L'illusionnisme est pratiqué le plus souvent par desartistes dans le cadre du monde du spectacle. Lemagicien s’est entraîné pour créer les illusions qui leurrent nos sens : il fait apparaître et disparaître diverses choses, il défie la gravité, transforme la matière,lit dans les pensées, voit dans l’avenir. Avec ses astuces et son habileté, son adresse et sonboniment, une mise en scènethéâtrale, un éclairage subtil ou un fond musical, le prestidigitateur crée un contexte grâce auquel son trucage – au demeurant parfois fort simple mais astucieux – devient stupéfiant au point de créer l’illusion qu’un mystère vient de se produire sous nos yeux.
Le langage commun, le marketing et la facilité d'utilisation du motmagie conduisent à un amalgame entre la prestidigitation qui est un art mêlant agilité, ingéniosité et psychologie, et lamagie au sens premier du terme qui est un « phénomènesurnaturel » ou inexpliqué. La prestidigitation est donc l'art de créer l'illusion d'un phénomène impossible mais qui repose sur des règles on ne peut plus rationnelles, logiques. Le motmagie a un sens étymologique religieux, ce que le mot prestidigitation n'a pas.
Le nom d'escamotage pourrait venir de l'arabeescamote qui désigne une petite balle de liège à laquelle on a donné plus tard le nom demuscade, à cause de sa ressemblance avec ce fruit. Dans le principe, l'escamotage s'appliquait uniquement auxgobelets[2]. Le praticien de l'escamotage est appeléescamoteur.
Physique amusante
Utilisé dès la fin duXVIIIe siècle, quand des spectacles incluaient des démonstrations d'effets physiques curieux récemment découverts, avec des aimants, des jeux d'ombres et de lumières, l'électricité statique, etc. On appelait le maître d'œuvre un « physicien », qui, en définitive, divertissait en jouant avec des phénomènes propres aux lois de la physique mais qu'il enrobait souvent dans un discours ésotérique[3].
Le motprestidigitation (depresto digiti qui signifieagilité des doigts) a été créé parJules de Rovère en 1819[5], qui ne voulait pas indiquer sur son affiche le mot d'escamoteur ou dephysicien. Ce terme a supplanté leprestigiateur, faisant perdre à la discipline sa référence au « prestige » antique pour ne laisser qu'une référence à l'agilité des doigts.
La réussite dans cet art se fait grâce à un ensemble de critères tels que la manipulation, les accessoires, le timing : respect des temps forts et des temps faibles, le boniment ou la musique, les fioritures, l'attitude (la personnalité et l'originalité), le regard, le don de comédien, etc.
Illusionnisme
Dénomination apparue à la fin duXIXe siècle[6], plus à même de rendre compte de la diversité de cet art, puisqu'il cesse de mettre l'accent sur la dextérité (comme le faisaitprestidigitation) pour pointer une réalité plus large liée à l'illusion en général.
Lepapyrus Westcar (vers 1700 av. J.C.) est l'un des plus anciens témoignages sur l'illusionnisme[7].
Les pratiques magiques remonteraient à laPréhistoire. Bien que les spécialistes ne soient pas tous d'accord sur leur signification[8], les gravures rupestres de sorciers et d'animauxmythiques semblent bien en attester.
L'Ancien Testament décrit le « combat » que livrèrentMoïse etAaron contre lesmagiciens dePharaon[9]. « Moïse jeta devant Pharaon son bâton qui se transforma en serpent. Pharaon à son tour, convoqua les sages et les enchanteurs. Et les magiciens d'Égypte, eux-aussi, accomplirent par leurs sortilèges le même prodige. Ils jetèrent chacun son bâton qui se changea en serpent, mais le bâton d'Aaron engloutit ceux des magiciens[10]. »
De la plus haute Antiquité à nos jours l’art de manipuler les objets, comme l’utilisation desmarionnettes, et de prétendre que cette manipulation est le fruit d’un phénomène surnaturel, existe. On en trouve un témoignage remarquable, en ce qui concerne leIIe siècle de notre ère, chezLucien de Samosate, qui, dans sonAlexandron è pseudomantis[12], décrit et explique les pratiques et les tours de passe-passe d'Alexandre d'Abonotique.
La prestidigitation suscite l'intérêt des savants au Siècle des Lumières.L'Encyclopédie deDiderot, 1772, détaille plusieurs tours à l'article « Tours de cartes et de mains », et rapporte les efforts faits par les scientifiques de l'Académie royale des sciences, notamment deDenis Dodart, pour expliquer les tours[13].
La prestidigitation semble avoir eu ses maîtres en Italie. C’est en tout cas de là queJean-Eugène Robert-Houdin écrit avoir identifié l’origine, avec la venue d’Italie à Paris defaiseurs qui appelaient leurs toursdes jeux. Il cite les pionniers restés en mémoire : Jonas, Androletti, Antonio Carlotti, puis l’un des fondateurs,Giuseppe Pinetti. En 1908,Harry Houdini publia également ses mémoires : grand collectionneur demagica, il retrace les débuts de cet art du spectacle et cite le Français « Monsieur Phillippe » (né Philippe Talon, 1802-1878), qui employait entre autres desautomates dès 1841, sur les scènes de Paris et Londres, précédé de nombreuses célébrités d'alors tels que Haddock, Garnerin, Master Gyngell, Bologna, Henry, Schmidt,Rovère, Charles[14]…
Avant d’être undivertissement, la prestidigitation a servi à matérialiser le divin et s’est assimilée à lamagie noire, tandis qu’elle s’est peu à peu affirméemagie blanche pour s’éloigner des bûchers. Sa pratique a longtemps profité auxsorciers mais les a aussi souvent conduits à être poursuivis par l’Inquisition. C’est d’ailleurs dans le but de démystifier les procédés employés par les escamoteurs et autres faiseurs de tours en vue de leur éviter le bûcher, queReginald Scot (1538-1599) publia en 1584The Discoverie of Witchcraft[15] (La Sorcellerie dévoilée). Ironiquement, cet ouvrage est rapidement devenu un manuel d'apprentissage pour les prestidigitateurs débutants de l'époque.
L'illusionnisme ne doit pas être confondu avec latricherie ; de même que le jeu des gobelets ne doit pas être confondu avec lebonneteau à la sauvette.
la magie rapprochée oumicromagie qui fait souvent appel à lacartomagie et qui se pratique souvent en restaurant, cabarets, soirées privées ; le matériel utilisé est généralement simple et d'aspect courant, notamment des cartes ou des pièces ;
lacartomagie, genre d'illusionnisme recourant essentiellement aux cartes pour produire des effets magiques ;
lamagie de rue qui a recours aux mêmes approches que la magie rapprochée, mais nécessite une aptitude particulière pour « accrocher » le passant, et nécessite que le tour soit exécutable totalement entouré de spectateurs ; Levol à la tire peut être également une de ses composantes mais à but de spectacle et non de « Vol » ;
lamagie de salon, intermédiaire entre le close-up et la magie de scène : les accessoires sont plus grands, parfois loufoques (par exemple une baguette magique géante) ;
lementalisme, art consistant à simuler les phénomènes curieux ou réputésparanormaux. Les accessoires sont peu communs, intrigants, et le mentaliste prétend n'utiliser aucune tricherie mais des forces surnaturelles pour ses « expériences » ;
Le mouvement « magie bizarre » fut créé à la fin des années 1960 à partir des travaux de bizarristes (commeTony Shiels etCharles Cameron par exemple). Il fut essentiellement développé en réaction contre l’illusionnisme classique, et fut une tentative de retour aux sources de l'art magique qui cherchait à mettre l'accent sur l'expérience émotionnelle des participants. C'est avant tout une manière de présenter, qui met l'accent non plus sur le truc mais sur la présentation du truc, dans une approche théâtrale générale.
La magie bizarre consiste généralement à raconter une histoire fondée sur des faits historiques ou non pour créer une atmosphère (généralement sombre), tout en y incluant des effets magiques destinés à créer des temps forts au cours du récit. Certains tours de ce type peuvent être intercalés dans des représentations apparentées à d'autres formes de magie telles que la magie rapprochée ou la magie de scène. En Europe,Christian Chelman est le principal continuateur de cette forme spécifique.
Depuis le début des années 2000, les prestidigitateurs qui constituent le noyau dur de la magie moderne telle que définie parJean-Eugène Robert-Houdin doivent affronter la concurrence du courantMagie Nouvelle qui s'attache à dépasser le cadre traditionnel de la magie qui limite la pratique magique au divertissement, considérant le tour de magie comme un simple « casse-tête ». Pour les compagnies de Magie Nouvelle il s'agit au contraire de donner aux arts magiques une portée esthétique, poétique, voire politique, et ainsi d'en faire autre chose que de l'illusionnisme ou de la prestidigitation[17].[source insuffisante]
« Les gens ont tendance à réduire d'emblée la magie à l'illusionnisme et à la prestidigitation. Or, ce qui manquait jusque-là, c'est une démarche qui prenne la magie comme langage artistique à part entière. » Raphaël Navarro, compagnie 14:20[17].
Un baron est une personne faisant prétendument partie du public, mais en fait complice de l'illusionniste, dont ce dernier peut avoir besoin pour certains tours.
Le boniment est un discours qui accompagne l'exécution du tour.
Dans son livreComment on devient sorcier,Jean-Eugène Robert-Houdin précise le motboniment qu'il considère comme un terme technique de son art :« Ce mot, tiré du vocabulaire des anciens escamoteurs, n'a pas d'équivalent dans la langue française. Comment, en effet, exprimer ce qu'on dit en exécutant un tour ? Ce n'est pas undiscours, encore moins unsermon, unenarration, unedescription. Le boniment est tout simplement lafable destinée à donner à chaque tour d'escamotage l'apparence de lavérité[18]. »
Dans un tour de magie, le climax désigne le moment fort et particulièrement surprenant qui termine le tour.
Parfois le tour est construit avec deux ou trois climax successifs de plus en plus forts. Les premiers, pouvant laisser croire que le tour est terminé, concourent à faire baisser l'attention du spectateur.
Le débinage est l'action de révéler (ou de faire semblant de révéler) à un non-magicien le secret d'un tour. Il peut êtrevolontaire en violation de la règle déontologique en usage dans ce domaine ouinvolontaire par maladresse en ratant l'exécution du tour.
Le détournement d'attention consiste à dissimuler une action en simulant une autre action paraissant naturelle aux yeux des spectateurs. Il s'agit d'un des ressorts les plus puissants du prestidigitateur qui dirige ainsi l'attention des spectateurs là où « il n'y a rien d'anormal à voir » ce qui lui permet d'accomplir des actions en secret et à l'insu du spectateur, sans que celui-ci puisse en soupçonner l'existence. Par exemple, le magicien désignera un objet sur sa droite pour opérer une action sur sa gauche, égalisera un jeu de cartes pour effectuer une tout autre action, etc. En résumé, il s'appuie sur lesprocessus cognitifs du spectateur qui associe usuellement certains effets à certaines causes et les détourne à son avantage. Dans certains cas, l'action du magicien pourrait être vue du spectateur si celui-ci n'était sujet à unecécité d'inattention.
Une fioriture est un mouvement esthétique qui n'est pas indispensable à l'exécution d'un tour, mais le rend plus plaisant pour le spectateur. Par exemple, faire tourner une carte sur un doigt au moment de révéler sa face. Indirectement, la fioriture permet au prestidigitateur de démontrer sa dextérité. Un excès de fioritures peut nuire à la qualité d'un tour en rendant l'effet magique moins percutant. Certains exécutants se spécialisent, dans leur pratique de l'illusionnisme, dans l’utilisation de fioritures plus ou moins complexes.
Une routine désigne un enchaînement d'effets magiques accompagnés ou non d'un boniment ; une routine pourra par exemple regrouper plusieurs effets, plus ou moins différents, selon le contexte, pour créer un tout.
Pièces principalement des « demi-dollars » qui ont pour qualité d'avoir une taille adéquate et un son participant à l'amélioration de l'effet magique.
Foulards.
Anneaux dits chinois.
Il est bon, cependant, de noter qu'aucune discipline magique ne se limite à une liste d'accessoires, si longue soit-elle. Tout objet est propice à la magie, du plus petit au plus grand (disparition d'un hélicoptère, d'une voiture…).
Le secret et le respect des autres magiciens sont à la base de l’éthique des magiciens.
De ne jamais faire le même tour deux fois de suite afin de ne pas risquer de révéler le secret du tour.
Les postulants à laFédération française des artistes prestidigitateurs (FFAP anciennement AFAP) doivent prêter le serment solennel suivant :« Je jure en tant que membre de la FFAP d’observer fidèlement les règles de cette Association et de me soumettre à toutes décisions prises par le Conseil de l’Ordre.De ne divulguer aucun secret ni de les décrire dans des ouvrages ou des publications pouvant être lus par des profanes.De ne rien dire ou décrire de ce que je verrai ou entendrai aux réunions de la FFAP à moins d’une autorisation expresse du Conseil de l’Ordre.D’être loyal envers mes confrères et de pratiquer l’art de la Prestidigitation avec conscience et honneur. »
Hors desparadoxes mathématiques qui sont véritablementpara-doxaux (c'est-à-dire qui vont contre l'opinion) mais énoncent des résultats démontrés, il existe en mathématique un art de l'illusion s'exprimant particulièrement par des figures géométriques et relevant de l'illusion visuelle. On peut énoncer pour exemples leparadoxe du carré manquant[20], letriangle de Penrose ou l'escalier de Penrose, célèbre notamment parson illustration faite parEscher.
Les frontières entre tours de magie et principes mathématiques sont par ailleurs parfois très fines, notamment dans certains tours de cartes. Certains magiciens célèbres entretiennent un lien particulier avec les mathématiques, mais cela reste valable avec la science en général que les illusionnistes n'ont cessé d'utiliser. Citons par exemple le magicien/mathématicienAlfred de Caston.
D'autres l'utilisent pour contribuer à créer une ambiance poétique :
le rôle-titre deJudex[22] deGeorges Franju, remake desfilms muets de même nom deLouis Feuillade, est tenu parChanning Pollock, le premier prestidigitateur à avoir fait apparaître des colombes directement dans ses mains, sans user d'accessoires comme un chapeau : on le voit exécuter ce tour plusieurs fois dans le film. Et il réalise son numéro demusic-hall, dans le film italienEuropa di notte. Dans ce même film, apparaît aussiWatson[Qui ?] et le magicien comique, et comédien (cf.Les Tontons flingueurs)Mac Ronay.
La prestidigitation permet la réalisation d'effets spéciaux pour le cinéma, d'autre part, on emploie fréquemment des magiciens pour réaliser des trucages sur scène (comédie musicale, concert, pièce de théâtre…).
↑« Il était souvent accompagné d'une belle assistante court-vêtue (pour pimenter le spectacle). De son chapeau, il pouvait faire sortir une foule de choses : foulards, ballons, colombes qui s'envolaient aussitôt et même de mignons petits lapins ». CfJean-François Dortier, « Dix questions (plus une) sur la magie et la sorcellerie »,Les Grands Dossiers des Sciences Humaines,no 60,,p. 2.
↑Programme des jeux, spectacles, concerts, récréations, divertissemens, ascensions et exercices de corde tendue, voltige, expériences de physique amusante, scènes bouffonnes, etc., exécutés aux Champs-Élysées, le 2 avril 1810, à l'occasion du mariage de S. M. l'empereur .lire en ligne ;Trésor de la langue française.
↑Jean de Salisbury,Polycraticus (1159), I, chap. 8 et 9 : Patrologie Latine, t. 199, col. 406-407.
↑Denis Diderot (dir.) etLouis de Jaucourt,Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Paris, Le Breton, Durand, Briasson, Michel-Antoine David,(lire en ligne), « Tours de cartes et de mains, (art d'Escamotage.) »,p. 16:463
↑(en)Harry Houdini,The Unmasking of Robert-Houdin, New York, The Publishers Printing Co., 1908, réédition Library of Alexandria, 2016 —extrait en ligne.
Comment on devient sorcier, une vie d’artiste, L’art de gagner à tous les jeux, Magie de physique amusante, Le prieuré parJean-Eugène Robert-Houdin - 2006 - éditions Omnibus
Guide de la magie - Les secrets des illusionnistes, Fred Ernest, collection Librio, J'ai-Lu-Flammarion.
Robert Houdin, prestigieux magicien de Blois, C.A. Klein, Éditions des Grandes Figures du Val de Loire, 2003
Histoire illustrée de la prestidigitation, Max Dif, Éditions Maloine, Paris, 1986
Magie et cinéma, Florence Goyer et Pascal Friaut, édité par laFFAP, les collectionneurs
Magie au dessert, Gérard Majax, éditions L'Archipel.
Close-up: Les vrais secrets de la magie, David Stone, éditions Pamadana.
Abc de la magie, Pasqual ROMANO, éditions Fleurus.
La Magie du papier, Pasqual ROMANO, éditions Fleurus.
Tours de cartes, Pasqual ROMANO, éditions Fleurus.
30 effets avec la boite OKITO Max OUAGAZZAL éditions techniques du spectacle-Strasbourg, 1982.