Jacques Massu en 1958. | ||
| Nom de naissance | Jacques Émile Massu | |
|---|---|---|
| Naissance | Châlons-sur-Marne (Marne,France) | |
| Décès | (à 94 ans) Conflans-sur-Loing (Loiret,France) | |
| Origine | France | |
| Allégeance | ||
| Arme | Troupes de marine | |
| Grade | Général d'armée | |
| Années de service | 1928 – 1969 | |
| Commandement | Forces françaises en Allemagne | |
| Conflits | Seconde Guerre mondiale Guerre d'Indochine Guerre d'Algérie Crise du canal de Suez | |
| Faits d'armes | Forces françaises libres Bataille de Normandie Libération de Paris Libération de Strasbourg Bataille d'Alger | |
| Distinctions | Grand-croix de la Légion d'honneur Compagnon de la Libération Croix de guerre 1939-1945 Croix de guerre des Théâtres d'opérations extérieurs Croix de la Valeur militaire | |
| Autres fonctions | Gouverneur militaire deMetz Président duComité de salut public (1958) | |
| Liste des Compagnons de la Libération | ||
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Jacques Massu, né le àChâlons-sur-Marne (actuellement Châlons-en-Champagne, dans laMarne) et mort le àConflans-sur-Loing (Loiret), est unmilitairefrançais.Officier général,compagnon de la Libération et commandant en chef des forces françaises enAllemagne, il s'illustre notamment dansla colonne Leclerc et la2e DB durant laSeconde Guerre mondiale.
Pendant laguerre d'Algérie, il est à la tête de la10e division parachutiste, mise en cause (parHenri Alleg etLouisette Ighilahriz notamment) pour des faits detorture. Massu reconnaît son usage en 1971 dans son livreLa Vraie Bataille d'Alger, expliquant que ces méthodes inspirées de laguerre d'Indochine auraient favorisé la lutte contre le terrorisme duFLN[1]. Il a par la suite exprimé ses regrets quant au recours à la torture[2].
Jacques Massu est né àChalons-sur-Marne dans une famille d'officiers militaires français[3]. Il fait ses études aulycée Saint-Louis-de-Gonzague àParis, au collège libre Saint-François de Sales àGien (1919-1925) puis auPrytanée national militaire (1926-1928) deLa Flèche où il a reçu le matricule 9953a. Entré à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr, il en sort en 1930 (promotionMaréchal-Foch) et commence sa carrière militaire commesous-lieutenant de l'infanterie coloniale dans les colonies françaises duMaroc, duTogo et duTchad.
Il estcapitaine enAfrique équatoriale, à la tête de la3e compagnie du régiment detirailleurs sénégalais duTchad et de la subdivision militaire duTibesti, quand il répond à l'appel du dugénéral de Gaulle et rejoint laFrance libre, aux côtés du gouverneurFélix Éboué en.
Il participe à labataille du Fezzan avec lacolonne Leclerc.Méhariste au Tibesti, il a transformé son « vaisseau du désert » en « pétrolier » pour un rendez-vous de ravitaillement avec les camions deBagnold duLong Range Desert Group qui prenaient lesForces françaises libres (FFL) deLeclerc comme passagers.
En 1941, il est à la tête du Bataillon de Marche du Tchad et se place sous les ordres du général Leclerc. Comme commandant puislieutenant-colonel de la2e DB, il débarque en Normandie le, participe aux batailles du théâtre de l'Ouest européen qui le mène au cœur de l'Allemagne jusqu'àDachau, où il rencontreEdmond Michelet, détenu dans le camp de concentration. Il avait d'abord participé activement à lalibération de Paris en. Il est connu pour être entré le premier dans l'hôtel Majestic, QG de l'administration militaire allemande de la capitale. Entré avec le groupement Langlade par la porte de Saint-Cloud, il remonte l'avenue Mozart et parvientavenue Kléber, tout près de l'Étoile. Il fait prisonnier l'ensemble du personnel allemand présent au Majestic : cinquante officiers et trois cents hommes. Il participe ensuite avec la2e DB à la meurtrière campagne d'Alsace et à la libération deStrasbourg et deColmar avec le groupement Langlade.
En, le lieutenant-colonel Massu est placé à la tête dugroupement de marche de la2e division blindée qui débarque àSaïgon et participe au dégagement de la ville et du Sud de l'Indochine à partir d'[4]. À la suite dubombardement du port de Haïphong le, ordonné par l'AmiralThierry d'Argenlieu, causant entre 300 et 20 000 morts, pour la plupart civils[5], Hô Chi Minh donne l'ordre de prendre les armes. LeViêt-Minh lance l'assaut surHanoï le, les combats entre le CEFEO (Corps Expéditionnaire Français d'Extrême-Orient) et le Viêt-Minh s'accompagnent également de massacres contre les populations françaises[6]. À l'issue de laborieuses manœuvres diplomatiques avec le gouvernement français,Ho Chi Minh se rapproche du pouvoir communiste chinois. Legénéral Leclerc envoie alors auTonkin le groupement du colonel Massu qui reprend la ville dont les égouts ont été minés[réf. nécessaire] ; il inflige de lourdes pertes au Viêt-Minh qui retenait prisonnière la population française[réf. nécessaire]. Les troupes Viet-Minhs ne pouvaient alors lutter contre une troupe aguerrie par ses campagnes antérieures, les soldats français ayant pour la plupart déjà combattu au sein desFFL ou de l'Armée de la Libération à la fin de laSeconde Guerre mondiale. L'empereurBao Daï, à la recherche de nouvelles alliances, aurait demandé au général Leclerc que le groupement Massu fût renvoyé à Saïgon et que le colonel regagne laFrance[7].Suzanne Torrès, chef des infirmières « Rochambelles » a eu l'occasion de faire plus ample connaissance du colonel Massu en Indochine. Née Suzanne Rosambert, elle divorce de son deuxième mari, l'avocat Henri Torrès, et épouse à Paris Jacques Massu en 1948, à la mairie du16e arrondissement.
Jacques Massu poursuit en France sa carrière au sein des troupes parachutistes. Il prend d'abord la tête de la1re demi-brigade coloniale de commandos parachutistes enBretagne de1947 à 1949. En 1951, il prend le commandement de la4e brigade d'AOF àNiamey où est construit sous son autorité, leFort Massu près deTimia au cœur de l’Aïr. En 1954, il est affecté enTunisie comme adjoint au commandant de la11e DI coloniale puis comme commandant de la zone opérationnelle nord, auKef. En, devenugénéral de brigade, il commande le Groupe parachutiste d'intervention devenu en 1956 la10e Division parachutiste (D.P.), connue au sein de l'armée française sous le nom dedivision Massu ; il débarque le àPort-Saïd (Égypte), lors del'opération de Suez à la suite de la nationalisation du canal par le colonel Nasser en représailles à l'abandon de financements occidentaux en Égypte. Après avoir pris la ville, il combat aux côtés des Britanniques qu'il rejoint pour prendreIsmaïlia. L'opération militaire tourne court à la suite du rappel des troupes par les gouvernements français et britanniques sous la pression diplomatique conjointe desÉtats-Unis et de l'URSS, via les instances de l'ONU.
Il est, pendant la guerre d'Algérie, à la tête de la10e Division parachutiste.
Le, le Ministre-Résident,Robert Lacoste, confie les pouvoirs de police à l'armée afin de lutter contre l'activité du FLN et en particulier contre lesattentats s'étant multipliés au cours de l'année 1956 et au début de l'année 1957 (le auMilk Bar et à la Cafétéria, le, au Palais d'été, à la gare d'Hussein-Dey et au Monoprix de Maison-Carrée[8], le à la Maison des Combattants, à la Pergola et au boulevard de Provence, le, l'explosion d'un car d'enfants, le avec l'explosion dutrolleybus d'Hydra[9] notamment). Ces attentats causent de nombreux morts civils, ce qui motive le ministre de la Défense nationale,Maurice Bourgès-Maunoury, à exiger de l'armée française des résultats rapides à partir de.
Les quatre régiments de la10e division parachutiste quadrillent alors la ville, en ayant recours à des perquisitions, des arrestations et des interrogatoires par milliers, impliquant l'usage de la torture dans de nombreux cas. L'objectif est d'éradiquer leréseau bombes deYacef Saâdi. Les officiers du Général Massu incluent notammentRoger Trinquier (théoricien de la guerre subversive dans son ouvrageLa Guerre moderne[10]) etPaul Aussaresses. Ce dernier supervise la mise en place du système de renseignement qui repose sur l'usage de la torture et les exécutions sommaires (il a notamment ordonné la mort deLarbi Ben M'hidi et d'Ali Boumendjel)[11].
Labataille d'Alger s'achève à l'automne 1957. La section algéroise du FLN est démantelée et la fréquence des attentats est largement réduite. Cependant, cet affrontement (décrit par certains historiens comme la « grande répression d'Alger »[12]) contribue à accroître le fossé entre les populations musulmanes et les militaires français[13]du fait du recours à la torture.
Le, des manifestations éclatent en Algérie faisant suite à l'assassinat de trois soldats français par le FLN. Lorsque les partisans de l'Algérie française envahissent le siège du gouvernement général, Massu prend la parole et proclame la création d'unComité de salut public dont il est nommé président[14] ; il demande au présidentRené Coty la formation d'un gouvernement de salut public, « seul capable de conserver l'Algérie comme partie intégrante de la métropole »[15]. Cet épisode accélère le retour au pouvoir dugénéral de Gaulle afin de mettre fin à lacrise de.
En, Jacques Massu reçoit ses étoiles degénéral de division et prend, en décembre, la tête ducorps d'armée d'Alger en exerçant simultanément les fonctions depréfet régional pour l'Algérois. En, il aurait émis certaines réserves sur la politique algérienne duprésident de la République, le général de Gaulle, dans un entretien accordé au journaliste duSüddeutsche Zeitung deMunich, Hans Ulrich Kempski. Bien qu'il démente les propos tenus et la façon dont ils sont reportés, il est rappelé àParis et est démis de son poste de commandant du corps d'armée d'Alger par le général de Gaulle. La nouvelle provoque sur place une réaction violente concrétisée par lasemaine des barricades à Alger[14], instiguée notamment parPierre Lagaillarde (député et ancien parachutiste).
En 1971, le général Massu rouvre le dossier de la torture en Algérie dans son livreLa Vraie Bataille d'Alger, dans lequel il écrit notamment : « À la question “Y a t-il eu vraiment torture ?”, je ne peux répondre que par l’affirmative, quoiqu’elle n’ait jamais été institutionnalisée, ni codifiée ».
Dans un entretien télévisé[16], en 1971, il déclare :« J'ai dit officiellement que je reconnaissais l'existence de la méthode et que je la prenais sous ma responsabilité. ». Il ajoute spécifiquement :« la torture telle que j'ai autorisé qu'elle soit pratiquée à Alger ne dégrade pas l'individu. » Il aurait expérimenté la torture électrique (ditegégène) sur lui-même à vitesse réduite, et avait invité ses officiers à en faire de même[17]. Cependant, il s'oppose à l'idée que la torture était systématique : il défend l'idée selon laquelle elle n'a été utilisée que dans des cas exceptionnels pour lutter contre le terrorisme du FLN, mais également qu'elle a été « fréquente » pendant la Bataille d'Alger[18]. Il écrit dans son livre à ce propos : « dans le plus grand nombre des cas, les militaires français obligés de l’utiliser pour vaincre le terrorisme ont été, et heureusement ! « des enfants de chœur » par rapport à l’usage qu’en ont fait les fellagas. (…) Nous sommes restés bien en deçà de la Loi du lévitique « œil pour œil, dent pour dent » »[19] Cette rhétorique de la proportionnalité de la torture par rapport à la violence du FLN est présente dans les diverses interventions de Massu pendant les années qui suivent la parution de son livre[20].
Cependant, si le général reconnaît que l'usage de la torture était présent en Algérie, et le justifie par les fins à atteindre, il dément l'avoir pratiquée lui-même[2], et même avoir assisté à de quelconques faits analogues[18]. Il est avéré que ses officiers ont effectivement torturé (selon ses dires[21] et d'après diverses accusations[22]), et ce en réponse à une logique de maximisation des résultats. En effet, le, Serge Baret, le préfet IGAME (inspecteur général de l'administration en mission extraordinaire) d'Alger, signe un arrêté qui remet les pouvoirs de police aux autorités militaires. Une politique d'intensification des mesures de lutte contre le FLN est décidée ; l'action de la10e DP s'accélère donc, avec plus de 400 arrestations en 10 jours au mois de mars[23].
La responsabilité propre du général Massu n'est pas clairement définie. Il est notamment accusé parJean-Charles Deniau d'avoir donné l'ordre d'exécuter le mathématicien et militant communisteMaurice Audin[24], et parLouisette Ighilahriz d'avoir participé aux violences à son encontre. Néanmoins ces accusations sont réfutées par Massu à plusieurs reprises[2]. De même, à la question des 3 024 « disparus » entre janvier et sous la responsabilité des parachutistes français recensés parPaul Teitgen[25], secrétaire général à la police d'Alger en 1957, Massu répond que ce dernier s'était trompé.
La fin de laguerre d'Algérie a été suivie d'une loi d'amnistie pour les actes commis en relation avec cette dernière, qu'ils soient du fait duFront de libération national (FLN), de l'Organisation de l'armée secrète (OAS) ou des militaires français. Cette loi fut encore complétée en 1966, en et en1982. Massu n'a donc jamais été condamné pour torture.
En 2000, dans le cadre de l'enquête menée par la journaliste Florence Beaugé, le général Massu explique qu'avec le recul la torture ne lui paraît« pas indispensable en temps de guerre » et qu'on pourrait« très bien s'en passer »[26],[27]. Il ajoute dans un entretien avec Le Monde quelques mois plus tard : « Mais j'ai dit et reconnu que la torture avait été généralisée en Algérie ! Elle a ensuite été institutionnalisée avec la création du CCI (centre de coordination interarmées) et des DOP (dispositifs opérationnels de protection), et institutionnaliser la torture, je pense que c'est pire que tout ! Mais je n'y suis pour rien. Ce n'est pas moi qui ai donné l'ordre de créer le CCI et les DOP et qui les ai mis sur pied »[28]. Il contredit ainsi ses premières déclarations.

Jacques Massu n'approuve pas leputsch des généraux du, mené par les générauxChalle,Jouhaud,Salan etZeller, mais il demandera leur grâce au président de la République.[citation nécessaire] En, il devient gouverneur militaire deMetz et commandant de la6e région militaire[29]. Il y retrouve le R.P. Louis Fougerousse (1917-1980), aumônier militaire de la2e DB.[citation nécessaire]
En, il est nommé commandant en chef desforces françaises d'occupation en Allemagne, en résidence àBaden-Baden. Le, le général de Gaulle vient le consulter en pleine tourmente de, dans sa résidence de fonction aupavillon de chasse du Fremersberg. Son rôle politique à cette occasion est essentiel, puisqu'il recommande au président de la République de revenir rapidement dans la capitale et d'éviter tout bain de sang, ce dont le général de Gaulle lui sera profondément reconnaissant.[citation nécessaire] En, il quitte ses fonctions dans l'armée d'active et entre dans la2e section des officiers généraux.
Vivant retiré, à partir de, àNeuilly-sur-Seine, puis dans sa demeure gâtinaise deConflans-sur-Loing, Jacques Massu veille sur sa famille et se consacre à l'écriture de ses mémoires.
Il meurt le à 94 ans et les honneurs militaires lui sont rendus à lachapelle de l'École Militaire de Paris.
Il est inhumé au cimetière deConflans-sur-Loing (Loiret)[30].
Jacques Massu a été marié à deux reprises :
Il a trois enfants, dont une fille issue de son premier mariage (décédée du vivant de son père), et deux enfants, adoptés lors de son séjour en Algérie.
Dans la mini-sérieDe Gaulle, l'éclat et le secret (2020), son rôle est interprété parFrançois Chattot.