Sceau du tribunal du Saint-Office de l'Inquisition. De part et d'autre de la croix, l'épée symbolise le traitement des hérétiques et le rameau d'olivier, la réconciliation avec les repentis. Autour de l'écu figure la légende « EXURGE DOMINE ET JUDICA CAUSAM TUAM PSALM 73 », une phrase latine qui signifie : « Lève-toi, ô Dieu, défends ta cause,Psaume 73 ».
L'Inquisition espagnole, officiellementtribunal du Saint-Office de l'Inquisition (enespagnol :Tribunal del Santo Oficio de la Inquisición) est une juridiction religieuse sous contrôle du pouvoir royal établie en 1478 par unebulle du papeSixte IV, à la demande de lareine de CastilleIsabelleIre et duroi d'AragonFerdinand II, mariés depuis 1469 et honorés à partir de 1496 par le titre de « Rois catholiques ».
Dépendant de ces deux monarques qui nomment les premiers inquisiteurs en1480, le pouvoir du tribunal du Saint-Office[N 1] était absolu pour condamner, mais la suite de cette condamnation ne relevait que du pouvoir royal.
Conçue à l'origine pour maintenir l'orthodoxie catholique dans les royaumes de Castille et d'Aragon, il élargit ensuite le champ de son action aux convertis d'origine juive ou musulmane, combattant notamment la persistance despratiques judaïsantes, et, dans une moindre mesure, réprime les actes qui s'écartent d'une stricte orthodoxie (comme leblasphème, lafornication, labigamie ou encore lapédérastie).
EnEspagne, dans le contexte de laReconquista, la reconquête desterritoires musulmans par leschrétiens espagnols et la construction d'une identité nationale fondée sur lafoi catholique, lesnouveaux chrétiens (enespagnol:cristianos nuevos) faisaient l'objet, depuis le début duXIVe siècle, de persécutions soutenues par les autorités, comme, en particulier, la révolte dePedro Sarmiento àTolède en 1449, qui avait abouti à la proclamation des premiers statuts de« limpieza de sangre » (« pureté de sang », en espagnol) refusant l'accès à diverses fonctions publiques aux nouveaux chrétiens.
Ce sont au premier chef lesmarranes (« porcs » en espagnol), c'est-à-dire lesJuifsconvertis et leurs descendants, dont le nombre fut particulièrement élevé après lesrépressions anti-juives de 1391, qui furent suspectés de ne pas être sincères dans leur nouvelle foi chrétienne — souvent à juste titre puisque leurconversion était le résultat destortures et menaces de mort à leur encontre — et de poursuivre la pratique dujudaïsme en secret.
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Comme lesévêques demandaient aux souverains de pouvoir prouver la vigueur de leur engagement en pourchassant les« nouveaux chrétiens » dont la conversion n'était pas jugée sincère ou l'« insolence » de leurs richesses[1], et comme lesRois catholiques refusaient l'intervention directe d'unlégat du Pape dans les affaires intérieures du pays, lesambassadeurs espagnols àRome firent pression pour obtenir l'Inquisition (commission d'enquête) pour vérifier la sincérité des convertis et les châtier le cas échéant[1]. Accessoirement, il s'agissait également de combattre la « judaïsation de l'Église », qui était dénoncée[2]. LePape accéde à leur requête. Le, la bulle du papeSixte IV (Exigit sincerae devotionis affectus) autorise les Rois Catholiques à nommer eux-mêmes les inquisiteurs espagnols, ce qui fait de l'Inquisition une affaire de l’État.
L'Inquisition est la seule institution ayant un Conseil commun à lacouronne de Castille et àcelle d'Aragon, de sa création jusqu'auXIXe siècle (sauf durant un court laps de temps), soit pendant trois siècles et demi[3],[1].
Le, les premiers inquisiteursdominicains, Miguel de Morillo, Juan de San Martín et l'assesseur Juan Ruiz de Medina, sont nommés. Ils prennent leurs fonctions àSéville où la communauté marrane menacée échoue dans une tentative d'insurrection. Le siège de l'Inquisition est établi auChâteau de San Jorge, qui lui servira également de prison[4]. Six Juifs riches et influents sont brûlés vifs, dès le[5]. À cette occasion, un témoin, lecuré du bourgLos Palacios, écrit :
« Ils arrêtèrent bientôt certains des plus honorés et des plus riches échevins et magistrats municipaux, bacheliers et hommes de loi, et gens très haut placés (…) ; ni leurs hautes relations ni leur richesse ne leur furent d'aucun secours (…). On brûlera autant de bois qu'il faudra jusqu'à ce que soient détruits et exterminés ceux qui judaïsaient, et qu'il n'en reste aucun ; et leurs enfants âgés de plus de vingt ans, et même les plus jeunes s'ils étaient atteints de cette lèpre. »
Réorganisation de 1483 : Conseil de l'Inquisition et Inquisiteur général
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En 1483, est institué le Conseil de l'Inquisition Suprême et Générale (en abrégéla Suprema), dont le président est l'Inquisiteur général ou Grand inquisiteur (Inquisidor General).
Cette nouvelle fonction est attribuée àTomas de Torquemada, nommé pour laCastille, puis, après quelques réticences de Sixte IV, pour l'Aragon[6]. Cette charge fut étendue à laCatalogne en 1486.
Bien que sous l'autorité des monarques espagnols, le Grand inquisiteur, en tant que représentant dupape, a la haute main sur l'ensemble des tribunaux inquisitoriaux et peut déléguer ses pouvoirs à des inquisiteurs de son choix, responsables devant lui.
La fonction d'Inquisiteur général est la seule fonction dont l'autorité s'étende à tous les royaumes composant l'Espagne, constituant ainsi un relais utile pour le pouvoir des souverains.
Dans sonHistoire des Juifs, l'historienHeinrich Graetz écrit en 1882[7] :
« Dans l’Espagne septentrionale aussi, à Lérida, à Barcelone et dans d’autres localités, la population s’opposa vivement à l’introduction de l’Inquisition. Mais la volonté obstinée du roi Ferdinand et le fanatisme implacable de Torquemada eurent raison de toutes les résistances. Dans l’année qui suivit la mort d’Arbues, les inquisiteurs firent leurs débuts à Barcelone et dans l’île de Majorque en livrant deux cents Marranes aux flammes. La fumée des bûchers, dit un contemporain juif (Isaac Arama), monte vers le ciel dans toutes les régions de l’Espagne et jusque dans ses îles. Un tiers des Marranes a été brûlé, un autre tiers est en fuite, errant partout et cherchant à se cacher, et le reste vit dans des transes continuelles, tremblant sans cesse d’être arrêté par l’Inquisition. Sous l’impulsion puissante des onze tribunaux qui fonctionnaient en Espagne, le nombre des victimes s’accroissait d’année en année, et bientôt ce beau pays ne fut plus qu’un immense brasier, dont les flammes ne tardèrent pas à consumer même de bons et sincères chrétiens. Pendant les treize années où Torquemada régna en maître absolu, plus de deux mille Marranes montèrent sur le bûcher. On estime à dix-sept mille le nombre de ceux qui furent bannis après avoir fait acte de contrition. »
Ausiècle des Lumières, l'Inquisition espagnole apparaît comme le « symbole d'une Espagne obscurantiste et attardée »[9]. Montesquieu écrit en 1725[10] :« Les Espagnols qu'on ne brûle pas paraissent si attachés à l'Inquisition, qu'il y aurait de la mauvaise humeur de la leur ôter ».
À partir de Charles Quint, les souverains des Pays-Bas sont aussi roi d'Espagne. Charles Quint, qui, en tant qu'empereur, est engagé dès 1520 dans la lutte contre leluthéranisme dans leSaint-Empire, tente d'implanter un Saint-Office dans ses possessions des Pays-Bas, mais se heurte aux traditions d'autonomie des provinces et des villes, ainsi qu'à la force ducourant érasmien chez les catholiques des Pays-Bas.
Particulièrement dirigée, à cette époque, contre les Juifs etmusulmans convertis (marranes etmorisques) dont Torquémada n'était pas issu (contrairement à ce qui se répète[11]), l'Inquisition a laissé un souvenir terrifiant. D'une source à l'autre, les chiffres sont très variables ; les plus conservatrices estiment à environ 2 000 le nombre de personnes brûlées sous le gouvernement de Torquemada. À tel point que le caractère souvent expéditif de la procédure provoqua les protestations duSaint-Siège (voir interventions deSixte IV dès 1483).
La répression qui eut lieu entre 1480 et 1500, sous l'impulsion de Torquemada, fut si efficace que la traque auxjudaïsants devint par la suite moins fructueuse et plus difficile, ce qui conduisit parfois à de terribles excès[12]. À tel point que le mouvement d'opposition à l'Inquisition grandit. L'inquisiteurDiego Deza(en) qui avait pris la suite de Torquemada fut démis de ses fonctions en 1507.
Les successeurs de Torquemada et deDeza furent, pour la plupart, plus modérés. Certains ont même fait preuve d'ouverture d'esprit, comme lecardinalCisneros, inquisiteur général de 1507 à 1517, qui projeta d'inviterÉrasme en Espagne[13] ou encoreAlonso Manrique de Lara, inquisiteur général etarchevêque deSéville de 1523 à 1538, protecteur des humanistes[14].
Il est mise en place, en Espagne puis auPortugal, une structure de surveillance systématique et dedélation généralisée, non seulement à l'encontre des convertis, mais aussi de leurs descendants, et de tous les chrétiens d'ascendance même très partiellement juive, baptisés« nouveaux chrétiens ».
Contrairement aux autres pays auxXVIIe et XVIIIe siècles, lasorcellerie mobilise peu l'Inquisition. L'attention principale est toujours concentrée sur les personnes accusées dejudaïser.Joseph Perez souligne dans sonHistoire de l'Espagne que la raison qui avait motivé la multiplication de ces nouvelles cibles de l'inquisition était l'obtention de nouvelles ressources pour les tribunaux. En effet, autant les grandes persécutions des premières années de l'Inquisition avaient permis le financement aisé de ses structures et de son développement - grâce à l'abondance des biens confisqués aux judaïsants -, autant il a fallu réduire le nombre des tribunaux et augmenter les ressources dès le début duXVIe siècle[15].
Un tour de vis est donné par le carriéristeFernando de Valdés y Salas, inquisiteur général de 1547 à 1566 et archevêque deSéville, avec l'intensification de la persécution contre les foyersluthériens et le terribleautodafé de 1559[16]. La même année, il publie le premier index espagnol des livres interdits, où figurent plusieurs centaines de titres. C'est aussi durant son mandat que l'Inquisition commence à délivrer des« limpiezas de sangre » (« certificat de propreté du sang ») aux personnes ne possédant pas d'ancêtre juif ou musulman. Ces certificats sont non seulement exigés pour l'accès à l'armée, aux charges du Saint Office, pour l'entrée aux universités, mais également réclamés par les familles à la veille des mariages.
L'Inquisition devient alors si puissante et brave parfois si impunément la justice civile qu'elle s'attire l'aide de tous ceux qui la craignent. C'est ainsi qu'elle développe autour d'elle l'institution des« Amis de l'Inquisition ». Ceux-ci, loin de se cacher, se flattent avec arrogance de cette appartenance et défilent annuellement à des parades, notamment à l'occasion desautodafés.
Hormis les premières années de sa création, la violence de l'action de l'Inquisition est plus psychologique que physique,« par la capacité de la cour à débusquer, à tout moment et en tout lieu, les hérétiques, à se valoir de la collaboration d'individus dans les groupes sociaux les plus variés, par le secret de sa procédure et l'absence quasi-totale de droits reconnus à la défense. Seule juridiction à jouir de prérogatives et d’un pouvoir discrétionnaire aussi amples, elle retranchait de la vie sociale les pénitents, confisquait la totalité de leurs biens, et faisait rejaillir sur trois générations l'infamie de la peine. En outre, lessambenitos (ces tuniques d’infamie que revêtaient les accusés et sur lesquels étaient indiqués leurs noms et délits) accrochés dans les églises venaient rappeler à tout un chacun les noms des familles condamnées et entretenir la mémoire de l’infamie »[17].
Selon l'historienBartolomé Bennassar, la machine politique de l'Inquisition fonctionnait, dans les premières décennies, sur la base d'une« pédagogie de la peur »[18]. L'imagerie de la peur était portée par latorture et lesbûchers et renforcée par le côté secret et impénétrable de la procédure.
Pour Bennassar et ses co-auteurs, l'inquisition, loin d'être un héritage médiéval, est une pièce majeure de l'appareil d'État moderne en Espagne. Elle participe à une mise sous surveillance de la société espagnole, secteur par secteur, les inquisiteurs s'efforçant d'imposer « un conformisme de comportement, de parole et finalement de pensée à toutes les couches de la société »[19].
Les humiliations et persécutions incessantes menées contre les hérétiques par les inquisiteurs sont loin d'être désintéressées. En effet, lors desconfiscations de biens, qui frappent non seulement ceux qui sont jugés coupables, mais aussi toute leur famille, le Saint-Office perçoit une part de plus en plus élevée, pouvant atteindre 80 % du produit des biens saisis.
Il arrive même qu'on conduise des procès posthumes : en cas de condamnation, les ossements sont brûlés et, surtout, les biens du défunt sont confisqués aux héritiers et transférés à l'Église.Certains Juifs accusés de ne pas avoir dénoncé desconversos sont tués par l'Inquisition[pas clair]. Certains membres duclergé tombent eux aussi sous les accusations.
« À partir de 1485, le Conseil de la Sainte et Générale Inquisition vient coiffer les différentes cours et statue en appel »[2].
Devant les nombreux excès des inquisiteurs, « les rois catholiques (…) écrivirent au pape, afin qu'il modérât (leur) zèle. Cela eut pour but de décider la formation de lois et d'ordonnances qui devaient servir pour la conduite de ces juges à l'égard des hérétiques. Les instructions qui furent composées contenaient primitivement vingt-huit articles. En1490, on en ajouta onze et quinze autres dans l'année 1498. Voici en quels termes était conçu le sixième article[20] :
« Que, les hérétiques et les apostats étant infâmes de droit, bien qu'ils se convertissent, qu'on leur impose pour pénitence celle de ne point exercer d'emploi public, de ne point porter de vêtement avec de l'or, de l'argent, de la laine fine, des coraux, des perles, des diamants, ni autres pierres précieuses ; qu'ils ne puissent monter à cheval, ni porter d'armes, sous peine, s'ils contreviennent à cette défense, d'être considérés comme relaps dans l'hérésie. »
« Que si l'inquisition avait des procès desquels il résulterait que quelque défunt aurait été hérétique et serait mort en état d'hérésie, lors même que, depuis son décès, trente ou quarante ans se seraient écoulés, que l'on ordonne au fiscal d'instruire la cause et que, dans ce but, on cite les fils, les petits-fils, les descendants et héritiers du défunt, et que l'on poursuive jusqu'à sentence définitive ; et, s'il résulte que l'accusation était bien prouvée, qu'on la déclare telle : On ordonnera de déterrer, le cadavre en le destinant à un lieu profane, et l'on décidera que tous les biens qui resteront du mort appartiennent au fisc royal, avec tous les fruits et rentes postérieures. et les héritiers seront condamnés à cette restitution[20]. »
Le Saint-Office vient à renforcer la censure royale existante en contrôlant les œuvres considérées comme dangereuses pour la foi, en s'appuyant sur l'Index dit deValdès (1559), sur l'indexíndice deQuiroga (1583), complétés par des édits particuliers et des visites des inquisiteurs auprès des librairies pour surveiller leurs fonds d'ouvrages. AuXVIe siècle, cette activité de censure couvre aussi bien les œuvres religieuses et mystiques que scientifiques, politiques ou littéraires (poésie, roman, théâtre) espagnoles et étrangères[17].
En Sicile, le tribunal du Saint-Office est officiellement fermé en 1782. Le vice-roiDomenico Caracciolo donne l'ordre de jeter au feu une grande partie des archives siciliennes des procès du tribunal, des interrogatoires et des témoignages des prisonniers et prisonnières[21].
L'Inquisition est supprimée en 1808 à l'époque de l'intervention de Napoléon en Espagne, mais est rétablie en 1814.
La dernière victime est un instituteurdéiste pendu àValence le, Cayetano Ripoll[22].
L'Inquisition espagnole est abolie par la reineMarie-Christine en 1834 et la« limpieza de sangre » le.
Interrogatoire dans « La salle de l'Inquisition » d'un accusé « hérétique » par deux prêtres (1722)
Les dizaines de milliers de procès[23] engagés par l'Inquisition espagnole s'appuient sur des accusations par dénonciation ou plainte. Les accusés sont ensuite poursuivis pourhérésie majeure ou hérésie mineure[24],[25] :
Jean-Pierre Dedieu et Gunnar Knutsen ont montré, à partir des manuels produits à l'usage des inquisiteurs, que la « cause de foi », qui est au cœur du travail inquisitorial, articulait une procédure judiciaire et la recherche d'une vérité pénitentielle. Les inquisiteurs jouaient avec souplesse de ces deux niveaux, l'un répressif, l'autre intégratif, visant à réintégrer l’accusé au sein de l’Église catholique[27].
Les marranes représentent 90 % des accusés de 1478 à 1530[28].
Viennent ensuite lesmorisques, cesmusulmans d'Espagne convertis eux aussi, et leurs descendants suspectés de garder leur religion d'origine, qui seront massivement accusés par les tribunaux à partir du milieu duXVIe siècle, puis aprèsleur expulsion d'Espagne en 1609, en tant que crypto-musulmans[29],[30].
Les protestants etdivers hérétiques accusés de différents délits dits mineurs[pas clair] sont également poursuivis.
Toutes accusations confondues, les statistiques montrent que les femmes sont proportionnellement plus nombreuses à être accusées que les hommes[31], mais qu'elles sont moins lourdement condamnées[32], notamment en ce qui concerne la peine capitale.
Autodafé sur la Plaza Mayor de Madrid, Francisco Ricci, 1683.
Globalement, la torture inquisitoriale, bien qu'elle ait été utilisée avec prudence et méthode par rapport aux normes médiévales (elle était moins fréquente que dans les tribunaux séculiers[35]), était encore très répandue : au total, sur trois siècles d'Inquisition espagnole, environ 20 % des personnes accusées d'hérésie ont été torturées[34].
La terreur inspirée par le tribunal asseoit ainsi son autorité et sa prééminence auprès des populations. Après s'être occupés desmarranes, les tribunaux de Valence et de Saragosse se tournent principalement vers lesmorisques à partir de 1560 où ils représentent jusqu'en 1620 plus de 80 % des torturés[36].
Latoca ou torture de l'eau : l'accusé est allongé et incliné de telle sorte que les pieds sont plus hauts que la tête, la mâchoire du condamné est écartée avec une pointe métallique, et y est introduite latoca, une bande delin, dans la gorge où est versé lentement le contenu d'une ou de plusieurs jarres : la sensation d'étouffement est immédiate à mesure que le liquide s'écoule et c'est un des moyens privilégiés car peu risqué.
Lepotro et lamancuerda : la victime est allongée et garottée sur unchevalet ou unecrémaillère et le bourreau fait coulisser les nœuds des liens qui contiennent les membres afin de les comprimer et les étirer ; quelquefois, les cordes arrachent la chair ou provoquent desfractures, bien que ce ne soit pas le but escomptéa priori.
Lagarrucha ouestrapade : la victime est hissée lentement à l'aide d'unepoulie en haut d'un mât et suspendue ainsi par ses poings liés dans le dos puis on la laisse tomber violemment par saccades sans toucher le sol afin que ses articulations se disloquent. Si le poids du torturé est trop léger, on ajoute un poids pour alourdir l'ensemble[41].
Plaque commémorative de 2009, de la ville deRivadavia enGalice (Espagne) en hommage à ses citoyens condamnés par l'Inquisition il y a « 400 années à cause de leur croyance »
Selon Béatrice Leroy, il est aujourd’hui admis qu’il est impossible de parvenir à un calcul exact du nombre de condamnés à mort par l’Inquisition[42]. En 1817,Juan Antonio Llorente publie, dans son ouvrageHistoire critique de l’Inquisition d’Espagne, le chiffre de 39 671 personnes remises aubras séculier espagnol. Les estimations des historiens actuels sont moins élevées.
L’historiendanois Gustav Henningsen qui étudia 50 000 procédures inquisitoriales datées de 1560 à 1700 estimait que 1 % seulement des accusés avaient dû être exécutés[43].
LaRevue des études juives étudia l’activité du tribunal deBadajoz entre 1493 et 1599. Elle y a recensé une vingtaine de condamnés à mort sur une période de106 ans[43].
Dans son étude consacrée à l'inquisition espagnole, l'historienBartolomé Bennassar considère que la période 1478-1525 fut la plus cruelle, 40 % des condamnés finissant sur le bûcher[19].
Selon Ernst Schäfer, l'Inquisition espagnole a condamné 120 protestants à être brûlés en effigie, et 220 autres en personne, dont 12 ont été brûlés vifs[44],[45].
Plaque sur la porte du couvent San Diego de l'église deMexico où des victimes de l'Inquisition ont été brûlées vives de 1596 à 1771.
589-694 : après la conversion au catholicisme des rois wisigoths, lesconciles de Tolède prennent des mesures de plus en plus dures contre les Juifs d'Espagne.
711 : conquête musulmane. Instauration d'un système où coexistent les musulmans (dominants) et les Juifs et chrétiens (statutairement inférieurs :dhimmis).
1481 : premiersautodafés à Séville,Sixte IV écrit pour se plaindre de la trop grande rigueur des inquisiteurs de cette ville[47].
1482 : les Juifs sont expulsés d'Andalousie ;Sixte IV condamne dans une nouvelle bulle la « soif de lucre » de l’Inquisition, les jugements expéditifs et les mauvais traitements infligés à de nombreux chrétiens, et réclame en vain le contrôle duSaint-Office par les évêques[48].
1502-06 : àCordoue, l'inquisiteurDiego Rodriguez Lucero condamne à mort plusieurs centaines de personnes pourjudaïsation. Nombreuses révoltes ; Lucero est contraint de s'enfuir.
1504 : instauration d'un tribunal de l'Inquisition espagnole auxîles Canaries.
1700-46 : le règne dePhilippe V rallume les feux de l'Inquisition (54 autodafés).
1713-15 :Melchor de Macanaz(es), ministre de Philippe V, propose une réforme de l’Inquisition qui se retourne contre lui et l'exile en France.Ferdinand VI parvient à le faire revenir des années plus tard.
1751 : promulgation d'un édit contre lesfrancs-maçons en Espagne.
↑ab etcE. La Rigaudière (pseud Termite) Auteur du texte,Histoire des persécutions religieuses en Espagne : juifs, mores, protestants, par E. La Rigaudière, Paris, A. Bourdilliat,, 368 p.(lire en ligne)
↑a etbRon E. Hassner, « The Cost of Torture: Evidence from the Spanish Inquisition »,Security Studies, juin-juillet 2020, vol. 29, p. 464 : (« Myth 1: the Inquisition tortured recklessly »).
↑Raphaël Carrasco, « Le refus d'assimilation des Morisques : aspects politiques et culturels d'après les sources inquisitoriales »,Les Morisques et leur temps, Paris, CNRS, 1983,p. 169-216. Cité inBoeglin 2003,p. 76
↑Joseph Pérez,Brève histoire de l’Inquisition en Espagne, Paris, Fayard, 2002,p. 9
↑Lettre du 29 janvier 1481 de Sixte IV à Ferdinand inHistoire critique de l'Inquisition d'Espagne, depuis l'époque de son établissement par Ferdinand V jusqu'au règne de Ferdinand VII : tirée des pièces originales des archives du Conseil de la Suprême et de celles des Tribunaux subalternes du Saint-Office,Juan Antonio Llorente, traduction d'Alexis Pellier, Ed. Treuttel et Würtz, 1818
Michel Boeglin, « L'Inquisition au lendemain du Concile de Trente : le Tribunal du Saint-Office de Séville (1560-1700) »,Espagne médiévale et moderne, Montpellier III,,p. 76 & ss.(lire en ligne)
Emmanuel Delorme et Massip, « Les emblèmes de l'Inquisition d'Espagne »,Bulletin de la Société archéologique du Midi de la France,,p. 339-345(lire en ligne)
AnitaGonzalez-Raymond,Inquisition et société en Espagne : les relations de causes du tribunal de Valence (1566-1700), Presses Univ. Franche-Comté,, 374 p.(ISBN978-2-251-60618-7,lire en ligne)
Joaquín Pérez Villanueva et Bartolomé Escandell Bonet,Historia de la Inquisición en España y América : El conocimiento científico y el proceso histórico de la institución (1478-1834), Biblioteca de Autores Cristianos,, 1582 p.(ISBN978-84-220-1158-3).
Joaquín Pérez Villanueva (dir.),La Inquisición española : nueva visión, nuevos horizontes, Madrid, Siglo XXI,(ISBN978-84-323-0395-1).
Version révisée deThe Spanish Inquisition, publiée à l'origine en 1965 et traduite en français sous le titreHistoire de l'Inquisition espagnole par Tanette Prigent et Hélène Delattre (chez Albin Michel).