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Jan Garbarek

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Jan Garbarek
Description de cette image, également commentée ci-après
Jan Garbarek à Oslo en 2005
Informations générales
Naissance(78 ans)
Mysen
Genre musicalJazz,ethno-jazz
Instrumentssaxophone ténor,saxophone soprano
Années actives1966 - aujourd'hui
LabelsECM

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Jan Garbarek, né le àMysen (Norvège), est unsaxophonistenorvégien dejazz et d'ethno-jazz.

Jan Garbarek a contribué à l'histoire du jazz par la création d’une esthétique originale et très personnelle, privilégiant la mélodie et la sensibilité. Garbarek possède une identité musicale particulièrement reconnaissable, se démarquant nettement du jazz américain traditionnel. Son travail couvre un très large spectre musical, dufree jazz de ses débuts, à ses échanges avecThe Hilliard Ensemble. Jan Garbarek a su engager un dialogue fécond avec des musiciens issus d'horizons très divers, des plus lointains (L. Shankar,Trilok Gurtu,Anouar Brahem, etc.) aux plus proches de satradition musicale d'origine (Agnes Buen Garnås,Mari Boine, etc.) ; ce dialogue est reconnu comme une contribution majeure à la musique instrumentale de son époque.

Pilier du labelECM deManfred Eicher, Garbarek est devenu de facto une figure d’un jazz « européen », styliste attentif au silence et à la lenteur[1]. Bien que son style ou son parcours musical soient parfois critiqués, il bénéficie d'une popularité importante, auprès d'un large public qui dépasse amplement le milieu du jazz.

Biographie

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Jan Garbarek est né le àMysen, une petite ville à quelques kilomètres à l'est d'Oslo, enNorvège. Son père, Czesław Garbarek, est d'origine polonaise, et a été déporté en Norvège par lesnazis pendant laSeconde Guerre mondiale[2]. Sa mère, Kari Nordbø[3], est norvégienne, originaire de la région deTrøndelag. Les Garbarek vivent un temps à Mysen, dans un camp de réfugiés de guerre, avant de déménager à Oslo[2].

Garbarek entre à l'université d'Oslo, où il étudie lepolonais, laphilosophie et lapsychologie. Il désirait également étudier l'arabe et lesanscrit, mais le développement de sa carrière musicale le fait arrêter ses études[4]. À 21 ans, Jan Garbarek se marie avec Vigdis Granberg[3], et le couple emménage à Oslo. En 1970, ils ont une fille unique,Anja Garbarek, qui devient une chanteuse pop.

Carrière musicale

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Les débuts

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À 14 ans, Jan Garbarek vit un véritable choc musical en écoutant à la radioCountdown, tiré de l'albumGiant Steps deJohn Coltrane[5]. Ce disque de Coltrane le fascine et le décide à apprendre lesaxophone enautodidacte et à s'intéresser aujazz, qu'il ne connaissait jusqu'alors absolument pas[5]. En 1963, Jan Garbarek a l'occasion d'assister à un concert du quartet de John Coltrane à Oslo, avecElvin Jones,Jimmy Garrison etMcCoy Tyner. Le concert le déçoit un peu, mais le son de Coltrane l'impressionne[6].

En 1962, Garbarek participe enquartet au concours amateur norvégien de jazz, et le remporte, ainsi que le premier prix de soliste[7]. Il est ensuite rapidement remarqué par la chanteuse norvégienneKarin Krog, qui l'intègre dans son groupe. Garbarek y rencontre le batteurJon Christensen, avec qui il s'entend particulièrement bien musicalement et qui devient un partenaire musical régulier[8]. En 1965, auMolde Jazz Festival, Garbarek rencontre le compositeur américainGeorge Russell. Ce dernier invite Garbarek et Christensen à participer à sonbig band àStockholm[9]. Cette collaboration dure jusqu'en 1971, et donne lieu à six enregistrements.

En 1968, Garbarek participe au premier disque du guitariste norvégienTerje Rypdal, et forme un quartet avec Rypdal,Arild Andersen, et Jon Christensen pour son premier disque en 1969,Esoteric Circle. Le disque est produit par George Russell sur le labelFlying Dutchman.

Les années 1970

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Eberhard Weber, le bassiste du Jan Garbarek Group, en concert àLucerne

Garbarek fait une rencontre importante en 1969 au festival deBologne, c'est celle deManfred Eicher, producteur dulabel allemandECM. Impressionné par le son de Garbarek, Eicher lui propose d'enregistrer pour ECM, et le rappelle quelques mois plus tard pour trouver un studio d'enregistrement àOslo[10]. Les 22 et, Garbarek,Terje Rypdal,Arild Andersen etJon Christensen enregistrentAfric Pepperbird, le premier album de Garbarek pour ECM.

En marge du festivalJazz Jamboree en Pologne en 1973, Garbarek participe à unejam session particulièrement remarquée avecBobo Stenson, Jon Christensen etPalle Danielsson[11]. Stenson décide alors de modifier la formation initialement prévue pour l'enregistrement d'un album avec Jon Christensen et Palle Danielsson (chezECM) et d'y intégrer Garbarek[11] : le trio est devenu un quartet dont le premier opus sera le disqueWitchi-Tai-To. Le quartet devient alors très populaire en Norvège, donne des concerts et participe à des festivals, avec énormément de succès[12]. Le groupe est élu meilleur groupe de jazz dans le magazine Jazz Forum[12]. Le quartet commence également un travail avec le poèteJan Erik Vold.

En 1974, la rencontre avecKeith Jarrett constitue un tournant décisif dans la carrière du saxophoniste.Jarrett intègre Garbarek à son quartet dit « européen », au côté du batteur norvégienJon Christensen et du bassiste suédoisPalle Danielsson. Cette expérience lui permettra d'accéder à une notoriété internationale, et de mener une carrière enleader très suivie et appréciée bien au-delà des frontières de laNorvège. Il mène également une activité importante desideman à l'étranger, en particulier auprès de musiciens américains formant l'avant-garde d'un jazz ouvert à d'autres horizons musicaux (world music par exemple), notammentRalph Towner,Gary Peacock,Kenny Wheeler,Charlie Haden et le BrésilienEgberto Gismonti.

Parallèlement au quartet de Jarrett et à son activité desideman, Garbarek continue son travail avec un quartet personnel, basé sur une instrumentation classique :saxophone,piano ouguitare,contrebasse,batterie. Ce quartet est parfois appelé leJan Garbarek Group à partir de 1978. Si la base du groupe est un quartet, elle évolue parfois vers un trio (Eventyr, 1980), ou un quintet (Photo with..., 1978). Les musiciens de ce groupe changent régulièrement, en particulier la section harmonique qui est tenue successivement parJohn Taylor (piano et orgue) etBill Connors (guitare) surPlaces (1977) etPhoto with... (1978),John Abercrombie (guitare) pourEventyr (1980),Bill Frisell (guitare) pourPaths, Prints (1981) etWayfarer (1982).

En 1978, le bassiste allemandEberhard Weber, qui avait déjà travaillé avec Garbarek sur des albums deRalph Towner (Solstice 1975, etSound and Shadows, 1977), intègre le groupe et participe à l'albumPhoto with.... Weber est un élément de stabilité du Jan Garbarek Group dont il est resté le bassiste jusqu'en 2007.

Les années 1980

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Dans lesannées 1980, Jan Garbarek continue son travail en quartet et enregistre cinq albums pendant la décennie :Paths, Prints (1981),Wayfarer (1982),It's OK to Listen to the Gray Voice (1985),Legend of the Seven Dreams (1988), etI Took up the Runes (1990). En 1988, le pianiste allemandRainer Brüninghaus se joint au groupe, duquel il reste à ce jour le pianiste habituel.

Garbarek continue également son travail desideman, auprès deGary Peacock,Eberhard Weber,David Darling,Eleni Karaindrou, ouArve Tellefsen. Parallèlement à ces activités, le saxophoniste s'intéresse de plus en plus à des collaborations avec desmusiciens « world ». C'est avec lamusique indienne qu'il fait le plus d'expériences. Il rencontre en 1983 le violoniste indienL. Shankar (deShakti), avec qui il enregistre deux disques :Vision (1983) etSong for Everyone (1984). Il collabore également avec le percussionnisteZakir Hussain (membre de Shakti) et le flûtiste indienHariprasad Chaurasia pourMaking Music (1986), ainsi que le chanteur pakistanais UstadFateh Ali Khan et le percussionniste pakistanais UstadShaukat Hussain Khan pourRagas and Sagas (1990).

Il explore également lepatrimoine musical norvégien, en s'inspirant de mélodies traditionnelles dansEventyr (1980)[13], et en collaborant avec des chanteurs traditionnels norvégiens,Agnes Buen Garnås pourRosensfole (1988), ainsi qu'avec les chanteurssamis dejoik,Mari Boine etIngor Ánte Áilo Gaup pourI Took up the Runes (1990).

Les années 1990 et 2000

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En 1989, Jan Garbarek rencontre le batteur françaisManu Katché lors d'un trio avec le violoniste indienL. Shankar au théâtreLa Cigale àParis[14]. Ils collaborent ensuite pour le disqueRagas and Sagas (1990), puis Manu Katché intègre leJan Garbarek Group, et participe à l'enregistrement deI Took up the Runes (1990). Katché devient alors le batteur régulier du groupe, en alternance/collaboration avec la percussionniste danoiseMarilyn Mazur, et le percussionniste indienTrilok Gurtu. Le Jan Garbarek Group se stabilise alors, avecEberhard Weber à la contrebasse,Rainer Brüninghaus au piano et synthétiseurs, Manu Katché à la batterie et Marilyn Mazur aux percussions.

Il continue par ailleurs son exploration des musiques du monde, avec l'oudiste tunisienAnouar Brahem et UstadShaukat Hussain Khan pourMadar (1992), ainsi qu'avec desmusiciens suisses sur le disque dePaul GigerAlpstein (1991).

Garbarek expérimente également le mélange de l'improvisation avec lamusique classique. Sa collaboration avec le quatuor vocalThe Hilliard Ensemble en 1993 pour l'albumOfficium sur des compositions demusique ancienne est un très grand succès auprès du public[15]. C'est l'une des meilleures ventes du labelECM, avec plus d'un million d'exemplaires[15]. L'expérience est réitérée avec l'albumMnemosyne en 1999, qui élargit le répertoire à des chansons traditionnelles et des compositionscontemporaines, en particulier par le compositeurVeljo Tormis.

En 2007, il invite l'altiste classiqueKim Kashkashian sur son albumIn Praise of Dreams. Il collabore également avec des compositeurs contemporains, commeGiya Kancheli, pourCaris Mere (1995), ouTigran Mansurian, pourMonodia (2002).

Autres collaborations

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Jan Garbarek joue des musiques de scène pour le théâtre dans lesannées 1970 et1980[16]. Malgré le fait de devoir jouer la même musique chaque soir, il y trouve de l'intérêt grâce à l'improvisation[16]. Le disqueAftenland est issu de ces improvisations pour le théâtre[17]. Il compose aussi des musiques de films norvégiens et français, ainsi que pour la télévision ou des ballets[17],[18]. Certaines de ces compositions sont enregistrées sur l'albumVisible World[17]. Il compose également la musique du film israélienKippour qui sort en 2000[19].

Éléments musicaux

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Les instruments

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Jan Garbarek live à Athènes (2007)

L'instrument principal de Jan Garbarek est lesaxophone ténor. Au milieu desannées 1960, il pense également adopter lesaxophone soprano, mais n'est pas satisfait du son généralement obtenu avec un soprano droit. Il est en revanche attiré par le son de soprano deJohnny Hodges, qu'il trouve vraiment différent et qu'il imagine provenir d'un soprano courbe[20]. Garbarek attend alors de trouver un modèle de soprano courbe qui lui convienne. Il découvre finalement un modèle italien en 1969 àStockholm[16], et commence à l'utiliser régulièrement dans son travail à partir de 1971[20]. À partir de cette période, Garbarek utilise systématiquement le ténor et le soprano dans ses disques et en concert.

De façon plus marginale, Garbarek a également utilisé lesaxophone basse, par exemple pour l'albumTriptykon[21], ou lesaxophone baryton, pour accompagner sa filleAnja Garbarek sur le disqueBriefly Shaking[22]. Outre le saxophone, Garbarek utilise fréquemment desflûtes, par exemple pourTriptykon,Paths, Prints,Legend of the Seven Dreams, ouDresden. Il utilise en particulier laflûte de saule (no), flûte traditionnelle scandinave. Pour ses albums studio, il est parfois crédité auxpercussions etsynthétiseurs.

Formations et instrumentation

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Si Garbarek a joué dans de multiples configurations, en solo sur l'albumAll Those Born with Wings, enbig band avecGeorge Russell, avecorchestre symphonique (Luminessence,Arbour Zena), il privilégie nettement les petites formations :duo,trio,quartet et parfoisquintet.

Garbarek a enregistré plusieurs albums en trio saxophone/basse/batterie, (Triptykon,Star), ainsi qu'en duo (avecJon Christensen[16],Aftenland,Dis,Elixir...), mais le quartet est la formule qui lui convient le mieux d'après lui[16]. Il joue plusieurs années en quartet saxophone/piano/contrebasse/batterie, avecBobo Stenson, puisKeith Jarrett etJohn Taylor, avant de trouver que le piano, et la manière de jouer des pianistes, restreint sa capacité à s'exprimer[16]. Il choisit alors la guitare, qui lui offre plus de liberté.Bill Connors,David Torn et surtoutBill Frisell sont capables de lui fournir cet espace et d'inventer de « véritables paysages électriques »[16].

Garbarek revient ensuite à une instrumentation avec piano ousynthétiseurs, notamment à cause de l'évolution dans sa manière de composer. Composant désormais avec un synthétiseur, il s'intéresse davantage à l'aspect harmonique, et considère que l'utilisation d'un piano permet de mieux retranscrire ses idées[16].

Le son

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Le modèle de Jan Garbarek estJohn Coltrane, dont le son le fascine, et qu'il décrit comme pur, transparent, pénétrant, léger[6]. Il cherche alors à s'en rapprocher. Une autre influence est celle du son de saxophone deDexter Gordon, que Garbarek estime être l'une des sources du son de Coltrane, et qu'il qualifie de direct et transparent. Garbarek estime que ce sont les principales influences à l'origine de son propre son[6]. Il cite égalementJohnny Hodges, qu'il admire et qu'il a attentivement écouté[23], ainsi que des saxophonistesswing, desannées 1930 à1950 :Gene Ammons,Lester Young,Ben Webster[24].

Au début de sa carrière, la sonorité de Garbarek est encore relativement agressive, marquée par lefree jazz, et ses meneurs tels que John Coltrane,Albert Ayler,Ornette Coleman,Pharoah Sanders ou le "passeur"[25]Eric Dolphy. Toutefois, il développe rapidement une sonorité beaucoup plus tendre, parfois qualifiée de féminine, en particulier à partir de 1971 et de l'albumSart[26]. Le son de Garbarek est immédiatement reconnaissable[27], généralement décrit comme étant clair, frais, tout en étant ample et totalement maîtrisé[28]. Il utilise un légervibrato, ainsi qu'un fort effet deréverbération. Sesattaques sont parfois amenées avec un légerglissando, ce qui peut donner une sonorité plaintive à ses mélodies[28]. C'est la qualité de projection du son chez Garbarek qui frappe les auditeurs, ainsi que la capacité de faire sonner le saxophone comme une véritablevoix, à la fois transparente et chaleureuse[29],[30]. Garbarek a déclaré que l'un de ses buts était d'obtenir un son immédiatement reconnaissable, en citant comme modèleJohnny Hodges[23].

Ce son est le reflet de la personnalité du saxophoniste, de sa morphologie et de son contrôle du souffle, mais aussi d'un long travail. Garbarek a passé de longs mois, de six à sept heures par jour, à s'entraîner uniquement à tenir des sons, et à en maîtriser ladynamique[30]. PourEberhard Weber, cette maîtrise de la dynamique est une caractéristique essentielle de Garbarek[30].

De nombreux musiciens ont été impressionnés par le son de Garbarek.Nils Petter Molvaer décrit la façon dont le saxophone de Garbarek chante, plutôt que joue desphrases stéréotypées[29]. Pour le batteur écossais Ken Hyder, le son de Garbarek est la première chose que l'on remarque chez lui, un son qui est à la fois attirant et très personnel[29]. Lors d'une tournée avec Garbarek, le pianisteJohn Taylor est impressionné par l'attention que le saxophoniste apporte à la projection du son. Il utilise son propre matériel (micro, réverbération), et teste systématiquement l'acoustique des salles, ainsi que de nombreusesanches, afin de sélectionner la plus adaptée[30].

Le style

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Jan Garbarek en concert en Belgique, 2007

Jan Garbarek est fortement influencé lors de sa formation musicale parJohn Coltrane (lui-même influencé par lamusique indienne) et l'improvisation modale[31]. Son style est au départ très marqué par lefree jazz, et l'influence de Coltrane,Albert Ayler, ouPharaoh Sanders est perceptible.

Toutefois, dès ses premiers albums, en particulierAfric Pepperbird etSart, Garbarek développe une approche nouvelle, qui n'est ni l'héritage du free jazz historique, ni le radicalisme européen développé par les musiciens allemands et hollandais à la même époque[32]. Là où unPeter Brötzmann a tendance à remplir l'espace, Garbarek laisse au contraire de la place au silence et remet au centre la mélodie. L'influence deDon Cherry et surtoutGeorge Russell, avec qui Garbarek a collaboré, et qui cherchaient de nouvelles voies au free jazz, a aidé Garbarek dans sa remise en cause. À la fin desannées 1960, il se rend compte du poids de la tradition du jazz, et du risque d'atrophie et de standardisation sur son jeu[33]. Il décide alors de se donner plus d'espace, suivant en cela la même voie queMiles Davis[33].

Les formations de Garbarek produisent une sonorité légère et aérée, très axée sur la mélodie, le silence et la respiration[34]. Ce côté aérien est renforcé par un son de saxophone caractéristique, notamment obtenu par un fort effet deréverbération, ausaxophone ténor comme ausoprano. Le lyrisme, voire le romantisme de Garbarek est mis en avant, et est salué par les critiques sur ses disques des années 1970[32]. Garbarek ne joue jamais destandard du jazz, et dira même que « les standards du jazz ne sont pas [s]es standards »[35]. Il préfère des compositions personnelles ou des chansons traditionnelles. Le style obtenu s'éloigne du jazz américain, n'est plus autant marqué par lerythme, leswing et leblues, mais se rapproche d'une sensibilité plus européenne, telle qu'elle est perçue parManfred Eicher[35].

C'est aussi un pionnier de l'ambient, notamment avec l'albumDis, en collaboration avecRalph Towner, album méditatif qui connaît un très grand succès commercial. L'album sera abondamment réutilisé comme musique d'illustration par la télévision, le cinéma et les documentaires télévisés.Dis est également critiqué comme n'étant que de la musique d'ambience[36]. Plus généralement, il est difficile de catégoriser le travail de Garbarek, en particulier ses collaborations avec des musiciens classiques, commeOfficium ouIn Praise of Dreams, qui ne sont vus ni comme du classique, ni comme du jazz, ni même ducross-over[37]. Garbarek estime que ces questions de genres ne sont pas de son ressort, même si la visibilité de son travail peut pâtir du fait qu'il ne tombe dans aucune catégorie. Il cite l'exemple d'Aftenland, duo d'improvisationsorgue-saxophone, jamais critiqué par les journaux et magazines norvégiens car inclassable[37]. Garbarek se considère toutefois extrêmement chanceux d'être publié parECM, car la maison de disques donne justement une visibilité à ce genre de musique inclassable[37].

Les musiques du monde

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Le percussionniste pakistanais UstadShaukat Hussain Khan, 2008.

Jan Garbarek est l'un des pionniers dans le croisement du jazz avec lamusique traditionnelle. Sa première rencontre avec un musicien traditionnel indien, en 1965, n'est cependant pas une réussite, puisque les deux musiciens n'arrivent pas à se comprendre[31]. C'estDon Cherry, alors exilé enSuède, qui est à l'origine de cet intérêt pour des collaborations avec des musiciens folkloriques. C'est lui qui suggère et organise, vers 1967, une session où Garbarek,Arild Andersen,Terje Rypdal etJon Christensen improvisent avec une chanteuse folklorique norvégienne. Garbarek trouve l'expérience très positive, et considère sérieusement cette idée de collaboration avec des musiciens folks[38].

Le saxophoniste ressent à la fin des années 1970 le besoin de s'éloigner du jazz, qu'il trouve trop bavard, et trop éloigné de son origine traditionnelle (leblues)[39]. Il se tourne alors vers sa propre tradition, en intégrant quelques éléments de musique folklorique norvégienne, à travers des instruments (flûte traditionnelle en bois), ou des compositions. Il espère ainsi retrouver un rapport à la mélodie plus classique, avec une distinction plus claire entre accompagnement et mélodie[39].Pour l'albumEventyr, il s'inspire de mélodies traditionnelles norvégiennes, en allant visiter les collections musicales deChateau Neuf à Oslo[13].

L'implication devient plus forte à partir des années 1990, où Garbarek se met à dialoguer avec des instrumentistes traditionnels. Il collabore avec des chanteurs norvégiens (Agnes Buen Garnås,Mari Boine,Ingor Ánte Áilo Gaup), puis avec des musiciens de cultures différentes (le TunisienAnouar Brahem, les IndiensZakir Hussain,L. Shankar ou le Pakistanais UstadFateh Ali Khan). Ces rencontres sont vues par Garbarek comme un véritable dialogue avec un autre musicien, une rencontre de personnalités plus qu'une rencontre entre musiques[16],[40].

Garbarek est particulièrement intéressé par la ressemblance entre sa propre musique folklorique et des musiques a priori éloignées, comme la musique des Balkans, lamusique indienne ou lamusique arabe[39]. Des points de rencontre existent, notamment en matière degammes ou demodes, ce qui permet aux musiciens de dialoguer facilement[31]. Ces relations ont également été notées par d'autres musiciens, comme la compositrice grecqueEleni Karaindrou, qui ressent une composante balkanique dans la musique de Garbarek[39], ou le flûtiste bulgareTheodosii Spassov, qui pointe les similitudes avec la musique des Balkans, et jusqu'à lamusique indienne[41].Anouar Brahem a été également impressionné par l'aisance avec laquelle Garbarek s'est approprié les modes utilisés en musique arabe[42]. Le percussionniste indienTrilok Gurtu, avec qui Garbarek a joué à des multiples reprises, a lui aussi remarqué la parfaite compréhension de Garbarek des complexités rythmiques de la musique indienne[43].

Critiques

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Les avis des critiques et des amateurs sur Jan Garbarek sont très partagés. Il est décrit comme fascinant pour les uns, horripilant pour les autres[16],[44].

Son travail desannées 1970 est généralement très bien perçu, notamment parce qu'il apporte une véritable nouvelle direction au jazz de l'époque[45].Afric Pepperbird (1970),Sart (1971) sont particulièrement appréciés, autant par les critiques européens qu'américains (Jazz Magazine,Down Beat, Melody Maker, Jazznytt, etc.) Le jeu de Garbarek lui-même est trouvé très convaincant[34], et il se voit même qualifié de musicien le plus intéressant et original venant d'Europe par le magazine américainDown Beat[34].

Toutefois, dès l'albumDis (1976), certains critiques expriment leur incompréhension, voir leur agacement face aux climats développés par Garbarek, et ce qui peut être perçu comme une« musique d'atmosphère ». Les critiques portent essentiellement sur le fait de chercher à créer des climats exotiques, des ambiances, et accusent Garbarek de « favoriser la manière sur la matière »[36]. Ces critiques sont en général aussi reliées à l'esthétique de la maison de disquesECM, qui produit Garbarek, accusée de favoriser des climats lénifiants, sans prise de risque, et produire de ce fait des disques aseptisés et monotones[46],[32],[47]. Ces critiques sont récurrentes sur les albums de Garbarek, et s'exprimeront également pourAftenland (1979),Paths, Prints (1982),Wayfarer (1983), ouIt's OK to Listen to the Gray Voice (1985)[46],[47]. Ces opinions ne sont pas partagées par de nombreux critiques, qui voient au contraire beaucoup de sensibilité, de sensualité dans l'approche de Garbarek, dont le son exerce une certaine fascination[36],[28],[48]. Le sens de la respiration et de la mélodie est également apprécié[49].De fortes critiques s'expriment aussi envers leJan Garbarek Group desannées 1990, où Garbarek est accusé de s'y caricaturer lui-même[32].

Un album particulièrement critiqué estOfficium, réalisé en collaboration avec leHilliard Ensemble, ainsi que sa suiteMnemosyne. Les critiques viennent autant du milieu de lamusique classique que dujazz, et accusent le disque de flirter avec lanew age[50] ou lekitsch[51]. Paradoxalement ou non, cet album est la meilleure vente de Garbarek, et l'une des meilleures ventes du label ECM[15].

Certains albums de Garbarek remportent cependant une adhésion très large. C'est le cas de ses coopérations avec desmusiciens world, par exemple avecAnouar Brahem surMadar[42], etZakir Hussain surMaking Music[52]. Son seul album enregistré enlive en tant que leader,Dresden, beaucoup plus proche du jazz, a également rencontré un écho très positif chez une grande majorité de critiques[53],[54].

Influence et notoriété

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L'influence de Garbarek dans lejazz est très importante, à la fois par sa participation à la création de l'esthétiqueECM, le développement du jazz européen, ainsi que par ses expériences avec lesmusiques du monde.

Son influence est particulièrement importante enNorvège, et plus généralement enScandinavie, à la fois sur le public comme sur les musiciens, et ceci dès ses premiers pas avecKarin Krog[55]. Le quartet avecBobo Stenson dans les années 1970 a également été extrêmement populaire, avec une très forte adhésion du public norvégien[56]. Certains musiciens déclarent même lui devoir leur vocation, comme le saxophoniste norvégienTrygve Seim, qui doit son apprentissage du saxophone à l'écoute d'Eventyr[57]. Son univers musical est également fortement imprégné de celui de Garbarek. Des musiciens provenant d'autres horizons musicaux ont aussi été influencés par Garbarek, comme le trompettisteNils Petter Molvaer, proche de lamusique électronique, qui rapporte le rôle joué par les disques de Garbarek et en particulier deSolstice, avecRalph Towner[58].

La notoriété de Garbarek est véritablement devenue importante grâce à ses collaborations avec le pianiste américainKeith Jarrett à partir de 1974. Celui-ci jouit d'une reconnaissance internationale très importante, qui permet à Garbarek de s'exprimer auprès d'un public plus large. Pour l'ingénieur du sonJan Erik Kongshaug, qui a enregistré pour ECM plusieurs albums du quartet formé par Jarrett, Garbarek,Palle Danielsson etJon Christensen, cette collaboration était véritablement impressionnante, et ces disques restent parmi ses favoris[59].

Le Jan Garbarek Group des années 1980 et 1990 est également très populaire, et enchaîne des tournées très fournies à travers l'Europe, donnant jusqu'à plus de cinquante concerts en deux mois[56]. Toutefois, l'expérience qui a permis à Garbarek d'obtenir une visibilité importante en dehors du milieu du jazz et jusque dans le grand public est la collaboration avecThe Hilliard Ensemble pour l'albumOfficium. Celui-ci connaît un succès considérable, avec plus d'un million d'exemplaires vendus, et est l'une des meilleures ventes du catalogue ECM[15].

Discographie

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Article détaillé :Discographie de Jan Garbarek.
Jan Garbarek live, 2007

Jan Garbarek a enregistré une trentaine d'albums sous son nom, la majorité pour lamaison de disques allemandeECM, ainsi qu'une cinquantaine en tant quesideman.

Liste des albums de Jan Garbarek sortis sous son nom :

Les enregistrements sont effectués en studio, en général dans les conditions dulive, en peu de temps - les sessions d'enregistrements ne durant que d'un à deux jours. Les derniers albums sont toutefois des cas particuliers,Dresdenest unalbum live, le seul de sa discographie en leader.In Praise of Dreams a été enregistré séparément par les trois musiciens, Jan Garbarek dans son studio personnel,Kim Kashkashian près deBoston etManu Katché à Paris[61].

Les titres des albums et des morceaux sont choisis par Jan Garbarek. Ils sont en général très imaginatifs[62], et sont importants pour le saxophoniste, qui les trouve à partir « de connexions, d'ambiguïtés ou de contrepoints »[62]. En dernier ressort, il utilise parfois un livre de poésie comme inspiration. Le choix des titres des morceaux est effectué à la dernière minute, juste avant l'impression de l'album par la maison de production[62]. L'ordre des morceaux est par contre choisi par le producteur,Manfred Eicher, qui a généralement de l'intuition pour cela[62].

Prix et distinctions

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Bibliographie

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Notes et références

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  1. Lake (2007), John Fordham, ECM and European Jazz, p.14.
  2. a etbTucker,p. 100.
  3. a etb(no)Bjørn Stendahl, « Jan Garbarek », surNorsk biografisk leksikon, Kunnskapsforlaget(consulté le).
  4. Tucker,p. 98.
  5. a etbMédioni, Interview de Jan Garbarek, p.101.
  6. ab etcMédioni, Interview de Jan Garbarek, p.102.
  7. Tucker, p.104.
  8. Tucker, p.103.
  9. Tucker, p.109.
  10. Tucker,p. 162-163.
  11. a etbLake (2007),p. 261.
  12. a etbLake (2007),p. 262.
  13. a etbTucker, p.203.
  14. Lake (2007),p. 61.
  15. abc etdLake (2007),p. 59.
  16. abcdefghi etjInterview de Jan Garbarek,Jazz Magazine -Jazzman, n°608, novembre 2009,p. 36-40.
  17. ab etcTucker, p.277.
  18. Jan Garbarek sur la base de données Web IMDB.
  19. « Fiche du filmKippour » sur l'Internet Movie Database.
  20. a etbSteve Lake,Jan Garbarek: Saga of Ice and Fire,Down Beat, vol.44, n°19, 17 novembre 1977,p. 16.
  21. Steve Lake, Notes de pochette deTriptykon,ECM.
  22. Notes de pochettes deBriefly Shaking,Virgin Records Norway.
  23. a etbPeter Rüedi, pochette dePersonal Mountains.
  24. Tor DyboGarbarek and the nordic sound, RevueNordic Sounds, n°3, 1995.
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  26. Tucker, p.35.
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  43. Tucker, p.250.
  44. Eric QuenotJazz Magazine -Jazzman, n°608, novembre 2009,p. 38.
  45. Alain Gerber,Jazz Magazine, août 1971.
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  51. Tucker, p.258.
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