un soupçon de manipulation chez les opposants à Jansenius.
Pendant deux ans, les deux parties argumentent devant Innocent X, qui finit par condamner les propositions en 1653, en publiant labulleCum occasione. Les quatre premières propositions sont déclarées hérétiques et la cinquième fausse.
La bulle est accueillie favorablement en France. Les jansénistes admettent que les propositions sont hérétiques, mais soutiennent qu'elles ne se trouvent pas dans l'Augustinus, distinguant ainsi « le droit et le fait ». Ils sont satisfaits que Jansenius ne soit pas ouvertement condamné, et encore davantage que la doctrine d'Augustin soit toujours considérée comme valide. Cela mécontente les jésuites et leurs partisans, qui souhaitent une condamnation réelle du jansénisme. À partir de 1653, et alors que théoriquement le problème a été réglé par Rome, l'hostilité entre partisans des jésuites et jansénistes est de plus en plus affirmée[g 5].
Dès avant la publication de la bulleCum occasione, les tensions entre jansénistes et les jésuites défenseurs de la thèse de Luis Molina, lesmolinistes, avaient commencé : enAntoine Singlin, prêtre proche de Port-Royal, prêche à l'occasion de la fête de saint Augustin à Port-Royal. Il axe sonsermon sur la grâce efficace, enfreignant ainsi les instructions de son évêque qui avait interdit qu'on aborde cette question. La polémique qui s'ensuit fait intervenir de nombreux jansénistes, en particulierHenri Arnauld, évêque d'Angers[c 4].
Après la publication de la bulle, les jésuites exploitent ce qui est pour eux une victoire et relancent les hostilités : en 1654, le jésuiteFrançois Annat publie lesChicanes des jansénistes, où il exprime l'idée que le pape condamne en fait la doctrine augustinienne, et que les cinq propositions sont bien contenues dans l’Augustinus. Antoine Arnauld lui répond aussitôt, détaillant les propositions et tentant de montrer qu'elles ne sont que des résumés fautifs de la pensée de Jansenius.
Le cardinalMazarin, pour faire cesser les polémiques, convoque en 1654 puis en 1655 les évêques et leur fait signer un texte précisant que la doctrine de Jansenius est condamnable. Il recommande la signature d'un tel formulaire par tous les ecclésiastiques, mais les évêques sont assez réticents et cette volonté reste inappliquée dans la plupart des diocèses[c 5].
La première conséquence de cette opposition est l'affaire du duc de Liancourt (Roger du Plessis-Liancourt, duc de La Roche-Guyon, dit duc de Liancourt) : en, ce proche des jansénistes[g2 1] voit un vicaire de la paroisseSaint-Sulpice àParis lui refuser l'absolution, arguant du fait qu'il a des relations jansénistes.Antoine Arnauld répond à cela par la publication de deux pamphlets,Lettre à une personne de condition (adressée à Liancourt)[13] puisSeconde lettre à un duc et pair (adressée au duc de Luyne)[14]. Il dénonce l'arbitraire de cette décision et accuse les jésuites, partisans selon lui d'une« morale relâchée », de comploter contre la conception de la grâce d'Augustin[15]. Arnauld déclare se soumettre à la condamnation de Rome, tout en gardant le silence sur la question de l'attribution à Jansenius des phrases condamnées. Il s'oppose ouvertement à la grâce suffisante défendue par les molinistes[g 6].
La clarté de l'exposé d'Antoine Arnauld permet paradoxalement à ses adversaires de demander à la Sorbonne l'examen de sa dernière lettre. Les docteurs qui sont chargés de lire cette lettre sont ouvertement hostiles à tout augustinisme. Ils en tirent deux propositions qui sont condamnées. Le, fait exceptionnel, Arnauld est exclu de la Sorbonne avec une soixantaine de docteurs ayant pris sa défense[g 6].
La procédure a poussé Antoine Arnauld à se retirer à Port-Royal[16], où il s'est consacré à l'écriture avec un jeune théologien prometteur,Pierre Nicole. Dans le même temps,Blaise Pascal a entrepris de le défendre devant l'opinion : c'est le début de la campagne desProvinciales.
Alors que la censure de laSeconde lettre à un duc et pair et la condamnation d'Antoine Arnauld semblent certaines,Blaise Pascal entre dans la polémique aux côtés des jansénistes.
Celui-ci s'est décidé à se consacrer à la religion depuis un peu plus d'un an[17]. Sa sœurJacqueline est une des grandes figures du monastère de Port-Royal, et lui-même a eu aux Granges de Port-Royal de nombreux entretiens avec lesSolitaires (notamment le fameux entretien avecLouis-Isaac Lemaistre de Sacy surÉpictète etMontaigne[g 7]).
Pascal est invité par Arnauld à porter l'affaire devant l'opinion[18]. Le, après une première condamnation « de fait » neuf jours plus tôt, une lettre fictive intituléeLettre écrite à un provincial par un de ses amis, sur le sujet des disputes présentes à la Sorbonne est ainsi publiée clandestinement et anonymement[19]. Dix-sept autresProvinciales suivent, jusqu'au ; Pascal continue ensuite de contribuer à la cause janséniste en rédigeant pour le compte de prêtres parisiens certains desÉcrits des curés de Paris[g 8], dans lesquels la morale laxiste des jésuites est condamnée.
Dans sesLettres, celui-ci dénie toute réalité à un quelconque « parti janséniste ». SelonAugustin Gazier,« il s'agissait pour l'auteur desPetites Lettres de désabuser un public trop crédule, et de faire paraître dans tout son jour la parfaite orthodoxie de ceux que la calomnie représentait comme des hérétiques. Pascal n'hésitait pas à dire que le prétendu jansénisme était une chimère, une invention grossière et abominable des jésuites, ennemis acharnés de saint Augustin et de la grâce efficace par elle-même »[g 9].
LesProvinciales sont une défense très solide de l'augustinisme et une apologie de Port-Royal, mais elles sont surtout connues pour les attaques ironiques faites contre des jésuites. Elles obtiennent un grand succès parmi le public cultivé qui fait l'opinion à l'époque, qui rit de la manière dont Pascal tourne les jésuites,casuistes et molinistes en ridicule[20]. Si les trois premières lettres sont directement liées à la condamnation d'Antoine Arnauld, les suivantes ont un but différent puisque Pascal, voyant la condamnation acquise, passe à la contre-attaque. Il s'en prend violemment aux jésuites, accusés de prôner une morale relâchée. Ces lettres, qualifiées de « divines » par lamarquise de Sévigné, sont en fait une campagne d'opinion : le public se détourne des questions théologiques et se consacre au dénigrement des mœurs supposées relâchées des jésuites. Cela n'est pas toujours bien vu de certains jansénistes, qui voient dans les attaques contenues dans les lettres un manquement à la charité chrétienne[21].
La mise à l'Index par Rome desProvinciales intervient dans ce contexte où le jansénisme passe d'une querelle de théologiens à un mouvement de plus en plus connu et implanté dans le monde laïc. D'aprèsAugustin Gazier, le principal motif de leur condamnation n'est pas la théologie (puisque celle-ci est inattaquable), ni même les attaques contre les jésuites, mais bien le fait que des questions de foi soient portées en place publique : « Aussi la partie doctrinale desProvinciales est-elle inattaquable ; elles n'ont pu être censurées par la Sorbonne ou condamnées par les papes, et si elles ont été mises à l'index, comme leDiscours de la méthode [deDescartes], c'est parce qu'on leur reprochait d'avoir traité en français, pour les gens du monde et pour les femmes, des questions litigieuses dont les savants seuls auraient dû avoir connaissance »[g 10].
Le « miracle de laSainte-Épine », survenu le, fait beaucoup pour calmer les attaques contre le jansénisme et le populariser auprès du public : la nièce dePascal,Marguerite Périer, pensionnaire àPort-Royal des Champs, est guérie ce jour-là d'unefistule lacrymale qui la défigurait, après avoir été en contact avec une relique de la Sainte-Épine. Les jansénistes y voient le soutien divin et, l'Église reconnaissant officiellement la guérison comme un miracle, ils sont un moment en paix[c 6].
Mais alors que l'Église de France laisse un moment de côté la querelle, c'est du côté politique que les jansénistes commencent à être sérieusement inquiétés.
De purement religieuse au départ, l'opposition au jansénisme se double rapidement d'un volet politique. À la mort deLouis XIII en 1643, lecardinal Mazarin prend les mêmes positions que son prédécesseur Richelieu en luttant contre le parti dévot, qui est de plus en plus assimilé au parti janséniste.
Le« parti janséniste » a tendance à attirer à lui d'anciensfrondeurs après l'échec de leur révolte. Même si les jansénistes n'ont pas été impliqués dans la Fronde, ils sont rapidement assimilés à l'opposition à cause du soutien que leur apportent des princes tels que laduchesse de Longueville, qui se fait construire une maison à Port-Royal des Champs, ou son frère leprince de Conti. La famille Arnauld, grande famille parlementaire, est également soupçonnée d'être liée à la Fronde parlementaire.
D'autre part, le choix de certains Solitaires de quitter toute vie mondaine et de se retirer totalement de la Cour inquiète Mazarin, qui y voit un possible foyer de contestation politique[c 7].
Mazarin ne parvient cependant pas à lutter efficacement contre le jansénisme. C'estLouis XIV, hanté par le souvenir de la Fronde, qui se révèle son plus dur opposant, et ceci dès son arrivée effective au pouvoir en. LesPetites écoles de Port-Royal sont ainsi dispersées. En, il réunit avec Mazarin les présidents de l'Assemblée du clergé et leur demande de procéder à la signature générale duformulaired'AlexandreVII[g 11]. La signature du Formulaire, qui reprend les cinq propositions condamnées par Innocent X est, selon Jean-Pierre Chantin,« un véritable test d'orthodoxie imposé à l'ensemble du clergé »[c 8]. Les jansénistes et les religieuses de Port-Royal se divisent quant à l'attitude à adopter. Antoine Arnauld applique la problématique du « droit » et du « fait » : il accepte de condamner les propositions, mais garde des réserves sur leur présence effective dans l'Augustinus. Mais les autorités ecclésiastiques refusent cette distinction et de nombreux prêtres et religieuses refusent alors de signer le Formulaire.
Dès la mort de Mazarin, le, Louis XIV ordonne la dispersion des novices et des pensionnaires des monastères de Port-Royal des Champs et dePort-Royal de Paris. L'archevêque de Paris,Hardouin de Péréfixe de Beaumont, se rend plusieurs fois au monastère de Port-Royal pour exhorter les religieuses à signer, mais en vain. Il les prive donc de sacrements le. C'est la première condamnation grave du jansénisme. Quelques jours plus tard, les meneuses sont dispersées hors du monastère, puis toutes les religieuses non signataires sont regroupées et gardées àPort-Royal des Champs, tandis que les religieuses signataires sont réunies au monastère parisien[22].
Les choses se compliquent quand une partie de l'épiscopat montre la volonté de faire une distinction claire entre le « droit » et le « fait » dans l'affaire du Formulaire. C'est le cas notamment de quatre évêques, qui sont condamnés par Rome et par Louis XIV :François de Caulet, évêque dePamiers,Nicolas Pavillon, évêque d'Alet,Nicolas Choart de Buzenval, évêque de Beauvais, et Henri Arnauld, évêque d'Angers.
Cependant Louis XIV a besoin d'éviter les conflits dans son royaume pour pouvoir mener des guerres extérieures, et le nouveau papeClément IX cherche l'apaisement : ils parviennent à l'été 1668 à un accord avec les jansénistes. Les évêques s'engagent à faire signer le Formulaire, avec des procès-verbaux distinguant le droit et le fait. C'est le début de laPaix de l'Église, qui dure jusqu'en 1679[g 12].
Pendant la période de la Paix de l'Église, les jansénistes essaient d'éviter toute polémique inutile, d'autant plus que l'absolutisme grandissant de Louis XIV rend suspecte l'attirance d'anciens frondeurs pour Port-Royal et le jansénisme. C'est ainsi que lesPensées de M. Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets[23], publiées en1670 (donc après la mort de Pascal) ou lesEssais de morale et d'instruction théologiques[24] dePierre Nicole sont dépourvus de toute polémique théologique ou politique.
Les jansénistes se distinguent à cette époque par la qualité de leur travail intellectuel et par leur volonté de mettre à la portée des fidèles les choses de la religion.Louis-Isaac Lemaistre de Sacy publie ainsi unNouveau Testament en1667. Publié clandestinement àMons (Pays-Bas espagnols), il est condamné par le pape en 1668 parce qu'il traduit en français et avec des inflexions jansénisantes le texte sacré[c 9]. Il entreprend ensuite une nouvelle traduction de laVulgate, à partir de1672. Elle n'est terminée qu'en1695. Ces trente volumes sont considérés comme une référence incontournable dans le monde biblique. LaBible de Sacy, au même titre que lesPensées de Pascal, sont réputées être un exemple de la langue française classique duXVIIe siècle[g 13].
Malgré cette activité intellectuelle intense,Sainte-Beuve, dans sonPort-Royal, dit avec justesse que ce n'est qu'une phase de répit avant de nouveaux problèmes :
« Les dix années qui suivirent la paix de l'Église sont pour Port-Royal dix années de gloire, de déclin au fond, mais d'un déclin voilé, embelli ; ce sont d'admirables heures de doux automne, de riche et tiède couchant. La solitude refleurit en un instant et se peuple, plus émaillée que jamais. L'ancien esprit au-dedans se continue et se mêle de nouveau sans trop de lutte[25]. »
En effet, les querelles reprennent dès la mort de la duchesse de Longueville, en 1679.
Après la Paix de l'Église, de nouvelles persécutions
La mort de la duchesse de Longueville, protectrice de Port-Royal et des jansénistes, en 1679, ainsi que la signature des traités deNimègue et deSaint-Germain la même année, laissent à Louis XIV les mains libres pour reprendre sa lutte contre le jansénisme.
En accord avec le roi, le nouvel archevêque de Paris,François Harlay de Champvallon fait expulser du monastère de Port-Royal des Champs les novices et les confesseurs (soixante-dix personnes) et interdit tout recrutement. À la suite de cette mesure, les principaux ecclésiastiques jansénistes s'exilent : Pierre Nicole s'installe dans lesFlandres jusqu'en1683, Antoine Arnauld se réfugie àBruxelles en 1680, il est rejoint en 1685 parJacques Joseph Duguet, puis en 1689 parPasquier Quesnel, deux oratoriens augustinistes[c 9].
En 1696, l'ouvrage deMartin de Barcos (neveu de Saint-Cyran),Expression de la foi catholique touchant la grâce et la prédestination, est publié par le bénédictinGabriel Gerberon, alors en exil enHollande. Cet ouvrage un peu maladroit est aussitôt condamné par l'archevêque de ParisLouis-Antoine de Noailles, pourtant très respectueux des écrits d'Augustin. Il avait notamment approuvé en 1694 un livre dePasquier Quesnel écrit en 1671, leNouveau Testament en français avec des réflexions morales sur chaque verset. Cet ouvrage, constamment réédité à cause de son succès, est d'un augustinisme classique. Il reste mesuré sur la question de la grâce, mais est en revanche farouchement gallican etrichériste. Il reste également dubitatif face à larédemption universelle, et n'affirme pas que tous les hommes seront sauvés. En outre, Pasquier Quesnel est vude facto comme le successeur d'Antoine Arnauld mort en1694, donc comme le chef du« parti janséniste »[g 14].
Les jansénistes réagissent violemment à la condamnation du livre de Barcos, et attaquent l'archevêque de Paris. Au même moment, un curé deClermont-Ferrand pose en 1701 la question aux docteurs de la Sorbonne, de savoir si on peut accorder l'absolution à un fidèle qui souhaite garder un« silence respectueux » au sujet de Jansenius. Les quatre docteurs qui répondent par l'affirmative sont condamnés par le pape Clément XI en 1703. En 1705, le pape en accord avec Louis XIV condamne formellement le principe même du « silence respectueux ».
Toutes ces condamnations permettent à Louis XIV d'avoir des arguments pour réduire définitivement un mouvement qu'il qualifie de« secte républicaine », c'est-à-dire opposée au régime de la monarchie absolue. Profitant de laguerre de Succession d'Espagne, il fait arrêter Quesnel auxPays-Bas espagnols en 1703 (mais celui-ci s'évade et fuit àAmsterdam), et tous ses papiers sont saisis. Cela conduit à l'arrestation de tout le réseau de correspondants tissé par Quesnel depuis une quinzaine d'années dans toute la France. Les foyers de diffusion des écrits jansénistes clandestins sont découverts, les jansénistes fuient à l'étranger, le plus souvent dans lesPays-Bas espagnols et auxProvinces-Unies, en passant par les relais monastiques comme l'abbaye deHautefontaine, à la frontière de laChampagne et de laLorraine indépendante[c 10].
Louis XIV demande au pape une condamnation finale, celle desRéflexions morales de Pasquier Quesnel. Clément XI envoie unbref en 1708, mais celui-ci n'est pas reçu par le Parlement. Le père jésuiteMichel Le Tellier, confesseur du roi, essaie de convaincre les évêques de demander au roi une condamnation solennelle de l'ouvrage, mais sans succès. Le roi demande donc au pape une bulle contre le livre.Clément XI fait donc publier en1713 la bulleUnigenitus Dei Filius, qui condamne cent une propositions extraites du livre de Quesnel. Ces propositions ainsi que l'ouvrage sont vus comme une somme de la doctrine janséniste[g 15].
En condamnant les cent une propositions tirées desRéflexions morales du père Quesnel, la bulleUnigenitus marque à la fois un point d'arrêt dans l'histoire du jansénisme et un nouveau départ.
La bulle voit dans ces propositions un résumé de la doctrine janséniste mais, outre les questions touchant au problème de la grâce, sont condamnées des positions plus traditionnelles sur legallicanisme ou lericherisme, ce qui va rassembler autour des jansénistes d'autres ecclésiastiques qui se sentent à leur tour menacés.
L'atmosphère de« fin de règne » dans la France des années 1710 gouvernée par un Louis XIV vieillissant, stimule l'opposition à la bulle. Pour être appliquée, cette dernière doit en effet être enregistrée par leParlement de Paris. Or, celui-ci refuse d'entériner la bulle tant que les évêques de France n'ont pas pris position, estimant que ceux-ci n'ont pas d'ordre concernant la religion à recevoir du pouvoir politique[g 16]. Les évêques, et avec eux de nombreux ecclésiastiques, s'interrogent publiquement sur la nécessité d'« appeler » à unconcile général sur cette question. C'est pourquoi on les nomme les« appelants ». Entre 1713 et 1731, plus de mille opuscules seront publiés sur ce sujet.
Le Régent décide alors de clore cet épisode par la fermeté. En 1722, il remet en vigueur l'obligation de signer le Formulaire pour obtenir des bénéfices ou des grades universitaires. Cette ligne est conservée à la fin de la régence et de nombreux appelants sont frappés par deslettres de cachet en 1724-1725, et en 1727Jean Soanen, qui fait figure de chef du mouvement depuis la mort de Pasquier Quesnel, est condamné par leconcile d'Embrun dirigé par le futur cardinalde Tencin. Il est exilé par lettre de cachet àLa Chaise-Dieu, où il meurt en 1740[g 18].
La condamnation de Soanen, que les jansénistes qualifient dans leurs écrits de « brigandage d'Embrun », réveille les appelants, mais le successeur de Noailles à Paris souhaite faire taire les résistances. L'archevêque de Paris (Mgrde Vintimille) fait interdire près de trois cents prêtres jansénistes dans son diocèse, et ferme les principaux centres du parti : leséminaire Saint-Magloire, lecollège Sainte-Barbe et la maison de Sainte-Agathe, tous trois à Paris[c 12].
En 1730, la bulle devient une loi d'État. Les ecclésiastiques n'ayant pas signé le Formulaire ne peuvent dorénavant plus conserver leurs bénéfices ecclésiastiques, qui sont reconnus vacants.
Les appelants sont, entre 1717 et 1728, plus de sept mille clercs et une trentaine de prélats[note 2]. Tous ne sont pas jansénistes, mais la frange gallicane et richériste du clergé a été bousculée par l'intransigeance de Clément XI. La répartition territoriale des jansénistes et des autres gallicans dans la France du début duXVIIIe siècle est connue[c2 1]. À son apogée en1718, le mouvement de l'appel touche quarante-cinq diocèses, mais ce sont essentiellement les diocèses de Paris,Châlons,Tours,Senez etAuxerre qui sont concernés, ainsi que la région lyonnaise[26].
Gravure représentant la guérison de Madeleine Durand et mettant en scène la douleur et la guérison, anonyme, vers 1730.
Les jansénistes, dès leXVIIe siècle, ont eu tendance à s'appuyer sur des récits de miracle pour montrer la justesse de leur cause. Un des premiers et des plus notables est celui de la guérison de Marguerite Périer en1656 par la Sainte-Épine, qui a lieu alors que le jansénisme commence à être attaqué sérieusement ; il a été suivi durant tout le siècle par de nombreuses relations d'autres miracles. Certains jansénistes ont ainsi une réputation dethaumaturges et leurs reliques sont très demandées. Par exemple, l'abbé dePontchâteau, Solitaire et« jardinier » de Port-Royal, a eu son cercueil forcé en1690 après qu'une fillette eut été guérie pendant ses obsèques[c 13]. De plus en plus, le jansénisme est une affaire populaire, qui fait intervenir le merveilleux. La démocratisation du conflit lié à la bulleUnigenitus auprès des prêtres de paroisse et la répression monarchique ne font qu'augmenter cette tendance. On compte plusieurs miracles liés de près ou de plus loin au jansénisme entre les années 1710 et 1730. Ils ne sont pas directement suscités par les prêtres appelants, mais se déroulent très souvent sur leurs paroisses, comme ce miracle de1725 où madame Lafosse, la femme d'un ébéniste, est guérie lors de la procession duSaint-Sacrement dans la paroisse Sainte-Marguerite à Paris, où le curé (et porteur de l'ostensoir) est un appelant notoire. Le miracle est reconnu, des processions sont faites, et les faits sont popularisés par des brochures et des gravures de facture populaire qui diffusent la nouvelle[c 13].
Le conflit des appelants est soutenu par de nombreuses brochures expliquant très simplement et pédagogiquement les données du problème. Les fidèles sont invités à se forger eux-mêmes leur propre opinion du conflit, sous l'exhortation de prêtres comme l'oratorien Vivien de La Borde. La presse, publique ou clandestine, se mêle également des questions religieuses : ce sont les jésuites qui commencent, avec une brochure antijanséniste appeléeSupplément à la Gazette d'Hollande. Les jansénistes répliquent avec lesNouvelles ecclésiastiques ou Mémoires pour servir à l'histoire de la constitution « Unigenitus »[27].
Cet hebdomadaire circulait déjà sous forme manuscrite, mais il est imprimé à partir de 1728, de façon clandestine. D'un tirage de six mille exemplaires chaque semaine, il touche un très large public, dans tous les milieux sociaux. Il sert également à populariser le débat et à effectuer la liaison entre les différents groupes jansénistes. Il subsiste jusqu'en 1803.
Si les clercs jansénistes ne sont plus seuls dans la lutte, ils vont cependant développer une vision originale du temps de persécution qu'ils vivent, et la propager dans le peuple. Cette analyse est appeléefigurisme. Elle est née très certainement de l'enseignement de l'oratorienJacques Joseph Duguet, vers 1710.
Pour Duguet, de même que l'Ancien Testament préfigurait la venue du Christ, de même les récits et les prophéties des Écritures, notamment l'Apocalypse deJean, préfigurent (ou sont la « figure ») des événements actuels ou à venir. C'est ainsi que la bulleUnigenitus, qui est une faute du pape et de l'Église, est l'événement préalable à de grands bouleversements qui doivent annoncer le retour duprophèteÉlie. À la suite de ce retour adviendra le règne du Christ pour mille ans, avec lesJuifs enfin convertis, les élus, et les « Amis de la Vérité » qui croient en la grâce efficace. Cette vision du temps et des évènements, principalement enseignée au séminaire de Saint-Magloire à Paris par l'abbé d'Étemare, se répand ensuite dans le clergé et dans le peuple. Pour les jansénistes, c'est une façon d'accepter et de donner un sens à leur persécution et à leur caractère de plus en plus minoritaire. Ils défendent la cause divine, seuls contre une Église et un pouvoir qui ont trahi[c 14].
Cette popularisation qui dramatise le jansénisme donne naissance, à partir de 1731, au phénomène desconvulsions. Au départ simple série de miracles sur la tombe dudiacre Pâris au cimetière Saint-Médard de Paris, il s'agit rapidement d'une nouvelle façon de vivre son opposition à la bulle et au pouvoir royal.
Les convulsions se répandent parmi le peuple parisien et la bourgeoisie moyenne durant les années 1730. Mais il s'agit d'un mouvement extrême qui se restreint rapidement à des groupes de plus en plus fermés, à Paris comme en province. Toutefois il subsiste jusqu'auXIXe siècle[28].
Lesparlements de l'Ancien Régime, et notammentcelui de Paris, sont depuis longtemps des défenseurs dugallicanisme face à Rome. Depuis le début de la controverse janséniste, ils se sont rangés davantage du côté de celui-ci, renâclant à enregistrer les bulles pontificales condamnant le mouvement.
Cela se produit encore à l'occasion de la bulleUnigenitus : le procureur généralHenri François d'Aguesseau considère que la proclamation de cette bulle est une preuve de la faillibilité des papes. Il encourage les parlementaires à ne pas accepter la bulle et à attendre une réaction des évêques. Il faudra que Louis XIV use delettres patentes pour forcer l'enregistrement, mais comme de toute façon les lettresPastoralis officii ne sont pas reçues en 1718, les appelants ne peuvent pas être tout de suite inquiétés[c 15]. Il faut d'ailleurs unlit de justice pour que la bulle soit enregistrée comme une loi de l'État en 1730, tant la résistance parlementaire est importante.
La thèse deLucien Goldmann est qu'il s'agit de l'expression d'une forme d'esprit de classe, qui aurait pris racine dans la Fronde et un mécontentement face à la monarchie centralisatrice. Face à la hausse de pouvoir des commissaires royaux au détriment des officiers (au recrutement bourgeois), ces derniers auraient pratiqué un « retrait critique du monde » de plus en plus contestataire[32]. René Taveneaux modère cette vision influencée par lemarxisme et préfère parler de « terrain de rencontre » entre jansénisme et bourgeoisie[33], arguant que le bourgeois est un homme libre sous l'Ancien Régime, détaché de la hiérarchie seigneuriale, et que cette situation favorable à l'individualisme a pu, chez certains, s'associer facilement avec la morale janséniste, qui préfère l'épanouissement de la vie intérieure aux fastes de la liturgietridentine, et une réforme morale exigeante plutôt qu'une distribution trop accessible des sacrements. L'assise essentiellement urbaine du jansénisme permet également cette rencontre entre jansénisme et bourgeoisie parlementaire.
La cause janséniste dans les révoltes parlementaires duXVIIIe siècle
Parmi ces avocats influents, on peut distinguerLouis Adrien Le Paige. Bailli duTemple, il dispose du droit d'asile et est ainsi une des plaques tournantes les plus importantes du réseau janséniste, profitant de sa situation pour abriter de nombreux libelles interdits. Il protège également la caisse de financement des jansénistes, la fameuseboîte à Perrette, objet de curiosité et de nombreux fantasmes chez les anti-jansénistes. Un autre de ces avocats estGabriel-Nicolas Maultrot. Il est surnommé l'« avocat du deuxième ordre » en raison des nombreux prêtres appelants qu'il défend.
Le plus important des conflits impliquant les parlementaires et le jansénisme est l'affaire des « billets de confession ». En 1746, l'archevêque de ParisChristophe de Beaumont décide que les fidèles doivent pouvoir justifier d'un billet de confession signé d'un prêtre favorable à la bulleUnigenitus pour pouvoir recevoir lesderniers sacrements. Cette mesure rencontre une très importante opposition, et de nombreuses procédures ont lieu, qui sont cassées par leConseil du roi. En 1749, une importante manifestation a lieu à l'occasion de l'enterrement d'un principal de collège janséniste qui est mort sans confession. Parmi les quatre mille personnes qui composent le cortège, on trouve de nombreux parlementaires[g 19].
On trouve parmi les défenseurs de laRévolution française dès ses débuts des personnalités connues pour leurgallicanisme, leur sympathie pour le jansénisme et unrichérisme plus ou moins marqué. Le rôle des jansénistes pendant la Révolution est essentiellement dû au caractère ecclésiologique d'un jansénisme tardif très teinté de gallicanisme et de richérisme.
Le rôle des prêtres jansénisants est noté dès les débuts de la Révolution. En effet, sans le ralliement de quelques curés autiers état lors de l'assemblée desÉtats généraux de 1789, celui-ci n'aurait pu se déclarer« Assemblée nationale » le. Or ces prêtres sont menés notamment par l'abbé Grégoire, dont l'attachement à Port-Royal et au jansénisme est connu. Grégoire partage en outre avec les jansénistes une vision figuriste de l'histoire, ce qui lui fait dire que la Révolution est une part de l'accomplissement des desseins de Dieu. Autour de Grégoire et des prêtres favorables à la Révolution, majoritairement gallicans et richéristes, se regroupent d'autres jansénistes issus du monde parlementaire. AinsiLouis Adrien Le Paige est globalement favorable à la Révolution. De même,Armand-Gaston Camus etJean-Denis Lanjuinais sont des parlementaires réputés, qui s'impliquent fortement dans les évènements révolutionnaires tout en restant attachés à la cause janséniste. Lanjuinais est notamment membre duComité ecclésiastique qui prépare laConstitution civile du clergé. L'importance des jansénistes lors de la rédaction de cette constitution, si favorable à leurs demandes sur bien des points, fait que l'abbéSieyès s'en prend à ceux qui« semblent n'avoir vu dans la Révolution, qu'une superbe occasion de relever l'importance théologique de Port-Royal et de faire l'apothéose de Jansenius sur la tombe de ses ennemis »[37]. La Constitution civile du clergé satisfait les jansénistes sur de nombreux points : elle met fin à certaines pratiques qui étaient largement critiquées, par exemple la non-résidence des évêques dans leur diocèse ou les bénéfices non canoniques. Elle remet en vigueur lessynodes diocésains, réduit considérablement l'influence du pape et réprouve les formulaires du type deceluid'AlexandreVII. Enfin, elle satisfait la frange richériste du clergé en mettant en place l'élection au sein de l'Église gallicane et en promouvant la coopération entre curés et prélats, plutôt qu'une relation de subordination[38].
L'administration des biens ecclésiastiques revient à la hiérarchie, mais leur propriété revient à l'Église de France dans son ensemble. Par propriété et biens, on entend non seulement les biens temporels mais aussi les « clefs spirituelles », c'est-à-dire les sacrements et les anathèmes.
Or l'Église n'est pas constituée seulement de sa hiérarchie cléricale, mais de l'ensemble des fidèles catholiques. Comme la France est quasiment intégralement composée de catholiques, on peut considérer que l'Assemblée nationale, qui regroupe tous les Français, est une représentation de l'Église. Elle peut donc déclarer que les biens de l'Église sont biens de la Nation, les vendre pour rembourser la dette nationale ou payer les prêtres et les évêques.
D'ailleurs il n'y a pas d'usurpation puisque l'État n'agit que sur les aspects publics, extérieurs et temporels de la mission de l'Église, laissant à cette dernière sa part spirituelle. Même lorsqu'elle supprime des ordres monastiques, redessine la carte ecclésiastique ou abroge leConcordat de 1516, l'Assemblée nationale nie qu'elle affecte la mission spirituelle du clergé.
Les suppressions d'ordre sont justifiables parce que le sacrement d'ordination est purement spirituel, et donne à celui qui le reçoit le pouvoir illimité et illimitable de prêcher et de distribuer les sacrements. En revanche, l'exercice réel de ce pouvoir est du ressort de l'Assemblée puisqu'il est temporel. On peut donc refuser à un prêtre non jureur d'avoir une paroisse, par exemple.
Pour rassurer en dernier lieu, Camus rappelle que l'Église primitive était un modèle d'autorité spirituelle détachée du temporel, et que l'Église constitutionnelle ne fait que revenir à cette pureté. Elle peut donc s'affranchir de l'agrément du pape, qui n'est pas supérieur aux évêques.
L'influence janséniste et gallicane dans la Constitution civile du clergé explique sans doute pourquoi autant des nouveauxévêques constitutionnels sont classés parmi les jansénistes ou au moins parmi leurs sympathisants[40]. Ainsi, outre Grégoire, évêque deBlois et chefde facto de l'Église constitutionnelle, on trouveClaude Debertier,Jean-Baptiste Pierre Saurine,Louis Charrier de La Roche et une quinzaine d'autres qui, sans être forcément appelants, se définissent toutefois fortement par le janséniste et le richérisme.
Laïcs et clercs se retrouvent au sein de laSociété de philosophie chrétienne, qui poursuit au cœur de la Révolution des études religieuses[41] dans un esprit fortement janséniste. Cette société publie dans les dernières années de la Révolution lesAnnales de la religion, journal lui aussi gallican et janséniste, qui publiera notamment la première mouture desRuines de Port-Royal des Champs en 1801[42] de l'abbé Grégoire. Les membres de la Société font fréquemment des séjours de réflexion à Port-Royal des Champs et sont en lien étroit avec les jansénistes italiensEustache Degola etScipione de' Ricci.
Il y a toutefois un nombre non négligeable de jansénistes à refuser totalement la Révolution. Du côté des ecclésiastiques, les plus connus à l'époque sontHenri Jabineau etDom Deforis. Mais d'autres, comme les abbés Mey, Dalléas, et le clergé oratorien deLyon, sont également très en pointe contre la Constitution civile du clergé. Ils sont secondés par des canonistes commeGabriel-Nicolas Maultrot, et par de pieux laïcs tels queNicolas Bergasse à Lyon ouLouis Silvy à Paris. Certains, commeAugustin-Jean-Charles Clément, janséniste notoire, ne signent qu'avec beaucoup d'hésitation le serment de fidélité à la constitution[43].
Au sortir de la Révolution, lorsqu'est signé le concordat de 1801, les derniers jansénistes se rangent dans l'Église de France, avec une réserve discrète face à certaines pratiques ou sacrements. Seuls les groupesconvulsionnaires ont une position radicale.
« Laissez la Constituante, une fois sortie des discussions orageuses qui marquent son début et du vote de ses grandes lois d'État, aborder la constitution civile du clergé, l'inspiration janséniste va présider l'organisation de la nouvelle Église. Camus triomphera deLouis XIV ; le comité ecclésiastique vengera les cendres dePort-Royal, et les législateurs jansénistes qui ont tant parlé de rendre au clergé l'organisation de la primitive Église la ramèneront en effet au martyre[44]. »
Le jansénisme est souvent cité sinon comme l'une des causes de la Révolution française, du moins comme ayant façonné l'état d'esprit nécessaire à son déclenchement[45]. Cette accusation a d'abord été formulée par descontre-révolutionnaires[46], qui voyaient les jansénistes comme des alliés desprotestants et desfrancs-maçons, autres responsables supposés de la chute de la monarchie française. Même si les motifs de cette accusation sont erronés, il existe un lien fort entre jansénisme et Révolution.
Il a entretenu un esprit séditieux. Ses révoltes et ses résistances contre les papes et les rois sont un mauvais exemple pour le peuple, qui peut reproduire en politique l'attitude religieuse des jansénistes.
Il a découragé lesfidèles. Ceux-ci ont préféré s'éloigner de la religion plutôt que de satisfaire les exigences des curés jansénistes. Cette accusation s'appuie sur la concordance des répartitions géographiques des prêtres appelants etconstitutionnels pendant la Révolution et des zones dedéchristianisation. Les corrélations observées sont toutefois d'interprétation délicate.
Par son association au gallicanisme, il a été source d'unschisme en France sous la Révolution, entre le clergéconstitutionnel, favorable à une Église nationale, et le clergé réfractaire, qui suit la condamnation de la constitution civile du clergé par le papePie VI.
Enfin, le jansénisme est souvent associé aurépublicanisme, parce qu'il se dissocie de la vie de Cour, parce que les Solitaires ont donné une image de République des Lettres, et parce que des personnalités politiques de premier plan sous la Révolution, comme l'abbé Grégoire, ne cachaient pas leur attachement à Port-Royal.
Or s'il est possible d'associer jansénisme et Révolution hors du domaine religieux, c'est parce qu'il y a une tradition de contestation chez les jansénistes et parce que socialement ceux qui font la Révolution (petite et moyenne bourgeoisie urbaine, monde juridique et parlementaire) sont les mêmes que ceux qui avaient embrassé la cause de l'Appel auXVIIIe siècle.
Certains (notamment parmi les jésuites) ont été persuadés de l'existence d'un complot janséniste visant à renverser le pouvoir monarchique[48]. Au début duXXe siècle des historiens, tels queLouis Madelin etAlbert Mathiez, réfutent cette thèse du complot janséniste et mettent en évidence davantage une conjonction de forces et de revendications, tant pour le déclenchement de la Révolution que pour la Constitution civile du clergé[49]. Le fait que l'explication de la Révolution doit faire appel à plusieurs causes, dont le jansénisme n'est qu'une parmi d'autres, fait désormais consensus chez les historiens.
L'université de Louvain, lieu de naissance de l’Augustinus, est restée depuis l'époque de Jansenius fidèle à la doctrine augustinienne. Les papes sont moins exigeants avec elle, sans doute parce qu'ils ne disposent pas du relais politique qu'est Louis XIV en France. Jusque dans les années 1690, on ne demande pas de précision quant au droit et au fait lors des signatures de Formulaire. Par deux fois l'archevêque deMalines,Humbert de Precipiano, tente de durcir les conditions de signatures, mais il perd en procès contre l'université. Ce n'est qu'en 1710 que la signature pure et simple du Formulaire est rendue obligatoire.
La bulleUnigenitus est acceptée sans questions dès 1715, mais les lettresPastoralis officii de Clément XI provoquent de violents conflits entre l'archevêque de Malines et l'université. Après des procès, des épisodes de refus de sacrements semblables à ce qui se passa en France dans les années 1740 et des exils de docteurs en direction de la Hollande, l'université se soumet apparemment à la bulle et à son application en 1730[g 20].
Encore en 1818, le comteCharles Lambrechts, ancien recteur de l’université de Louvain, ex-sénateur et ministre de Napoléon, rappelait les vexations du clergé catholique contre son prédécesseurVan Espen :« Les empiétements du clergé catholique et ses prétentions étaient si vexatoires, que, dans un temps où sa religion était dominante, on n'avait trouvé d'autre remède contre ses abus de pouvoir, que les appels dont il s'agit : C'est ce qui engagea le célèbre Van Espen à écrire, à l'âge de quatre-vingts ans, son traitéDe recursu ad principem, afin d'opposer une digue aux abus toujours renaissants des juridictions cléricales ; mais ce vertueux ecclésiastique, qui distribuait aux pauvres tous les revenus de la chaire de droit canonique qu'il occupait à l'université de Louvain, fut bientôt obligé d'avoir pour lui-même recours à l'appel comme d'abus ; encore, ce remède ne put-il le sauver entièrement de la persécution des prêtres intolérants. Chargé d'années, de gloire et d'infirmités, il fut contraint de chercher en Hollande ; un abri contre leurs vexations ; il mourut bientôt àAmsterdam dans des sentiments de piété et de résignation, après avoir employé sa vie à défendre la discipline et les usages de la primitive Église, dont il était le plus zélé »[55].
LesProvinces-Unies sont le lieu d'exil de nombreux jansénistes français. Ceux-ci se regroupent d'abord à Amsterdam, puis de plus en plus àUtrecht. Cette petite ville est le siège depuis leXVIe siècle de lamission de Hollande visant à la conversion des Néerlandais devenus en grande partie réformés. Le statut minoritaire du catholicisme permet paradoxalement une plus grande liberté à l'Église locale, qui élit son évêque et le fait confirmer par le pape, même s'il ne porte que le titre de « vicaire apostolique » pour ne pas irriter le gouvernement.
Les relations entre Utrecht et le jansénisme français sont précoces, puisque l'évêqueJean van Neercassel, oratorien et ami deBossuet et d'Antoine Arnauld, fait plusieurs voyages à Port-Royal des Champs entre 1662 et sa mort en 1686. Son successeur,Pierre Codde, refuse de signer le Formulaire, se réclamant de la Paix de l'Église. En 1702, il est convoqué à Rome, jugé et destitué. Le pape nomme à sa place un provicaire apostolique qui est rejeté par la population locale. Lorsque Pierre Codde meurt en 1710, l'Inquisition le déclare indigne d'une sépulture ecclésiastique et interdit qu'on prie pour son âme. De cette époque date la séparation d'une partie de l'Église d'Utrecht avec Rome.
À la suite de la révolte d'une minorité des fidèles d'Utrecht, mais d'une partie majoritaire de son clergé, le Saint-Siège déclare que les chapitres d'Utrecht et deHaarlem sont supprimés et retire au clergé son autorité sur les fidèles de ces territoires. Les chanoines d'Utrecht restent près de quinze ans sans évêque, administrés essentiellement par des jansénistes français exilés. Des évêques français ordonnent également des prêtres hollandais pour assurer la pérennité de cette petite Église schismatique.
L'influence du jansénisme enItalie s'explique notamment par le morcellement politique de la péninsule en de nombreux États traditionnellement hostiles à la papauté. Les relations avec les jansénistes français s'établissent dès leXVIIe siècle, grâce aux contacts qui se nouent à l'intérieur des ordres religieux, surtoutbénédictins et dominicains. Larépublique de Venise joue un rôle important dans la traduction (en latin ou en italien) et la diffusion des textes jansénistes français[c 18]. Toutefois, les idées jansénistes n'eurent d'impact que dans le nord de l'Italie et ne pénétrèrent pas au-delà de Rome.
AuXVIIIe siècle, ce sont surtout leroyaume de Piémont-Sardaigne et legrand-duché de Toscane qui sont influencés par le jansénisme. Par sa proximité de la France, et du fait qu'il est en partie francophone, lePiémont offre un refuge idéal aux jansénistes. Ainsi,Jacques Joseph Duguet se réfugie un temps à l'abbaye de Tamiers, tandis que d'autres trouvent asile àChambéry. Prenant parti contre la bulleUnigenitus,Victor-Amédée II de Savoie chasse les jésuites de son royaume et les remplace par des port-royalistes exilés. En1761, l'évêque d'Asti incite les prêtres à prendre publiquement position en faveur de l'Église d'Utrecht. Les jansénistes en exil eurent donc une véritable influence dans cette partie de l'Italie[c 19].
Dans les territoires italiens sous domination autrichienne, la situation est plus complexe. Le jansénisme fait ici la rencontre dujoséphisme, qui guide alors la politique autrichienne. Il s'agit davantage de contrer l'influence du pape et des jésuites, par l'application d'un principe de supériorité de l'État sur les affaires religieuses en mettant en action des principes proches du gallicanisme. Le jansénisme y est donc plus modéré religieusement, mais plus dur politiquement, car il est mêlé d'un fort richérisme. L'impératriceMarie-Thérèse d'Autriche fait ouvrir àVienne un séminaire œuvrant dans l'esprit port-royaliste en 1761, fait appel à des professeurs de Louvain et de Hollande, et a comme confesseur un janséniste influent, l'abbé de Terme. Celui-ci fonde d'ailleursNouvelles ecclésiastiques à Vienne en 1784[c 20].
EnLombardie, territoire administré directement par Vienne, les théologiensPietro Tamburini, professeur au séminaire deBrescia puis à l'université dePavie, etGiuseppe Zola propagent des idées richéristes et profondément imprégnées de jansénisme. Ils publient des travaux sur la grâce dans le même esprit que ceux des théologiens port-royalistes[56]. Leurs travaux influencent de nombreux ecclésiastiques, dontScipione de' Ricci,évêque dePistoia et dePrato. Il était auparavantvicaire général deFlorence, où il aidait le grand ducPierre-Léopold à mener à bien ses réformes religieuses. Ricci est en outre intéressé par lemouvement convulsionnaire, et cherche à transformer son diocèse selon ses convictions[57]. Ainsi il fait introduire dans son diocèse leCatéchisme de Montpellier, particulièrement apprécié des jansénistes, distribue à ses curés lesRéflexions morales de Pasquier Quesnel et convoque finalement un synode àPistoia en1786 pour faire accepter ses orientations jansénistes. Il est fermement désavoué par Rome et doit démissionner en1791, alors que ses positions sont condamnées par la bulleAuctorem fidei en 1794[58].
Le jansénisme devient alors plutôt une manière d'être, un qualificatif synonyme d'austérité et de rigueur, plus qu'une doctrine théologique. AinsiLéon Séché décrit-il le jansénisme et les jansénistes en 1891 :
« La vieille querelle du jansénisme a fait son temps, et la dénomination de janséniste, loin de nuire à ceux qu'elle vise, est plutôt faite pour leur concilier l'estime et le respect. […] Car il y a un état d'esprit janséniste, comme il y a un état d'esprit orléaniste. C'est assez difficile à définir, mais cela est. […] Dans la vie privée, si cet homme est un tant soit peu janséniste, il sera mystérieux et renfermé, rigide et sévère de mœurs. Simple et droit, sobre et dur pour son corps, il ne passera rien aux autres sous le rapport de la conduite. Crédule jusqu'à la superstition, il tirera toutes sortes d'horoscopes des Écritures et verra le doigt de Dieu partout. En politique, il pourra être monarchiste aussi bien que républicain, la forme du gouvernement lui étant, en somme, indifférente, mais il sera toujours constitutionnel et libéral. En religion, il pourra ne pas pratiquer, n'approcher jamais des sacrements, et se croire un très bon chrétien[62]. »
L'historien du jansénismeAugustin Gazier. Anonyme, photo prise entre 1890 et 1922.
Cependant, quelques combats sont encore menés contre l'ultramontanisme et pour la défense de la mémoire de Port-Royal et du jansénisme. Ainsi, des journaux paraissent tout au long duXIXe siècle, défendant la tradition gallicane et janséniste de l'Église de France. Après la disparition desAnnales de la religion en 1803, Henri Grégoire et quelques survivants de l'Église constitutionnelle dontClaude Debertier publient entre 1818 et 1821 laChronique religieuse, qualifiée par Augustin Gazier de« revue de combat »[g 23]. On y défend les curés constitutionnels ayant refusé de se soumettre au Concordat de 1801 et qui sont privés de cure et parfois de sacrements par leurs évêques (à l'image de Grégoire lui-même). Le ton est ouvertement gallican et défend le jansénisme tout en niant que celui-ci soit autre chose que la doctrine traditionnelle de l'Église :« Le jansénisme, c'est la doctrine de la grâce efficace par elle-même, c'est-à-dire la nécessité, pour tout bonne œuvre, d'une grâce par laquelle Dieu produit en nous le vouloir et l'action. Or telle est la doctrine de l'Église ; donc ceux qui s'y sont attachés sont de bons et purs catholiques »[63]. Le ton est moins violent que dans lesNouvelles ecclésiastiques ou lesAnnales de la religion.
Quelques années plus tard, renaît un journal de défense, conçu sur le même principe : laRevue ecclésiastique. Cette revue mensuelle paraît de 1838 à 1848. Elle est conçue, financée et distribuée par les hommes de la société janséniste parisienne regroupés au sein de la Société de Port-Royal. L'organisation en est très hiérarchisée et repose sur un noyau de membres titulaires qui délèguent l'écriture d'articles à des correspondants de province. LaRevue ecclésiastique se fait surtout connaître par les dures polémiques qu'elle entretient avec les publications ultramontaines. Mais elle reste toujours dans la limite de la correction verbale, malgré la pratique généralisée du pseudonyme pour les rédacteurs des articles. Ceux-ci appuient leurs raisonnements sur la lecture des nombreux ouvrages canoniques, historiques et théologiques contenus dans les bibliothèques jansénistes parisiennes[g 24]. La revue n'apprécie pas du tout la publication duPort-Royal deSainte-Beuve :
« Deux raisons nous ont empêché jusqu'ici de parler de l'ouvrage de M. Sainte-Beuve. 1° le peu de valeur réelle d'un livre où l'auteur se pose en homme du monde et en philosophe pour juger des actes, des doctrines et des sentiments d'hommes essentiellement et avant tout chrétiens; 2° L'étendue et la difficulté du travail à faire pour relever toutes les erreurs et les bévues où M. Sainte-Beuve devait nécessairement tomber en se plaçant au point de vue qu'il a choisi[64]. »
La dernière revue destinée à défendre le jansénisme auXIXe siècle estL'Observateur catholique. Celui-ci paraît de1855 à1864. Il est d'abord animé par d'anciens rédacteurs de laRevue ecclésiastique, rejoints rapidement par un prêtre au caractère affirmé, défenseur du gallicanisme et pourfendeur des jésuites :Wladimir Guettée.L'Observateur catholique est une revue au ton polémique affirmé, qui détaille dans ses colonnes ce qu'il considère comme les errements de l'Église de France. Les échanges avecL'Univers deLouis Veuillot sont rudes. La revue crée également un scandale en1856 en commentant longuement et durement chacun des cours sur Port-Royal et le jansénisme donnés à la faculté de théologie par le jeune abbéCharles Lavigerie, jusqu'à ce que celui-ci finisse par renoncer à son cours au bout de deux ans[g 25]. La revue cessera de paraître dans une certaine confusion, lorsque l'abbé Guettée se convertit à l'orthodoxie en1861.
1969 :Ma nuit chez Maud d'Éric Rohmer : le film traite en partie de la morale pascalienne et du jansénisme. Rohmer reviendra sur le sujet dansConte d'hiver (1992).
↑L'infaillibilité du pape n'est alors pas un dogme, celui-ci est proclamé lors duIer concile œcuménique du Vatican, mais la notion d'infaillibilité pontificale est de plus en plus souvent mise en avant et acceptée dans les conflits de cette époque.
↑Sur une population ecclésiastique d'environ cent mille personnes.
↑Son unique petite-fille est pensionnaire à Port-Royal, voir tome 1, p. 99.
↑Tome 1, p. 253 :« C'est qu'en effet le duc d'Orléans, qui n'était pas un croyant, subordonnait la religion à la politique. Il était imbu de cette idée que la royauté ne meurt jamais, et que par conséquent les rois sont condamnés à suivre les errements de leurs prédécesseurs : ils sont solidaires les uns des autres. […] Il [Louis XIV] avait promis au pape de faire recevoir la BulleUnigenitus, et le pape insistait pour que cette promesse fût tenue à la rigueur ; Philippe d'Orléans se voyait donc dans la nécessité de satisfaire Clément XI et par conséquent d'amener à composition, si la chose n'était pas absolument impossible, les prélats récalcitrants. »
↑Tome 2, p. 235-236 ; etLéon Séché,Les derniers jansénistes depuis la ruine de Port-Royal jusqu'à nos jours, 1891, introduction du tome I.
↑Abbé Victor Carrière,Introduction aux études d'histoire ecclésiastique locale, Paris, 1936, tome 3, p. 513.
↑Marie-José Michel,Jansénisme et Paris ; 1640 - 1730, Klincksieck, 2000, p. 453.
↑Comme l'écritLouis Cognet,« Une constatation s'impose : la quasi-impossibilité de donner au jansénisme un contenu intellectuel précis. […] C'est pourquoi il semble vain de vouloir analyser le jansénisme comme un système clos d'idées qu'on pourrait analyser une fois pour toutes. » dansLe jansénisme, conclusion, p. 123.
↑De la fréquente Communion ou les sentimens des Pères, des papes et des Conciles, touchant l'usage des sacremens de pénitence et d'Eucharistie, sont fidèlement exposez, par M. A. Arnauld prestre Docteur, Paris, A. Vitré, 1643, 790 p., in-4° (lire en ligne). Une seconde édition paraît à Paris, sans nom d'éditeur, l'année suivante.
↑Apologie de Monsieur Jansenius evesque d'Ipre & de la doctrine de S. Augustin, expliquée dans son livre, intitulé, Augustinus. Contre trois sermons de Monsieur Habert, theologal de Paris, prononcez dans Nostre-Dame, le premier & le dernier dimanche de l'advent 1642. & le dimanche de la septuagesime 1643, s.l.s.n., 1644, 2 vol., in-4° (Lire en ligne :vol. 1 etvol. 2).
↑Seconde Apologie pour Monsieur Jansenius, évesque d'Ipre, & pour la doctrine de S. Augustin expliquée dans son livre intitulé « Augustinus » : contre la Response que Monsieur Habert, théologal de Paris, a faite à la première Apologie, & qu'il a intitulée « La Défense de la foy de l'Eglise, &c », s.l.s.n., 1645.
↑Apologie pour feu M. l'Abbé de Saint-Cyran, contre l'extrait d'une information prétendue que l'on fit courir contre luy l'an 1638, et que les Jésuites ont fait imprimer depuis quelques mois, à la teste d'un libelle intitulé : Sommaire de la théologie de l'abbé de Saint-Cyran et du sieur Arnauld, s.l.s.n., 1644, in-4°. L'ouvrage connut une seconde édition in-12° l'année suivante.
↑Seconde lettre à un duc et pair, ou l'on examine la doctrine de l'instruction pastorale de M. l'archevêque de Paris sur l'amour de dieu,s. l. n. n. n. d., in-12°.
↑LouisCognet,« Préface », dans Blaise Pascal,Les Provinciales, Paris, Bordas,,p. XX, XXI
↑LouisCognet,« Préface », dans Blaise Pascal,Les Provinciales, Paris, Bordas,,p. XXIX
↑EmmanuelLesne-Jaffro,« La réception desProvinciales dans lesMémoires du temps », dans Dominique Descotes,Treize études sur Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal,, 130 p.
↑Jean Lesaulnier, « Chronologie de Port-Royal des Champs », inChroniques de Port-Royal, n° 54, 2004, p. 22-23.
↑Pensées de M. Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets, qui ont esté trouvées après sa mort parmy ses papiers, Paris, Guillaume Desprez, 1670 (lire en ligne).
↑Essais de morale [Document électronique] : contenus en divers traittez sur plusieurs devoirs importans, 1671 (lire en lignevol. 1,vol. 2 etvol. 3).
↑Sainte-Beuve,Port-Royal, Tome IV, livre cinquième, p. 462.
↑Voir l'article détaillé et Catherine-Laurence Maire,Les convulsionnaires de Saint-Médard. Miracles, convulsions et prophéties à Paris auXVIIIe siècle, Paris, Archives Gallimard 1985, 267 p., ainsi que Jean-Pierre Chantin,Les Amis de l'Œuvre de la Vérité. Jansénisme, miracles et fin du monde auXIXe siècle, Presses Universitaires de Lyon, 1998, 184 p.
↑Cette mécanique a été analysée en finesse par Peter Campbell, « Aux origines d'une forme de lutte politique : avocats, magistrats et évêques. Les crises parlementaires et les jansénistes (1727-1740) »,Chroniques de Port-Royalno 39, 1990, p. 153-155.
↑Van Kley 2002 ;idem, « Du parti janséniste au parti patriote : l'ultime sécularisation d'une tradition religieuse à l'époque du chancelier Maupéou, 1770-1775 », dans C. Maire (éd.),Jansénisme et révolution, « Actes du colloque de Versailles », 13-14 octobre 1989,Chroniques de Port-Royal, Paris, 1990.
↑Archives parlementaires, 7 mai 1791, tome 25, p. 648.
↑Bernard Plongeron,L'abbé Grégoire et la République des savants, Paris, CTHS, 2001.
↑Les ruines de Port-Royal, en mil huit cent-un. Par le C[itoy]en Grégoire, Paris, Librairie chrétienne, 1801, 40 p., augmenté et réédité sous le titreLes ruines de Port Royal des champs, en 1809, année séculaire de la destruction de ce monastère. Par M. Grégoire, Paris, Levacher, 1809, 177 p., in 8°.
↑Henri-Michel Sauvage,La Réalité du projet de Bourgfontaine, démontrée par l'exécution, 2 vol. Paris, 1755. Dans ce livre, le complot janséniste vise à donner le pouvoir au Parlement, notamment sur le plan de la foi.
↑Dictionnaire historique de la Papauté, sous la direction de Philippe Levillain, éd. Fayard, 1994,sub verbo "Innocent XII Pignatelli 1691-1700" :« Bien que la théologie et l’éthique jansénistes dans leurs postulats théoriques et pratiques aient été largement rejetées par le Saint-Siège, elles sont encore bien loin de disparaître de la vie de l’Église à la fin du XVIIe siècle. À l’époque d’Innocent XII, quelques groupuscules plus combatifs ont quitté la France et se sont transférés en Belgique et en Hollande, d’où ils redoublent d’activité, souvent en conflit avec les directives de Rome. L’université de Louvain est leur forteresse ».
↑Daniel Tollet et Pierre Chaunu,Le jansénisme et la franc-maçonnerie en Europe centrale auxXVIIe et XVIIIe siècles, p. 143 :« Louvain plaque tournante des idées jansénistes »
↑Histoire genérale du Jansénisme, tome III, Amsterdam chez J. Louis de Lorme, 1700, p. 343-344 :« Il faut avoüer , quoy qu'à nôtre confusion, que nous sommes nous et toute l’Eglise, entierement redevable aux Theologiens de Louvain, de ce que les ouvrages de N: P. Saint Augustin ne demeurent pas ensevelis sous la poussiere, et jettez dans les coins des bibliotheques. Puisque ce sont eux qui ont toujours défendu avec un très-grand zele sa doctrine contre ses ennemis et ses calomniateurs. Ce sont eux qui ont corrigé toutes ses œuvres avec un travail immense et un grand amour pour la Religion, les ayant collationnées avec plus de deux cens exemplaires, et nous en ayant enlevé la gloire et la recompense. Et l'on doit rendre graces à Dieu de ce que cette revûe et cette correction s'est faite , avant que la Societé , et nommément Jean Martinez de Ripalda se mêlât de la faire. Car Saint Augustin seroit sorti de ses mains estropié et mal traité : comme nous verrons plus bas ».
↑Charles Lambrechts fut initié en 1778 à la logeLa Vraie et Parfaite Harmonie à l'Orient de Mons :Paul Duchaine,La franc-maçonnerie belge auXVIIIe siècle, Bruxelles, 1911, p. 103 :« dans la suite plusieurs professeurs (de Louvain) et plusieurs étudiants se firent encore initier aux mystères maçonniques, Fery (N. B.Martin Fery, professeur de philosophie à Louvain) etLambrechts, Verhulst et Van der Stegen notamment » etAdolphe Cordier,Histoire de l'ordre maçonnique en Belgique, Mons, 1854, p. 337 : « Tableau des membres de la loge la Vraie et Parfaite Harmonie à Mons: 117: Lambrechts, professeur de droit à l'université de Louvain, Init., 1778 ».
↑Henri Francotte, professeur à l'université de Liège,La Propagande des encyclopédistes français au pays de Liège (1750-1790), Bruxelles : Hayez, 1880,p. 28.
↑Dissertation historique et dogmatique sur l'excellence, l'importance et la nécessité même de la doctrine catholique, par rapport à la grâce de N.-S. Jésus-Christ, 1771.
↑Jacques Godechot,Histoire de l'Italie moderne, Tome 1, Hachette 1972, pp. 46-47.
↑Maurice Vaussard,Jansénisme et gallicanisme aux origines religieuses du Risorgimento, Paris, Letouzey et Ané, 1959, 144 p.
↑Augustin Gazier, « Manzoni à Port-Royal en 1810 », inRevue politique et littéraire (Revue bleue), 14 mars 1908.
↑Sur le gallicanisme duXIXe siècle, voirJacques-Olivier Boudon,L'Épiscopat français à l'époque concordataire. 1802-1905, Origines, formation, nomination, Cerf, 1996, 589 p. Tome 9 de l'Histoire religieuse de la France, Jean-Marie Mayeur (dir).
↑Léon Séché,Les derniers jansénistes depuis la ruine de Port-Royal jusqu'à nos jours (1710-1870), 3 tomes, Paris, Perrin, 1891, introduction du tome I.
Lucien Goldmann,Le Dieu caché. Étude sur la vision tragique dans les Pensées de Pascal et dans le théâtre de Racine, Gallimard, Paris, 1955.(ISBN978-2070295500)
Maurice Vaussard,Jansénisme et gallicanisme aux origines religieuses du Risorgimento, Paris, Letouzey et Ané, 1959, 143 p.
La revueChroniques de Port-Royal, qui consacre chacun de ses numéros annuels aux actes des colloques organisés par la Société des amis de Port-Royal, accompagnés devaria. Elle permet de publier rapidement les dernières recherches concernant le jansénisme.
La version du 12 mai 2008 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.