D’après sa situation géographique, l’Istrie est une région intermédiaire entre lemassif alpin de l’Europe centrale et lesAlpes dinariques ; de ce fait, il constitue le lien le plus direct entre laplaine de Pannonie et les régions méditerranéennes. La limite continentale se prolonge dugolfe de Trieste, au nord-ouest, jusqu’àPreluka dans le golfe deRijeka (Fiume en italien), au sud-est.
La péninsule est composée de trois régions distinctes :
au nord, la partie montagneuse de laČičarija avec le montUčka (1 396 m), qui est reliée à la chaîne calcaire de laDinara, qui elle-même se prolonge dans la direction du sud. Cette chaîne calcaire est une région isolée, déserte et pauvre en végétation, ce qui lui vaut le nom d’« Istrie blanche » à cause de la couleur claire des roches ;
l’Istrie proprement dite, donc la partie principale de la péninsule istrienne, s’étend entre la limite montagneuse Čičarija-Učka et le bord de lamer Adriatique au sud-ouest ;
le littoral d’Opatija est situé à l’est de l’Učka, dans les environs du golfe deRijeka. Bien protégée de l’influence rude du climat et de labora qui y souffle moins fort qu’autre part, cette région est propice au développement du tourisme balnéaire et est un des lieux les plus réputés de la côte Adriatique orientale.
La partie calcaire du littoral est un plateau, qui décline graduellement vers l’ouest. Elle est recouverte d’une couche de terre rougeâtre qui a donné le nom d'« Istrie rouge » à cette région. Cette terre rougeâtre est cultivée, surtout dans la région dePuljstina qui est la plus étendue ; mais, bien que l'on soit à l’extrême sud de l’Istrie, les hivers y sont assez rigoureux à cause de laBora. Outre les cultures méditerranéennes traditionnelles on y cultive des céréales.
Sur les côtes les hivers y sont moins rigoureux et les étés très chauds. On y trouve des vignobles, des champs cultivés, des oliviers et de belles forêts de chênes, de hêtres, de châtaigniers et de marronniers sur les versants de l’Učka.
Des trouvaillespaléolithiques faites dans la grotte de Sandalja à proximité dePula, attestent la présence de l’homme dans cette région il y a 1 million d’années environ. Dans cette grotte, l’époque supérieure (20000 – 10000 av. J-C) est bien représentée par un grand nombre de trouvailles, en particulier des bijoux travaillés dans les os ou des dents d’animaux. Des découvertes remontant au milieu duPaléolithique, contemporaines de l’homme de Néandertal, ont été faites uniquement à Crni Kal près deKoper/Capodistria.
Les premiers habitants, issus des tribus indo-européennes, s'installent : ce sont lesIllyriens (Histres, Dalmates, Liburnes). LesHistres ont donné leur nom à la région.
Avec la disparition de l'Empire romain d'Occident, l'Istrie, comme l'Italie, tombe sous la domination desOstrogoths en493. L'Empire romain d'orient reconquiert l'Illyrie, l'Istrie et l'Italie en539 (campagnes deBélisaire)[1], mais cette dernière tombe sous le joug desLombards en568, puis est conquise par lesFrancs deCharlemagne en788, puis intégrée dans laFrancie orientale (843-962) autraité de Verdun (843). Durant cette période, lechristianisme se propage dans les grandes villes de la région commePoreč ouPula.
En1060, la péninsule est divisée : la partie sud-ouest, à majorité italienne, estbyzantine, tandis que la moitié nord-est, à majorité slovène et croate, est élevée au rang demargraviat autonome de l'Empire germanique (c'est le seul endroit où les deux empires sont en contact) :marche d'Istrie (1040-1918). AuXVe siècle, la plupart des côtes et la moitié sud-est de l'Istrie font partie des possessions de larépublique de Venise (de1420 à1797) tandis que la moitié nord-ouest et l'intérieur des terres appartiennent auxHabsbourg.
Les deux composantes de l'Autriche-Hongrie (1867-1918) étaient séparées par une ligne douanière. LeKüstenland ouPays Côtier relevait de l'Autriche et avaitTrieste pour chef-lieu. CeKustenland regroupait le comté princier deGörz (Gorizia en italien,Gorica enslovène),Gradisca, et le margraviat d'Istrie ; les cartes de l'époque montrent que trois îles situées dans le golfe deFiume (Veglia,Cherso etLussino) appartenaient à l'Istrie. Il n'y avait pas continuité territoriale entre le Küstenland et laDalmatie, laquelle relevait aussi de l'Autriche : la Hongrie possédait en effet un débouché maritime dontFiume (les Hongrois utilisaient cette forme) était le port principal.
Une affiche des escadrons fascistes (squadristi), imposant la langue italienne en Istrie (le texte précise :nous, squadristes, par des méthodes persuasives, ferons respecter cet ordre).
Après laPremière Guerre mondiale, l’Autriche-Hongrie se fragmente et l’Istrie passe à l’Italie lors dutraité de Rapallo. Rome a aussi des prétentions surFiume (Rijeka), ville alors mi-italienne, mi-croate par sa population, et principal port de laTransleithanie. Cependant, laconférence de Versailles l’attribue auroyaume des Serbes, Croates et Slovènes. En réaction, le nationaliste italienGabriele D'Annunzio occupe Fiume mais les pressions internationales obligent les italiens à expulser par la force le dissident et Fiume devient une ville libre sous mandat de laSDN. Lesîles dalmates, elles aussi, ainsi que les villes côtièresdalmates deKarlobag (Carlovari),Sibenik (Sebenico),Zadar (Zara),Split (Spalato) etDubrovnik (Raguse), avaient des populations mixtes croato-italiennes, et l’Italie les revendiquait au nom de l’« héritagevénitien » : elle obtient l’enclave deZadar (Zara) et les îles deCres (Cherso), Lošinj (Lussino) etLastovo (Lagosta) tandis que laYougoslavie obtient le reste. Dès lors, chacun des pays inclut des minorités proches de l’autre : slovènes et croates en Istrie, à Fiume, Zara et dans les trois îles italiennes, mais italophones dans la plupart des ports et des îles dalmates de la Yougoslavie.
Après laSeconde Guerre mondiale l’Istrie est disputée entre l’Italie, qui ne garde au bout du compte (en 1954) queTrieste (ainsi coupée de son arrière-pays), et laYougoslavie, qui annexe le reste ainsi que Rijeka, Zadar et les trois îles de Cres, Lošinj et Lastovo. LaSlovénie et laCroatie, deux composantes (républiques) de laYougoslavie communiste fédérale, deviennent indépendantes dans les années1991-1992 en conservant les frontières yougoslaves internes de1954 de l’Istrie (règlement de la question deTrieste). Depuis 1952, la Slovénie dispose d'un débouché sur la mer comprenantKoper/Capodistria en italien) etPiran (Pirano en italien). Le reste de l’Istrie (90 %) appartient à laCroatie.
Lesdialectes slaves actuels d'Istrie. L'italien reste encore parlé àTrieste etMuggia où il est officiel, ainsi que par de rares locuteurs âgés des localités côtières, où il a le statut de langue minoritaire protégée.
Les premières se produisirent pendant l’insurrection populaire des communautés slaves (slovène et croate surtout) contre les Italiens et en particulier contre ceux qui avaient appartenu au régime fasciste désormais vaincu ou qui l’avaient soutenu, dans une sorte de « vengeance » consécutive aux avanies subies pendant les décennies précédentes ; cesfoibe, que certains considèrent comme « explicables », furent l’expression de la colère des opprimés et firent quelques milliers de victimes ;
Les secondesfoibe, qui ne doivent absolument pas être confondues avec les premières, furent une opération délibérée de nettoyage politique (voire ethnique), voulue par le maréchal communisteTito pour assurer par laterreur sa domination sur la Vénétie julienne et l’Istrie (et donc sur la population italienne) mais aussi pour se débarrasser d’opposants politiques y compris yougoslaves ; la « justification » morale ou sociale desfoibe de Tito était lalutte des classes et l’antifascisme, qui permirent la mise en œuvre d’un probable nettoyage ethnique (pour lequel les indices épars ne représentent que des présomptions) mais surtout politique : outre des Italiens, qu’il s’agisse de simples habitants ou d’ex-fascistes, périrent aussi des partisans opposés à la Yougoslavie de Tito.
LaSlovénie intègre l’Union européenne en2004. La frontière italo-slovène est ouverte le lors de l’adhésion de fait de la Slovénie autraité de Schengen. Trieste est donc « réunie » à son arrière-pays dont elle avait été séparée en 1947. L’adhésion, en2013, de laCroatie à l’Union européenne a ouvert la frontière croato-slovène à l’intérieur de l’Istrie, mais lacrise migratoire de 2015 a amené les deux pays, ainsi que l’Italie, à rétablir les contrôles.
En1910, 41,6 % des Istriotes parlaientcroate, 36,5 %italien, 13,7 %slovène, 3,3 %allemand, 0,2 %istrien et 0,5 % d’autres langues. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la composition ethnique a changé en faveur des Croates puisque selon les données du recensement fait en2001 enCroatie, lecomitat d'Istrie est peuplé de 206 344 habitants, dont 71,88 % sont Croates, 6,92 % Italiens, 4,3 % Istriotes (soit 10,95 % d’italophones), 3,2 % Serbes et 1,49 % Bosniaques. À cela il faut ajouter la partieSlovène.
Glas Istre (« La voix de l'Istrie »), publié àPula, est le principal organe de presse croate.
En avril2001, le ministère croate de la Justice, de l’Administration et des Collectivités locales a décidé, face aux pétitionsnationalistes venues du reste de la Croatie, de suspendre 10 dispositions du nouveau statut ducomitat d'Istrie (oujoupanie, c’est-à-dire région) :
celles qui consistent à ajouter des noms italiens aux noms croates des villes et des communes en Istrie ;
celles qui sont relatives à l’utilisation de la langue italienne ;
celles qui introduisent le terme « istriotisme » comme expression de l’appartenance régionale promue par l’IDS-DDI (parti démocrate d’Istrie, en croateIstarski Demokratski Sabor, en italienDieta democratica istriana) qui, depuis, réclame larégionalisation de lajoupanie ou au moins un statut spécial pour l’Istrie. Le débat concerne également la ville deRijeka/Fiume et ses environs.
↑Parmétonymie, on appelle également « foibe » les massacres en question.
↑Il convient d’observer que le mot « foibe » est déjà au pluriel en langagefrioulan : il n'y a donc pas lieu de lui ajouter de marque de pluriel, surtout française, ce qui constituerait une double erreur, le mot n'étant pas français comme déjà indiqué.