Unitalianisme est unmot, tour ou usage propre à lalangue italienne transposés dans une autrelangue.
La langue qui compte le plus d’italianismes est l’anglais, avec 1 053 mots relevés en 1997. La seconde est lalangue française, avec 698 mots[1].
La plupart desemprunts à l'italien ont eu lieu pendant laRenaissance, à partir de la fin duXVe siècle, alors que l'italien était la langue internationale deculture. Ils se sont prolongés jusqu'auXXe siècle, l'italien étant jusqu'au milieu de ce siècle la première langue d'emprunt.
Le français et l'italien sont toutes les deux deslangues romanes ou langues latines. Cette proximité des deux langues a facilité l'intégration et, souvent, l'intégration morphologique des termes italiens dans lelexique du français et vice-versa.
Plusieurs facteurs historiques ont favorisé une certaine pénétration de termes italiens dans lalangue française et dans lalangue anglaise.
Des liens culturels étroits existaient entre l'Italie et la France, depuis la seconde moitié duXIIIe siècle, en particulier dans le domaine de lalittérature. Plusieurs écrivains italiens avaient choisi d'écrire en français, ou avaient fait des séjours en France.
Le premier d'entre eux futBrunetto Latini. Il vécut six ans d'exil en France entre 1260 et 1266. Il écrivit en français, sous le nom de Brunet Latin,li Livres dou Tresor, qui peut être considéré comme la premièreencyclopédie réunissant toutes les connaissances de l'époque. Il avait préféré la langue française car il la considérait comme « plus delitable [plus délicieuse] et plus commune à toutes gens ». Il fut le maître à penser deDante[2].
Lorsque le VénitienMarco Polo veut rédiger avecRusticien de Pise sa description de l'Asie et de l'empire sino-mongol, ils rédigent ensemble en 1298Le Livre de Marco Polo en français.
Dante avait peut-être passé deux ans d'exil en France, entre 1309 et 1310[3]. Il connaissait très bien le français et le provençal[4]. DansLa Divine Comédie, Dante compose quelques vers enlangue d'oc, qu'il fait dire par le troubadourArnaut Daniel, considéré par lui comme le plus grand des poètes ayant chanté l'amour.
Boccace avait fait un séjour à lacour angevine de Naples, où il vécut dans une atmosphère française. Il y a lu la littérature chevaleresque française.
Pétrarque avait également passé près de vingt ans de sa vie en France. Il avait fait ses études à Carpentras, puis à l'université de Montpellier. C'est dans une église d'Avignon qu'il rencontraLaure, le[5].
Une longue période de troubles, auXIVe siècle et dans la première moitié duXVe siècle avait entraîné un retard de développement de laFrance et de l'Angleterre. En effet, lagrande peste de 1348, laguerre de Cent Ans (1337-1453), et des famines eurent pour conséquences un affaiblissement de la puissance de la France en particulier[6].
Dans le même temps, l'Italie était entrée enRenaissance. LeTrecento (XIVe siècle) et leQuattrocento (XVe siècle) avaient déjà vu un épanouissement exceptionnel des arts en Italie.
Lorsque la France entre à son tour enRenaissance, à partir de la fin duXVe siècle, une forte attirance se manifeste envers tout ce qui vient d'Italie.
Les relations avec l'Italie ont alors été renforcées à l'occasion desguerres d'Italie (1494–1559). Puis elles ont été facilitées par la présence de deux reines italiennes à laCour de France :Catherine de Médicis, descendante deLaurent le Magnifique, mariée dès 1533 avec le duc d'Orléans, fils de FrançoisIer et futurHenri II, est devenue régente à la mort de celui-ci pour près de vingt ans (1560-1580) ; puisMarie de Médicis mariée en 1600 avecHenri IV, est elle-même devenue régente à la mort d'Henri IV jusqu'à l'avènement de Louis XIII (1600-1617). Enfin, le cardinal italienMazarin a exercé des fonctions de ministre de la France pendant près de vingt ans, de 1641 à 1661. Pendant plus d’un siècle, la Cour de France a ainsi subi l’influence directe de ces grands personnages italiens, mais également de leur entourage[7].
Pour comprendre l'importance de l'influence de la langue italienne qui en a résulté, il faut se souvenir que le français n'en était encore qu'à se frayer une place entre leslangues régionales, qui étaient parlées par la grande majorité de la population, et lelatin qui restait une langue d'érudition. Le français venait juste d'être déclaré langue de l'administration et du droit par l'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), et il commençait d'être fixé par des descriptions dans des dictionnaires (premier dictionnaire de français publié parRobert Estienne en 1539[8]).
Cette fascination pour la culture italienne est telle que la langue française emprunte plusieurs milliers de mots à l'italien au cours duXVIe siècle. Les estimations du nombre d'emprunts sont très variables. Elles vont de 2 000 selon Jean Pruvost[9] à 8000 selonJacques Leclerc[10].
Lalangue française a emprunté à l'italien dans beaucoup de domaines. On trouve en particulier desemprunts lexicaux liés auxarts et à lamusique, laRenaissance italienne ayant eu lieu beaucoup plus tôt que laRenaissance française[11] :
Altesse, burlesque, arabesque, grotesque, courtiser.
A cappella,accelerando,adagio, agitato, air, al tempo,alla turca, allegretto,allegro,alto,andante,andantino, animato, amoroso, appassionata,appoggiature,aria,ariette,arioso,arpège,bagatelle,barcarolle,basson,bécarre,bel canto,bémol, canzone,bouffe (opéra),coda,cantabile,castrat,cantate,cantatrice,cantilène,capriccio, cadence,cavatine,colorature,concert,concerto,conservatoire,continuo,contralto, contrapuntique,contrebasse,crescendo, da capo,decrescendo,diva, do,épinette,finale (musique), forte,forte-piano (instrument),fugue,larghetto, largo,moderato,opéra,oratorio,scherzo,sonate,soprano,tempo,vivace
Antichambre,appartement,aquarelle,arabesque, arcade,arcature,architrave,archivolte,artiste,balcon,baldaquin,balustrade,balustre,bas-relief,cabinet (chambre, meuble),cadre (tableau),campanile,cariatide,caricature,clair-obscur,colonnade,corridor,coupole,dessin,dôme,frise,galerie,gouache
Agio,banque,banqueroute,banquier,cambiste (change),ducat,piastre
Alarme,alerte,bataillon,bombe,brigade,calibre, camoufler,canon (artillerie),caporal,cartouche,casemate,capitaine,cavalier,citadelle,colonel,dague,pistolet,généralissime,sentinelle,soldat,solde
Brigantin,caïque,carène,corsaire,coursive,drisse (cordage),misaine
Agrume, al dente,artichaut,berlingot,biscotte,brocoli,cannelle,cannelloni, cantaloub (melon),cantine,câpre,carafe, carbon(n)nade,carpaccio,cassate (glace),caviar,cédrat (citron),chipolata,chou-fleur,citrouille,daube,estouffade,sorbet
Botte,brocart,caleçon,cape,capeline,capuchon,escarpin,perruque
Comme on l'a vu dans l'introduction, lalangue anglaise a conservé plus d'emprunts à l'italien que le français.
Voir laWikipédia anglophone :
(en)Mots anglais d'origine italienne
La vogue des italianismes fut telle qu'elle entraîna la réaction de plusieurs défenseurs de la langue française. Le représentant le plus marquant de ces défenseurs fut sans douteHenri Estienne (1528-1598), un imprimeur érudit huguenot, féru de grec et de latin, qui publia trois ouvrages en rapport avec ce sujet :
Henri Estienne cherchait à démontrer la « précellence » du français au regard de l'italien et de l'espagnol. Dans lesdeux dialogues du nouveau français italianizé et autrement desguizé, il se met en scène face à un courtisan qui argumente en faveur de cette langue moderne, à la mode, bourrée d'italianismes[12]. « Je m'esbahi, dit l'auteur, comment vousimbattrez notre langue d'une tellespurquesse de paroles »[13]. On peut reconnaître dans cette phrase deux italianismes aujourd'hui disparus, l'un formé à partir du verbeimbrattare signifiant « souiller », l'autre à partir du substantifsporchezza signifiant « saleté ».Dans le même ouvrage, il critique le « jergon » (jargon) farci d'italianismes parlé à la cour d'Henri IV :
« Vous vous accoustumerez tant à ce jergon de cour que, quand vous la voudrez quitter, vous ne pourrez pas quitter pareillement son jergon : vous serez en danger d’estre en risee à plusieurs cosmopolitains, qui ne vivent ni parlent courtisanesquement : et toutefois sçavent comment il faut vivre et comment il faut parler[14]. »
Il y eut d'autres défenseurs de la langue française :Béroalde de Verville (1556-1626), l'auteur deMoyen de parvenir (1616) ; le poèteBarthélemy Aneau (v. 1505-1565), qui dénonçait les « corruptions italiques » et la « singerie de la singerie italiane », etÉtienne Tabourot (1547-1590), qui considérait que l'italien n'était qu'une « corruption latinogotisée du langage romain » (sous l'influence des Ostrogoths?)[14].
De très nombreux italianismes ont aujourd'hui disparu, parce que les mots à la mode finissent aussi par se démoder. Sur les 2 000 à 8 000 italianismes que comptait la langue française, seulement 700 environ ont survécu.
Parmi les italianismes qui ont disparu, on peut citer :
D'autres mots, en revanche, ont traversé les siècles en s'intégrantmorphologiquement : accaparer, banque, bilan, courtiser, douche, figurine, mascarade, mont-de-piété, politesse, récolte, travestir[16].
Dans laWikipédia francophone :
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