Sur le plan de la politique intérieure, il organise l'Opritchnina, undomaine royal où Ivan IV bénéficie d'un pouvoir absolu. Ainsi, il exerceune répression féroce contre les habitants deNovgorod en 1570 qui dévaste la ville.
Ivan IV est l'avant-dernier prince de la dynastie desRiourikides ; en 1598, après le règne de son filsFédor Ier sous la régence deBoris Godounov commence leTemps des troubles, qui permet l'avènement de la dynastie desRomanov en1613. Les Riourikides s'inscrivent comme une ancienne dynastie de l'époque qui régnait principalement sur l'État de la Moscovie et de l'État deRus' de Kiev de 862 à 1598[3].
VassiliIII meurt le, alors qu'Ivan n'a que trois ans. Le pouvoir est exercé par un conseil derégence formé de sa mère et de vingtboyards. Héléna gouverne avec son favori, Ivan Fedorovitch Ovtchina Obolenski. Tous deux continuent la politique de Vassili de lutte contre les intrigues des boyards.
Pour assurer les droits d’Ivan, Héléna et l'entourage du grand-prince font emprisonner ses deux oncles : Iouri, rival potentiel le plus dangereux, est arrêté une semaine après la mort de Vassili III, et meurt de faim en prison le[9] ; André[10], est arrêté le, ainsi que sa famille, et meurt en prison le.
Helena meurt le, peut-être empoisonnée[7]. Le pouvoir se partage alors entre différentes factions de familles de boyards (Chouïski,Glinski, Bielski).
Ivan passe donc son enfance au milieu des intrigues de la cour, qui le marquent profondément. Les boyards se disputent jusque dans sa chambre[11], et le jeune enfant ne reçoit de leur part que froideur et humiliations[12].
Il a en outre la crainte permanente d’être assassiné. En 1572, Ivan déclarera « on me persécute, on me chasse de mes terres. Je suis perpétuellement et partout en danger »[13]. Dans une lettre, il racontera plus tard au princeAndré Kourbski comment lui et son frère Iouri ont été« élevés dans la honte et la misère, comme les enfants étrangers, comme les enfants des pauvres ou la plus petite valetaille ! » Il ajoutera :« On n’avait parfois pas de vêtement propre, tout était troué, vieux et sale. […] Parfois on avait faim, très faim. […] Ah oui, depuis je connais les pauvres, je connais ça ! j’ai vu la haine[14]. »
Ses loisirs se partagent entre la torture d’animaux, la chasse et la maltraitance des villages alentour. Il donne en outre les signes d'une personnalité très contrastée, selon lalégende noire qui entoure le futur souverain[15] : d'un côté, il apparaît comme un homme intelligent, affairé, dynamique, prenant à cœur sa responsabilité de souverain ; de l'autre, comme un déséquilibré, au psychisme fragile, sujet à de violentes sautes d'humeur et à de longues dépressions, considérant l'aristocratie comme son principal adversaire. En effet, principalement engagé dans cette haine dirigée envers les boyards, il mentionnait dès son jeune âge : « les boyards de mon père et les miens ont appris à nous trahir »[16].
Autodidacte, il s’intéresse auxSaintes Écritures et se complaît dans les dévotions : à force de se prosterner devant lesicônes, son front porte la trace d’unecallosité (hyperkératose).
À16 ans, il rejoint l’armée àKolomna, au cours d'une opération contre lesTatars, il fait exécuter cinquantearquebusiers deNovgorod qui lui ont présenté une pétition au sujet des vexations qu’ils subissent.
Il est sacrétsar à Moscou le à lacathédrale de la Dormition et est proclamé« Tsar de ». On prend en outre la décision de marier lesouverain. Ivan décide de choisir une épouse, non à l'étranger, mais au sein de ses États. Le, il épouseAnastasia Romanovna Zakharina (en russeАнастасия Романовна Захарьина), fille d'une famille deboyards qui faisaient partie descercles les plus proches du tsar. Il est le premier « tsar » régnant. Plus qu’un titre à ses yeux, il se croit investi d’une mission divine, même si son investiture n'est consacrée qu'en 1561 par lepatriarche grecIoasapheII de Constantinople[17].
À la suite desincendies de Moscou de 1547, qui provoquent des milliers de morts, Ivan, se croyant abandonné de Dieu, décide de convoquer des représentants de toutes les régions de laRussie. Cette assemblée a lieu en1550 et Ivan y promet de défendre le peuple contre l’oppression et l’injustice. Mais cette assemblée lui permet aussi d’imposer son code (tsarski soudiebnik) pour remplacer celui de son grand-pèreIvanIII qui datait de1497.
Les premières années de son règne sont consacrées à une modernisation de la Russie, et il révèle des qualités de bon gestionnaire[12]. Il place aussi aux postes clefs du pays de petites gens qui lui sont acquis, plutôt que les boyards. Il établit un code de lois en1550, réorganise le clergé en1551, en le soumettant à l'État, et crée le corps desstreltsy, un corps d'infanterie constituant la garde personnelle du tsar. Il tient également, en1549, la première réunion duZemski sobor (земский собор), « assemblée de la terre » (le premier parlement russe d'État de type féodal), un conseil de nobles consulté lors des grandes décisions. Un nouveau code de lois (soudiebnik) et les diplômes royaux (oustavnie, otkoupnie gramot) élargissent la participation des représentants électifs paysans à la procédure judiciaire et la gestion locale[19].
En1553, Ivan tombe gravement malade à tel point que l'on se prépare à sa mort[20]. La plupart des boyards refuse alors de prêter serment d'allégeance au fils du Tsar, encore bébé, et décide de mettre son cousinVladimir Andreïevitch sur le trône. Cependant, Ivan survit contre toute attente. Après avoir initialement pardonné à son cousin, et même réglé certaines modalités de leur relation avec lui, Ivan le Terrible fera finalement tuer ce dernier seize ans plus tard.
Durcissement du régime, politique intérieure et extérieure
En, sa femmeAnastasia Romanovna décède. Ivan est anéanti par la nouvelle[12]. Convaincu qu'elle a été empoisonnée par les boyards, le règne d'Ivan se durcit. Les premières lois restreignant la liberté des paysans sont prises, qui conduisent ensuite auservage.IvanIV se lance dans un régime de terreur contre les boyards qu'il hait depuis sa jeunesse. Au début de, il constitue l'opritchnina, le domaine royal, possédé personnellement par le tsar. Il est administré par sa police spéciale, lesopritchniki, qui rapidement deviennent des despotes locaux, terrorisant la population et les nobles, imposant la conscription forcée pour le frontlivonien. Vêtus de vêtements noirs, ces derniers portent des représentations de chevaux ou encore de balais afin de signaler qu'ils allaient faire force de nettoyage parmi les membres non désirés de la population[21]. Ce durcissement du régime ainsi que des pamphlets allemands et la correspondance littéraire échangée avec son homme de confiance, le princeAndré Kourbski, commandant ses troupes lors de la guerre de Livonie mais qui l'a finalement trahi, développent à cette époque la légende noire du tsar, archétype du despote tyrannique et cruel. De plus, le surnom d'Ivan le Terrible qui s'est propagé auXVIIIe siècle est une mauvaise traduction du russe « Grozny » qui signifie simplement « redoutable »[22]. Dans la lettre au prince Kourbski, mentionnée ci-dessus, il résume sa vision de l’exercice du pouvoir : « Les tsars doivent toujours être prudents, et comment ! […] Pour leurs serviteurs, pour les bons — la compassion, la douceur et la paix, mais pour les mauvais — la cruauté et la souffrance ! Mais s’il n’en est pas capable, le roi, alors, il n’est pas roi, il est rien ! Il est la honte et honte à lui[14]. »
À l'extérieur,IvanIV assure l'extension de ses territoires. LesSuédois, lesPolonais et lesTatars l’irritent au plus haut point et c’est contre eux qu’il va mener ses premières campagnes militaires. Il annexe leskhanats deKazan et d'Astrakhan en et, ce qui met fin aux incursions dévastatrices des combattants de Kazan dans les régions du Nord-Est de la Russie, embarrasse la migration des hordes agressives nomades d'Asie en Europe et donne à la principauté un accès à laVolga[23].
Après deux échecs en et, Ivan quitte Moscou le à la tête, dit-on, d’une armée de100 000 hommes. Celle-ci est composée d’éléments hétéroclites, comme lesstreltsy, fantassins munis d’armes à feu ou de troupes (possokha) ni aguerries ni disciplinées fournies par les villes et les campagnes et est commandée pour la première fois par des officiers nommés au mérite et non par la naissance. Le,Kazan, capitale des Tatars, devient russe après d’âpres combats. Pour célébrer cette victoire, Ivan fait bâtir à Moscou lacathédrale de l'Intercession de la Très Sainte Mère de Dieu (Théotokos). La construction dure six ans et, selon la légende, les yeux de son architecte,Postnik Barma Yakovlev, auraient été crevés afin que celui-ci ne puisse en rebâtir une autre aussi belle ; Yakovlev a toutefois participé aux travaux dukremlin de Kazan quelques années plus tard, ce qui laisse penser qu'il n'a pas été aveuglé.
Après la prise de Kazan, son généralErmak atteint l'Oural, puis laSibérie.
1567, 1568 et 1569 sont des années de mauvaise récolte et une épidémie de peste provoque une mortalité importante[24]. À cette époque, en, Ivan est mis au courant d'un supposécomplot organisé par des Boyards contre sa personne. Ivan punit sévèrement les présumés conspirateurs, et dans sa fureur, il ordonne auxOprichniki de déclencher une vaste campagne de répression[25]. LemétropolitePhilippeII de Moscou, qui dénonce ouvertement les actions du Tsar et desOprichniki, est destitué et condamné à la prison à vie dans un Monastère[25],[26]. Il sera ultérieurement assassiné, sur ordre d'Ivan le Terrible, en[25].
Lekhanat de Crimée ruine constamment les terres frontalières de la Russie durant le règne d'IvanIV (voir aussiInvasions des Tatars de Crimée en Russie). En 1571, le khan de Crimée brûle Moscou, mais l'année suivante les Tatars de Crimée sont vaincus non loin de la capitale russe, à labataille de Molodi.
En 1570, les détachements polonais et suédois ruinent les territoires septentrionaux et occidentaux de la Russie dans le cadre de laguerre de Livonie, mais cette année-là, une trêve de trois ans est conclue entre la Pologne et la Russie.
La même année, lesopritchniki du tsarmassacrent la population de la ville deNovgorod, accusée de comploter contre son autorité.
Ivan le Terrible se porte candidat, notamment après avoir reçu une lettre de membres de l'élitepolono-lituanienne lui suggérant de proposer sa candidature[27]. Pour Ivan, plus qu'une nouvelle couronne, l'intérêt est avant tout stratégique. En effet, une paix avec les Polonais lui permettrait de concentrer ses forces contre lesTatares de Crimée, notamment[28].
Le Tsar se montre même particulièrement généreux à l'égard des Polono-Lituaniens. Lorsqu'il reçoit l'ambassadeur de Pologne Fegon Voropai à Moscou en septembre1572, il assure à celui-ci qu'il respectera les droits et libertés des Polonais en cas d'élection[28], et il envisage même de restituer certains territoires conquis par la Russie, dontPolotsk[29].
La candidature d'Ivan bénéficie d'un soutien significatif au sein des électeurs[30], certains y voyant le moyen de mettre fin à la guerre de Livonie, et plus largement, de créer une puissance russo-polonaise capable de résister à long terme à d'autres ennemis dangereux dont l'Empire ottoman[29]. Quant à la tyrannie d'Ivan, les électeurs y accordent peu d'importance, estimant que les institutions polonaises sont si fortes que l'autocratie du Tsar ne pourra rien contre elles[29]. Toutefois, Ivan refuse certaines conditions obligatoires des Polonais dont celle de placer son titre polonais devant le titre russe en cas d'élection[30].
Finalement, c'est le candidat françaisHenri de Valois (futur Henri III de France) qui est élu.
En ce qui concerne la politique commerciale, Ivan se rapproche de l'Angleterre avec laquelle il développe des relations cordiales. L'Angleterre devient pendant un temps le partenaire commercial privilégié de la Russie, notamment en ce qui concerne les ports de lamer blanche (les marchands anglais étant la seule nation européenne à y avoir accès)[31].
Elisabeth Ière d'Angleterre et Ivan s'envoient régulièrement desambassadeurs. A la fin de sa vie, Ivan fera même part de son souhait de se marier àLady Mary Hastings, une aristocrate de la cour anglaise mais Elisabeth s'y opposera, mettant fin au projet[32].
À la fin du règne d'IvanIV, la Russie se retrouve dévastée par une guerre de25 ans. En 1581, Ivan le Terrible cause la mort de son fils aînéIvan Ivanovitch (1554-1581) en le frappant mortellement de son sceptre, alors que celui-ci est intervenu pour protéger l'enfant que portait sa troisième femmeYelena Cheremetieva, agressée par le tsar. L'épisode est illustré par plusieurs tableaux.
Les circonstances de sa mort, le18 mars 1584 (dans le calendrier grégorien), lors d'une partie d'échecs, ne sont pas élucidées à ce jour. Cependant, les travaux de rénovation de son tombeau dans lacathédrale de l'Archange-Saint-Michel à Moscou dans lesannées 1960, ont permis un examen de ses restes. Celui-ci a révélé la présence dans les ossements de fortes doses demercure, laissant à penser qu'il aurait été volontairement empoisonné. Mais il était très courant, à cette époque, que les médecins prescrivent aussi dumercure en poudre à des fins médicales, comme principe actif d'onguent (notamment dans le traitement de lasyphilis), ignorant alors que l'absorption régulière d'une telle substance puisse porter atteinte au système nerveux central. Une telle intoxication prolongée au mercure expliquerait ainsi, selon certains historiens et scientifiques, les crises de folie du tsar.
Envoyé en Russie en1588 par la reine d'AngleterreÉlisabeth Ire, en qualité d'ambassadeur auprès du tsarFédor Ier, fils d'Ivan IV,Giles Fletcher l'Ancien(en) décrit le régime politique du pays[33] :« Le gouvernement est à peu près à la turque. Les Russes semblent imiter les Turcs autant que le permettent et la nature du pays et leur capacité politique. Ce gouvernement est une tyrannie pure et simple car il subordonne toutes choses à l'intérêt du prince et, cela, de la manière la plus barbare et la plus ouverte. On pourra en juger d'après les maximes du gouvernement russe que nous expliquerons plus tard, de même que par l'abaissement de la noblesse et du peuple, qui ne peuvent faire contrepoids au pouvoir, et aussi par les impôts et exactions qui vont jusqu'à l'excès et frappent sans distinction la noblesse et le peuple[34]. »
À sa mort,IvanIV laisse deux fils,Fédor Ier etDimitri, à qui il lègue une Russie en crise (le « Temps des troubles »), à la fois économiquement, socialement et politiquement, crise qui se termine par l'accession au trône du premier desRomanov en1613.
1942 :Ivan le Terrible deSergueï Eisenstein, film en trois parties dont la troisième est restée inachevée. La musique du film, composée parSergueï Prokofiev, est également une œuvre autonome adaptée par Abraham Stassevitch en 1961 qui prend la forme d'un oratorio pour orchestre, chœur, solistes et récitant
Le, un monument dédié à Ivan le Terrible est inauguré dans la ville d'Orel, le tsar étant présenté comme un« défenseur du pays » ayant« étendu les frontières de l'Empire », ce qui a suscité une controverse[37].
↑VassiliIII avait divorcé de sa première épouse,Solomonia Iourievna Sabourova, en raison de l'incapacité de celle-ci de lui donner un héritier mâle. Ce divorce était contraire aux canons de l'Église orthodoxe.
↑Shishkin, Vladimir. (2025) Henry III de Valois autographs in Russian repositories. Vspomogatel'nye istoricheskie distsipliny, 44. DOI: 10.7868/S0130086525020027
↑a etbSkrynnikov, R. G.. Reign of Terror: Ivan IV. Netherlands, Brill, 2015, p.435
↑ab etcmarquis de Noailles, Emmanuel Henri Victurnien. Henri de Valois et la Pologne en 1572. France, M. Lévy frères, 1867., p.74
↑a etbEdwards, Henry Sutherland. The Polish Captivity: An Account of the Present Position of the Poles in the Kingdom of Poland, and in the Polish Provinces of Austria, Prussia, and Russia. United Kingdom, Wm. H. Allen, 1863., p.298
↑Britannia & Muscovy: English Silver at the Court of the Tsars. Russie, Yale Center for British Art, 2006. p.19
↑Rawlinson, George, and Stokes, George Thomas. A sketch of universal history, by G. Rawlinson (G.T. Stokes, A.S. Patton).. Royaume-Uni, n.p, 1887. p.193
↑Giles Fletcher l'Aîné (c. 1548, Watford, Hertfordshire - 1611) était un poète et diplomate anglais, membre du Parlement anglais.
↑Of the Russe Common Wealth. Or, Maner of governement of the Russe emperour, (commonly called the Emperour of Moskovia) with the manners, and fashions of the people of that countrey, Londres (1591), réédition fac-similé (1966).