L’irrigation gravitaire est un mode d'irrigation ancestral qui repose sur l'utilisation de la pente naturelle du terrain pour distribuer l'eau par simple gravité, sans recours à des systèmes de pompage mécanique. Elle repose sur un maillage de canaux, principalement à ciel ouvert, creusés dans le sol et parfois suspendus (passage de falaises), permettant à l’eau d’arroser une superficie souhaitée et répondre aux différents besoins des utilisateurs du réseau. Lescanaux d'irrigation (biefs) ont leur prise dans descours d'eau ou des retenues naturelles[1].
L'irrigation gravitaire fonctionne selon plusieurs principes fondamentaux[2] :
En France, la gestion de l'irrigation gravitaire est souvent assurée par des Associations syndicales autorisées (ASA) et des Associations syndicales libres (ASL). Ces structures, regroupant les propriétaires fonciers bénéficiaires, ont pour rôle d’entretenir et de gérer les infrastructures hydrauliques nécessaires à la distribution de l’eau.
Les ASA[3] sont des organismes de droit public dotés d’un statut juridique leur permettant de percevoir des redevances et d’imposer des règlements aux usagers. Elles sont soumises au contrôle administratif de l’État[4].
Les ASL, quant à elles, sont des structures privées régies par le code rural et de la pêche maritime. Elles fonctionnent sur la base du volontariat et de la coopération entre les propriétaires concernés[5].
En France, l’irrigation traditionnelle s’est développée depuis leMoyen Âge, principalement dans les territoires montagneux des régions méditerranéennes mais aussi en plaine : VIe siècle pour le nord des Cévennes et la Lozère, VIIIe siècle pour lesPyrénées-Orientales, XIIe siècle pour les Alpes-de-Haute Provence et le Vaucluse, XIIIe siècle pour les Hautes-Alpes et les Bouches-du-Rhône, XVe siècle pour lesAlpes-Maritimes. En Ardèche, les premières traces de canaux remonteraient à cette période et les Hautes-Pyrénées voient apparaître les premières traces de l’irrigation au XVIe siècle. En Corse, la construction du réseau d’irrigation est proche de celle d'appartition de certains villages de moyenne montagne.
L'Isère, la Savoie, la Drôme, le Gard, l'Hérault et l'Aveyron sont les autres départements concernés[6].

Un exemple remarquable d'irrigation gravitaire est celui de laplaine de la Crau, située dans le département desBouches-du-Rhône. Cette région utilise un réseau historique de canaux pour l'irrigation des prairies, permettant la production dufoin de Crau, un produit bénéficiant d'uneAppellation d'Origine Protégée (AOP).
L'eau provient principalement de laDurance, est acheminée par lecanal de Craponne construit auXVIe siècle, et distribuée via un réseau dense de canaux et martelières gérés par des ASA locales. Ce système favorise également la recharge des nappes phréatiques, jouant un rôle essentiel dans l’équilibre hydrologique de la région.
En partie artificielle, la recharge de lanappe phréatique de la Crau est intimement liée à la culture locale du foin de Crau. Véritable chance pour la Crau, cette nappe qui alimente en eau potable près de 300 000 habitants répond aussi aux besoins en eau de l’agriculture et de l’industrie et des milieux naturels remarquables[8].
Les canaux d'irrigation se trouvent principalement dans lacanton du Valais où plus de 600bisses ont été dénombrés[9].
Une demande est formulée en 2022, auprès de l'UNESCO, par l’Autriche en collaboration avec l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse, visant à faire reconnaitre l'irrigation gravitaire comme unsavoir-faire traditionnel de grande importance. En 2023, la pratique est inscrite à l’Inventaire dupatrimoine culturel immatériel de l'Humanité[10],[11], mettant en valeur son rôle historique, écologique et économique.
Cette reconnaissance vise à promouvoir la préservation et la transmission des techniques d’irrigation gravitaire, tout en sensibilisant aux enjeux environnementaux et à l’adaptation aux changements climatiques.
Bien que l'irrigation gravitaire soit un système éprouvé et durable, elle fait face à plusieurs défis :
Face à ces défis, des solutions innovantes, comme la télémétrie et l’automatisation des réseaux d’irrigation, commencent à être mises en œuvre pour améliorer la gestion et l’efficience de l’irrigation gravitaire.