Ignacy Jan Paderewski, né le6 novembre 1860 (dans le calendrier grégorien) àKuryłówka enPodolie (actuelleUkraine) et mort le àNew York, est un pianiste, compositeur, mécène, philanthrope, homme d'État et diplomatepolonais. Ce grand virtuose attirait à ses concerts des foules enthousiastes, fascinées par son charisme hors du commun. Il n’hésitait pas à se servir de sa popularité pour défendre la cause de l’indépendance de laPologne. Il épouse en deuxièmes noces la militante féministe et humanitaireHelena Maria Paderewska von Rosen.
Ignacy Paderewski est issu de la petite noblesse polonaise dePodolie, une province anciennement polonaise alors partie de l'Empire russe. Sa mère meurt alors qu'il est encore nourrisson et il est élevé par son père, Jan, qui est administrateur foncier. Fervent patriote, celui-ci est emprisonné par les autorités tsaristes quelque temps en 1863, soupçonné d'avoir caché des rebelles lors d'uneinsurrection polonaise contre l'occupant russe.
Ignacy sera toujours très proche de sa sœur, Antonina, son ainée de deux ans. Devenue veuve et ayant perdu son fils unique, elle viendra s'installer avec lui et l'accompagnera lors de son dernier séjour aux États-Unis en 1940-1941. Elle mourra trois mois après lui.
Son père reconnaît très tôt les talents musicaux de son fils et Ignacy entre auConservatoire de Varsovie à l'âge de douze ans. Au départ, il envisage une carrière de professeur de musique et ne fait pas preuve à cette époque d'une virtuosité particulière. Il obtient son diplôme en 1879.
En 1880, à l'âge de vingt ans, il se marie avec Antonina Korsak qui accouche quelques mois plus tard de leur fils Alfred. Antonina décède de complications liées à l'accouchement. Alfred est atteint d'unepoliomyélite, maladie dont il mourra à l'âge de21 ans.
Ces malheurs familiaux conduisent Paderewski à se jeter sur le travail pour noyer son chagrin. Il passe beaucoup de temps à Paris chez son ami violoniste Władysław Górski. Petit à petit, une affection de plus en plus marquée se noue entre Madame Górski et le pianiste polonais. Quelques années plus tard, ce « ménage à trois » finira par exploser et Władysław Górski accepte le divorce. Helena et Ignacy se marieront à Varsovie le.
Avec l'argent laissé par sa première femme, le musicien réalise son rêve et effectue deux séjours àBerlin, en 1881 et 1883, au cours desquels il étudie l'art de la composition musicale et croise notammentRichard Strauss etAnton Rubinstein[3].
Peu de temps après, durant des vacances dans lesTatras polonaises, Paderewski fait la connaissance de l'actriceHelena Modrzejewska, égérie du théâtre polonais qui fait une carrière internationale. Impressionnée par la prestance de l'homme et par les qualités du pianiste, elle décide de l'aider et organise un concert àCracovie le. Devant sa première salle comble, Paderewski accompagne au piano l'actrice qui déclame des textes. L'argent recolté au cours de cette soirée lui permet d’aller étudier àVienne, où il est l'élève deTeodor Leszetycki, pianiste, pédagogue et compositeur polonais que le jeune homme admire.
Après une année passée àStrasbourg (alors en Allemagne) comme professeur de musique auconservatoire en 1885-1886, il entame une carrière de pianiste de concert, en se produisant pour la première fois en public à Vienne en1887, puis àParis en1888[3]. Lors d'un concert à lasalle Érard auquel assiste notammentTchaïkovsky, il est rappelé sur scène une heure durant. Il se produit également àLondres en 1890. Sa virtuosité et son charisme incroyable provoquent un engouement du public qui lui fait une série de triomphes au cours d'une centaine de récitals auxÉtats-Unis en 1891[3].
En 1897, il achète enSuisse une splendide demeure, de « Riond-Bosson », située àTolochenaz, juste à côté deMorges dans le canton de Vaud, dans laquelle il séjourne entre ses tournées de concertiste. Helena Górska, désormais Helena Paderewska et baronne de Rosen[3] se consacre pleinement à son rôle de maîtresse de maison et contribue activement à la réussite de nombreuses réceptions, où est invitée la fine fleur des milieux artistiques. Ainsi les frèresJean Morax etRené Morax,Ernest Ansermet,Emile Jaques-Dalcroze,Alfred Pochon,Gustave Doret,Henryk Sienkiewicz,Henryk Opieński ou encoreIgor Stravinsky passent par la propriété de Riond-Bosson où les réceptions sont semble-t-il fameuses. Parallèlement, la baronne œuvre discrètement dans le domaine social, créant par exemple une école d'aviculture pour jeunes filles polonaises[3].
Après son remariage, Paderewski raréfie ses apparitions publiques, préférant se consacrer à la composition musicale, essentiellement des pièces pour piano. Il compose également unopéra,Manru[3], qui est joué àDresde le.
En 1913, il achète également un ranch viticole de 2 000 acres (8 km2) appeléSan Ignacio, àPaso Robles enCalifornie, dans lequel il imaginait initialement séjourner pour « se reposer », mais auquel il consacre suffisamment d'efforts et de moyens pour obtenir une récompense lors d'une manifestation viticole californienne[3] au début desannées 1920.
Dès1910, sa fortune est assurée. Il la consacre notamment en donations à de nombreuses associations et causes philanthropiques (orphelins polonais, bourses pour des jeunes musiciens, réhabilitation des cliniques et maternités). Parmi ses nombreux talents, on compte celui de grand orateur qu'il mettra au profit de la Pologne alors partagée entre ses voisins russe, prussien et austro hongrois. En tant qu’artiste et philanthrope, il échappe aux logiques politiques et aux factions, ce qui fait de lui un champion de la cause polonaise incontestable. Il fait d'abord deux dons importants pour la construction d'une salle de concert àVarsovie et l'érection d'un monument àFrédéric Chopin pour le centenaire de sa naissance, puis une autre contribution financière importante pour l'érection à Cracovie du monument à l’occasion du500e anniversaire de labataille de Grunwald, commémorant la victoire des armées polonaises et lituaniennes sur l’ordre desChevaliers teutoniques en 1410. Lors de son inauguration, Paderewski prononce un discours enflammé devant les foules euphoriques. Cet événement est considéré comme son premier geste à portée politique.
LaPremière guerre mondiale est l’occasion de faire pression pour la cause d’une Pologne indépendante auprès de la communauté internationale. En1914, dès le début de la guerre, il fonde àVevey, avec leprix NobelHenryk Sienkiewicz etHenri Kowalski, le Comité central de secours pour les victimes de guerre en Pologne. Il en assure la vice-présidence durant la première année, puis devient son représentant auxÉtats-Unis, jusqu'à l'indépendance de la Pologne. Grâce à d'intenses récoltes de fonds outre-Atlantique, où résident quelque trois millions de Polonais,20 millions de francs suisses sont levés et174 comités locaux organisés de par le monde. Sur les quatre années de guerre, Paderewski prononce pas moins de 340 discours et donne plus de100 concerts.
Entre apparitions publiques, levées de fonds et réunions, Paderewski met ses tournées pour quelques années entre parenthèses, afin de se consacrer exclusivement à la diplomatie. À la veille de l’entrée en guerre des États-Unis, en, il rencontre le présidentWoodrow Wilson et lui remet un memorandum sur la question polonaise, dans lequel il plaide pour une Pologne libre et démocratique, mais aussi viable par la libre disposition d'un large accès à lamer Baltique.
Le président américain, dans son discours du, prononcé devant leCongrès, inclut l'indépendance de la Pologne parmi sesQuatorze Points[3] :« Un État polonais indépendant devra être constitué, qui inclura les territoires habités de populations indiscutablement polonaises, [État] auquel devra être assuré un accès libre et sûr à la mer, et dont l'indépendance politique et économique et l'intégrité territoriale devraient être garanties par engagement international[4]. »
À la fin de laPremière Guerre mondiale, Paderewski se rend ensuite en Pologne alors que le sort de la ville dePoznań et de toute la région deGrande-Pologne reste encore incertain. Le, il harangue la foule avec une telle conviction que cela provoque un soulèvement populaire contre l'Allemagne, dont l'armée occupe toujours la région.
Ayant quitté le gouvernement, il rend encore de nombreux services comme diplomate au service de la Pologne, par exemple dans différentes conférences internationales, de à et de à, comme chef de la délégation polonaise auprès de laSociété des Nations.
En 1921, il démissionne de tous ses postes officiels et se retire dans sa villa en Suisse. Il reprend son activité de pianiste au cours de l'année1922 et effectue un certain nombre de tournées internationales jusqu'au milieu desannées 1930.
Lors d'une conférence àMunich, le, le musicien soufiInayat Khan témoigne :« J'ai un jour eu le plaisir d'entendre Paderewski chez lui. Il commença à jouer doucement sur son piano. Chaque note le mena de plus en plus profondément dans l'océan de la musique. Toute personne méditative pouvait voir qu'il était tellement concentré dans ce qu'il faisait qu'il ne savait pas où il était. »[réf. souhaitée]
Helena Paderewska cesse ses activités publiques en 1929, sa santé mentale s'étant dégradée, et meurt en 1934[3]. La montée du fascisme en Europe et du nazisme en Allemagne propulsent de nouveau Paderewski dans la sphère politique. Sa maison devient le lieu de discussions entre hommes politiques polonais en exil et il fonde en1936 un mouvement politique appelé le FrontMorges, du nom de sa commune suisse, dans le but de consolider les opposants au régime de Sanacja qui s'est considérablement durci après le décès dumaréchal Piłsudski en 1935.
En septembre1939, l'attaque allemande puis soviétique contre la Pologne marque le début de la guerre. Vaincue, la Pologne est partagée entreAllemagne et l'Union soviétique. Malgré sa santé fragile, Paderewski prend alors part au gouvernement polonais en exil, d’abord basé en France puis en Angleterre, fonction qu'il occupe jusqu'à sa mort.
Le, il quitte laSuisse pour aller aux États-Unis et y reprendre, malgré son âge avancé et une santé fragile, ses activités de diplomate et d'orateur. Il fait de nombreuses allocutions à la radio américaine pour les exhorter à s’impliquer dans le conflit et s'efforce de galvaniser la résistance extérieure par une série de conférences à travers les États-Unis. Épuisé, il contracte une pneumonie, dont il meurt le àNew York, une semaine après son dernier discours prononcé àOak Ridge (New Jersey)[3]. Presque 40 000 personnes assistent à ses funérailles à lacathédrale Saint Patrick.
Il a reposé pendant cinquante-et-un ans aucimetière d'Arlington, avant que sa dépouille ne soit solennellement transférée, le, en lacathédrale Saint-Jean deVarsovie, où ses restes furent inhumés au cours de funérailles nationales, en présence des présidents américainGeorge Bush et polonaisLech Wałęsa.
Concerto op. 17 ; Fantaisie Polonaise op. 19, pour piano et orchestre - Radziwonowicz et Smendzianka, pianos ; Orchestre Philharmonique de Cracovie,dir. Roland Bader (1991, Koch)
Symphonie op. 24 « Polonia » - BBC Scottish Symphony Orchestra, dir. Jerzy Maksymiuk (1998,Hyperion)
Manru, drame lyrique en 3 actes, de 1901 - Solistes, Chœurs et Orchestre de l'Opéra Nova de Bydgoszcz, dir. Maciej Figas (2006, 2 CD Dux)
Concerto pour piano et orchestre op. 17 (+ Concerto de Moszkowski, op. 59) -Piers Lane, piano ; BBC Scottish Symphony Orchestra, Jerzy Maksymiuk (1991, Coll. « Le Concerto romantique pour piano » vol. 1, Hyperion)
Concerto pour piano et orchestre op. 17 ; Fantaisie polonaise sur des thèmes originaux, op. 19 ; Ouverture -Janina Fialkowska, piano ; National Polish Radio Symphony Orchestra,dir. Antoni Wit (1999,Naxos)
Sonate pour piano, op. 21 ; Variations et fugue sur un thème original, op. 11 et op. 23 -Jonathan Plowright, piano (2007, Hyperion)
Manru avec Taras Ivaniv (Manru), Ewa Czermak (Ulana), Barbara Krahel (Jadwiga), Agnieszka Rehlis (Aza), Radosław Żukowski (Jagu), Maciej Krzysztyniak (Urok), Zbiegniew Kryczka (Oroz), Dorota Dutkowska (ein Mädchen), Andrzej Kalinin (Stimme aus den Bergen), Stanisław Czermak (Violine), Chor und Orchester der Schlesischen Oper Wrocław, direction musicale: Ewa Michnik. Dauer: 110 min, 2 CDs Dux Records, 2001
Manru avec Janusz Ratajcak (Manru), Violetta Chodowicz (Ulana), Barbara Krahel (Jadwiga), Monika Ledzion (Aza), Jacek Greszta (Oros), Leszek Skrla (Urok), Lukasz Golinski (Jagu) ; Chœur et Orchestre de l' Opera Nova Bydgoszcz; Direction musicale: Maciej Figas; 2CDs Dux Records, 2006
M.M. Drozdowski,Ignacy Jan Paderewski. A Political Biography in Outline, Varsovie 1981
Werner Fuchss,Paderewski : reflets de sa vie, Genève, La Tribune, coll. « Un homme, une vie, une œuvre », 1981, 278 p.
Adam Zamoyski,Paderewski, New York 1982
A. Piber,Droga do slawy. Ignacy Paderewski w latach 1860-1902 Varsovie 1982
Éric Lipmann,Paderewski, l'idole des années folles, Paris, Balland, 1984, 341 p.
H. Lisiak,Paderewski. Od Kurylowki po Arlington, Poznań 1992
H. Przybylski,Paderewski. Miedzy muzyka a polityka, Katowice 1992
R. Wapinski,Ignacy Paderewski, Wroclaw 1999
A. Prazmowska,Ignace Paderewski et la renaissance de la Pologne en 1919, Noir sur Blanc, 2014
Antonin Scherrer,Paderewski président, 1919 : Une vie d'engagement patriotique en faveur de la Pologne entre Morges et les Etats-Unis, Lausanne ; Paris,Favre,, 334 p.(ISBN978-2-8289-1775-3,BNF45713780)
↑« An independent Polish state should be erected which should include the territories inhabited by indisputably Polish populations, which should be assured a free and secure access to the sea, and whose political and economic independence and territorial integrity should be guaranteed by international covenant. »