

L'illustration de mode est une activité artistique consistant à représenter par le dessin des vêtements demode destinés à la publication, par exemple dans unmagazine de mode ou une affiche. Elle est déjà présente auXVIIe siècle à travers des gravures, ou dans un périodique comme leMercure galant. Elle est réalisée par des peintres, dessinateurs et graveurs. AuXVIIIe siècle, estampes, almanachs et revues de mode sont les principaux supports. AuXIXe siècle, les dizaines de différentes revues de mode publiées, présentent une ou plusieurs illustrations. Très liée à lahaute couture, l'illustration de mode connaît des décennies de gloire dès le début duXXe siècle où l'année 1908 avec la première publication du couturierPaul Poiret marque symboliquement le passage d'une illustration statique et datée à une illustration moderne, créative, innovante. Déjà omniprésente, elle connaît, des années 1930 à la fin desannées 1950, son heure de gloire par les magazines et la publicité : les illustrateurs sont des artistes reconnus. Remplacée par laphotographie de mode dont l'histoire la complète, elle finit par disparaitre presque totalement au début desannées 1960, à l'exception notable de son représentantRené Gruau ou de quelques résurgences tel queAntonio Lopez. De nos jours, l'illustration de mode se fait très rare dans la publicité ou les magazines, mais une nouvelle génération d'illustrateurs, aux environs des années 2000, perpétuent et renouvellent cet art.
L'illustration de mode, constituée degravures ou d'eaux-fortes, est datée duXVIe siècle avec les grandes explorations et la découverte de nouveaux territoires : les collections sont alors constituées des costumes de plusieurs pays du monde[2].
Vers la fin duXVIIe siècle, les premiers journaux sont publiés, particulièrement en France[2] alors sous le règne deLouis XIV, avec ce qui peut être considéré comme« les premières revues de mode[2] ». Ces publications évoluent et culminent jusqu'à la fin duXVIIIe siècle[2]. Paris,capitale de la mode, reste une référence pour ce qui est des illustrations[2]. Après laRévolution, le centre des publications importantes passe de Paris à l'Allemagne puis en Angleterre[2], pays qui ont tendance à copier la production française. Le commencement de l'illustration de mode moderne, au départ par des artistes anonymes, est situé approximativement du début duXIXe siècle[3]. La récentephotographie de mode, naissante, est notablement inspirée des illustrations de mode de l'époque faites de poses figées dans des décors artificiels ; à la fin duXIXe siècle, la créativité de l'illustration dépasse celle de la photographie[4] ; mais ces deux représentations de la mode sont encore, au début duXXe siècle, tournées vers le passé, avec des codes de l'habillement stricts[5] : à l'exception deCharles Dana Gibson, l'illustration de mode est« moribonde sur le plan esthétique[5] ». À cette époque, l'illustration de mode est vue plus comme un artisanat que comme une forme d'art pictural[6].

Le peintre italienportraitiste,Giovanni Boldini est considéré par ses pairs comme l'un des premiers illustrateurs de mode, dont le nom est reconnu ; il sera une influence notable de la génération d'illustrateurs à venir[7] avecSargent. LeJournal des dames et des modes, revue élitiste, regroupe comme peintres, couturiers et écrivains, laissant une large place à l'illustration ; cette dernière est alors élaborée à partir de latechnique picturale dupochoir : la peinture est appliquée couche par couche, couleur par couleur, à travers des plaques métalliques découpées[8]. Lefauvisme apparait au début du siècle, suivi ducubisme, courants qu'on retrouve rapidement dans l'illustration de mode et qui vont la renouveler. En parallèle, l'Homme Arrow Collar (en), sous les traits deJ.C. Leyendecker, est créé[9].
Avant laPremière Guerre mondiale, Paris est lacapitale de la mode, mais également de l'Art : peintres, poètes, décorateurs, compositeurs, gens de théâtre… s'y côtoient[10]. Lahaute couture et le dessin de mode sont indissociables[11], à l'image dePaul Poiret s'octroyant les services du jeunePaul Iribe qui illustre de façon innovante[11]Les robes de Paul Poiret racontées par Paul Iribe, puis deGeorges Lepape trois ans plus tard[12] pourLes Choses de Paul Poiret. La réalisation de Iribe fait entrer l'illustration au rang d'art, posant les bases des dessins duXXe siècle[13]. Quelques années après Poiret,Jeanne Paquin sollicite Iribe, Lepape etBarbier pour réaliser unportfolio de ses créations[13]. Dans cette effervescence sont crééEs de nombreuses revues[11].Lucien Vogel etMichel de Brunhoff fondent laGazette du Bon Ton regroupant une nouvelle génération d'artistes, écrivains, et illustrateurs… Lesarts décoratifs de l'époque, tel que l'Art nouveau, lecubisme, ou l'Art déco entre autres, entrent dans l'illustration[3] qui est un reflet de l'époque[14] ; l'inspiration des illustrateurs vient notablement du théâtre[14].
L'« École française » prend le pas sur les illustrateurs américains[15]. Certains illustrateurs, à l'image deDrian,Benito,Pierre Simon,Erté, ouChristian Bérard deviennent particulièrement reconnus, lesmagazines américainsHarper's Bazar ouVogue, les françaisFemina ouL'Officiel, publient les plus grands noms du moment. Les magazines deviennent indispensables pour diffuser la mode. Le dessin de mode devient moins statique, n'ayant plus uniquement une approche artistique, mais également descriptive, et s'oriente vers le reportage :défilés, vie quotidienne, cocktails… sont fréquents, à l'image du travail deRené Bouët-Willaumez[16]. Au début des années 1930, la couleur apparait plus largement dans les illustrations de mode, tout d'abord dans l'édition américaine deVogue[17] que ce soit en couverture, puis dans les pages intérieures[18]. Le mouvement dessurréalistes entre dans les magazines de mode[3] ; l'illustration évolue également vers un « nouveau réalisme » passant de sa forme démonstrative à une orientation plus artistique dontEric en est le représentant[19]. Mais la révolution de laphotographie de mode va peu à peu bouleverser la place de l'illustration[n 1], chacun obtenant peu à peu son domaine de prédilection : la photographie aux articles de mode et l'illustration à la publicité[19]. Malgré tout, la diffusion et l'influence des magazines de mode progressent, absorbant les courants artistiques de l'époque, la photographie en parallèle avec l'illustration vont profiter tous deux de ces évolutions.
LaSeconde Guerre mondiale change les choses établies : certains illustrateurs vont se battre[20] telFrancis Marshall[21], d'autres, comme Eric,René Bouët-Willaumez,Marcel Vertès, ouRené Bouché plus tard, se rendent aux États-Unis[20]. Bien que la publicité soit très restreinte, et la diffusion des magazines plus irrégulière, cette période laisse la place à de nouveaux venus[22]. Après la Guerre, les choses ont changé : plusieurs illustrateurs renommés quelques années auparavant ont disparu des magazines, tel Christian Bérard, ou réapparaissent très épisodiquement commeJean Pagès[23]. Des nouveaux noms arrivent, commeBernard Blossac qui excelle dans l'art du reportage illustré tout au long des années 1950[24] ouAndy Warhol au magazineGlamour[25]. Un nouvel illustrateur se fait remarquer par son style dans ses publicités plus que ses parutions dans les magazines :René Gruau[26]. Paris, avec sahaute couture symbolisée parBalenciaga ouDior, domine le monde de la mode, mais l'illustration régresse au profit de la photographie ;« l'ère des illustrateurs de mode s'est achevée en 1939 »[27].
Tendance qui a débuté bien avant la Guerre, la période voit donc la restriction des budgets de l'illustration au profit de la photographie : les illustrateurs, qui ont, pour la plupart, tous travaillé soit pour la publicité, soit pour les spectacles, vont, ou retournent, de plus en plus vers ces domaines[4]. Au milieu desannées 1950,Kenneth Paul Block, avec sa technique de travail au fusain[28], intègre l'équipe d'une demi-douzaine d'illustrateurs duWomen's Wear Daily ; il y restera 42 ans, jusqu'à la fermeture du service « Illustrations » du magazine professionnel[29]. Dans lesannées 1960, le domaine de la mode est en pleine révolution : lacapitale de la mode passe de Paris à Londres, leprêt-à-porter va bouleverser le vêtement dans les années à venir, lepop-art et le mouvementhippie[n 2] influencent l'illustration de mode[30]… La mort de René Bouché en 1963, que personne ne cherche à remplacer, marque symboliquement la fin de l'omniprésente illustration de mode au sein des magazines[31],[32],[33],[34]. C'est une époque devaches maigres[4], l'illustration de mode semblant réservée à la publicité, lalingerie, et les accessoires[35]. La photographie règne pleinement ; les photographes de mode, à l'image deRichard Avedon ou d'Irving Penn par exemple, sont les maitres[34]. L'illustration malmenée va se réfugier dans les magazines pour adolescentes : alternative moins couteuse que la photographie, elle sert à inspirer ou suggérer, loin des principes de la haute couture peu adaptée aux lectrices de ces publications[36]. Il restera malgré tout quelques magazines de mode, surtout professionnels, pour publier les travaux des dessinateurs :International Textiles (en),L'Officiel de la mode,WWD, ouSir conservent les services des meilleurs illustrateurs[36]. Quelques rares artistes, dont Gruau mais aussi le jeuneAntonio, considéré après sa mort comme« la quintessence du dessinateur de mode[32] », subsistent notablement[37]. Au début desannées 1970 est lancé un nouveau magazine laissant une place à l'illustration :W.
À partir desannées 1980, l'illustration de mode semble retrouver un tout petit peu de place au sein des publications[4],[37],[38]. Le prolifique Antonio Lopez, avec son style toujours en avance de la mode et ses techniques variées, est au sommet de sa carrière[39],Tony Viramontes (en) est remarqué[40].La Mode en peinture, un magazine de mode d'avant-garde, entièrement illustré, parait[41],[42], ainsi qu'aux États-Unis la nouvelle version deVanity Fair, ou la décennie suivante l'élitisteVisionaire (en) (décliné mensuellement enV) et ouvriront leurs pages à l'illustration, tout commeWallpaper* dans un cadre plus large que la mode[42]. Certains illustrateurs, tel le précurseurJason Brooks (en), réalisent leurs créations sur ordinateur[42].
Dans les années 2000, l'illustration semble retrouver une place notable dans le monde[27].David Downton, au départ un illustrateur aux sujets les plus variés[43] et qui débute en 1966 auprès de la haute couture avant d’abandonner le sujet puis d'y revenir[44], se fait reconnaitre par son approche classique mais moderne de l'illustration de mode. Une nouvelle génération d'artistes, pour certains féminins, commeTanya Ling (en)[45] et son travail qualifié de« spontané[46] », François Berthoud qui utilise des techniques difficiles pour ses illustrations[47], Mats Gustafson avec ses aquarelles etpastels[47], ouJean-Philippe Delhomme qui s'est fait remarquer par la publicité ainsi que son travail avec lesgrands couturiers, est régulièrement publié[48]. Les techniques utilisées mélangent procédés ancestraux et méthodes modernes[27].
Processus d'illustration de mode
Les designers utilisent des médiums tels que la gouache, le marqueur, le pastel et l'encre pour transmettre les détails des vêtements et le sentiment invoqué par l'artiste. Avec l'essor de l'art numérique, certains artistes ont commencé à créer des illustrations à l'aide d'Adobe Photoshop et digital art.