En 1945, elle est l'un des six commissaires du nouveauCommissariat à l'énergie atomique (CEA) créé parde Gaulle et le Gouvernement provisoire de la République française. Elle meurt à Paris le d'uneleucémie aiguë liée à son exposition aupolonium et auxrayons X, la même maladie qui avait emporté sa mère.
Irène Curie naît dans le13e arrondissement de Paris le[1]. Elle est la fille dePierre etMarie Curie. Le naît une seconde fille :Denise-Ève. Le,Pierre Curie meurt d'un accident de la circulation. Marie Curie, réticente aux méthodes appliquées dans l'enseignement public, organise pour ses filles et les enfants de ses amis universitaires une coopérative d'enseignement[2]. Irène et les enfants deJean Perrin, d'Édouard Chavannes, dePaul Langevin, etc., reçoivent donc un enseignement original, donné par ces universitaires, alliant une éducation de l'esprit pragmatique (des expériences, des visites, des spectacles, etc.) à une éducation du corps (gymnastique). Elle aime faire de courts voyages à vélo, qu'elle relate dans ses correspondances avec sa mère[3]. La jeune Irène complète ensuite son cursus par quelques cours pris aucollège Sévigné et se révèle très bonne élève en sciences et en mathématiques ; elle obtient son baccalauréat en[4].
À 17 ans, la guerre venue, Irène souhaite se rendre utile[5]. Marie Curie accepte alors que sa fille l'accompagne sur le front, pour pratiquer desradiographies des blessés de guerre à l'aide de voitures équipées à cet effet, surnomméesa posteriori dans l'ouvrage d'Ève Curie sur sa mère[6], les « petites Curie »[7]. Parallèlement, elle passe un diplôme d'infirmière en[8]. Malgré les appréhensions initiales des médecins militaires qu'elle forme, Irène les informe de l'emplacement précis desprojectiles (balles, éclats d'obus) et sauve ainsi de nombreux blessés[9].
Dès 1918, tout en achevant ses licences de physique et de mathématiques, elle entre comme préparatrice de sa mère au laboratoire Curie de l'Institut du radium. En 1920, munie de ses licences de physique et de mathématiques, Irène devient assistante de sa mère. Elle commence alors une thèse dedoctorat sur les rayons alpha du polonium qu'elle soutient en 1925[11]. En 1926, elle épouseFrédéric Joliot[1] entré à l'Institut du radium à la fin de 1924. Ils ont deux enfants :Hélène née en 1927 etPierre né en 1932.
Frédéric et Irène Joliot-Curie dans les années 1940.
Irène Curie continue après son mariage à pratiquer la randonnée en montagne l'été. Très sportifs l'un et l'autre, Frédéric et Irène s'adonnent à de nombreuses activités. À Paris, par exemple, en 1937, Frédéric Joliot va pratiquer lejudo au Jiu-Jitsu Club de France, dontJigorō Kanō est le président d'honneur ; il en est le secrétaire général[12]. Ils pratiquent aussi des activités sportives pendant leurs vacances et ce jusqu'à leur décès :tennis, natation, voile, randonnée,ski (en fréquentant les pistes deSavoie et deHaute-Savoie alors toutes nouvelles).
Ils passent leurs étés enBretagne à l'Arcouest, face à l'île deBréhat et près dePaimpol[13]. Irène y vient depuis 1912 avec sa sœurÈve Curie et sa mère Marie. Les Curie y rencontrent nombre de leurs amis universitaires parisiens (lesPerrin, lesAuger, lesBorel, lesChavannes, les Stodel, les Gricouroff, lesLapicque et l'historienCharles Seignobos, le « Capitaine »). Cette réunion d'universitaires dans ce lieu lui confèrea posteriori le surnom de Fort la Science ouSorbonne-Plage. À l'occasion des fêtes du village, Irène collecte les chants traditionnels[14]. Elle a également beaucoup filmé ces temps de loisirs[15].
Atteinte detuberculose, Irène Joliot-Curie doit régulièrement séjourner ensanatorium dès les années 1930.
Au début de l'Occupation, de juin à, Irène Joliot-Curie séjourne à lacité-sanitaire de Clairvivre, comme « malade hors effectif ». Bien qu'elle soit atteinte de tuberculose, ce séjour enDordogne n'est pas dû à sa maladie, mais au repli en zone libre des scientifiques français. Elle n'entreprend pas de recherche dans la cité sanitaire. Sa priorité est de cacher auxAllemands ses travaux sur la fusion nucléaire et son matériel[16].
Irène Joliot-Curie obtient l'autorisation de partir se soigner plusieurs mois enSuisse. De retour à Paris, sa santé l'oblige à une activité très réduite. Devant le risque de représailles sur sa famille,Frédéric Joliot décide de mettre sa famille à l'abri. Irène Joliot-Curie passe clandestinement en Suisse avec ses enfants le[17].
Irène Joliot-Curie était très liée à son cousinMaurice Curie. Tout au long de sa vie, Irène Joliot-Curie est restée en contact avec la branche polonaise de sa famille (sa mère Marie Skłodowska est devenue française par mariage avec Pierre Curie en 1895), ses tantes et cousines en particulier. Elle se rend à plusieurs reprises enPologne et leur apporte son aide dans les moments difficiles d'après la Seconde Guerre mondiale. Elle demande à une sculptrice de Varsovie, Maria Kwietniewska, la réalisation d'un buste de Pierre et Marie Curie, qui est offert par la Pologne à l'Institut du radium à Paris en 1950, buste présent dans le jardin du Laboratoire Curie – au pied duquel le présidentFrançois Hollande est venu s'incliner lors de son entrée en fonctions.
En 1932, Irène Joliot-Curie est nommée chef de travaux du laboratoire Curie[4]. Au décès de sa mère en, elle poursuit ses recherches à l'Institut du radium et seconde son nouveau directeurAndré Debierne. Elle est remplacée comme chef de travaux parRaymond Grégoire. Elle devient également membre de la Commission internationale de l'Étalon du Radium[19].Irène etFrédéric Joliot-Curie travaillent tous deux au laboratoire Curie depuis 1925 (date d'arrivée de Frédéric Joliot) puis à partir de 1929, ensemble sur laradioactivité naturelle. Leur découverte en du phénomène de projection deprotons par un rayonnement de nature alors inconnue[20] est une étape majeure vers la découverte duneutron parJames Chadwick en[21]. Après la découverte de l'électron positif parCarl David Anderson à l'été 1932, Irène et Frédéric Joliot-Curie publient leurs recherches sur un nouveau processus d'absorption des rayons gamma par création de paires d'électrons[22]. Leurs résultats sur l'existence de possibles « électrons positifs de transmutation » sont contestés auconseil de physique Solvay d'. Reprenant leurs expériences, ils découvrent que ces électrons sont produits par un nouveau type de radioactivité, par émission d'électrons positifs. Ils donnent quinze jours plus tard une preuve chimique de l'existence du premier radioélément artificiel, le phosphore 30, ainsi que d'un second, l'azote 13. Marie Curie assiste à la découverte avant sa mort en. Cette découverte de la radioactivité dite artificielle leur vaut l'attribution duprix Nobel de chimie 1935« en reconnaissance de leursynthèse de nouveaux éléments radioactifs[23] ». Dès lors le patronyme Joliot-Curie s'impose.
Les deux scientifiques poursuivent ensuite leurs travaux pour identifier lesradioéléments ouisotopes susceptibles d'être utiles à lamédecine, à lagéologie ou à lachimie[20]. Irène Joliot-Curie entreprend à l'Institut du radium des recherches sur lesisotopes du phosphore etradioactifs créés par bombardement de neutrons dans les éléments lourds,thorium eturanium. Les résultats qu'elle obtient avec son collaborateur Pavel Savitch en octobre 1938 sur un radioélément artificiel de propriétés chimiques extraordinairement difficiles à distinguer de celle dulanthane[24] les mène très près de la découverte de la fission du noyau d'uranium. En lien avecLise Meitner, les AllemandsHahn etStrassmann reprenant leurs propres expériences, annoncent la découverte du phénomène defission du noyau de l'atome en janvier 1939.
En 1945, Irène Joliot-Curie est nommée commissaire au tout nouveauCommissariat à l'énergie atomique (CEA). Elle exerce cette mission jusqu'en décembre 1950, après avoir contribué à faire « diverger » (fonctionner) la premièrepile atomique française, ZOE (Zéro énergie, Oxyde d'uranium,Eau lourde[25]) le. Dans le cadre de la lutte contre l'espionnage soviétique, son mari est révoqué en parce qu'il est membre duPCF et le mandat d'Irène n'est pas renouvelé par le gouvernement en parce qu'elle partage les idéaux de son époux sans être membre du Parti communiste.
Après laSeconde Guerre mondiale, Irène Joliot-Curie reprend ses travaux de recherche. Elle s'intéresse à la technique nouvelle des émulsions nucléaires et l'utilise pour la recherche d'une possible radioactivité naturelle et publie un article sur le dosage du carbone dans les aciers[26].En 1937, en remplacement de son mari nommé professeur auCollège de France, Irène Joliot-Curie est promue maître de conférence, puis professeure à la chaire de physique générale et radioactivité le à lafaculté des sciences de Paris[27].En, Irène Joliot-Curie succède à André Debierne comme directrice du laboratoire Curie de l'Institut du radium et donc à la chaire de physique générale et radioactivité précédemment occupée par sa mère. Elle exerce pendant dix ans cette direction et prépare près d'Orsay l'installation d'un nouvel Institut avec des laboratoires plus vastes pour être équipés d'accélérateurs de particules. Dans le même temps, dès la création du Commissariat à l'énergie atomique en 1946, et ce jusqu'en 1951, elle occupe un poste de commissaire à l'Énergie atomique.
En 1954, il est devenu indispensable pour la recherche de disposer d'accélérateurs pour laphysique nucléaire et laphysique des hautes énergies (appelée plus tardphysique des particules). La perspective de la participation française auCERN àGenève fait craindre dans le même temps que le débat parlementaire devant avoir lieu sur les moyens accordés aux financements de ces instruments, se conclut sans décision pour les laboratoires français. Irène Joliot-Curie publie le dansLe Monde une tribune libre exigeant que le gouvernement s'engage[18]. Les crédits obtenus, elle découvre àOrsay un grand terrain alors sous séquestre (car ayant appartenu à la familleBunau-Varilla du journal collaborateurLe Matin[28]) sur lequel se développera le futur Centre de recherches d'Orsay de l'Institut Curie et le futurInstitut de physique nucléaire d'Orsay (IPNO). En effet, parmi les toutes premières constructions, le bâtiment qui est prévu pour l'installation dusynchrocyclotron demandé pour l'Institut du radium par Irène Joliot-Curie deviendra le futur Institut de physique nucléaire d'Orsay (IPNO). Les travaux ont tout juste commencé lorsqu'Irène Curie meurt.
En 1934, après lesémeutes de ligues d'extrême droite le, Irène Joliot-Curie, bientôt fragilisée par la maladie, décide de s'engager activement en politique. Après un passage par laSFIO, elle participe auComité de vigilance contre le fascisme, fondé notamment par le physicien communistePaul Langevin dont elle est une amie proche : « Nous venons déclarer à tous les travailleurs, nos camarades, notre résolution de lutter avec eux pour sauver contre une dictature fasciste ce que le peuple a conquis de droits et de libertés publiques », affirme le Manifeste. Elle se rapproche par la suite duParti communiste français (PCF) et intervient au Congrès duComité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme[29].
En 1936, Irène Joliot-Curie est nommée parLéon Blum membre du gouvernement duFront populaire en tant quesous-secrétaire d'État à laRecherche scientifique : avec la socialisteSuzanne Lacore et la radicaleCécile Brunschvicg, elles sont lestrois premières femmes à siéger dans un gouvernement français, à une date où les Françaises n'ont toujours pas ledroit de vote (elles l'obtiendront en 1944)[30]. Craignant de faire du tort à la cause féminine par la priorité qu'elle donne à la recherche, elle refuse dans un premier temps et propose à sa placeJean Perrin ou Paul Langevin[31]. Elle se laisse finalement convaincre et accepte le poste, pour une durée limitée prédéfinie, uniquement pour soutenir la cause féminine et celle de la recherche scientifique. Comme convenu, Irène démissionne au bout de trois mois, laissant le poste à son mentor, leprix Nobel de physique 1926, Jean Perrin.Elle a cependant le temps de définir quelques orientations majeures d'une politique publique de recherche : augmentation des salaires et des bourses de chercheurs, alignement du statut des normaliennes de Sèvres sur celui des normaliens d'Ulm, accroissement du budget de la recherche. La création duCNRS à laquelle Jean Perrin attache son nom est déjà initiée.Brièvement membre de la SFIO, elle s'en éloigne parce qu'en désaccord avec la non-intervention dugouvernement Blum pour défendre la république espagnole.
Elle subit la misogynie ambiante de l'époque : prix Nobel en 1935, sous-secrétaire d'État en 1936, son ministre de tutelleJean Zay lui interdit malgré tout de prendre la parole à l'Assemblée nationale[32].
Militante antifasciste, elle tente de convaincre Léon Blum de s'engager aux côtés de la République espagnole menacée par les franquistes puis soutient les réfugiés espagnols. Elle s'oppose aussi auxaccords de Munich[29]. Dans l'édition du deFemmes françaises, Irène Joliot-Curie écrit pour défendre ledroit de vote des femmes en France[33]. En 1945, elle assiste avec sa sœurÈve Curie au procès deMaría Teresa Toral, pour soutenir la chimiste républicaine espagnole, au cours duquel lesfranquistes demanderont la peine de mort[34]. Invitée en par le comité new-yorkais d'aide aux réfugiés espagnols antifascistes, elle est, dans un premier temps, arrêtée et incarcérée àEllis Island comme personne indésirable[35].Militante pacifiste, elle s'élève contre les usages militaires de l'énergie nucléaire (bombes atomiques) et elle obtient leprix international de la paix duConseil mondial de la paix en 1950. Elle signe l'appel de Stockholm en 1950 contre l'utilisation militaire de l'énergie atomique puis le manifeste pour la paix deRussell-Einstein en 1955. Militante féministe, elle est membre de l'Union des femmes françaises. Refusée à l'Académie des sciences en 1951, elle décide de se représenter à chaque occasion afin de dénoncer l'exclusion des femmes de cette institution. Ce n'est qu'en 1962 qu'une femme,Marguerite Perey, élève deMarie Curie et collaboratrice d'Irène Joliot-Curie, entre pour la première fois, comme membre correspondante, à l'Académie des sciences.
Outre le prix Nobel de chimie en 1935, Irène Joliot-Curie a reçu seule ou avec son mari Frédéric Joliot-Curie de nombreux prix et distinctions français ou étrangers dont les quelques exemples suivants[4] :
en1932, avec Frédéric Joliot-Curie, elle reçoit lamédaille d'or Matteucci de la Société italienne des sciences ;
Son nom est gravé sur leMémorial de radiologie(de), qui commémore les pionniers et martyrs de la radioactivité (physiciens, chimistes, médecins, infirmiers, laborantins etc), victimes parmi les premiers utilisateurs des rayons X dans le monde entier. Le mémorial qui comportait à l'origine 159 noms a été érigé dans le jardin de l'ancienhôpital Saint-Georges(de) àHambourg (Allemagne) et a été inauguré le[41].
Mémorial de radiologie, Clinique Asklepios Saint-Georges à Hambourg, (Allemagne).
Elle apparaît dans la série de bandes dessinéesLa Brigade chimérique (2009-2010), dans laquelle elle cherche à remettre sur pied l'Institut du radium avec son mariFrédéric Joliot. Elle est aussi apparue dans la bande dessinéeLes Découvreuses.
↑Isabelle Chavannes (recueillies par),Leçons de Marie Curie : physique élémentaire pour les enfants de nos amis,EDP Sciences, (réimpr. 2003)
↑Jouenne Noël,La simplicité apparente du vélo face aux enjeux de société. Exploration d'un objet technique et social, Paris, L'Harmattan,(ISBN978-2-14-029550-8), p 160-161
↑Voir les Lettres d'Irène Curie à sa mère Marie, de 1914 à 1916 dansMarie Curie et Irène Curie,Correspondance, choix de lettres, 1905-1934, Paris, les Éditeurs français réunis,
(en)Biographie sur le site de lafondation Nobel (le bandeau sur la page comprend plusieurs liens relatifs à la remise du prix, dont un document rédigé par la personne lauréate — leNobel Lecture — qui détaille ses apports)