Irving Grant Thalberg ( -) est unproducteur de cinémaaméricain des débuts du cinéma. Il était surnomméThe Wonder Boy pour sa jeunesse et son habileté inégalée à sélectionner les bons scénarios, choisir les acteurs, rassembler l'équipe de production et en tirer des films à succès commeGrand Hotel,La Malle de Singapour,Une nuit à l'opéra,Les Révoltés du Bounty,Le Roman de Marguerite Gautier etVisages d'Orient. Ses films se sont exportés à l'international, « projetant une image séduisante du quotidien américain plein de vitalité et enraciné dans la démocratie et la liberté personnelle » selon le biographe Roland Flamini.
Originaire deBrooklyn, il est atteint d'une maladie cardiaque congénitale qui, selon les médecins, le tuera avant l'âge de trente ans. Après avoir obtenu son diplôme d'études secondaires, il travaille comme commis de magasin pendant la journée et, pour acquérir des compétences professionnelles, suit un cours du soir dedactylographie. Il trouve ensuite du travail comme secrétaire au bureau new-yorkais d'Universal Studios, puis est nommé directeur de studio pour l'installation àLos Angeles. Là, il supervise la production d'une centaine de films au cours de ses trois années au sein de la société, dontNotre-Dame de Paris (1923).
À Los Angeles, il s'associe au nouveau studio deLouis B. Mayer et, après sa fusion avec deux autres studios, contribue à la création de laMetro-Goldwyn-Mayer (MGM). Il est nommé chef de la production de la MGM en 1925, à l'âge de vingt-six ans, faisant d'elle le studio le plus prospère d'Hollywood. Au cours de ses douze années à la MGM, jusqu'à sa mort prématurée à l'âge de 37 ans, il produit quatre cents films, dont la plupart portent son empreinte et ses innovations, notamment en organisant des conférences d'histoire avec des scénaristes, des avant-premières pour obtenir des retours précoces et de nombreux retournages de scènes pour améliorer le film. En outre, il fait découvrir lecinéma d'horreur au public et co-écrit le « code de production », des lignes directrices en matière de moralité suivies par tous les studios. Au cours des années 1920 et 1930, il synthétise et fusionne le monde du théâtre dramatique et des classiques littéraires avec les films hollywoodiens.
Thalberg a permis à de nombreux acteurs de devenir des stars et a soigné leurs images à l'écran. Parmi eux figurentLon Chaney,Ramon Novarro,Greta Garbo,John Gilbert,Lionel Barrymore,Joan Crawford,Clark Gable,Jean Harlow,Wallace Beery,Spencer Tracy,Luise Rainer etNorma Shearer, qui devint sa femme. Il avait la capacité de combiner qualité et succès commercial et on lui attribue le mérite d'avoir adapté ses aspirations artistiques aux exigences du public. Après sa mort, les producteurs hollywoodiens déclarent qu'il est « la figure la plus importante de l'histoire du cinéma » au monde. Le présidentFranklin D. Roosevelt écrit « Le monde de l'art est plus pauvre avec le décès d'Irving Thalberg. Ses idéaux élevés, sa perspicacité et son imagination ont été mis au service de la production de ses chefs-d'œuvre ». LeIrving G. Thalberg Memorial Award, décerné périodiquement par l'académie des Oscars depuis 1937, est décerné aux producteurs dont l'ensemble de l'œuvre reflète une constance de la qualité[1].
Fils d’immigrésjuifsallemands, Irving Grant Thalberg voit le jour au domicile de ses parents àBrooklyn. Né avec une malformation cardiaque, son enfance est marquée par les maladies. Souvent contraint au repos forcé, il montre cependant un goût certain pour les études et la lecture, et les ambitions que sa mère nourrit pour lui le poussent à l'excellence[2].À l’issue de ses études, il se forme seul au secrétariat et est engagé au siège new-yorkais de la prestigieuseUniversal Pictures. Il y travaille d'abord comme secrétaire de D. B. Lederman, l'assistant deCarl Laemmle, légendaire fondateur des studios Universal, avant que celui-ci ne le remarque et en fasse son secrétaire personnel. Brillant, opiniâtre, consacrant toute son énergie à son travail (plus tard, il sera connu pour travailler de longues heures la nuit), il est nommé cadre chargé des productions sur le site californien des studios,Universal City, à 21 ans.
Rapidement, Thalberg apprend à compenser son apparence très jeune par une autorité certaine. Ainsi en 1922, il s’oppose àErich von Stroheim concernant la longueur deFolies de femmes et contrôle tous les aspects de production deNotre-Dame de Paris (1923). Toutefois, en1924, sa carrière prend un nouveau tournant quand il quitte Universal pour les productionsLouis B. Mayer qui, peu après, s’uniront à Metro Pictures Corporation pour fonder la bien connueMetro-Goldwyn-Mayer.Thalberg est également célèbre pour avoir créé la « unit production management scheme » (« système de gestion d’unité de production »), les productions hollywoodiennes se sont finalement divisées en « units », divisant par là le contrôle créatif d’un film entre producteur, directeur…
Il connaît son premier succès pour la MGM dès1925 avecLa Grande Parade dirigé parKing Vidor. Par la suite, jusqu’en1932, il supervise toutes les productions importantes et combine soigneusement la préparation des pré-productions avec dessneak previews (« avant-premières ») qui mesurent la réponse du public.
Mais, alors que son ardeur dans le travail lui permet de toujours obtenir les meilleurs résultats, Thalberg est rattrapé par la réalité d’une santé fragile. Atteint, depuis la naissance, de problèmes cardiaques, il est victime en1932 d’un infarctus. Profitant de ce moment d’invalidité,Louis B. Mayer, qui jalouse depuis quelque temps le pouvoir et le succès de Thalberg, décide de le remplacer parDavid O. Selznick etWalter Wanger. Lorsque Thalberg reprend le travail, en 1933, il n’est plus qu’un des producteurs du studio. Néanmoins, il participe au développement de quelques-unes des plus prestigieuses entreprises de la MGM commeGrand Hotel (1932),Les Révoltés du Bounty (1935),La Malle de Singapour (1935),Une nuit à l'opéra (1935) avec lesMarx Brothers,San Francisco (1936), etRoméo et Juliette (1936).
Irving Thalberg et Norma Shearer le jour de leur mariage en 1927.
Sur le plan sentimental, à son arrivée chez MGM, Thalberg fréquentait l’actriceNorma Shearer. Il l’épouse en 1927 et souhaite faire d’elle une femme au foyer. Mais Norma refuse d’abandonner sa carrière d’actrice. Dès lors, son époux lui confiant de meilleurs rôles, elle deviendra la plus grande star de la MGM au cours des années trente. Ensemble, ils eurent deux enfants, Irving Jr. (1930–1987) et Katherine (1935-2006).
De son vivant, Thalberg refusait que son nom apparaisse à l’écran et on lui prêtait l’expression suivante :Credit you give yourself is not worth having (« les honneurs fait à soi-même n’en valent pas la peine »). C’est pourquoi vous ne le trouverez qu’au générique de deux films seulement. Ainsi, à la fin de sa dernière œuvre,Visages d'Orient (1937), on peut lire :To the Memory of Irving Grant Thalberg his last greatest achievement we dedicate this picture (« À la mémoire d’Irving Grant Thalberg, nous lui dédions ce film, sa dernière grande œuvre »). L’autre dédicace date de 1939 pourAu revoir Mr. Chips, un film qu’il avait mis en route peu de temps avant sa mort.
Francis Scott Fitzgerald, dans son dernier et inachevé roman,The Last Tycoon (Le Dernier Nabab), s’est largement inspiré de Thalberg pour créer son personnage principal : le fascinant Monroe Stahr. « Milton Stahr (qui est Irving Thalberg - et ceci est mon grand secret) […] Thalberg m'a toujours fasciné. Son charme étrange, sa beauté extraordinaire, son succès et sa générosité, la fin tragique de sa grande aventure » (Fitzgerald a remplacé ensuiteMilton parMonroe)[3]. Tout comme Thalberg, Stahr est brillant, autoritaire, populaire, marié à la star du studio et fragile physiologiquement. Le livre a été adapté au cinéma en 1976 parElia Kazan avecRobert De Niro dans le rôle principal mais aussiRobert Mitchum,Jeanne Moreau,Tony Curtis,Theresa Russell etJack Nicholson.
Jean-Luc Godard l'évoque longuement dansHistoire(s) du cinéma, entre hommage et critique. Il est présenté comme le symbole d' Hollywood devenant l'usine à rêves à l'époque du fascisme.
« Irving Thalberg a été le seul qui, chaque jour, pensait 52 films. »
— Jean-Luc Godard dansToutes les histoires, premier des huit épisodes d’Histoire(s) du cinéma.
La figure d'Irving Thalberg a inspiré le personnage de Monroe Stahr, initialement apparu dans le roman inachevé deF. Scott FitzgeraldLe Dernier Nabab. Ce rôle a été joué à deux reprises :
"Hollywood, premiers temps : Le bureau des merveilles" par Eric Szij, l'histoire d'Irving Thalberg, le jeune dirigeant de la MGM qui a créé "Les révoltés du Bounty" en 1935, avec Clark Gable, Charles Laughton.