Letélescope spatialJames Webb (JWST, pour l'anglaisJames Webb Space Telescope, ou parfoisTSJW selon son nom français[1],[2]) est untélescope spatial servant d'observatoire fonctionnant principalement dans l'infrarouge, développé par laNASA avec la participation de l'Agence spatiale européenne (ESA) et de l'Agence spatiale canadienne (ASC). Plus grand et plus onéreux télescope spatial à son lancement, le JWST est conçu pour poursuivre les travaux du télescope spatialHubble, en effectuant toutefois ses observations dans des longueurs d'onde plus longues. Son lancement a lieu le aucentre spatial de Kourou enGuyane française et la première image de qualité scientifique produite par le télescope est publiée en.
Les travaux sur leJWST commencent en 1989, mais le projet connaît de nombreuses évolutions et vicissitudes dues aux défis technologiques qu'il soulève (miroir primaire pliable,bouclier thermique déployable) et aux dépassements budgétaires. Le projet frôle l'annulation en 2011. Pour la seule NASA, son coût de fabrication, qui a été estimé à trois milliards de dollars américains à l'issue de la phase de conception générale en 2005, atteint finalement environ dix milliards de dollars. La date de lancement, fixée initialement à 2013, est repoussée régulièrement jusqu'à fin 2021. En 2002, le projet prend le nom du second administrateur de la NASA,James E. Webb, qui a largement contribué au succès duprogrammeApollo. Le télescope est lancé par une fuséeAriane 5 le, depuis labase de Kourou enGuyane française, et placé, après un transit d'un mois, en orbite autour dupoint de Lagrange L2 du système Soleil-Terre, situé à1,5 million de kilomètres de laTerre, du côté opposé au Soleil. À la suite d'une phase de mise en service de six mois, comprenant le déploiement particulièrement délicat de son bouclier thermique et de ses miroirs, commence la mission scientifique d'une durée de cinq ans, qui doit permettre de remplir les objectifs assignés au télescope. Le temps d'observation est réparti, par une commission scientifique, entre les équipes ayant contribué au projet et les chercheurs du monde entier, par le biais d'une évaluation annuelle de l'apport de leurs propositions. LeJWST emporte des réserves d'ergols (nécessaires pour maintenir sa position au point de Lagrange) qui doivent lui permettre de rester en fonctionnement pendant au moins vingt ans.
Un peu plus de deux ans après son entrée en service, le télescope spatial a déjà largement dépassé les attentes de ses concepteurs. De nouveaux records de distance ont été établis pour l'observation d'étoiles individuelles, de galaxies et delentilles gravitationnelles. Le JWST a surtout apporté des éclairages nouveaux sur d'importantes questions scientifiques, comme la formation destrous noirs supermassifs, l'origine dessursauts gamma longs ou la structure dessystèmes planétaires. Les données recueillies par le télescope spatial ont également confirmé qu'il existe des divergences sur la valeur de laconstante de Hubble.
Schéma 1 : le rayonnement infrarouge (IR) est en grande partie intercepté par l'atmosphère, essentiellement par un phénomène d'absorption.
Lerayonnement émis par les astres (planètes,étoiles,galaxies,astéroïdes...) dans l'infrarouge est une source d'information importante pour comprendre les processus à l’œuvre dans l'espace. Mais les molécules de l'atmosphère terrestre bloquent en grande partie ce type de rayonnement (schéma 1), en empêchant toute observation approfondie à partir du sol terrestre. Aussi l'astronomie infrarouge connaît-elle un essor important à compter des années 1980, grâce au développement destélescopes spatiaux, qui permettent de s'affranchir de l'obstacle constitué par l'atmosphère. L’astronomie dans l'infrarouge devient la source de nombreuses découvertes, notamment sur la formation des étoiles et des planètes, sur les galaxies primordiales et les objets froids situés dans les galaxies[3]. L'agence spatialeaméricaine, laNASA, joue un rôle majeur dans le développement destélescopes spatiaux infrarouge, grâce à ses énormes moyens financiers[a], et sa maîtrise des technologies nécessaires, en partie issues de travaux militaires sur les détecteurs. Elle développe ainsi letélescope infrarougeIRAS, instrument pionnier qui transmet ses premières images en 1983. Au début de la décennie 1990, lorsque la communauté desastronomes est consultée par l'agence spatiale sur les caractéristiques du successeur du télescopeHubble[b], fer de lance de l'astronomie à la NASA, son choix se porte sur un télescope optimisé pour l'observation dans l'infrarouge. C'est en effet dans ce domaine spectral qu'on escompte trouver des réponses à de nombreuses questions soulevées par les dernières avancées dans les domaines de l'astronomie et de lacosmologie.
Historique du projet : des premières esquisses aux spécifications détaillées (1989-2009)
Les premières études relatives autélescope spatialJames Webb sont initiées par la NASA en 1989, avant même le lancement du télescope spatialHubble (1990) dont il doit être le successeur. Il faut encore20 ans (1989-2009) pour que l'architecture technique et les objectifs scientifiques soient fixés et que l'agence spatiale américaine décide de développer ce projet aux caractéristiques et au coût hors normes.
Vue d'artiste du projet de télescope spatial NGST (Next Generation Space Telescope), première mouture du JWST.
En 1989, le directeur duSpace Telescope Science Institute, le centre chargé des opérations du télescope spatialHubble, initie une réflexion sur le télescope qui devra en prendre la relève vers 2005[c]. Le rapport issu des travaux, organisés avec le soutien de la NASA, propose que l'agence spatiale mette à l'étude un télescope de huit mètres de diamètre, observant dans le proche infrarouge grâce à un système de refroidissement passif. Les problèmes rencontrés parHubble, peu après son lancement (1990), la diminution du budget de la NASA et le changement dans la présidence des États-Unis mettent provisoirement fin à l'étude du nouveau télescope. Les études de celui-ci sont relancées en 1993. À la demande de la NASA, l'Association des universités pour la recherche en astronomie (AURA) crée le comitéHST and Beyond pour définir les caractéristiques du successeur deHubble qui doit entrer en service au cours des premières décennies du siècle suivant. Le comité propose, en 1995, de prolonger la durée de vie deHubble de cinq ans (jusqu'à 2010) et esquisse les caractéristiques de son successeur : celui-ci doit comporter un miroir de quatre mètres de diamètre. Les objectifs scientifiques du futur télescope sont l'étude du processus de formation des galaxies, des étoiles, des planètes et de la vie, avec un accent mis sur les débuts de l'Univers. Le télescope baptisé Hi-Z doit circuler sur uneorbite héliocentrique de 1 × 3 unités astronomiques. La NASA charge un de ses établissements, lecentre de vol spatial Goddard (traditionnellement responsable des missions astronomiques à la NASA), de mener uneétude de faisabilité[5],[4].
Étude de faisabilité et définition fine des besoins (phase A : 1995-2001)
Maquette au 1/6 de la partie optique réalisée pour valider l'architecture du futur télescope.L'équipe projet du centre de vol spatial Goddard devant une maquette à l'échelle 1 en 2005.
Daniel Goldin, le nouveladministrateur de la NASA en 1995, dans le cadre de sa politique du« Faster, better, cheaper » (« plus vite, meilleur et moins cher »), incite la communauté desastronomes à faire des choix audacieux, tout en recherchant des technologies permettant d'en abaisser le coût. En réponse, les scientifiques optent pour un télescope de huit mètres de diamètre, qui semble nécessaire pour étudier les galaxies les plus éloignées, caractérisées par undécalage vers le rouge de un à cinq[d], voire plus. Ils proposent un concept innovant baptiséNext Generation Space Telescope (NGST) comprenant un miroir de huit mètres, déployé dans l'espace et placé en orbite autour dupoint de Lagrange L2, avec une optique sans baffle, refroidie de manière passive grâce à un pare-soleil multi-couches. En, la NASA sélectionneTRW etBall Aerospace pour identifier les architectures techniques possibles et faire une première évaluation du coût du projet. L'étude de faisabilité aboutit à la conclusion qu'il est possible de réaliser un tel télescope pour un coût de500 millionsUSD, à condition que l'ensemble, y compris les instruments, soit développé par la même société. Cette dernière condition s'avère toutefois inapplicable. Le rapportThe Next Generation Space Telescope: Visiting The Time When Galaxies Were Young définit une architecture de référence pour le télescope et fournit les éléments permettant à l'agence spatiale américaine de lancer desappels d'offres auprès de l'industrie. La NASA sélectionne en 1999 deux sociétés,Lockheed Martin et TRW, pour mener une étude (phase A) comprenant l'analyse préliminaire de conception et une évaluation des coûts. Les bases d'une collaboration de la NASA avec l'Agence spatiale canadienne et l'Agence spatiale européenne (ESA), pour le développement des instruments, sont posées à cette époque. En parallèle, des simulations effectuées par la suite permettent de préciser l'instrumentation scientifique nécessaire. On envisage désormais d'observer des galaxies avec undécalage vers le rouge de 15, ce qui nécessite de pouvoir observer dans l'infrarouge moyen. Ces simulations mettent en évidence la nécessité de faire de laspectroscopie, car les instruments situés sur Terre ne peuvent prendre en charge cet aspect de l'observation (comme cela se fait pourHubble), du fait de l'absorption du rayonnement lumineux, par l'atmosphère, de la bande spectrale infrarouge observée par le futur télescope[6],[4].
De 1997 à 2000, un groupe de travail représentant la communauté des astronomes, leScience Working Group, s'attelle à la définition des principaux objectifs scientifiques que doit pouvoir remplir le futur télescope et de l'instrumentation qui lui permettra de les atteindre. Sont retenus une caméra à grand champ dans l'infrarouge proche, unspectrographe dans l'infrarouge prochemulti-objets et unspectro-imageur fonctionnant dans l'infrarouge moyen. Les premières études techniques sont menées pour mettre au point les technologies nouvelles embarquées : miroir de faible masse, système de détection et de contrôle du front d'ondes, détecteurs infrarouges etactionneurs. Fin 2000, une analyse détaillée démontre que le coût du télescope dépasse de plusieurs centaines de millions de dollars américains le budget prévu jusque là. Le lancement n'est pas envisageable avant 2008, compte tenu de la durée du cycle de développement des miroirs. Pour réduire le coût, le diamètre du miroir primaire est ramené en 2001 à six mètres[7],[4].
Sélection des constructeurs et conception générale (phase B : 2002-2008)
En, la NASA sélectionne le constructeur du télescope spatial pour la phase de conception générale (phase B) : la proposition deTRW, associée pour la partie optique àBall Aerospace, est choisie. La même année, TRW est absorbée par la sociétéNorthrop Grumman à l'issue d'uneOPA hostile et devientNorthrop Grumman Space Technology. LeJet Propulsion Laboratory (JPL) est retenu pour le développement de l'instrument MIRI (Mid-Infrared Instrument)[7]. En, le développement de la caméra NIRCam (Near Infrared Camera) est confié à une équipe de l'université de l'Arizona[8]. Lelanceur qui doit placer en orbite le télescope est sélectionné : la fuséeAriane 5 ECA, dont le financement est assuré par l'Agence spatiale européenne, est choisie à la place de la fuséeAtlasV, envisagée initialement mais de capacité moindre[e],[9]. Le développement de l'instrument NIRSpec et la partie optique de l'instrument MIRI sont confiés à l'Europe, tandis que l'instrument FGS/NRISS doit être développé par le Canada. En échange de ces participations, les scientifiques européens et canadiens se voient attribuer un temps d'observation respectivement de 15 et 5 %.
En, le télescope est rebaptiséJames Webb Space Telescope (JWST), en l'honneur de cetadministrateur à la tête de la NASA entre 1961 et 1968 à l'époque duprogrammeApollo. Celui-ci a joué un rôle majeur dans la réussite de ce projet. En, une pétition, signée par 1 200 personnes dont au moins quatre astronomes, vient contester l'hommage ainsi rendu. Il lui est reproché sa participation, en tant quesous-secrétaire d'État dans legouvernement Truman (1949-1952), à lapeur violette, soit la chasse aux employés homosexuels de l'administration américaine, ainsi que l'exclusion d'un salarié de la NASA sous sa législature pour la même raison. La NASA répond en octobre avoir effectué des recherches approfondies sur le sujet dans ses archives et dans celles du gouvernement et n'avoir pas trouvé de motif pour changer l'appellation du télescope spatial. Webb est en réalité confondu avecJohn Emil Peurifoy, « sous-secrétaire », non nommé dans un livre servant de référence à toute la polémique[10],[11].
Durant cette phase du projet, les caractéristiques du télescope spatial se précisent tout en continuant d'évoluer. La superficie du miroir est réduite de 29,4 à 25 m2 tandis que le nombre d'éléments du miroir primaire passe de 36 à 18. La NASA choisit lebéryllium comme matériau pour la fabrication de ce miroir de 6,5 m de diamètre. Lecryostat développé par l'Europe, qui devait permettre de maintenir la température des détecteurs de l'instrument MIRI, est abandonné au profit d'un réfrigérateur mécanique développé sous supervision américaine (JPL)[12].
Le télescope entre en 2004 dans une phase de spécifications détaillées qui durera finalement quatre ans. Les coûts sont réévalués à l'issue de cette phase. Le développement des parties les plus complexes du télescope (les instruments et les18 segments du miroir primaire), qui nécessitent une longue phase de développement ou qui emploient des technologies pas complètement matures, débute dès, avant même que la NASA n'ait donné son accord pour la construction du télescope. En, les instruments NIRCam (Near Infrared Camera) et MIRI (Mid-Infrared Instrument) passent la revue critique de définition, ce qui permet d'entamer la réalisation des modèles de vol. De à, des commissions, internes à laNASA et externes, passent en revue la conception et la planification du projet. En, la structureISIM(en), dans laquelle sont logés les instruments, est livrée au centre de vol spatial Goddard pour une série de tests. Ceux-ci doivent vérifier qu'elle est capable de supporter les forces d'accélération durant le lancement puis l'environnement thermique de l'espace, tout en maintenant les instruments dans une position précise par rapport à la partie optique. Fin 2008, l'agence spatiale américaine, se basant sur les différentes revues effectuées au cours des deux années écoulées, conclut que la conception du télescope spatial a atteint un niveau de maturité suffisant pour pouvoir lancer sa fabrication. Le projet passe enphase C (définition détaillée) qui précède laphase D (construction)[4]. Le projet est rattaché auprogrammeOrigins qui regroupe les missions astronomiques aériennes et spatiales de la NASA dont l'objectif est d'étudier les origines de l'Univers[13].
mesurer les caractéristiques physiques et chimiques des systèmes planétaires, y compris le Système solaire, et rechercher les composants nécessaires à l'apparition de la vie dans l'atmosphère desexoplanètes.
L'événement le plus ancien connu de notreUnivers est leBig Bang, qui a lieu il y a environ13,6 milliards d'années. Lamatière, qui se présente alors sous la forme d'une soupe deprotons, deneutrons et d'électrons à très hautes températures, se refroidit pour former desions d'hydrogène ainsi qu'une faible quantité d'hélium (au cours de lanucléosynthèse primordiale), puis, après captures d'électrons, des atomes neutres (au cours de larecombinaison, début desâges sombres). Les premières étoiles et galaxies commencent à se former plusieurs centaines de millions d'années après leBig Bang (l'intervalle de temps précis n'est pas connu). Le rayonnement de cespremières étoiles réionise le gaz ambiant d'hydrogène et d'hélium (réionisation). La lumière de certaines de ces premières étoiles et galaxies parvient sans doute jusqu'à la Terre. Mais, du fait de l'expansion de l'Univers, notre galaxie s'éloigne à une vitesse croissante de sa source et cette lumière est fortementdécalée vers le rouge, pareffet Doppler. Il en résulte que la lumière qui a été émise dans le spectre du visible ou de l'ultraviolet ne peut être observée que dans l'infrarouge proche ou moyen, c'est-à-dire dans la partie du spectre pour lequel le télescope a été optimisé. Grâce à son pouvoir de résolution spatiale et à sa couverture spectrale, le JWST devrait être capable d'observer des objets apparus jusqu'à 100 à250 millions d'années après leBig Bang[15].
Le JWST doit contribuer à répondre aux questions suivantes[15] :
quand et comment laréionisation de l'Univers s'est-elle produite ?
quelles ont été les causes de la réionisation ?
quelles étaient les caractéristiques des premières galaxies ?
Le JWST doit étudier les premières galaxies en effectuant des observations de longue durée dans le proche infrarouge, suivies d'analyses spectroscopiques à basse résolution et de mesures photométriques en infrarouge moyen. Pour étudier la réionisation, une spectrométrie en infrarouge proche sera nécessaire[15].
Les scientifiques essaient de déterminer comment cette matière s'est organisée et comment elle a changé depuis leBig Bang, en étudiant la distribution et le comportement de la matière à différentes échelles depuis la particule, au niveau subatomique, jusqu'aux structures galactiques. Les galaxies structurent la matière de l'Univers à grande échelle. Elles fournissent des indices sur la nature et l'histoire de l'Univers. Dans cette optique, le télescope JWST doit permettre de répondre aux questions suivantes[16] :
lesgalaxies spirales (dont la nôtre) n'ont pas toujours eu cette forme. Elles se sont formées sur plusieurs milliards d'années et résultent de l'enchaînement de plusieurs processus, dont la collision entre des galaxies de plus petites tailles. L'hypothèse, qui reste à confirmer, est que toutes les galaxies géantes ont subi ainsi au moins une fusion majeure, alors que l'Univers avait six milliards d'années ;
les galaxies les plus éloignées (donc les plus anciennes) ont une structure très différente des galaxies récentes. Elles sont petites et ramassées, avec des régions très denses, où se forment de nouvelles étoiles. Le passage de cette forme à celle des galaxies spirales n'est pas expliqué ;
le processus de formation des premières galaxies est inconnu, tout comme les facteurs qui ont abouti à la diversité de formes des galaxies observées actuellement ;
les astrophysiciens ont découvert que destrous noirs supermassifs étaient situés au centre de la plupart des galaxies. Mais on ignore la nature de leur relation avec les galaxies qui les hébergent. On ne comprend pas complètement si les mécanismes à l'origine de la formation des étoiles sont internes à la galaxie ou sont liés à une interaction ou à une fusion avec une autre galaxie.
Lanébuleuse de la Carène, une « pouponnière d'étoiles », photographiée en lumière visible (en haut) et en proche infrarouge (en bas) : le nuage de poussières qui masque les étoiles disparait dans l'infrarouge.
Lessystèmes protoplanétaires et les étoiles naissent dans d'immensesamas de gaz et de poussières qui bloquent la lumière visible émise par ces processus. Par contre, le rayonnement infrarouge émis n'est pas intercepté par les nuages de poussières et il est ainsi possible d'observer la formationdes étoiles etdes planètes à l’intérieur de ces amas[17]. Le JWST doit permettre d'examiner ces régions baignées par les radiations avec une finesse inégalée[18].
Il y a cinquante ans, les astronomes ignoraient que de nouvelles étoiles continuaient à se former dans l'Univers. Le processus générant des étoiles par effondrement de nuages de poussière et de gaz est encore très mal connu. Il en est de même concernant les interactions entre les jeunes étoiles, dans les régions où elles se forment (les « pouponnières d'étoiles »). Enfin, la découverte de systèmes planétaires aux caractéristiques très différentes de notreSystème solaire a bouleversé les théories concernant la manière dont les planètes se forment. Grâce à sa capacité à observer dans l'infrarouge, le JWST doit contribuer à répondre aux questions suivantes[19] :
comment les nuages de gaz et de poussière s'effondrent-ils pour former des étoiles ?
pourquoi la plupart des étoiles se forment-elles en groupe ?
comment les systèmes planétaires se forment-ils précisément ?
comment les étoiles évoluent-elles et comment éjectent-elles les éléments lourds qu'elles ont produits en fin de vie et qui sont recyclés par la génération suivante d'étoiles et de planètes ?
Étude des systèmes planétaires et recherche des éléments propices à la vie
Schéma 1 : méthode du transit : le signal lumineux de l'étoile varie lorsque l'exoplanète s'interpose entre celle-ci et l'observatoire terrestre. Les caractéristiques spectrales du signal lumineux sont influencées par les caractéristiques de l'atmosphère (si présente) qui est traversée par la lumière.
Depuis le début des années 2000, des milliers d'exoplanètes ont été découvertes, dont certaines ont un diamètre proche de la Terre et se trouvent à une distance de leur étoile qui permet théoriquement la présence d'eau à l'état liquide, ce qui remplit donc une des conditions importantes pour l'apparition de la vie. Un des principaux objectifs du JWST est l'étude de l'atmosphère des exoplanètes afin de déterminer si les constituants permettant l'apparition de lavie (vapeur d'eau, oxygène…) sont présents dans d'autres systèmes solaires que le nôtre. Pour remplir cet objectif, le JSWT utilisera la méthode dutransit (schéma 1) : celle-ci consiste à effectuer une analyse spectrale de la lumière de l'étoile au moment où l'exoplanète s'interpose entre celle-ci et l'observatoire spatial. Lorsque cet événement se produit, la quantité de lumière de l'étoile reçue diminue et sa composition spectrale est modifiée si elle traverse l'atmosphère de l'exoplanète. L'analyse duspectre du rayonnement infrarouge reçu fera apparaître desraies d'absorption (schéma 2), qui permettront de déduire la composition moléculaire de l'atmosphère de l'exoplanète[20].
Le JWST doit être également utilisé pour étudier les planètes de notre Système solaire, car sa sensibilité et sa résolution lui permettent de compléter les informations recueillies par les observatoires existants (terrestres, spatiaux et sondes spatiales). Le JWST observeraMars, lesplanètes géantes, les planètes naines (Pluton etEris) et les petits corps du Système solaire, mais, par contre, ne pourra pas observerVénus niMercure, trop proches du Soleil. Il permettra de découvrir de nouveaux petits corps célestes :planètes naines,objets de la ceinture de Kuiper,astéroïdes. Les observations porteront notamment sur les matériaux organiques présents à l'état de traces dans l'atmosphère de Mars et les cycles saisonniers des planètes géantes. Le JWST fournira des données spectrales sur les petits corps que les observatoires terrestres sont incapables de produire[20],[21].
Le JWST doit contribuer à répondre à de nombreuses questions sur cette thématique dont[20] :
quels sont les composants des disques protoplanétaires qui contribuent à la formation des planètes ?
est-ce que les planètes se forment sur place ou est-ce que leur orbite se déplace ?
quel est l'impact des planètes géantes sur les planètes plus petites ?
existe-t-il des planètes situées dans la zone habitable de leur étoile, là où de l'eau à l'état liquide (et éventuellement de la vie) existe ?
comment la vie s'est-elle développée sur la Terre ?
y a-t-il eu de la vie sur Mars ?
Schéma 2 : spectre d'une planète qui aurait une atmosphère à la composition similaire à celle de la Terre.
Le télescope spatialJames Webb entièrement assemblé et en position repliée ensalle blanche à Kourou peu avant son installation sur son lanceurAriane 5 ; le technicien en bas de la photo donne l'échelle.
Pour remplir les objectifs fixés, le télescope est optimisé pour l'observation du rayonnementinfrarouge plutôt que pour celle de lalumière visible. L'infrarouge permet d'observer les galaxies lointaines malgré leurdécalage vers le rouge, d'examiner la formation des étoiles malgré la présence de poussières et d'étudier des objets dont la majorité ont une température très faible. La plage de longueurs d'onde observable est comprise entre 0,6 et28micromètres[22].
L'architecture résultant des objectifs poursuivis est particulièrement ambitieuse et complexe, car elle introduit plusieurs innovations techniques. Les principales innovations portent sur le miroir principal (faible masse, déploiement en orbite, système permettant d'ajuster les segments), lebouclier thermique (faible masse, déploiement complexe en orbite), le système de refroidissement des détecteurs de l'instrument MIRI (moyen infrarouge) et les micro-obturateurs de l'instrument NIRSpec reposant sur la technologie desMEMS[22].
Les capacités spectrométriques du télescope sont particulièrement importantes, selon des modesmulti-objets etchamp intégral[22].
Le JWST est positionné aupoint de Lagrange L2 du systèmeSoleil-Terre, qui présente plusieurs avantages. Le télescope, bien que situé à l'extérieur du champ de gravité terrestre, se maintient à une distance constante de la Terre, ce qui permet de transmettre les données à débit élevé de manière constante. D'autre part, le télescope étant situé à1,5 million de kilomètres de la Terre, le rayonnementinfrarouge, en provenance de la planète est moins élevé que s'il se trouvait en orbite autour de celle-ci, commeHubble, ce qui contamine moins les mesures de télescope. Enfin, le Soleil et la Terre sont alignés ici, ce qui permet au bouclier thermique de protéger le télescope de ces deux sources de chaleur. La contrepartie est que, contrairement au télescopeHubble qui circule sur uneorbite basse, le JWST est trop éloigné de la Terre pour qu'un équipage puisse intervenir en cas de défaillance technique[24].
La durée minimale de la mission est fixée à5,5 ans pour pouvoir remplir les objectifs. L'observatoire spatial emporte des consommables (ergols) qui permettent d'effectuer des observations durant au moins vingt ans, des objectifs devant être atteints au bout de cinq ans. La masse totale est d'environ 6 173 kilogrammes au lancement. Celle-ci est limitée par la capacité maximale, pour l'orbite choisie, des lanceurs lourds disponibles à l'époque de la conception du télescope[22].
Le JWST emporte quatre instruments qui exploitent le rayonnement collecté par la partie optique du télescope spatial et qui sont chacun conçus pour remplir plusieurs des objectifs de la mission de JWST (voir la sectioninfra pour davantage de détails) :
NIRSpec (Near-InfraRed Spectrometer, en français « spectromètre pour l'infrarouge proche ») est un instrument polyvalent fonctionnant dans le proche infrarouge de 0,6 à 5,3 µm. Outre la spectroscopie à fente classique, il dispose d'unmode multi-objets grâce à une matrice de micro-obturateurs programmables (Micro-Shutter Assembly, MSA) qui permet de réaliser simultanément le spectre de100 objets sélectionnés dans un champ de 3,6 × 3,6 minutes d'arc. Chaque objet est observé via une ouverture correspondant à un champ de 0,20 × 0,45 seconde d'arc. Larésolution spectrale peut être de 100, 1 000 ou 2 700. Il est ainsi optimisé pour l'observation de galaxies très lointaines, peu lumineuses, en permettant l'observation de plusieurs objets en parallèle durant des temps d'exposition très longs. Il permet également de réaliser des spectres en « champ intégral »[26].
NIRISS (Near Infrared Imager and Slitless Spectrograph) est un instrument secondaire associé au système de guidage fin FGS, mais indépendant de celui-ci. Il s'agit d'unspectro-imageur permettant de réaliser des spectres et des images. Seul instrument équipé d'un masque d'ouverture, il dispose de la capacité unique de réaliser des images d'un objet unique et brillant, avec une résolution angulaire supérieure à celle de tous les autres instruments[26].
Le véritable remplaçant du télescopeHubble, capable d'observer dans les mêmes longueurs d'onde (de l'ultraviolet au proche infrarouge) est, en 2021, au stade de l'étude et ne devrait pas être lancé avant 2035/2040. Deux projets ont été proposés en 2019 à la NASA :Habitable Exoplanet Observatory (HabEx), spécialisé dans l'observation des exoplanètes relativement proches du système solaire, etLarge UV/Optical/Infrared Surveyor (LUVOIR), qui reprend l'architecture du JWST (miroir segmenté, large pare-soleil), mais avec un diamètre porté à 8 ou16 mètres. L'Académie des sciences a fait une évaluation de ces projets en 2021 et recommande le développement du projet LUVOIR, dans une version plus réduite (miroir de6,5 mètres) qui permettrait, grâce à sa ressemblance avec le JWST, de diminuer les couts et les délais tout en réduisant les risques[30].
La construction du télescope spatial commence en 2009 lorsque le projet est approuvé par la NASA. Son coût est alors établi à4,964 milliards de dollars américains, avec une date de lancement planifiée en. Le projet prend très rapidement du retard sur l'avancement prévu et le budget explose. Les raisons de ce dérapage sont multiples : sous-estimation initiale du coût, problèmes d'organisation, mise au point de nouvelles technologies, complexité des tests du système complet,procédures d'assemblage lacunaires chez le principal contractant,[réf. nécessaire]pandémie de COVID-19. Finalement, les caractéristiques du télescope spatial ne sont pas dégradées, mais la livraison est repoussée à 2021 et le coût du projet fait plus que doubler.
La partie optique entièrement assemblée avec le support dumiroir secondaire déployé.
En, le JWST passe la revue critique de conception, dont l'objectif est de s'assurer que le télescope spatial remplit bien tous les objectifs scientifiques et techniques fixés par le cahier des charges. En, la réalisation des segments dumiroir primaire s'achève. Ceux-ci, après polissage, ont été recouverts d'une mince couche d'or et ont subi avec succès un test cryogénique destiné à s'assurer de leur comportement lorsqu'ils seront exposés au froid de l'espace. Lecentre spatial Goddard réceptionne en les deux premiers instruments scientifiques — le spectromètre MIRI (Mid InfraRed Instrument), fonctionnant dans l'infrarouge moyen, livré par l'Agence spatiale européenne, et lespectro-imageur NIRISS (Near Infrared Imager and Slitless Spectrograph), fourni par l'Agence spatiale canadienne — ainsi que le système de guidage fin FGS (Fine Guidance Sensor and Near Infrared Imager and Slitless Spectrograph), livré par la même agence.Ball livre au centre Goddard les trois premiers segments du miroir primaire, tandis queNorthrop Grumman et son partenaireATK achèvent la fabrication de la partie centrale de la structure supportant le miroir primaire.
Fin s'achève la construction des deux parties mobiles du support du miroir primaire, tandis que les deux derniers instruments scientifiques, la caméra NIRCam (Near-InfraRed Camera) et le spectrographe NIRSpec (Near InfraRed Spectrograph), sont livrés respectivement par l'université de l'Arizona et l'Agence spatiale européenne. La construction de laplateforme, qui rassemble tous les équipements de support, s'achève en 2014.Grumman réalise un modèle d'ingénierie à l'échelle 1 dubouclier thermique, pour tester son pliage et son déploiement. La même année, le module ISIM (Integrated Science Instrument Module), dans lequel ont été assemblés les quatre instruments scientifiques, subit avec succès une série de tests thermiques qui permettent de vérifier les performances et le comportement de l'électronique associée. En, la partie optique du télescope (l'OTE, pourOptical Telescope Element), comprenant les18 segments du miroir primaire, la structure de support ainsi que lemiroir secondaire, est assemblée. En, la partie optique, l'ISIM et les instruments scientifiques sont à leur tour assemblés. La fabrication de l'ensemble des composants s'achève courant 2016[33].
Assemblage final et tests d'intégration (2017-2021)
Fin 2016, tous les composants (instruments, équipements électronique, parties mobiles) ont été testés individuellement, y compris les segments formant le miroir primaire. Le projet entame une phase à la fois coûteuse et complexe, consistant à vérifier le fonctionnement de l'ensemble du télescope. Du fait de sa taille, le télescope spatialJames Webb ne peut être testé entièrement assemblé dans des conditions similaires à celles qu'il subira dans l'espace (vide spatial, absence de gravité, température)[f]. Mais, contrairement àHubble et malgré le coût très élevé de cette opération, les responsables du projet ont décidé de vérifier, dans des conditions réalistes (hormis l'absence de gravité), l'ensemble de la chaine optique (du miroir primaire aux instruments), pour éviter une anomalie similaire à celle ayant affecté le miroir primaire deHubble[g]. En, l'ensemble formé par la partie optique et les instruments est convoyé par bateau auCentre spatial Johnson, à Houston (Texas). Là, des tests optiques sont réalisés dans lachambre à vide A dusimulateur d'environnement spatial. Les opérateurs parviennent à ajuster le miroir primaire avec la précision exigée, compte tenu de la présence de la gravité, et à obtenir des images ayant la résolution attendue[34],[25]. Début 2018, le comité chargé de la revue d'avancement constate des retards touchant notamment le bouclier thermique et le système de propulsion. Pour venir à bout des problèmes qui subsistent, la NASA repousse le lancement, prévu en, au mois de[35], puis en[36]. Puis le bouclier thermique, la plateforme, l'ISIM et l'optique chez Northrop Grumman sont conduits sur le site de Redondo Beach en Californie pour l'assemblage final et les tests d'intégration.
Lapandémie de Covid-19, qui frappe les États-Unis au cours du premier semestre 2020, bouleverse le rythme de travail des équipes. En, la date de lancement, prévue en, est repoussée à fin octobre à cause d'une anomalie touchant la coiffe de la fuséeAriane 5[37],[38],[39]. En, le télescope spatial achève avec succès les tests d'intégration chez Northrop Grumman[40]. Il est installé dans un contenant bénéficiant d'un environnement contrôlé et convoyé par la route jusqu'au port de Seal Beach (Californie) distant de quarante kilomètres. Là, il est embarqué à bord du cargo MNColibri, (navire roulier affrété parArianespace pour le transport des lanceurs Ariane et des satellites entre l'Europe et la base de Kourou), pour un périple de quinze jours passant par lecanal de Panama, à destination du port de Pariacabo (Guyane francaise), non loin de labase de Kourou, où il arrive le[41].
Envolée des coûts et reports de la date de lancement
Durant la phase de définition du projet, l'estimation du coût de développement du télescope spatial oscille entre 1 et3,5 milliards USD, avec une date de lancement allant de 2007 à 2011. En 2006, le coût du développement est réévalué à4,5 milliards USD et la date de lancement est repoussée à 2013. L'augmentation du budget est attribuée pour moitié au report de la date de lancement, comprenant un délai d'un an pour le choix d'utiliser le lanceur européenAriane 5 et un autre de dix mois dû à la réduction du budget des programmes scientifiques de la NASA, en 2006 et 2007, sous la législature du président Bush. Pour un tiers, le surcoût découle de modifications tardives des besoins. En, le projet est approuvé et le budget est fixé à4,964 milliards USD, avec une date de lancement prévue en[42].
Évolution du coût (part US) et de la date de lancement
Au cours des années suivantes, le coût de construction est réévalué à plusieurs reprises et la date de lancement est régulièrement repoussée. En 2010, à la suite de premiers glissements de budget et de délais du projet, la commission chargée des affaires spatiales duSénat américain demande que le projet soit examiné par une commission indépendante. Le rapport de celle-ci met en évidence de nombreux problèmes de management, d'estimation des coûts et de communication. À la suite de celui-ci, la NASA revoit la planification du projet. Son coût passe à8,835 milliards USD en incluant la gestion opérationnelle (la participation de l'Agence spatiale européenne de650 millions USD n'est pas intégrée dans cette somme) et la date de lancement est repoussée à[54]. Au cours de l'été 2011, l'annulation du projet est envisagée par certains représentants duCongrès américain. Finalement, le projet échappe à l'annulation, mais la NASA est sommée de communiquer, avec une périodicité mensuelle, l'évolution de l'avancement du projet et de son coût[52],[55]. Toutefois, la part budgétaire du programme d'astronomie de l'agence spatiale absorbée par ce projet pénalise désormais les autres projets, soulevant des protestations au sein de la communauté des astronomes[56].
En, la NASA annonce un nouveau report de la date de lancement, désormais fixée à. Les causes de ce changement sont des complications rencontrées au moment de l'intégration des différents composants du télescope spatial, ainsi que différents problèmes techniques. En, l'agence spatiale américaine annonce, à la suite d'une analyse des risques affectant la tenue des délais du projet, un nouveau décalage dans la date de lancement, repoussée à[57]. En, le coût du télescope spatial est réévalué à9,66 milliards de dollars et le lancement reporté à, puis au[53]. En, l'agence spatiale américaine annonce un nouveau report de sept mois (soit pour), provoqué par des problèmes rencontrés dans les tests d'intégration et par lapandémie de Covid-19 en cours. Un ultime report est annoncé en à la suite d'un problème decoiffe rencontré par le lanceurAriane 5. La nouvelle date de lancement est désormais fixée à fin[42].
En, le coût total du télescope spatial est estimé à9,7 milliards USD, dont8,8 milliards USD pour le développement du télescope (2004-2021) et861 millions USD pour les opérations durant les cinq années de la mission primaire (2022-2026). En prenant en compte l'inflation, cela représente environ10,8 milliards USD en 2020. Cette somme ne prend pas en compte la participation de l'Agence spatiale européenne (700 millions d'euros, soit800 millions USD) ni celle de l'Agence spatiale canadienne (200 millions de dollars canadiens, soit150 millions USD). Cela place le télescope spatialJames Webb parmi les projets scientifiques les plus coûteux de l'histoire, proche duGrand collisionneur de hadrons duCERN et du télescope spatialHubble, son prédécesseur. Bien que le JWST ait fortement gêné les autres projets d'astronomie spatiale, en consommant durant vingt ans le tiers de l'enveloppe allouée à ce domaine à la NASA, presque toute la communauté des astronomes estime que l'investissement se justifie. Le télescopeHubble, qui avait à son époque subi des dépassements en coût et en délai du même ordre de grandeur, fait aujourd'hui la quasi-unanimité, tant son rôle dans les progrès de l'astronomie, ces trente dernières années, a été important. Le télescope JWST dispose d'atouts lui permettant de contribuer à des percées scientifiques du même ordre[58].
Le télescopeJames Webb a été lancé le par une fuséeAriane 5, depuis labase de Kourou enGuyane française. Il est placé, après un transit d'un mois, en orbite autour dupoint de Lagrange L2 du système Soleil-Terre, situé à1,5 million de kilomètres de la Terre, du côté opposé au Soleil. À la suite d'une phase de mise en service de six mois, comprenant un déploiement particulièrement délicat de sonbouclier thermique et de ses miroirs, débute la mission scientifique d'une durée de cinq ans, qui doit permettre de remplir les objectifs assignés au télescope JWST. Le JWST emporte des réserves d'ergols qui doivent lui permettre de rester en fonctionnement pendant au moins vingt ans.
Le télescope spatialJames Webb est lancé le depuis lecentre spatial de Kourou enGuyane par une fuséeAriane 5 ECA[59],[60]. La campagne de préparation du lancement qui a lieu sur le site a une durée de55 jours. À l’issue de cette phase, le télescope spatial est placé sous lacoiffe dulanceur dont il occupe pratiquement tout le volume intérieur, haut de 16,19 m pour un diamètre de 4,57 m. Lafenêtre de lancement de l'observatoire spatialJames Webb comporte peu de contraintes[h] et le lancement peut avoir lieu270 jours par an. La fenêtre de lancement quotidienne a une durée variable qui peut aller jusqu'à90 minutes et se situe généralement entre11 h 45 et14 hUTC, correspondant à la fin de la matinée/milieu de jour en heure locale[61],[62].
Le lancement du télescope spatialJames Webb présente des particularités imposées par ses caractéristiques. Pour éviter que d'éventuelles poches d'air résiduelles puissent entraîner le déchirement du fragile bouclier thermique au moment de l'ouverture de lacoiffe, les vingt-huit évents situés dans celle-ci, qui assurent une dépressurisation progressive au fur et à mesure de l'ascension du lanceur, ont été modifiés. Plusieurs mesures ont été également prises pour supprimer toute exposition prolongée du miroir primaire au Soleil, chose susceptible de déformer sa structure. Le lancement s'effectue vers midi pour que, durant son ascension, le Soleil illumine le nez du lanceur et, à la séparation du télescope, sa partie arrière. La loi d'orientation du lanceur a été modifiée (contrôle du roulis) pour éviter d'exposer directement les segments du miroir primaire au Soleil et de créer un point chaud. Nonobstant ces quelques adaptations, le profil de vol diffère peu de celui d'unsatellite de télécommunications de grande taille à destination de l'orbite géostationnaire. Le télescope spatial, avec sa masse de 6,2 t, inférieure à la capacité d'injection enorbite de transfert géostationnaire (GTO) d’Ariane 5, peut être facilement placé sur sa trajectoire à destination du point de Lagrange L2, car celle-ci ne demande qu'un faible surplus de vitesse par rapport à l'orbite GTO.206 secondes après le décollage, alors que la fusée se trouve à une altitude de 115 km, les deux moitiés de la coiffe sont larguées et le télescope JWST commence à transmettre destélémesures aux contrôleurs au sol. La séparation du JWST avec le deuxième étage du lanceur intervient à une altitude de 1 400 km, soit environ trente minutes après le décollage[63],[64].
Schéma 2 : déroulement du transit du télescope entre la Terre et le point de Lagrange L2.
L'observatoire spatial entame alors son voyage vers sa destination, lepoint de Lagrange L2, distant de1,5 million de kilomètres de la Terre. Le lanceur a placé le télescope spatial sur une trajectoire qui l'amène directement vers son objectif. Le JWST va progressivement quitter lechamp gravitationnel terrestre, dont l'influence s'atténue jusqu'à s'annuler au point de Lagrange L2. Se déplaçant grâce à l'impulsion donnée par le lanceur, il voit sa vitesse diminuer au fur et à mesure qu'il s'éloigne de la Terre. Durant ce transit, le télescope spatial est orienté de manière que le miroir primaire ne soit pas exposé au Soleil car cela entraînerait une déformation de sa géométrie fatale à la mission. La vitesse communiquée par le lanceur est intentionnellement légèrement trop faible pour que le JWST parvienne jusqu'à son but. L'apogée de l'orbite sur laquelle le télescope est placé par la fusée Ariane est de 500 000 kilomètres, alors qu'il faudrait qu'elle soit de1,5 million de kilomètres pour atteindre le point de Lagrange[i]. La première correction de trajectoire, la plus critique car elle doit fournir le supplément de vitesse pour atteindre L2, est effectuée entre 12,5 et 20 heures après le lancement. Elle nécessite de faire fonctionner les petitsmoteurs-fusées à ergols liquides du JWST durant plusieurs heures. Une deuxième manœuvre est effectuée2,5 jours après le lancement, juste avant le début du déploiement du bouclier thermique. La dernière est réalisée29 jours après le lancement et a pour objectif d'insérer le JWST sur une orbite optimale autour du point de Lagrange L2[65].
Cette section résume les étapes du déploiement du télescope, qui peuvent être suivies en direct sur le site internet de la NASA[67].
Pendant le transit, qui dure environ un mois et s'achève vers le, les différentes parties mobiles du télescope (miroir, bouclier thermique, antennes, panneau solaire) sont progressivement déployées (schéma 2 etAnimation). Aucune mission scientifique n'a jusque-là nécessité un enchainement aussi complexe d'opérations de ce type. Dans l'espace, les mouvements mécaniques présentent toujours un risque car l'absence de gravité ne permet pas de les reproduire durant les tests effectués sur Terre, alors que le comportement des mécanismes est modifié dans ces conditions[j],[25]. Aussi cette phase de déploiement est-elle critique. Si elle n'est pas menée à bien, elle pourrait entraîner un échec complet de la mission.
Immédiatement après la séparation du lanceur, lespanneaux solaires fournissant l'énergie sont dépliés. Le lendemain, le support des antennes grand et moyen gain est déplié à son tour, permettant la liaison àhaut débit avec la Terre. Les autres opérations de déploiement ne débutent que2,5 jours après le lancement et s'étalent sur plusieurs jours. La première consiste à déplier le mât télescopique DTA (Deployable Tower Assembly) qui solidarise le bouclier thermique, d'une part, avec la partie optique et les instruments, d'autre part. Le déploiement de ce mât, constitué de deux tubes télescopiques, permet d'éloigner la partie du JWST qui doit être maintenue à basse température du bouclier thermique. Au cours des jours suivants débute le déploiement de ce dernier, qui constitue l'opération la plus délicate : des commandes sont envoyées pour exécuter des séquences d'opérations qui activent par étapes139 vérins, huit moteurs et des milliers d'autres composants dans le but de déplier et tendre les cinq couches du bouclier thermique. Ces opérations sont effectuées en trois temps : les deux palettes servant de support au bouclier thermique pivotent pour former un angle droit avec le miroir primaire, puis les couches du bouclier sont dépliées dans le sens de la largeur et enfin elles sont écartées verticalement les unes des autres. L'ensemble du processus est décomposé en de nombreuses étapes pour permettre aux ingénieurs au sol de contrôler leur bonne exécution. Des procédures sont prévues si une anomalie est rencontrée. L'électronique estredondante ; des secousses ou des mouvements de rotation peuvent être imprimés au télescope spatial pour faciliter le dépliement des revêtements ; une étape du déploiement peut être exécutée à nouveau. L'ensemble de ces procédures a été longuement testé au sol. Une fois le bouclier thermique déployé, soit10 jours après le lancement, les poutrelles supportant le miroir secondaire, pivotent pour le placer dans sa position définitive. Le radiateur du module ISIM contenant les instruments est alors déployé. Les jours suivants, les segments latéraux du miroir primaire sont alignés avec les segments centraux. EntreJ + 15 (soit15 jours après la date de lancement) etJ + 24, les positions des18 segments composant le miroir primaire et du miroir secondaire sont ajustées en plusieurs étapes. Il est prévu que si un seul des segments ne pouvait être ajusté (par défaillance des actionneurs), le miroir primaire pourrait encore remplir les objectifs assignés à la mission dans cette configuration dégradée[68],[69],[70],[71],[72].
Animation : les étapes de déploiement du télescopeJames Webb.
Arrivé sur place, l'observatoire spatial s'insère sur une orbite autour dupoint de Lagrange L2 (schéma 3). Désormais, le JWST tourne autour du Soleil en maintenant en permanence la Terre entre le Soleil et lui (approximativement). Normalement, étant à une distance plus grande du Soleil que la Terre, JWST devrait orbiter autour du Soleil plus lentement que la Terre (selon leslois de Kepler). Mais les objets à proximité du point L2 subissent des influences gravitationnelles combinées du Soleil et de la Terre, forçant une orbite autour du Soleilsynchrone avec celle de la Terre[73].
L'orbite est calculée de sorte que le télescope spatial ne soit jamais dans l'ombre projetée de la Terre afin d'éviter l'interruption de sa seule source d'énergie via sespanneaux solaires. Cette orbite est instable[k] et lapression de radiation exerce un couple asymétrique sur le bouclier thermique, qui finit par saturer lesroues de réaction chargées de le compenser et qui éloigne le télescope spatial de la Terre. Pour désaturer les roues de réaction et rectifier son orbite, le télescope spatial met en œuvre sa propulsion environ tous les21 jours[74],[75].
Du lancement à l'installation au point de Lagrange L2
Schéma 3 : orbite du télescope spatial JWST. La distance Terre-Soleil n'est pas à l'échelle (150 millions de kilomètres alors que L2 est distant de la Terre de1,5 million de kilomètres).
Schéma 4 : projection de l'orbite du télescope spatialJames Webb (en bleu) sur trois plans.
Une semaine après l'insertion en orbite autour du point de Lagrange L2, l'instrument NIRCam est suffisamment descendu en température pour pouvoir être utilisé pour l'alignement des miroirs. Les opérateurs s'assurent d'abord que l'image arrive bien jusqu'à la caméra NIRCam. En utilisant un processus de contrôle dufront d'onde qui repose sur le système de guidage fin FGS et la caméra NIRCam, les contrôleurs sur Terre alignent l'un après l'autre les segments du miroir primaire et le miroir secondaire grâce aux vérins qui solidarisent ceux-ci avec leur support. Ils ajustent la courbure (miroir primaire) et l'inclinaison des miroirs de manière à atteindre les performances souhaitées de l'image qui se forme sur le plan focal du télescope spatial. Commence alors une période de test et d'étalonnage des instruments (MIRI…) qui doit durer six mois[77],[78]. Le, la NASA annonce que le télescope a quasiment terminé laphase 1 de l'alignement, chaque segment du miroir primaire ayant localisé, imagé et pratiquement centralisé l'étoile cibleHD 84406[79]. Laphase 1 de l'alignement de l'optique s'achève le[80]. Le long processus de commissionnement de l'optique et des instruments s'achève début. Durant cette phase, les17 modes de fonctionnement des instruments scientifiques ont été vérifiés. Les différents filtres, prismes et mécanismes ont été testés individuellement avant d'être utilisés dans une configuration opérationnelle[81].
Les données recueillies durant la phase de commissionnement de six mois qui s'achève début démontrent que les performances du télescope spatial sont presque systématiquement supérieures à celles prévues par lecahier des charges[82].
Les éléments formant l'optique sont mieux alignés que prévu : lafonction d'étalement du point est plus précise et contient une quantité d'énergie plus importante, et les performances optiques sont plus stables dans le temps. Le système de guidage fin est plus précis. Les miroirs sont plus lisses que prévu, ce qui réduit le rayonnement parasite en proche infrarouge et réduit lebruit de fond céleste dans les longueurs d'onde inférieures à cinq micromètres. Le bruit des détecteurs est du même ordre que celui constaté lors des tests au sol, présentant une proportion plus importante derayons cosmiques, comme attendu dans l'espace interplanétaire. Ces résultats se traduisent globalement par une sensibilité nettement meilleure des instruments dans la plupart des modes d'observation et, dans de nombreux cas, des performances supérieures de plusieurs dizaines de pourcents. Le télescope pourra ainsi généralement observer plus loin que prévu. Par ailleurs, grâce à la précision du lancement et des manœuvres de correction durant le transit vers le point de Lagrange L2, il est confirmé que le télescope spatial dispose de suffisamment d'ergols (nécessaire pour les corrections d'orbite et la désaturation desroues de réaction) pour fonctionner20 ans au lieu des10 prévus[82].
Le télescope pourrait également observer d'anciennes supernovæ. Selon Mike Engesser de la NASA, la caméra NIRCam a détecté en une étoile inconnue et extrêmement brillante dans une galaxie lointaine. Il s'agirait de la premièresupernova observée par leJames Webb. Cela ouvre un nouveau domaine, car la nature des supernovæ plus anciennes, explosées au cours des premières centaines de millions d'années après leBig Bang, serait assez différente de celle des étoiles actuellement connues, depopulationI et depopulationII, et ces supernovæ pourraient être celles des hypothétiquesétoiles depopulationIII[83].
Première image scientifique duchamp profond réalisée parJames Webb.
Marquant la fin de la phase de mise au point et d'étalonnage, la première image de qualité scientifique, réalisée le, est diffusée par la NASA le[84],[l]. Réalisée avec l'instrument NIRCam (caméra proche infrarouge) avec un temps de pose de12 heures et30 minutes en utilisant six filtres, elle montre lechamp profond, c'est-à-dire des zones parmi les plus éloignées de l'Univers, et est centrée sur l'amas de galaxiesSMACS 0723 situé à4,2 milliards d'années-lumière. Bien que la zone du ciel couverte ne s'étende que sur deuxminutes d'arc, on y distingue des centaines de galaxies. Les plus éloignées, situées à plus de13 milliards d'années-lumière, font partie des premières apparues après leBig Bang (environ un milliard d'années après celui-ci[86],[87]).
Cette image démontre la supériorité du télescope surHubble dans l'observation des galaxies très lointaines. Pour réaliser une image similaire,Hubble, dont le miroir est beaucoup plus petit et dont les observations sont régulièrement interrompues par le passage du télescope derrière la Terre, doit accumuler plusieurs semaines d'observation. Par ailleursHubble, contrairement auJames Webb, ne peut observer qu'une faible portion du spectre infrarouge, alors que la lumière des plus lointaines galaxies nous parvient dans cette bande spectrale[88].
Quatre autres images, démontrant les capacités du télescope dans les différents domaines d'observation astronomique faisant partie des objectifs duJames Webb, sont diffusées le par la NASA[89].
L'image de lanébuleuse de la Carène, obtenue encombinant les observations effectuées à l'aide des instruments NIRCam (proche infrarouge) et MIRI (infrarouge moyen), est beaucoup plus détaillée que celles réalisées parHubble et permet d'observer les premières phases deformation des étoiles grâce aux capacités duJames Webb en matière de résolution spatiale et de sensibilité[90].
Le groupe de galaxies connu sous le nom deQuintette de Stephan, observé par leJames Webb en proche et moyen infrarouge, permet d'observer de manière jamais égalée lesinteractions entre les galaxies faisant partie d'un même groupe. L'image produite permet notamment de distinguer la propagation d'ondes de choc produites par l'une des galaxies entrée en collision avec le groupe de galaxies ainsi que certaines étoiles de manière individuelle[91].
L'image de lanébuleuse planétaireNGC 3132, prise dans différentes longueurs d'onde à l'aide des instruments NIRCam et MIRI, a notamment permis de mettre en évidence certains composants chimiques[92].
L'ensemble du ciel ne peut pas être observé à un instant donné, car il faut impérativement que les détecteurs et l'ensemble optique soient entièrement abrités du rayonnement du Soleil et de la Terre par lebouclier thermique. Le télescope est libre de pivoter de360° autour de la direction du Soleil, car l'incidence du rayonnement solaire sur le bouclier thermique reste alors inchangée. Par contre, compte tenu de la taille et de la forme du bouclier thermique, l'angle entre celui-ci et la direction du Soleil (élévation solaire) doit être compris entre-5° et40° (schéma 5 etschéma 6). Du fait de cette contrainte, la zone observable à un instant donné représente environ 40 % de la voûte céleste (80 % pourHubble). L'orbite de JWST autour du Soleil lui permet d'effectuer, au cours d'une année, des observations de l'ensemble de la voûte céleste durant au moins100 jours. Dans la région des pôles écliptiques, entre 85 et90°, l'observation peut être continue (schéma 7). Lesobjets célestes plus proches du Soleil que la Terre (Vénus,Mercure,astéroïdes circulant dans cette zone) ne pourront jamais être observés. Le télescope spatial peut également légèrement osciller autour de l'axe du télescope, de 3 à7° selon l'élévation solaire[94].
Couverture du ciel
Schéma 6 : limites du champ observationnel. La région des pôles écliptiques (A sur le schéma) peut être observée tout au long de l'année.
Schéma 7 : nombre de jours d'observation en fonction de l'élévation au-dessus de l'écliptique. Si la latitude écliptique de l'objet observé est inférieure à45° il y a plusieurs périodes d'observation réparties sur l'année sans continuité.
Les observations sont programmées longtemps à l'avance et sont transmises sous la forme de séquences d'opérations devant se dérouler durant une vingtaine de jours (délai entre deux corrections d'orbite), sans intervention des contrôleurs au sol. Si une observation ne peut être exécutée (difficulté de pointage…) l'ordonnanceur du télescope spatial exécute automatiquement l'observation suivante. Le taux de disponibilité attendu (proportion du temps effectivement consacré aux observations) est supérieur à 70 %. La séquence d'observations programmée peut être interrompue dans un délai de48 heures pour étudier un événement astronomique inattendu tel que l'apparition d'unesupernova, unsursaut gamma ou une collision entre deuxcorps célestes dans lesystème solaire[97]. Les données scientifiques recueillies par les détecteurs sont enregistrées de manière non destructive dans lamémoire de masse, toutes les 20 à 200 secondes, pour limiter les pertes de données éventuelles dues auxrayons cosmiques (le temps d'exposition peut être beaucoup plus long et, au niveau du point de Lagrange L2, le taux de corruption des pixels est de 5 à 10 % sur une période de 1 000 secondes). Les commandes sont transmises par lecentre de contrôle enbande S, tandis que les données sont transmises enbande Ka. Il est prévu de transmettre jusqu'à232gigaoctets de données par jour (capacité de la mémoire de masse), au cours de sessions de communication quotidienne d'une durée de trois heures[98]
La précision du pointage du télescope, exigée pour effectuer une observation, dépend de l'instrument utilisé. Elle est comprise entre 5 et 7 secondes d'arc et5 millisecondes d'arc. Le pointage s'appuie sur des étoiles guides qui sont sélectionnées dans une région proche de celle observée et qui figurent dans le catalogue de l'instrument FGS. Ce dernier est chargé de localiser et maintenir le télescope pointé vers sa cible, en mesurant en permanence la position des étoiles guides et en fournissant, en cas d'écart, des instructions au système decontrôle d'attitude. Ce dernier utilise lesroues de réaction pour corriger les erreurs de pointage[99]. La précision du pointage est de0,10 seconde d'arc et la stabilité de pointage est comprise entre 6,2 et 6,7 millisecondes d'arc (selon l'instrument), pour un temps de pose de 1 000 secondes[100].
Contrairement aux observatoires terrestres qui sont confrontés aux perturbations de l'atmosphère et aux déformations découlant de la gravité, le télescopeJames Webb n'est affecté que par de faibles variations de température ne nécessitant que des corrections espacées. Tous les deux jours, le front d'ondes est vérifié à l'aide de l'instrument NIRCam. Les ajustements des miroirs, nécessaires pour prendre en compte leurs déformations, seront effectués toutes les deux semaines tout au plus et ne devraient pas mobiliser plus de 1 à 2 % du temps d'observation[101].
L'ensemble des données collectées par le JWST est stocké dans leMikulski Archive for Space Telescopes(en) (MAST), qui les met à disposition des chercheurs et du public. Ce système archive les données astronomiques collectées dans l'ultraviolet, le visible et le proche infrarouge, par les observatoires terrestres et spatiaux gérés par la NASA (Pan-STARRS,Kepler,TESS,Hubble)[102].
LeSpace Telescope Science Institute a pour mission de gérer le fonctionnement du télescope en orbite, d'évaluer, sélectionner et programmer les observations, de collecter les données, de les distribuer et de les archiver[102]. Comme pour les autres grands observatoires spatiaux de la NASA, 10 % du temps d'observations sur la durée de vie de l'instrument est alloué aux astronomes ayant participé à la réalisation des instruments (Guaranteed Time Observer ou GTO), soit 4 020 heures pour les trois premiers cycles d'observation s'étalant sur30 mois. Sur la même période, 10 % du temps d'observation reste à la discrétion duSTScI (Director’s Discretionary Time ou DD), tandis que 80 % du temps est alloué auxastronomes du monde entier (Guest Observer ou GO). Ces derniers, pour pouvoir utiliser le télescope, soumettent leurs propositions d'observation à un comité composé de deux cents astronomes ainsi que des représentants des agences spatiales impliquées dans le développement du JWST. Le comité sélectionne les propositions les plus pertinentes, compte tenu des objectifs généraux de la mission. Les observations du premier cycle annuel devront s'inscrire dans les objectifs duEarly Release Science Program, défini pour obtenir rapidement le plus grand retour scientifique possible et mesurer précisément les capacités des instruments. La proportion de temps allouée au GTO sera plus importante pour ce premier cycle (entre 25 et 49 %)[103],[104].
Pour le premier cycle d'observations (-), 6 000 heures étaient proposées à des astronomes du monde entier dans le cadre duGuest Observer (voir plus haut) : 3 500 heures d'observations de courte durée, 1 500 heures de durée moyenne et 1 000 heures de durée longue+réserves. Sur les 1 084 propositions, 266 ont été sélectionnées dont89 émanant de pays européens[m] et 10 du Canada (le pays est celui du proposant principal de l'observation). 70 % des observations relèvent de la spectroscopie et 30 % de l'imagerie (proportion inverse de celle deHubble). Le temps d'observation se répartit entre les instruments de la manière suivante : NIRSpec (40,8 %), MIRI (28,1 %), NIRCAM (24,4 %) et NIRISS (6,7 %). Le thème des observations reflète à peu près les objectifs assignés au télescope : étude des galaxies et du milieu intergalactique (32 %), exoplanètes et disques protoplanétaires (23 %), physique stellaire (12 %), population stellaire et milieu interstellaire (11 %), trous noirs supermassifs (9 %), structure à grande échelle de l'Univers (7 %) et Système solaire (6 %)[105],[106].
Pour répondre aux objectifs scientifiques, JWST a été conçu pour fonctionner durant au moins cinq ans et demi, avec un objectif de dix ans. Contrairement à des observatoires infrarouges qui l'ont précédé, commeHerschel, sa durée de vie n'est pas limitée par la quantité de liquide cryogénique disponible, car ses détecteurs sont refroidis mécaniquement (pour MIRI,Mid InfraRed Instrument) ou bien de manière passive. Les seuls facteurs limitatifs sont l'usure des composants électroniques ou mécaniques et surtout l'épuisement desergols utilisés pour maintenir le télescope sur son orbite, car celle-ci n'est pas complètement stable. Grâce à la précision du lancement, la NASA estime que JWST a conservé suffisamment d'ergols pour se maintenir sur son orbite durant plus de vingt ans[107].
Comme la plupart des télescopes spatiaux, mais contrairement àHubble (jusqu'au retrait de lanavette spatiale américaine), JWST ne peut être réparé et ses instruments ne peuvent être remplacés, car son éloignement empêche toute intervention humaine. En effet, il n'existe pour le moment aucun module permettant la survie d'un équipage pendant les deux mois minimum d'une mission et permettant un retour sur Terre.
Fin, un petitmétéoroïde percute l'un des miroirs du télescope, qu'il fait sortir de son axe, mais sans causer de dommage irréversible. C'est déjà le cinquième météoroïde et le plus gros à percuter le télescope depuis son déploiement[108].
laplateforme (ou bus), située « côté chaud », regroupe toutes les fonctions de support : contrôle et maintien de l'orbite, alimentation électrique, stockage des données collectées par les instruments et communications avec la Terre et entre les équipements de l'observatoire ;
lebouclier thermique sépare le « côté chaud » du « côté froid ». Son rôle est de protéger les parties les plus sensibles du télescope (optique et instruments) du rayonnement infrarouge en provenance du Soleil, de la Terre et de la Lune, ainsi que de la plateforme ;
la partie optique du télescope OTE (Optical Telescope Element), située « côté froid », collecte le rayonnement des astres à l'aide de plusieurs miroirs et le renvoie vers les instruments scientifiques ;
les quatre instruments rassemblés dans le module ISIM (Integrated Science Instrument Module), également placés « côté froid », analysent le rayonnement collecté et produisent des images et des spectres électromagnétiques.
Schéma 2 : diagramme de la plateforme. La partie supérieure (bleue) est fixée sur la face du bouclier thermique tournée vers le Soleil, tandis que la face inférieure comprend l'adaptateur point de fixation au lanceur. En vert, les panneaux solaires et, en marron, les radiateurs qui permettent de dissiper la chaleur générée par les équipements électroniques.Laplateforme, présentant son panneau solaire en position repliée. Les appendices (antennes, tuyères, capteurs, viseurs d'étoiles) sont masqués par des caches jusqu'au lancement.Le déploiement des panneaux solaires est testé.
le système de télécommunications transmet les données recueillies par les instruments et lestélémesures informant le contrôle au sol de l'état du télescope spatial (liaison montante). En retour, il reçoit les instructions des contrôleurs. Les échanges se font via uneantenne parabolique grandgain de 60 cm de diamètre fonctionnant enbande Ka et une antenne moyen gain de 20 cm de diamètre fonctionnant enbande S. Toutes deux sont fixées sur une plateforme commune orientable. La largeur du faisceau émis par l'antenne grand gain est à peu près de la taille de la surface de la Terre, à sa réception, aussi le pointage de l'antenne doit être régulièrement modifié au fur et à mesure des déplacements de JWST autour du point de Lagrange. Pour que les vibrations produites par les mouvements de l'antenne ne perturbent pas les observations, ces ajustements sont réalisés durant une pause aménagée dans les observations, toutes les 10 000 s. L'antenne moyen gain permet de transférer les télémesures, avec un débit minimum de40kilobits par seconde, vers n'importe quellestation terrienne visible. L'antenne grand gain est utilisée pour transmettre les données scientifiques avec un débit par défaut de3,5mégaoctets par seconde. En cas de passage enmode survie, les échanges se font via deuxantennes omnidirectionnelles[115] ;
le système de gestion des données et des commandes (C&DH), qui repose sur unordinateur embarqué, reçoit et interprète les opérations à effectuer, les rediffuse, collecte et stocke les données scientifiques avant de les transmettre vers la Terre. En attendant leur transmission, les données sont stockées dans unemémoire de masse de type enregistreur à semi-conducteurs (SSR) d'une capacité de65gigaoctets[116] ;
le système de contrôle thermique, qui maintient l'ensemble de la plateforme dans la plage de température prévue, grâce à des isolants multi-couches et à quatre radiateurs déployés en orbite de part et d'autre de la plateforme ;
Schéma 3 : la plateforme est située du côté éclairé du pare-soleil (E) à l'opposé de l'ensemble optique du télescope (F). Elle comprend notamment des panneaux solaires (B), une antenne grand gain (C), des viseurs d'étoiles (D), des radiateurs permettant de dissiper la chaleur dégagée par l'électronique (E). Le panneau (A) permet de stabiliser l'engin spatial.
Le bouclier thermique est fixé sur deux palettes à claire-voie, de forme rectangulaire, aussi longues que celui-ci, mais beaucoup moins larges pour tenir sous la coiffe. Celles-ci sont repliées le long du corps du télescope pour le lancement, puis abaissées en orbite. Un ensemble de poutrelles et de câbles ainsi que107actionneurs permettent le déploiement du bouclier thermique dans l'espace. Six poutrelles verticales fixées sur ces palettes servent de point d'ancrage aux cinq couches de revêtement, en permettant leur mise en tension et leur espacement. Ce dernier varie d'une trentaine de centimètres au niveau de la bordure, à environ 13 cm au centre du bouclier thermique. Pour limiter les risques en cas de défaillance, toute l'électronique est redondée ; par contre, les mécanismes ne le sont pas[71].
Schéma 4 : fonctionnement du bouclier thermique du télescope spatial JWST.
Schéma 5 : les composants de la partie optique (OTE) du télescopeJames Webb.Schéma 6 :chemin optique :A : miroir primaire à18 segments -B : miroir secondaire -C : miroir tertiaire -D : miroir à orientation fine -E : plan focal.
La partie optique OTE (Optical Telescope Element) est constituée d'unsystème anastigmatique à trois miroirs, d’unefocale de 131,40 m pour uneouverture de f/20 (schéma 5). Ce type de télescope utilise trois miroirs courbes qui permettent de disposer d'un largechamp de vue en minimisant les principalesaberrations optiques. L'optique est composée d'un miroir primaire de6,5 mètres de diamètre, d'un miroir secondaire de74 centimètres de diamètre et d'un miroir tertiaire. La partie optique contient également (schéma 5) la structure supportant les miroirs et un système de régulation thermique comprenant des radiateurs[122].
La surface du miroir primaire,5,5 fois plus importante que celle deHubble, permet au télescope de collecter neuf fois plus vite une image que son prédécesseur. Lepouvoir de résolution du télescope atteint 0,1 seconde d'arc dans le domaineinfrarouge (0,6 à27micromètres delongueur d'onde). Contrairement àHubble, il ne permet pas d'observer le spectre lumineux dans l'ultraviolet et le visible[128].
Lemiroir secondaire est un miroir convexe circulaire d'un diamètre de0,74 mètre qui concentre la lumière du miroir primaire et la renvoie vers le miroir tertiaire. Il est suspendu au-dessus du miroir primaire, par une structure en forme de trépied, repliée le long du miroir primaire pour le lancement. L'orientation du miroir réalisé en béryllium peut être ajustée à l'aide de six actionneurs selon sixdegrés de liberté[129].
Le télescope est équipé de trois instruments principaux et d'un instrument secondaire, qui sont assemblés dans une structure fixée à l'arrière du support du miroir primaire et forment l'ISIM (Integrated Science Instrument Module). L'ISIM comprend également, à une certaine distance des instruments, des radiateurs qui évacuent la chaleur des instruments pour maintenir leur température basse, des équipements électroniques permettant de contrôler les instruments, un système de contrôle et de gestion des données propres à l'ISIM, l'ICDH (ISIM Command and Data Handling), ainsi que le refroidisseur cryogénique mécanique utilisé pour abaisser la température de l'instrumentMid InfraRed Instrument (MIRI)[130].
NIRCam (Near-InfraRed Camera, en français « caméra pour l'infrarouge proche ») est une caméra grand champ fonctionnant dans l'infrarouge proche de 0,6 à5micromètres. La caméra comporte deux sous-ensembles pratiquement identiques qui couvrent des portions de ciel adjacentes séparées de44 secondes d'arc. Le champ optique de chacun de ces modules est de 2,2 × 2,2 minutes d'arc. Un des deux instruments couvre les longueurs d'onde comprises entre 0,6 et 2,3 µm (ondes courtes), l'autre entre 2,4 et 5 µm. La lumière de l'instrument à ondes courtes arrive sur quatre détecteurs (2 × 2) de 2 040 × 2 040 pixels chacun, tandis que celle du deuxième instrument arrive sur un détecteur unique de 2 040 × 2 040 pixels. Larésolution est de 0,032 seconde d'arc par pixel pour le premier ensemble de détecteurs et de 0,065 seconde d'arc pour le second. Des filtres permettent de sélectionner des longueurs d'onde particulières. L'instrument à ondes courtes dispose de cinq filtres sélectionnant des bandes larges (R~4), quatre moyennes (R~10) et trois étroites (R~100). Le deuxième instrument comporte trois filtres larges, huit moyens et quatre étroits. L'instrument dispose d'un mode coronographie pour pouvoir réaliser des images d'objets très peu lumineux, proches de sources très brillantes, comme les exoplanètes ou les disques de débris. L'instrument peut également effectuer sur des surfaces réduites des prises d'images rapides, ainsi que de la spectroscopie sans fente sur la bande spectrale 2,4–5 μm avec une résolutionR d'environ 1 700. NIRCam est développé par une équipe de l'université de l'Arizona et le Centre de technologie avancée deLockheed Martin[131].
NIRSpec dispose d'unmode multi-objets grâce à une matrice de micro-obturateurs programmables (Micro-Shutter Assembly MSA) qui permet de réaliser simultanément le spectre de100 objets sélectionnés dans un champ de 3,6 × 3,6 minutes d'arc. Chaque objet est observé via une ouverture correspondant à un champ de 0,20 × 0,45 seconde d'arc. Larésolution spectrale peut être de 100, 1 000 ou 2 700 ;
spectroscopie à fente. Ce mode reste disponible lorsque leMicro Shutter Assembly (MSA) est utilisé (pas de superposition). L'instrument dispose d'une fente de 0,4″ × 3,8″, de trois fentes de 0,2″ × 3,3″ et d'une ouverture large de 1,6″ × 1,6″. La résolution spectrale peut être de 100, 1 000 ou 2 700 ;
spectroscopie à « champ intégral » sur un champ de vue de 3 × 3 secondes d'arc. La résolution spectrale peut être de 100, 1 000 ou 2 700. Le champ est découpé en30 images de 0,1 × 3 secondes d'arc. L'ouverture correspondante est obturée lorsque ce mode n'est pas utilisé.
La matrice MSA (Micro Shutter Assembly) permet de réaliser lespectre d'une centaine d'objets en parallèle. À gauche une image du ciel vers Ω Cen est projetée sur la matrice MSA. La vue de droite montre une petite partie de la matrice. En fonction de leur position dans la grille (centrage), un spectre peut être obtenu (vert) ou non (rouge). Les cases orange correspondent à des obturateurs qui n'ont pas répondu aux commandes.Spectres obtenus en mode multi-objets.
La matrice MSA est constituée d'une grille formée de quatre quadrants subdivisés chacun en365 cellules sur l'axe x (sens de la dispersion spectrale) et171 cellules dans le sens y, soit 248 000 cellules en tout (62 000 par quadrant). Chaque cellule, qui mesure 100 × 200 μm (l'épaisseur de quelques cheveux), est obturée à l'aide d'une porte mobile. Deuxélectrodes sont fixées, d'une part, à la porte obturant la cellule et, d'autre part, à la cloison sur laquelle celle-ci peut être rabattue. En appliquant une charge de sens contraire aux deux électrodes d'une cellule donnée, on déclenche son ouverture. Un bras aimanté mobile permet d'agir sur l'ensemble des portes. Cesmicrosystèmes utilisent la technologie desMEMS. Une des limitations du MSA est qu'une seule étoile peut être observée sur chaque rangée parallèle à l'axe des x, car son spectre utilise toute la largeur du détecteur. L'étoile doit par ailleurs être centrée dans la cellule. Pour observer l'ensemble des étoiles d'une zone donnée, il faut donc effectuer plusieurs observations précédées à chaque fois d'une modification du pointage du télescope[134],[135].
La matrice de micro obturateursMicro Shutter Assembly (MSA). A : Zone active - B : Fenêtre pourspectroscopie à champ intégral - C : fentes fixes - D : Direction de la dispersion spectrale - E : Bras aimanté mobile - F : 365 (rangées) électrodes (tension +V2) fixées sur la paroi verticale du côté de l'aimant - G : Barre de torsion (charnière) - H : 171 (colonnes) électrodes (tension -v1) fixées sur les obturateurs côté détecteur.
Conception des micro obturateurs du MSA (Micro Shutter Assembly) : A : Bandes magnétiques fixées au-dessus des obturateurs (dans le sens des colonnes) - B : Charnière et barre de torsion - C : Électrode de la cloison (dans le sens des rangées) - D : Direction du rayonnement infrarouge - E : Sens de déplacement du bras aimanté pour programmer et relâcher les obturateurs - F : Sens de déplacement du bras aimanté pour ouvrir et verrouiller les obturateurs M : Bras aimanté mobile.
réalisation d'images à travers dix filtres. La résolution de MIRI est de 0,11 seconde d'arc par pixel, pour un champ maximum de 74 × 113 secondes d'arc. Plusieurs champs plus petits seront aussi disponibles (7 × 7, 14,1 × 14,1, 28,2 × 28,2, 56,3 × 56,3 secondes d'arc) pour permettre un temps d'exposition court (prise d'images d'objets lumineux ou environnement lumineux) ;
coronographie : son rôle est d’atténuer ou de supprimer le flux d’un objet très brillant (une étoile, par exemple) afin d’observer son environnement proche peu lumineux (une exoplanète, par exemple). Dans ce mode d'observation, le champ de vue est de 15 × 15 secondes d'arc et la résolution angulaire est de 0,11 seconde d'arc. Les coronographes comprennent trois masques de phasemonochromatiques de type 4QPM (Four-Quadrant Phase Masks) et d’un masque de Lyot. Les trois masques de phase fonctionnent à 10,65 µm, 11,4 µm et 15,5 µm respectivement, alors que le masque de Lyot fonctionne à 23 µm. Laséparation angulaire entre une étoile et sonsystème planétaire étant très petite, l’utilisation de coronographes classiques à pastille de Lyot n’est pas adaptée. Une nouvelle génération de coronographes de phase à quatre quadrants, dits « 4QPM », a été mise au point par leLESIA[p] ;
L'instrumentMid InfraRed Instrument (MIRI) est fourni par l'Agence spatiale européenne. Il est construit par un consortium de laboratoires de dix pays européens, coordonnés par l'Observatoire d'Édimbourg en Écosse. MIRI est constitué de deux parties distinctes. Le premier sous-ensemble, l'imageur/coronographes/spectro-basse-résolution appelé MIRIM, développé et réalisé sous l'égide duCNES en France par le Département d'Astrophysique duCEA-Saclay[138], avec la participation duLESIA (Observatoire de Paris), de l'Institut d'astrophysique spatiale (IAS) et duLaboratoire d'astrophysique de Marseille (LAM). Le deuxième sous-ensemble, le spectrographe de résolution moyenne, doté d'une fonctionnalité à champ intégral (IFU), appelé « MRS », construit par leLaboratoire Rutherford Appleton (RAL) sous l’égide duScience and Technology Facilities Council (STFC) anglais. LeRAL assure l'intégration de tous les composants de l'instrument et des tests[139].
Schéma de MIRI montrant la localisation des trois sous-ensembles de l'instrument. Pour maintenir la température très basse du détecteur, les composants de l'instrument sont distribués dans trois parties du télescope spatial : les trois premiers étages du réfrigérateur sont situés dans la plateforme (côté chaud du bouclier thermique) et l'électronique dans un boitier situé sous l'instrument.Les trois premiers étages ducryoréfrigérateur peu avant un test dans unechambre à vide.
Le FGS (Fine Guidance System) est un système de guidage fin qui remplit trois fonctions[144] :
fournir des images de tout le champ du télescope, dans le but de trouver la région du ciel qui doit être étudiée au début d'une nouvelle campagne d'observation ;
identifier, dans la région visualisée par le télescope, une étoile guide figurant au catalogue enregistré dans sa mémoire. Une fois l'étoile guide identifiée, celle-ci est centrée dans une fenêtre de 8 × 8 pixels, puis l'orientation du télescope est modifiée pour positionner l'étoile guide dans une zone de la fenêtre pré-spécifiée, de manière que la portion du ciel observée soit dans l'alignement de l'axe du télescope ;
fournir au système de contrôle d'attitude des mesures permettant de maintenir le pointage du télescope spatial vers l'étoile guide, avec une précision de une milliseconde d'arc, en effectuant une prise d'image16 fois par seconde.
Comme prévu, les capacités exceptionnelles du JWST lui ont permis d'établir de nouveaux records en matière d'observation. Ce sont par exemple[146] :
la découverte probable, grace à l'utilisation de la technique de lalentille gravitationnelle, de l'étoile géante rouge Quyllur, située à près de11 milliards d'années-lumière de la Terre (jusque là aucune étoile individuelle n'avait été observée à plus d'un milliard d'années-lumière)[147] ;
l'observation d'une lentille gravitationnelle située à 17 milliards d'années-lumière, soit2,3 milliards d'années-lumière plus loin que toutes les observations précédentes[149] ;
Ces observations records étaient plus ou moins attendues, car elles portent sur des phénomènes connus et sont la conséquence des capacités du télescope spatial. Par contre, comme tout instrument aux caractéristiques inédites, le JWST a permis de véritables découvertes scientifiques. Les plus remarquables sont les suivantes (en)[146].
Planètes errantes de la taille de Jupiter formant des systèmes binaires
Lanébuleuse d'Orion est la pouponnière d'étoiles la plus proche de notre système solaire (1 500 années-lumière). On y trouve des nuages de gaz favorisant la formation de nouvelles étoiles. La nébuleuse comprend un grand nombre d'étoiles à différents stades de leur formation (nuage en cours d'effondrement, étoile avec disque proto-planétaire...). Le JWST a pu percer le nuage de poussières qui bloque les observations habituelles et a détecté un grand nombre deplanètes errantes (sans étoile mère). Parmi celles-ci, 9 % étaient des planètes de la taille deJupiter formant des systèmes binaires, qui ont été baptisées JuMBO (de l'anglaisJupiter mass binary object). La formation de ces nouveaux objets célestes constituent un mystère : s'agit-il d'étoiles binaires avortées ou de planètes éjectées simultanément de leur système solaire[146] ?
Lessursauts gamma sont les événements les plus énergétiques de l'Univers. On les range dans deux catégories en fonction de leur durée : les sursauts gamma courts, qui constituent environ 30 % du total, durent moins de deux secondes, tandis que les sursauts gamma longs peuvent durer quelques milliers de secondes. Du fait de leur brièveté, l'origine de ces événements toujours très éloignés (car rares) est très difficile à déterminer. Depuis leur découverte il y a environ 50 ans, plusieurs hypothèses ont été avancées :fusion d'étoiles à neutrons,supernovæ, événements cataclysmiques tels qu'unévénement de rupture par effet de marée ou collision d'une étoile à neutrons avec un autre objet céleste comme unenaine blanche. La première percée sur le sujet a lieu en 2017, lorsqu'un sursaut gamma court se produisant dans une galaxie voisine de la nôtre a pu être associé à unefusion d'étoiles à neutrons. Mais la question de l'origine des sursauts longs restait ouverte. Le, les observatoires spatiauxSwift etFermi observent un sursaut gamma long d'une durée de 200 secondes particulièrement énergétique (le deuxième plus énergétique depuis que ces phénomènes sont détectés). JWST, pointé quelques jours plus tard vers la zone du ciel où cet événement s'est produit, détecte par spectroscopie la présence abondante d'éléments chimiques particulièrement lourds comme letellure, letungstène et lesélénium. Ces éléments sont produits uniquement durant la fusion d'étoiles à neutrons. Les deux types de sursaut gamma sont donc le résultat du même type d'événement. Ce résultat débouche toutefois sur une nouvelle question scientifique : pourquoi existe-t-il deux types de sursaut gamma[146] ?
Des systèmes planétaires s'écartant du modèle standard
Les observations du JWST ont remis en question les théories dominantes concernent le mode de formation dessystèmes planétaires et la structure qui en résulte. Selon celles-ci, un système planétaire comprend, successivement en s'éloignant de l'étoile : des planètes internes, uneceinture d'astéroïdes au niveau de laligne des glaces, d'autres planètes, une ceinture d'objets analogue à laceinture de Kuiper et enfin une région comportant des planètes ou des petitsplanétésimaux diffus. Ce modèle est celui rencontré dans notre système solaire, mais était considéré comme généralisable compte tenu des lois physiques s'appliquant au processus de formation. Mais alors que ce modèle aboutit à l'existence de deux ceintures de débris (ceinture d'astéroïdes et ceinture analogue à celle de Kuiper), le télescope spatial a observé trois ceintures dans le système planétaire deFomalhaut, une étoile très proche (à 25 années-lumière) faisant partie des 25 plus brillantes dans le ciel. La ceinture supplémentaire est située entre les deux ceintures prédites par la modélisation en vigueur[151]. Observé un an plus tard, le système planétaire deVéga, la cinquième étoile la plus brillante, a encore remis en question les théories en vigueur. Le disque de matériau autour de cette étoile, bien visible sur les images prises par JWST, ne comporte ni planète, ni ceinture, ni lacune. Une hypothèse envisagée est que la vitesse de rotation trop rapide de l'étoile aurait empêché la formation de planètes[152],[146].
Lestrous noirs supermassifs sont situés au centre des galaxies géantes et leur masse est généralement d'au moins un million de fois celle du Soleil. Leur origine fait l'objet de débats. L'hypothèse la plus répandue est qu'ils résultent d'une accrétion progressive d'étoiles sur une période s'étendant sur plusieurs milliards d’années. Généralement, la masse d'un trou noir supermassif est égale à environ un millième de celle de la galaxie qui l'héberge. Selon cette théorie, les trous noirs supermassifs n'ont donc pu atteindre leur taille dans les débuts de l'Univers. Mais cette hypothèse est largement remise en question avant même les observations effectuées par JWST. Des trous noirs supermassifs ont été découverts alors que l'Univers avait 5 % de son âge actuel, ce qui pourrait signifier que ces objets célestes aient pu apparaitre au début de l'Univers indépendamment des étoiles. Il est possible de vérifier cette hypothèse en observant le rayonnement X émis par des galaxies de faible masse (environ 10 millions de fois celle du Soleil) existant au tout début de l'Univers. Le JWST a ainsi détecté un grand nombre de galaxies répondant à ce cahier des charges. Le rayonnement X de l'une d'entre elles,UHZ1, visible 470 millions d'années après le Big Bang, a pu être mesuré par l'observatoire spatialChandra. La masse du trou noir présent au cœur de cette galaxie, déduite de cette donnée, a été estimée à quasiment 100 % de celle de la galaxie, confirmant l'hypothèse qu'un trou noir supermassif pouvait se former sans impliquer d'étoiles, peut-être par l'effondrement direct denuages de gaz froid[153],[146].
Ce qui suit est une sélection de résultats obtenus à partir des données collectées par le JWST. Cette sélection, qui est loin d'être exhaustive d'autant que les observations se poursuivent, a pour objectif de démontrer la diversité des domaines exploitant ces données.
Divergences sur la valeur de la constante d'Hubble (situation à février 2025)
Les observations du JWST ont permis de confirmer les distances descéphéides, dont les caractéristiques servent d'étalons pour construire leséchelles de distance dans l'Univers, et confirment donc l'existence d'une divergence entre les mesures de laconstante de Hubble. Ces résultats pourraient provenir d'une composante inconnue non prise en compte dans la théorie cosmologique en vigueur (modèle standard de la cosmologie) telle qu'un nouveau composant de la matière ou des particules exotiques[155],[156].
Peu après sa mise en service, le JWST a obtenu une image directe de l'exoplanèteHIP 65426 b, une planète géante jeune ayant 6 à 12 fois la taille de Jupiter, située à 100unités astronomiques de son étoile et distante de 356 années-lumière du Système solaire[157].
↑À l'époque, c'était la date envisagée de fin de vie deHubble, placé en orbite en 1990.
↑Du fait de l'expansion de l'Univers, la vitesse relative desgalaxies par rapport à la Terre est d'autant plus élevée qu'elles sont éloignées. Pareffet Doppler, le rayonnement qu'elles émettent est décalé à la réception vers le rouge (longueur d'onde plus grande). Les émissions dans l'ultraviolet ou dans la lumière visible sont reçues sur Terre sous forme d'infrarouge voire de micro-ondes. Plus l'éloignement est important, plus le décalage vers le rouge est élevé.
↑Les raisons de ce choix sont en fait complexes. Il y a d'abord la fiabilité démontrée de l'Ariane 5 pour ce type de mission. L'Ariane 5 est à l'époque de sa sélection le seul lanceur répondant au cahier des charges. Cette décision permet à l'Agence spatiale européenne de prendre en charge une partie du coût du projet, sachant que le cœur du télescope spatial (bouclier thermique, miroirs, plateforme et bus) ne peut lui être confié, pour des raisons stratégiques et de capacité technologique. Par ailleurs, le choix du lanceur, effectué très tôt, est difficilement modifiable car le télescope a été conçu pour coller aux caractéristiques vibratoires et acoustiques ainsi qu'au profil de vol de l'Ariane 5 et toute modification ultérieure serait coûteuse et génératrice de retard.
↑Il n'existe aucune chambre à vide ayant un volume permettant ce test.
↑Cette anomalie a pu être corrigée par l'ajout d'un dispositif correcteur installé par une équipe d'astronautes, mais une telle opération ne sera pas possible pour le JWST car l'orbite du télescope est trop éloignée de la Terre pour une intervention humaine.
↑Ces contraintes sont les suivantes. Durant son lancement, le télescope ne doit pas subir de surchauffe du fait de son exposition au Soleil. La trajectoire ne doit pas passer trop près de la Lune pour ne pas avoir à corriger l'influence gravitationnelle de celle-ci. Toute éclipse du Soleil par la Terre et par la Lune doit être évitée pour ne pas priver le télescope spatial d'énergie, la trajectoire imposée par le lancement doit permettre l'insertion sur une orbite autour du point de Lagrange L2 qui ne s'écarte pas trop de ce dernier.
↑Le miroir du télescope ne devant jamais être tourné vers le Soleil, les moteurs-fusées ne peuvent être utilisés pour le ralentir, car cette manœuvre nécessiterait d'orienter le miroir vers le Soleil.
↑Selon la NASA, le constructeur principal du télescope spatial, la sociétéNorthrop Grumman, dispose d'une longue expérience dans le domaine des déploiements complexes dans l'espace, comptant640 déploiements distincts comportant plus de 2 000 éléments réussis (note : engins spatiaux militaires, taux de réussite peu crédible[réf. nécessaire]).
↑Contrairement aux orbites autour des points de Lagrange L4 et L5.
↑Les premiers clichés duJames Webb n'ont été rendus publics qu'un mois plus tard, parce que leprésident américainJoe Biden voulait les dévoiler en direct à la télévision et n'était pas disponible avant[85].
↑Royaume-Uni (22), Allemagne (14), Pays-Bas (10) Italie (9), Suisse (8), France (6), Suède (3), Belgique (1), etc.
↑Sa forme est donc volontairement impropre au moment du lancement.
↑Ces coronographes permettent d’atténuer le flux de l’étoile et d’observer des objets angulairement très proches. En centrant l’image d’une étoile sur un 4QPM, l’énergie diffractée est rejetée en dehors de la pupille géométrique du système. Un diaphragme placé dans le plan pupille permet de bloquer le flux de l’étoile. En revanche, une planète angulairement proche de l’étoile ne sera pas centrée sur le 4QPM et ne subira pas cet effet. Une grande partie de son flux passera par la pupille géométrique sans être bloquée par le diaphragme.
Performances du télescope mesurées durant la phase de commissionnement.
Francophones
« JWST »,CEA(consulté le). — Site des institutions françaises impliquées avec un accent sur le rôle des laboratoires français : les tests en cours ou déjà réalisés, des programmes scientifiques qui seront menés avec le JWST par la communauté nationale française, ainsi que des tests conduits par les ressortissants nationaux, pour et au-delà de la recette en vol, et l'avancement du projet.
La première date est celle du lancement du lancement (du premier lancement s'il y a plusieurs exemplaires). Lorsqu'elle existe la deuxième date indique la date de lancement du dernier exemplaire. Si d'autres exemplaires doivent lancés la deuxième date est remplacée par un -. Pour les engins spatiaux autres que les lanceurs les dates de fin de mission ne sont jamais fournies.