Impi (ouiMpi, plurieliziMpi[1]) est un terme de la languezoulou qui signifie « guerre » ou « combat » et, par analogie, désigne les personnes regroupées pour faire la guerre ; ainsiimpi ya mashosha signifie « une armée ». Cependant, la plupart du temps, pour les Occidentaux, le termeimpi désigne soit un régiment zoulou, appeléibutho dans la langue concernée, soit l'ensemble de l'armée elle-même[2].
L'origine remonte aux guerres tribales d'Afrique australe, lorsque des groupes d'hommes armés, appelésimpis, se combattent. Le roiChaka, alors qu'il n'est que général dans l'armée du roiDingiswayo, compose les régiments sur la base desimpis, notamment à l'occasion de la guerre contre lesNdwandwe en 1817-1819. Il prend le pouvoir après la mort de Dingiswayo, organisant la société zouloue de manière régimentaire. Cette organisation perdure après sa mort, jusqu'à la défaite zouloue et la colonisation britannique. La société militarisée zouloue, tournée vers son armée, sert de modèle aux royaumes qui se créent au moment duMfecane, qui imitent l'organisation sociale et les tactiques militaires zouloues.
L'impi zoulou est associé à l'ascension deChaka, lequel est à l'origine le dirigeant d'un clan relativement mineur (celui desZoulous) à l'intérieur de laconfédération Mthethwa. Mais son origine est celle des armées du roiDingiswayo[3]. Les innovations concernant lesimpis s'appuient sur des traditions préexistantes, telle celle de l'intanga. L'intanga est une organisation traditionnelle par classe d'âge, commune parmi les populations bantoues du sud du continent africain, où les jeunes gens sont organisés en groupes d'âge, chaque groupe étant chargé d'assurer certaines tâches et cérémonies. Lorsqu'ils avancent en âge, les jeunes gens sont convoqués dans leskraals desindunas pour participer aux rituels (ukubutbwa) leur permettant d'accéder au statut de guerrier et d'adulte[4]. Lesindunas sont des « chefs » intermédiaires, agissant sous le contrôle et pour le compte des chefs de clan, collectant les taxes et réglant les différends entre les personnes. En temps de guerre, lesindunas dirigent les guerriers de leur zone. Lesintangas (groupe de jeunes gens d'une même classe d'âge), sous la direction desindunas, forment la base du système régimentaire connu aujourd'hui sous le nom d'impi[3].
Avant l'ascension de Chaka, les guerres tribales sont fréquentes quoique de faible intensité. Il s'agit pour l'essentiel de raids pour se procurer du bétail, pour venger des insultes ou pour régler des litiges concernant les terres et le pâturage des animaux. Les groupes qui combattent, généralement inorganisés, sont appelés « impis ». Il n'y a pas de campagne d'extermination des ennemis vaincus. Ces derniers se déplacent simplement en un autre endroit duveld. Les arcs sont rarement utilisés. La guerre, comme la chasse, est menée par les hommes expérimentés, les meilleurs chasseurs et pisteurs. L'arme la plus couramment utilisée est lasagaie, une lance d'environ 1,8 m, que chaque homme emporte en plusieurs exemplaires. Les armes défensives comprennent notamment un bouclier en peau de vache, qui sera ultérieurement amélioré par Chaka. La plupart des batailles sont organisées, les guerriers se rencontrant dans un endroit et à un moment convenus à l'avance. Les femmes et les enfants assistent, à distance, aux combats. Les insultes ritualisées, les combats singuliers et les attaques simulées sont typiques de ce type d'affrontements. Si l'affaire n'est pas réglée de cette manière, l'une des deux parties trouve parfois assez de courage pour mener une véritable attaque afin de chasser les ennemis. Les pertes sont faibles, les vaincus payent en terres ou en têtes de bétail, les ennemis capturés font l'objet de rançons, mais les exterminations de masse sont rares. Les tactiques militaires sont rudimentaires. En dehors de ces combats ritualisés, lesraids sont la forme la plus fréquente d'affrontement, où l'on brûle les kraals, saisit des captifs et s'empare du bétail.Éleveurs pastoralistes et, un peu, agriculteurs, les populations concernées ne construisent habituellement pas de fortifications permanentes pour se protéger. Un clan ou un groupe menacé remballe simplement ses possessions, rassemble son bétail et prend la fuite jusqu'à ce que les pillards aient disparu. Il est alors possible de revenir sur les pâturages abandonnés, typiquement un jour ou deux après. L'institution de ce qu'on appelleimpi repose donc sur des pratiques nettement antérieures à l'arrivée des Européens et à l'époque de Chaka[3].
Au début duXIXe siècle, un ensemble de circonstances change cet état de fait, notamment l’accroissement de la population et la pénurie de terres qui en découle, l'avancée du peuplement des colons blancs et l'esclavagisme associés à lacolonie du Cap et auMozambique portugais[5],[6]. Ce moment voit l'émergence d'un homme ambitieux, appeléDingiswayo, un guerrier qui se hisse à la tête de la fédérationMthethwa. L'historien Donald Morris soutient que son génie politique consiste à instaurer une domination relativement modérée. Il parvient au faîte du pouvoir par une combinaison de diplomatie et de conquêtes, n'usant ni de l'extermination ni de l'esclavage, privilégiant les conciliations stratégiques et l'usage raisonné des armes. Sa domination permet de réduire les querelles et les batailles parmi les petits clans qui composent la fédération Mthethwa, canalisant leurs énergies vers des forces militaires plus centralisées. Sous le règne de Dingiswayo, les hommes, regroupés par classe d'âge, commencent à être considérés comme des forces militaires et sont plus fréquemment déployés pour maintenir l'ordre. Chaka est issu de ces petits clans, eLangeni et Zoulou, le concernant[3].
Chaka devient l'un des meilleurs guerriers de Dingiswayo lorsqu'il est en âge de servir dans les forces Mthethwa. Il combat avec son régiment, appeléiziCwe, mais, dès le début, il adopte une stratégie particulière. Il met en place son propre style et sa propre méthode, créant notamment la fameuse lanceiklwa ainsi qu'un bouclier plus grand et plus résistant et abandonnant les sandales en cuir qui ralentissent les guerriers. Ces innovations prouvent leur efficacité à petite échelle, mais il est réfréné par son roi, car sa conception de la guerre est beaucoup plus extrême que les méthodes plus conciliantes de Dingiswayo. Chaka cherche à emporter la décision par des actions rapides et sanglantes, à l'inverse de la pratique des duels entre champions, des raids dispersés et des escarmouches qui causent des pertes beaucoup plus faibles. Tant que Dingiswayo est en vie, les méthodes de Chaka sont peu appliquées ; mais, après la disparition du roi, la domination zouloue s'accroît, amenant à la création duroyaume zoulou (premier tiers duxixe siècle). C'est sous la férule zouloue que les guerres tribales deviennent beaucoup plus dures. Ce changement vers la force brutale exige des changements dans les armes, dans l'organisation et dans les tactiques[3].
On attribue à Chaka l'introduction d'une nouvelle variante de l'arme traditionnelle, qui consiste à remplacer la longue lance effilée, destinée à être lancée, par une lance à lame lourde et à manche court ; ce n'est plus une arme de jet, mais unearme d'hast, utilisée pour frapper l'ennemi à courte distance. On lui attribue aussi l'usage généralisé d'un bouclier en peau de vache plus grand et plus lourd (isiHlangu)[7], plus efficace pour le corps-à-corps auquel il entraîne ses troupes[8],[9]. Ces armes s'intègrent mieux à une nouvelle organisation tactique fondée sur la mobilité et l'agressivité[3].
L'armement du guerrier zoulou consiste donc en une sagaieiklwa et un casse-tête en bois dur, appeléiwisa (knobkerrie en anglais etknopkierie enafrikaans), utilisé comme unemasse d'armes[10]. Les officiers portent aussi souvent une hache à la lame en demi-lune, mais il s'agit plus d'un symbole de rang que d'une arme[11]. L'iklwa doit son nom, prétend-on, au bruit de succion qu'elle produit lorsqu'elle est retirée d'un corps humain[12]. Elle supplante la lance, appelée, quant à elle, « pa-pa », en imitation du bruit qu'elle fait lorsqu'elle vole dans les airs. Chaka interdit à ses guerriers de jeter leur lance, ce qui les désarme, donne à l'ennemi une arme à lancer en retour et empêche le combat au corps-à-corps[13].
Les guerriers portent en outre un bouclier ovale en peau de vache, avec un raidisseur central en bois, qui sert de poignée. Les boucliers sont la propriété du roi[14] ; lorsqu'ils ne sont pas utilisés, ils sont stockés dans des structures isolées du sol, afin de les mettre à l'abri des nuisibles en tous genres[15]. Le grand bouclierisihlangu de l'époque de Chaka fait à peu près 1,5 m de haut[8] ; il est ultérieurement, vers 1850, remplacé progressivement par un plus petit[16], l'umbumbuluzo, fabriqué de la même manière, mais faisant environ 1 m[17]. Le combat rapproché repose sur la coordination entre l'utilisation de la sagaie et du bouclier. Le guerrier cherche à placer le bord de son bouclier derrière celui de son adversaire afin de l'écarter de manière à pouvoir lui porter un coup avec la sagaie, dans la poitrine ou l'abdomen[12].
Dès le début du règne de Chaka, quelques armes à feu, souvent obsolètes, sont achetées par les Zoulous auprès des Européens. La défaite de l'armée britannique à labataille d'Isandhlwana, en 1879, fait que de nombreux fusilsMartini-Henry se retrouvent en possession des Zoulous, ainsi qu'une grande quantité de munitions. Cependant, l'avantage apporté par ces armes semble restreint[18] ; les Zoulous sont réputés fermer les yeux lorsqu'ils tirent avec ces armes. La tactique militaire ne change d'ailleurs pas, l'armée zouloue continuant à privilégier une approche rapide afin d'engager l'ennemi en combat rapproché[19].
Le successeur de Chaka, son demi-frèreDingane, réintroduit ultérieurement l'usage généralisé de la lance de jet, sans doute pour contrer les armes à feu desBoers.[réf. nécessaire]
Une armée en campagne nécessite des fournitures. Elles sont apportées par les jeunes garçons, attachés à une unité militaire, et qui transportent rations, marmites, matelas, armes supplémentaires[20]… Le bétail est parfois utilisé comme garde-manger sur pied. Cette organisation systématisée apporte de grands avantages lorsque l'armée est engagée dans des opérations de type raid ou razzia.
Les regroupements par classe d'âge sont fréquents dans la cultureNguni de l'époque, et encore de nos jours. Les groupes de jeunes gens sont responsables de diverses tâches, garder les camps et le bétail par exemple, ainsi que de certaines cérémonies et certains rituels. Il est courant dans la culture zouloue que les jeunes assurent un service limité auprès des chefs locaux jusqu'au moment où ils se marient. Chaka utilise ce système, transformant le service coutumier bénéficiant au chef local en un service rendu à sa personne, renforçant ainsi son emprise sur la société. Ces regroupements par classe d'âge ne forment pas une armée permanente et rémunérée au sens occidental du terme, ils fournissent cependant une base stable pour une mobilisation militaire, plus efficace que la conscriptionad hoc.
Les guerriers sont enrôlés dès l'âge de six ans, devenant gardiens du bétail[21],[22] puis, vers quatorze ou quinze ans, ils rejoignent l'armée en tant qu'udibi, servant de porteurs et de serviteurs à leur aînés. Finalement, ils se rendent à l'ikhanda et deviennent cadets[23]. Ils passent leur temps à s'entraîner jusqu'à ce qu'ils soient officiellement enrôlés par le roi. Ils se mettent souvent au défi, et les combats doivent être acceptés sous peine de déshonneur. Ils travaillent aussi pour le roi, cultivant ses terres et élevant son bétail. Ils sont regroupés par âge, le regroupement s'appelant doncintanga[24]. Unibutho (iButho, plurielamaButho) c'est-à-dire un régiment, dispose d'un nom et d'un emblème distinctifs. Les jeunes gens d'un même régiment bâtissent leurikhanda, habituellement un groupe de huttes entourant un espace destiné au bétail[23], qui sert de lieu de rassemblement lorsqu'ils sont convoqués pour le service actif. Le service actif se poursuivit jusqu'à l'âge du mariage, pour lequel seul le roi peut donner une permission[25].
Certains historiens prétendent que cette organisation affecte l'économie zouloue et nécessite des raids ainsi qu'à conduire une politique expansionniste, car de nombreux jeunes gens sont distraits de leurs occupations habituelles et de l'activité économique (jusqu'à 25 % des jeunes hommes d'un clan donné peuvent être rassemblés à un instant donné[26]). Mais, quel qu'en soit l'impact économique, ce système régimentaire est fondé sur des traditions antérieures et est adapté à une politique expansionniste. L'amabutho, fondé sur l'âge plutôt que sur l'origine, permet de renforcer le pouvoir centralisé du roi au détriment des allégeances claniques ou tribales. Les jeunes gens jurent fidélité au roi de la nation zouloue et à leur régiment[8].
Chaka enlève les sandales de la dotation militaire afin que ses guerriers courent plus vite[27]. C'est à l'origine une initiative impopulaire mais les récalcitrants sont tués pour frapper les esprits. La tradition prétend que Chaka endurcit les pieds de ses soldats en leur faisant piétiner des branches épineuses et des buissons. Chaka entraîne ses troupes fréquemment, leur faisant parcourir plusieurs dizaines de kilomètres par jour[28]. Il les entraîne aussi à pratiquer les techniques d'encerclement. Leur grande mobilité confère aux Zoulous une supériorité significative dans leur région et au-delà. Le système régimentaire et les entraînements continuent après la mort de Chaka, quoique les défaites infligées par lesBoers et l'emprise croissante des colons britanniques limitent fortement les opérations de raid avant la guerre de 1879. En 1850, sous le règne du roiMpande, les guerriers du régimentuThulwana mènent un raid au Swaziland[29].
Depuis l'époque de Chaka, les guerriers portent souvent des coiffures élaborées et des insignes lorsqu'ils partent au combat. Mais, au combat, ils portent une tenue simple, peignant le haut de leurs corps et leur visage avec de la craie et de l'ocre rouge. La tradition qui fait du soldat zoulou un guerrier portant une tenue élaborée se réfère uniquement à la tenue de cérémonie. Chaqueibutho (régiment) a une tenue particulière, coiffure et ornements, et on peut donc dire que l'armée zouloue possède un uniforme régimentaire[30]. Les hommes mariés arborent en outre une coiffe en forme d'anneau, appeléeisicoco, attestant de leur statut matrimonial. Les boucliers sont diversement colorés, les régiments « juniors » étant sombres tandis que ceux des « seniors » portent des couleurs plus claires[16]. Le régiment personnel de Chaka,Fasimba, est équipé de boucliers blancs avec une petite tache de couleur plus sombre. L'uniformité des boucliers est facilité par l'habitude de séparer les troupeaux en fonction de la couleur de la robe des animaux[31].
Certains insignes sont attribués individuellement aux guerriers ayant fait preuve d'un courage remarquable. Il s'agit de lourds bracelets enlaiton (ingxotha)[32] et de colliers composés de chevilles en bois imbriquées (iziqu)[19].
Les Zoulous sont portés à l'offensive, déployant la célèbre formation « en cornes de buffle » (zoulou :impondo zenkomo). Elle est composée de trois éléments. Les « cornes » sont formées de troupes attaquant en pointe, sur les deux côtés de l'ennemi. Elles regroupent généralement les guerriers les plus jeunes et les moins expérimentés. La « poitrine » ou le « crâne » sert à l'attaque en masse et, autant que possible, à porter le coup de grâce. Les meilleurs guerriers en font partie. Les « reins » ou « réserves » sont composés des guerriers les plus âgés, au-delà de quarante ans. Ils sont parfois disposés le dos à la bataille, afin de ne pas s'exciter inutilement[33].
Cette tactique d'encerclement n'est pas unique dans l'histoire militaire, et les historiens font remarquer qu'elle existait même dans le cadre des guerres ritualisées d'antan. Ce qui est unique chez les Zoulous, c'est le degré d'organisation, la cohérence avec laquelle ils utilisent cette tactique et la rapidité avec laquelle ils l'exécutent. Après le décès de Chaka, des développements et des perfectionnements ont probablement eu lieu, comme en témoigne l'utilisation de régiments plus nombreux lors de la guerre de 1879. Les missions, la main-d'œuvre disponible et les ennemis varient, mais, que ce soit face à une lance indigène ou à une balle européenne, lesimpis utilisent généralement le modèle classique en cornes de buffle[34],[35],[36],[37].
Les forces armées sont généralement divisées en trois niveaux : régiment, corps de plusieurs régiments et « armée », la plus grande formation, quoique les Zoulous n'utilisent pas ces termes au sens moderne. Indépendamment de la taille des effectifs, tout groupe d'hommes participant à une mission peut être appeléimpi ; un raid peut impliquer 100 ou 10 000 hommes. Les effectifs de chaque composante sont variables, un régiment peut ainsi compter 400 ou 4 000 hommes. Les unités tirent leur nom de celui du kraal militaire où les hommes sont rassemblés, parfois c'est celui du régiment principal de la localité. On distingue quatre grades : les gardiens de troupeau, les guerriers, lesindunas et les chefs de rangs supérieur pour certaines missions particulières[38],[39].
Uninduna commande un régiment. Un ou plusieursindunas aînés accompagnent et dirigent l'armée en campagne, parfois, quoique rarement, le roi lui-même[38]. Il n'existe pas l'équivalent d'un commandant en chef ou d'unfield marshal dans l'armée zouloue. Lesindunas, comme lessous-officiers d'aujourd'hui ou lescenturions romains, sont extrêmement importants pour maintenir le moral et la discipline des troupes. Durant labataille d'Isandhlwana, malgré le feu nourri des Britanniques, les régiments zoulous tiennent bon, encouragés par les exhortations desindunas, réussissant, en un ultime effort, à avancer sur leurs ennemis affaiblis[40].
L'impi, sous sa forme instituée par Chaka, est célèbre chez les Occidentaux du fait de laguerre anglo-zouloue de 1879 et notamment de la victoire zouloue à labataille d'Isandhlwana, mais son développement date de soixante ans avant cette date. Les premières batailles impliquant lesimpis sous la forme typique due à Chaka sont des guerres inter-africaines[41], contre lesNdwandwe deZwide à Gqokli Hill, lesNdébélé deMzilikazi et lesNguni/Tsonga deSoshangane[42]. LeMfecane verra la création de royaumes[43] dont l'organisation sociale et militaire est inspirée de celle des Zoulous de Chaka[44], tel, par exemple, leroyaume de Gaza créé vers 1824 dans le sud des actuels Mozambique et Zimbabwe[45].
En termes d'effectifs, avec la mise en place du système de Chaka, les opérations militaires passent de l'équivalent occidental d'une petite compagnie et d'un bataillon à des effectifs regroupant entre 10 000 et 40 000 hommes. La victoire remportée par le roiCetshwayo àNdondakusuka, par exemple, deux décennies avant l'invasion britannique, implique le déploiement de 30 000 hommes[46]. Néanmoins, ces quantités représentent l'essentiel des forces zouloues, estimées à un maximum de 42 000 hommes, dont 25 000 pleinement opérationnels, à l'époque deCetshwayo[47] ; en pratique peu de formations atteignent ce niveau d'effectifs pour une seule bataille. Les ressources en hommes sont relativement limitées — malgré l'image populaire de hordes d'hommes armés de lances déferlant sur l'ennemi[48] — et cela handicape les Zoulous lorsqu'ils affrontent des puissances technologiquement avancées comme les Britanniques.
L'avènement des armes à feu à chargement par la culasse[note 1] a un impact notable sur les champs de bataille africains[49], car les organisations basée sur l'impi ignorent largement les armes à feu et leur usage. Et même, stratégiquement, lorsqu'elles affrontent un ennemi muni de fusils plutôt que de lances, les armées organisées à base d'impis, inspirées par les techniques de Chaka, continuent à combattre comme à l'époque de ce dernier, du Zoulouland au Zimbabwe, et du Mozambique à la Tanzanie[42]. Les troupes zouloues ne disposent à l'origine que d'armes à feu obsolètes, mais, même lorsqu'elles se procurent des fusils modernes à la bataille d'Isandhlwana (mille fusils Martini-Henry et un demi-million de munitions), elles n'en font jamais un usage efficace, ne sachant pas s'en servir et les considérant comme des armes de lâches, préférant, même face aux armes à feu, privilégier la classique tactique d'encerclement et le corps-à-corps avec la sagaie[18]. Cette tactique trouve ses limites contre le feu concentré desBoers organisés enlaager, notamment à labataille de la Blood River (1838)[50], et, ultérieurement, contre la puissance de feu des Britanniques[51] (batailles deRorke's Drift etd'Ulundi (1879) qui signent la fin du royaume zoulou)[52].
La colonisation de l'Afrique australe par les Européens marque la fin des armées fondées sur lesimpis et des sociétés militarisées. Ainsi en est-il de l'institution du mariage. Le guerrier zoulou ne peut se marier qu'après quinze ans de service environ, lorsqu'il devient réserviste ; il doit prendre femme dans lesamaButho féminins (les femmes sont souvent nettement plus jeunes que leurs époux). Dans un ultimatum, prétexte à laguerre anglo-zouloue,Henry Bartle Frere, haut-commissaire pour l'Afrique australe, exige que les hommes soient« libres de se marier quand ils veulent », demande qu'il sait inacceptable pour les Zoulous[53],[47],[30]. D'autres armées organisées de manière similaire connaissent des victoires sur les colonialistes avant d'être défaites, telle, par exemple, celle desHehe ; ces derniers vainquent les Allemands à labataille de Lugalo (en actuelleTanzanie) en 1891, à l'occasion des guerres relatives à la mise en place de l'Afrique orientale allemande[54].
L'organisation et la bravoure desimpis zoulous ont laissé des traces dans les mémoires[55], parfois admiratives (Rudyard Kipling y fait allusion dans son poèmeFuzzy-Wuzzy (en), le musicienJohnny Clegg est l'auteur de la chansonimpi, souvent entonnée dans les enceintes sportives[note 2]…), parfois négatives :« Le zoulou apparaît […] comme l'incarnation de la sauvagerie barbare[trad 1],[57] »[58].