Uneiconostase (dugrec ancien :εἰκονοστάσιον,eikonostasion : « image dressée ») est une cloison, de bois ou de pierre, qui, dans les églises derite byzantin, particulièrementorthodoxes, sépare les lieux où se tient le clergé célébrant (sanctuaire,prothèse etdiaconicon) du reste de l'église où se tiennent lechœur, le clergé non célébrant et les fidèles.
Elle cache les célébrants aux regards de l'assemblée pour présenter à leur place des icônes, selon un programme précis. Une iconostase est en général considérée comme une porte vers le monde divin.
L'iconostase est différente dujubé, qui sert à séparer le chœur de lanef dans une églisecatholique. Le jubé n'est pas revêtu d'icônes et il sert d'ambon, de tribune, pour les lecteurs de l'épître et de l'évangile.
À l'origine, dans l'Antiquité tardive, letemplon, une simple balustrade basse, parfois surmontée de rideaux, séparait le sanctuaire de l'assemblée des fidèles. Le développement ultérieur de cette clôture aérée et muette en fait un des principaux supports de l'imagerie religieuse. À partir de 843, larestauration du culte des images et la propagation de la doctrine qui l'accompagnait incitent probablement à placer des icônes sur cette balustrade qui devient opaque et parlante[1].
Mais il semble que l'iconostase se soit développée plus tardivement avec la construction, enScandinavie et en Russie, d'églises entièrement en bois. Ces églises ne pouvaient pas recevoir sur leurs murs intérieurs de bois le programme de fresques que l'art et la théologie de Byzance avaient élaboré pour des murs de briques et de pierres. On chercha donc à rassembler l'essentiel de ce programme sur l'iconostase.
LesÉglises des trois conciles utilisent un rideau, parfois flanqué d'une croix qui sépare les célébrants du chœur, il s'appelle le « rideau de Chœur ».
L'iconostase est percée de trois entrées. Celle du centre est fermée par une porte à deux battants qu'on appelle « les portes royales ». Elles donnent accès à l'autel et présentent l'image de l'Annonciation avec celles des quatreévangélistes. Sur les deux portes latérales (appelées portes diaconales) figurent les archangesMichel etGabriel.
À droite (au sud) des portes royales, se trouve l'icône duChrist bénissant. À gauche, celle de la Vierge Marie tenant le Christ. Ces deux images structurent l'espace liturgique et les gestes des participants.
À côté de l'icône du Christ se trouve celle desaint Jean-Baptiste puis d'autres icônes de saints particulièrement vénérés dans l'église.
À côté de l'icône de la Vierge se trouve l'icône de la dédicace de l'église (un saint ou une fête) puis d'autres icônes. L'usage russe place l'icône de la dédicace à côté de celle du Christ et repousse saint Jean Baptiste d'une place[2].
Le Christ siège au centre entouré de laVierge Marie à sa droite et desaint Jean-Baptiste à sa gauche. Après viennent les archanges Michel et Gabriel, puis les princes des apôtres Pierre et Paul, puis des évêques, des diacres, la série peut être très longue et répartie sur plusieurs registres.
L'iconostase est considérée comme le plus important ensemble non architectural d'uneéglise byzantine[4]. Elle est le résultat d'une longue évolution. Ses origines remontent à l'époque paléochrétienne[5]. L'antécédent ou la forme la plus primitive de l'iconostase fut leChancel[6] dont les origines remontent à l'Antiquité. Le chancel était une barrière placée devant les magistrats, les juges et les scribes pour éviter l'envahissement du public dans les cours de justices romaines et grecques. Il séparait ainsi le sanctuaire, où se tenaient les membres du clergé pour lacélébration eucharistique, de la nef où se tenaient les fidèles. La deuxième étape du développement de l'iconostase est l'apparition, dès leVe siècle, dans les églises syro-palestiniennes[7],[8], d'une structure servant à suspendre un rideau. Face auxhérésies arienne etnestorienne ainsi qu'augnosticisme, certains moments de lacélébration liturgique sont désormais voilés et la célébration eucharistique reste en partie cachée aux yeux des fidèles. Par la suite, leschancels furent surmontés de colonnettes soutenant unearchitrave – appelée épistyle – qui portait une croix, soit posée au-dessus, soit sculptée. Ce type de clôture est désormais appeléTemplon.
Dès la fin duXIVe siècle, sous l'influence de l'hésychasme, l'iconostase suit un développement particulier enRussie, où elle devient un véritable mur recouvert d'icônes et prend sa forme définitive. L'iconostase est alors percée de trois portes et composée de cinq registres : celle des icônes locales, de laDéisis plus développée et appelée désormaisTchin (en russe : чин, « rang ») et qui signifie également ordre[9], des fêtes liturgiques, des prophètes et des patriarches, le tout surmonté d'uneCrucifixion monumentale.
Aupatriarcat d'Antioche, le développement de l'iconostase n'a pas été similaire à celui de la Russie. Elle est souvent composée d'une rangée locale, d'une rangée supérieure sur l'architrave formée des icônes des douze fêtes de l'année liturgique, et d'une seconde rangée composée desdouze apôtres qui entourent souvent le Christ et parfois de laDéisis. LesSaintes Portes et laSainte Cène ne sont pas toujours représentées sur l'iconostase. Le tout est surmonté d'une croix entourée de laThéotokos et de saintJean (apôtre). Ces derniers sont la plupart du temps représentés piétinant deux dragons.
L'église byzantine, en tant qu'édifice, offre aux fidèles, à travers son programme iconographique et le décor de l'iconostase, l'image « du ciel sur la terre »[10],[11]. L'iconostase est unmobilier liturgique qui renvoie à l'union entre le royaume divin et le royaume terrestre. Les regards des fidèles sont dirigés vers lui pendant les offices liturgiques d'où l'attention particulière des religieux et peintres à sa conception pour maintenir la beauté de la demeure de Dieu.
Dès qu'on pénètre dans une église de tradition byzantine[12], on est fasciné par l'iconostase, cette haute cloison ornée d'icônes qui sépare le sanctuaire de la nef.
↑Église grecque-melkite-catholique depuis 1889, St-Julien-le-Pauvre recèle en son sein cette magnifique iconostase entièrement rénovée en 2012 par des spécialistes.
↑Du côté de la Vierge : l'archange Michel, l'apôtre Pierre, saint Basile le Grand, saint Jean Chrysostome, saint Zosime, le grand martyr Georges. Du côté de saint Jean-Baptiste : l'archange Gabriel, l'apôtre Paul, saint Grégoire le Théologien, saint Nicolas, saint Sabbas, le grand martyr Démétrios.
François Brune (prêtre),Théologie des icônes Tome 2 : 3 : Les icônes de la Mère de Dieu - 4 : Les icônes de la Trinité - 5 : Les anges - 6 : Saint Jean Baptiste dit le Précurseur, TEMPS PRESENT,, 244 p.(ISBN978-2-3518-5237-8).