En tant que vice-présidente, élue en 1973 comme colistière de son mariJuan Domingo Perón, elle lui succède comme présidente après la mort de celui-ci en 1974. Troisième épouse de Perón etPremière dame de 1973 à 1974, elle est lapremière femme élue vice-présidente et la première femme à devenir présidente de l'Argentine, souvent connue comme la première femmeprésidente de la République de l'histoire mondiale[1], ce titre revenant cependant àKhertek Anchimaa-Toka en 1940.
Elle vit exilée enEspagne depuis 1981, après cinq ans d'emprisonnement en Argentine. En 2007, elle est arrêtée et placée sous contrôle judiciaire jusqu'en 2017, à la suite d'une demande de la justice argentine, qui examine ses actions ou omissions comme présidente en 1975[2].
María Estela Martínez Cartas, née àLa Rioja, enArgentine, est la fille de María Josefa Cartas Olguín et de Carmelo Martínez. Elle a abandonné l'école après la cinquième année. Au début des années 1950, elle devient danseuse de boîte de nuit en adoptant le nom d'Isabel (forme espagnole de celui de SainteÉlisabeth de Portugal) qu'elle avait choisi comme nom deconfirmation.
En 1955, Isabel Martínez rencontreJuan Perón, ancienprésident argentin renversé par uncoup d'État en septembre de la même année et enexil auPanama. Juan Perón est veuf de ses deux précédentes épouses,Aurelia Gabriela Tizón (18 mars 1902 – 10 septembre 1938) et l’actriceEva Duarte (1919 – 1952), toutes deux décédées d'uncancer de l'utérus. Elle est danseuse occasionnellement dans une troupe folklorique et à temps plein dans uncabaret nocturne. Le célèbre présentateur de la télévision argentine Roberto Galan était un de ses amis et fut celui qui la présenta à Perón. Elle abandonne alors cette carrière et l'épouse le 15 novembre 1961 àMadrid, enEspagne. Elle l'accompagne dès lors dans son exil espagnol.
Elle fait un voyage enArgentine en 1965, à titre de déléguée personnelle de Perón, pour faire face au phénomène dit dunéopéronisme, qui tente alors d'intégrer les revendications de laclasse ouvrière tout en écartant Perón lui-même de la direction dumouvement péroniste.
Perón l'envoie à nouveau en Argentine, et elle arrive àBuenos Aires le afin de promouvoir la consigne « unité, solidarité et organisation » proclamée par le général dans le cadre des élections internes auParti justicialiste, de nouveau autorisé grâce au « Grand Accord National » dugénéral Lanusse.
Lorsque Juan Perón retourne en Argentine pour se présenter auxélections de septembre 1973, Isabel l'accompagne comme colistière au sein de la formule dite « Perón-Perón » qui obtient plus de 60 % des suffrages. Elle est la première femme élue vice-présidente de l'Argentine.
Isabel Perón durant son voyage en Argentine, fin 1965.
Martínez de Perón arrivant en Argentine et serrant dans ses bras Erminda Duarte de Bertolini, sœur d'Eva Perón, décembre 1971.
Isabel Perón et le dirigeant nord-coréenKim Il-sung, en 1973.
Devenuevice-présidente etPremière dame, elle assure brièvement l'intérim après l'hospitalisation de son mari, le. Après la mort du général, le, elle assume la continuité de la présidence, conservant son conseiller et ministreJosé López Rega à ses côtés.
Juan et Isabel Perón lors de leur investiture comme président et vice-présidente, le 12 octobre 1973.
La vice-présidente et Première dame Isabel Perón recevant le président roumainNicolae Ceaușescu et son épouseElena, en mars 1974. Le président Perón est à droite.
C'est en tant que vice-présidente qu'Isabel Perón succède à son mari[3]. Elle devient la première femme enAmérique à assumer d'aussi hautes fonctions[4]. Dès son accession au pouvoir, Isabel essaie de faire face à une situation à laquelle elle n'est pas préparée, mais elle subit l'influence de sonministre duBien-être social etsecrétaire personnel,José López Rega, connu sous le surnom deel Brujo (lesorcier), qui vise à faire prévaloir les intérêts de la droite du mouvement péroniste contre les diversmouvements sociaux.
Isabel Martínez de Perón en 1974.
Isabel Martínez de Perón et José López Rega en 1975.
Isabel Peron passant en revue les troupes militaires durant l'Opération Indépendance,province de Tucumán, 1975.
L'attitude du gouvernement se fait aussi plus dure et plus répressive, intervenant dans les provinces « dissidentes », lesuniversités, dessyndicats, les canaux detélévision privés, établissant une censure sans cesse renforcée contre lesjournaux et lesrevues[5].
Le rapportNunca Más(es), rédigé en 1983, estime à 600 disparitions et 500 exécutions d'opposants le bilan de sa présidence, au cours des années1975 et1976.
L'économie argentine subit des dommages sévères :inflation galopante, paralysie desinvestissements, suspension desexportations de viande vers l'Europe et accroissement important de la dette[8],[5]. Une solution de typemonétariste fut tentée par le ministre Alfredo Gómez Morales, mais sans succès, provoquant au contraire un processus destagflation (l'inflation atteint 444 % en 1976)[9].
Isabel Perón est incarcérée pendant cinq ans par les militaires, dans des conditions initialement si dures et si humiliantes que lenonce apostolique(en) doit intervenir à sa demande auprès du gouvernement militaire. Elle est condamnée à huit ans de prison le pourdétournement de fonds publics[10]. Après cinq ans d'emprisonnement, elle est libérée en1981, et vit exilée depuis lors àMadrid, enEspagne.
À la suite de son arrestation en Espagne, elle est placée sous contrôle judiciaire jusqu'en2017, pendant que la justice argentine examine ses actions ou omissions comme présidente en1975. En 2017, la Cour suprême argentine rejette finalement les pétitions demandant son interrogatoire comme témoin ou accusée.
Le décret261/75 dit d'« anéantissement de l'action de la subversion » est signé par Isabel Perón et ratifié par sesministres. Il vise notamment les activités du groupeguérilleromarxisteERP (Ejército Revolucionario del Pueblo) dans la Province de Tucumán et autorise les forces armées à employer « tous les moyens disponibles » pour éliminer ce « danger ». Trois autres décrets ditsDecretos de aniquilamiento de 1975 (Argentina)(es) seront pris pendant l'intérim d' Ítalo Argentino Luder à la Présidence de la République Argentine en.
La justice argentine étudie à l'heure actuelle les disparitions d'individus perpétrées par l'armée au cours de l'année 1975, autorisées précisément par ces décrets, bien qu'en théorie cette pratique ne soit devenue courante qu'à partir de, après le coup d'État militaire. En effet l'armée, dans une interprétation extensive du décret, aurait recherché l'anéantissement non seulement de l'action de la « subversion », mais aussi des « subversifs ».
Le problème légal tourne autour des deux questions suivantes : dans quelle mesure le décret lui-même est-il démocratiquement tolérable ? Et Isabel Perón était-elle vraiment au courant de l'existence même de la Triple A ?
En ce qui concerne la première question, les avocats chargés de la défense des généraux lors du procès de la Junte en 1985 ont plaidé en faveur de la légalité du décret. Placé dans son contexte historique, le décret visait l'élimination de l'ERP. Le décret émanait donc d'un gouvernement légitime contre un groupe guerillero. Le procureur Julio César Strassera a estimé lors de ce procès qu'Isabel Perón ne pouvait être jugée par ces faits, le décret étant selon lui constitutionnel.
La deuxième question est plus complexe : Isabel Perón était-elle au courant de l'existence de la Triple A et des raids contre les péronistes de gauche et autres militants de gauche ? L'indépendance deJosé Lopez Rega vis-à-vis d'elle, la gigantesque emprise psychologique qu'il avait sur elle et la grande naïveté dont elle a fait la preuve ces dernières années montrent que tout est possible. L'intelligence et la lucidité d'Isabel Perón ont souvent été mises en doute et il s'avère fort probable que de la même façon qu'elle ne comprit pas le contexte social ingouvernable du pays qu'elle dirigea entre 1974 et 1976, sa naïveté l'empêcha de s'apercevoir des menées deJosé Lopez Rega. Dans une interview accordée au journalClarín le, l'ancien sénateurHipólito Solari Yrigoyen, première victime de la Triple A, qui survécut à deux attentats, reconnaît lui-même que le décret signé par Isabel Perón visait clairement l'action de la guérilla qui mettait en péril les institutions de l'État, et non pas les personnes elles-mêmes, et suggère par ailleurs qu'Isabel Perón n'était pas assez lucide pour savoir exactement ce qui se passait dans le pays, étant très influencée parJosé Lopez Rega[7]. Il rappelle toutefois aussi qu'avant le coup d'État du « il y avait déjà 900disparus », sans compter les innombrables prisonniers politiques, « presque tous péronistes » et « pas nécessairementMontoneros »[7]. Par ailleurs, l'enquête menée dans le cadre d'une plainte déposée à Tucumán semble établir qu'Isabel Perón aurait visité les centres de détention clandestins de Famaillá et Santa Lucía[13].
L'extradition d'Isabel Perón vers l'Argentine s'avère extrêmement difficile, du fait de sa double nationalité argentine et espagnole, et la longue bataille judiciaire ne fait que commencer[14],[13]. Plusieurs membres importants du Parti justicialiste ont fait part de leur indignation devant les attaques dirigées contre Isabel, et l'ancien président de l'ArgentineEduardo Duhalde s'est proposé pour être l'un de ses avocats[15].
Les critiques dirigées contre Isabel Perón sont nombreuses : elle a ainsi été qualifiée de« femme maladroite, inculte, limitée, se sachant dépassée par les évènements »[16]— pourtant, dans son unique biographieIsabel Perón; la Argentina en los años de María Estela Martínez (2003), María Sáenz Quesada en brosse un portrait beaucoup plus nuancé ; elle garde d'ailleurs le respect de nombreux péronistes, qui soulignent le courage qu'elle a eu, selon eux, d'assumer la présidence dans des conditions extrêmement dures auxquelles elle n'était pas préparée, et la dignité de son exil volontaire.
↑Les « précédents » deSühbaataryn Yanjmaa enMongolie et deSong Qingling enChine ne sont pas comparables : elles n'ont en effet occupé que des fonctions honorifiques et à titre intérimaire mais n'ont pas dirigé effectivement leur pays.
↑a etb« L'ancienne présidente argentine Isabel Peron arrêtée à Madrid, à la demande de Buenos Aires »,Le Monde.fr,(lire en ligne, consulté le)
↑Antoine Bigo, « Des Perón aux Kirchner, Buenos Aires de famille »,Libération,(lire en ligne, consulté le).
↑ab etc[1] Presidencia de Isabel Perón, in Todoargentina.net
↑[2]"Paralelamente, se fue estructurando el terrorismo para estatal conocidacomo la Alianza Anticomunista Argentina (Triple A), organización parapolicialque contaba con los fondos y armamentos que le proporcionaba el Ministerio deBienestar Social, a cargo de José López Rega." in Alicia Servetto,Memorias de intolerancia política: las víctimas de la Triple A.
↑Stéphane Boisard, Mariana Heredia, « Laboratoires de la mondialisation économique. Regards croisés sur les dictatures argentine et chilienne des années 1970 »,Vingtième Siècle. Revue d'histoire,