Ses disciples l'appelaientcheikh el-raïs, c'est-à-dire « prince des savants », Maître par excellence, ou encore le troisième maître (aprèsAristote etAl-Fārābī).
Si son œuvre médicale n'a plus qu'un intérêt historique, son œuvre philosophique se situe au carrefour de la pensée orientale et de la pensée occidentale. Elle reste étudiée au début duXXIe siècle aussi bien dans le cadre de l'islam que de la philosophie académique.
Nom
Son nompersan,Ibn Sina, signifie « fils de Sina » (ابن سینا (Ibn-e Sinâ) ouپور سینا (Pur-e Sinâ) ; son nomarabe complet estAbū ʿAlī al-Ḥusayn ibn ʿAbdillāh ibn al-Ḥasan ibn ʿAlī ibn Sīnā (أبو علي الحسين بن عبد الله بن الحسن بن علي بن سينا).
De750 à850, période descalifesAbbassides, lascience arabo-musulmane est en plein essor. Les traducteurs descalifes utilisent d'abord les versionssyriaques, puis les textes grecs, pour les traduire en arabe[4]. Le philosopheal-Fārābī (mort en950), « le second maître » (en référence au premier maître,Aristote), tient une place prépondérante dans cette dynamique.
À la même époque, à la périphérie du monde iranien, lesTurcs en provenance deMongolie entrent en contact avec l'Islam, et s'islamisent, constituant des dynasties d'origine turque, comme lesSeldjoukides.
La vie d'Avicenne est connue par son autobiographie. De son nom complet Abu ʿAli al-Husayn Ibn Abd Allah Ibn Sīnā, il naît le 7 août980 à Khormeytan (ouAfshana, lepays du soleil), petit village situé près deBoukhara, enTransoxiane (actuelOuzbékistan)[6]. Son père, 'Abdallah, musulmanchiite ismaélien, originaire deBalkh, au nord de l'Afghanistan actuel, est collecteur d'impôts du village au service du souverainsamanideNouh ibn Mansour. Sa mère, Sétareh (Étoile, en persan), d'originetadjik, vit à Afshéna[7],[8].
Avicenne (Ibn Sina).
Durant sa petite enfance, Avicenne étudie l'arithmétique chez un marchandherboriste, expert encalcul indien. Ayant une bonne mémoire, le jeune garçon finit par surpasser son maître en calcul et en mathématiques. Sous la conduite du maître Abu Abdallah Ennatili, il s'initie auCoran, aux auteurs arabes et à la philosophie, en commençant par l'Isagogè dePorphyre (un petit traité pédagogique de vulgarisation de la philosophie d'Aristote)[6]. À l'âge de dix ans, il maitrise ainsi leCoran, l'arithmétique, lagéométrie d'Euclide, et des bases de la philosophie comme lalogique. Il se lance tout seul dans des études difficiles comme l'Almageste dePtolémée[6].
À l'âge de 14 ans, son précepteur Ennatili le quitte pour aller dans une autre ville. Un ami médecin lui apporte les traductions des œuvres d'Hippocrate, qu'il aurait lues d'un trait, nuit et jour. Il raconte dans son autobiographie : « quand le sommeil me gagnait, que je sentais mes forces faiblir, je prenais un breuvage épicé pour me soutenir, et je recommençais mes lectures »[9].
Sa mémoire étant phénoménale, il lit aussi toutes les traductions deGalien. À l'âge de 16 ans, il est brillamment reçu médecin à l'école de Djundaysabur où professent des médecins de toutes confessions :musulmans,chrétiens,mazdéens etjuifs. À 17 ans, il donne des cours à l'hôpital deBoukhara qui sont suivis par des médecins étrangers[9],[10].
Avicenne est appelé auprès du princeNouh ibn Mansour qui souffre de violentescoliques. Il diagnostique uneintoxication par le plomb des peintures décorant la vaisselle du prince, et réussit à le guérir. Il est alors autorisé à consulter la riche bibliothèque royale desSamanides[9].
En un an et demi, il acquiert la connaissance de tous les auteurs anciens disponibles. Il bute cependant sur laMétaphysique d'Aristote[11] qu'il ne comprend pas, mais il surmonte cette difficulté en découvrant les commentaires d'Al Farabi. Dans son autobiographie, il déclare avoir intégré tous les savoirs de son temps à l'âge de 18 ans, grâce à sa mémoire, mais que son esprit n'était pas assez mûr[9].
D'une cour princière à l'autre
Vers 1001, un incendie détruit la bibliothèque desSamanides. Les ennemis d'Avicenne l'accusent d'en être l'auteur. Le nouveau princeAbdul Malik lui interdit l'entrée de l'hôpital de Boukhara. En disgrâce, risquant la prison, Avicenne s'enfuit vers leKhârezm, une principauté indépendante (de994 à1231) qui se situe au sud de lamer d'Aral. Le prince du Khârezm aime les sciences et s'entoure de nombreux savants. Avicenne y demeure 9 ans, c'est là qu'il commence à rédiger ses premiers livres, à l'âge de 21 ans[12].
Mais la situation politique et militaire de la région (de l'Asie centrale au Moyen-Orient) est instable. Les dynasties d'origine turque et d'origine perse sont en conflit permanent, faisant chuter les capitales. Avicenne doit fuir à nouveau, car il ne souhaite pas servir sous lesTurcs, ennemis des Persans[12]. En 1010, il s'installe àGorgan, où il entreprend son œuvre majeure, leQanûn (ou Canon) de médecine. Il passe ensuite dans la ville deRay, dont il guérit le prince, atteint demélancolie[12].
En 1014, il est appelé àHamadan auprès de l'émirbouyideChams ad-Dawla, et le guérit de ses douleurs inexpliquées. Le prince le choisit alors commevizir (premier ministre). Avicenne s'impose un travail harassant : le jour, il se consacre auxaffaires publiques, la nuit à la science. Il achève son Canon médical et rédige plusieurs ouvrages, avec l'aide du fidèleal-Juzjani, son secrétaire et biographe[12]. Mais en1021, après la mort du prince Chams ad-Dawla, son filsSama' ad-Dawla accède au pouvoir. Avicenne n'a plus de protecteur et, victime d'intrigues politiques, il passe quatre mois en prison, au cours desquels il continue de rédiger des livres[13].
En 1023, il parvient à s'enfuir et se rend àIspahan, auprès de l'émirkakouyideAla ad-Dawla Muhammed. C'est là qu'il écrit, durant 14 ans, la dernière partie de son œuvre (astronomie, sciences et linguistique). Il n'hésite cependant pas à reprendre la route, répondant aux appels des princes de Perse, deMésopotamie et du Turkestan. Sa réputation et sa popularité sont immenses, car il exerce la médecine aussi bien dans les cours princières, qu'auprès des pauvres les plus démunis[13].
Avicenne est enterré près d'Hamadan. Son tombeau est resté un lieu depèlerinage jusqu'à nos jours. Jusqu'en 1950, il n'était signalé que par une simple « lanterne des morts » engranit. En 1952, unmausolée monumental a été inauguré sur sa tombe à Hamadan. Il s'agit d'une colonnade degranit en 12 piliers, symbolisant les douze sciences du savoir d'Avicenne, couronnés par une toiture conique[13]. À cette occasion, des photographies de son crâne sont prises, permettant à unanthropologue et sculpteursoviétique de réaliser un « portrait » d'Avicenne[7]. Cette statue en marbre blanc se trouve près du mausolée[14].
Avicenne est revendiqué par de nombreux pays, car il est né dans une région qui s'est appelé le Turkestan et qu'il a beaucoup voyagé et séjourné dans des pays musulmans. Le reconnaissent comme leur : l'Ouzbékistan, leTadjikistan, l'Azerbaïdjan, l'Afghanistan, l'Iran, la Turquie ainsi que de nombreux pays arabes éloignés qui, au motif d'un séjour supposé, lui prêtent une vénération particulière[7].
Son œuvre
Son œuvre est d'une ampleur variable selon les sources : 276 titres pourG. C. Anawati, 242 pour Yahya Mahdavi, voire 456 titres pour le chercheuriranienSaid Nafissi, mais seuls 160 sont parvenus jusqu'à nous[12].
Qanûn(Avicenne).
Il est l'auteur de monuments, d'ouvrages plus modestes, mais aussi de textes courts. Son œuvre couvre toute l'étendue du savoir de son époque : logique, linguistique, poésie ; physique, psychologie, médecine, chimie ; mathématiques, musique, astronomie ; morale et économie ; métaphysique, mystique et commentaires de sourates duCoran.
Avicenne, fin lettré, fut le traducteur des œuvres d’Hippocrate et deGalien et porta un soin particulier à l'étude d'Aristote. Il s'inscrit dans un mouvement général qui voit les philosophes de culture islamique découvrir la culturegrecque auprès de l'Empire byzantin.
Pendant plusieurs siècles, jusqu'auXVIIe siècle, sonQanûn constitue le fondement de l'enseignement tant en Europe, où il détrôneGalien, qu'en Asie.
Le dessein personnel du philosophe trouve son achèvement dans laphilosophie orientale (hikmat mashriqiya), qui prit la forme de la compilation de vingt-huit mille questions. Cette œuvre disparut lors du pillage d’Ispahan (1034), et il n'en subsiste que quelques fragments.
Avicenne a écrit principalement enarabe classique (pour presque tous ses ouvrages majeurs) mais parfois aussi dans la langue vernaculaire, lepersan, pour 23 titres mineurs[12] (à l'exception duDanesh Nâma ou « Livre de Science »)[15].
LeKitab Al Qanûn fi Al-Tibb (« livre des lois médicales »), composé de 5 livres, vers 1020, est l'œuvre médicale majeure d'Avicenne[16].
Son Canon rencontra un grand succès, qui éclipsa les travaux antérieurs deRhazès (850 -926), d'Haly-Abbas (930 -994) et d'Abu Al-Qasim (936 -1013) et même ceux d'Ibn-Al-Nafis (1210 -1288) qui lui sont postérieurs. Les Européens duXIIe au XVIIe siècle ramenèrent de l'Orient le Canon de la Médecine, qui influença la pratique et l'enseignement de la médecine occidentale.
L'ouvrage fut traduit enlatin parGérard de Crémone, de l'école deTolède, entre1150 et1187. C'est là oùIbn Sina enarabe devientBen Sina en hébreu, etAvicenna en espagnol[17]. Il est imprimé enhébreu àMilan en1473, puis àVenise en1527 et àRome en1593. Son influence dure jusqu'à sa contestation à laRenaissance :Léonard de Vinci en rejette l'anatomie etParacelse le brûle. C'est le développement de la science européenne qui provoquera son obsolescence, par exemple la description de lacirculation sanguine parWilliam Harvey en1628. Néanmoins cet ouvrage marqua longuement l'étude de la médecine, et même en1909, un cours de la médecine d'Avicenne fut donné àBruxelles. SousLouisXIV, le chirurgienAntoine Lambert le cite comme l'un des plus grands médecins de l'Histoire et le surnomme « prince des Arabes »[18].
Autres textes
Ses autres textes médicaux ou scientifiques représentent plus de 40 écrits, moins volumineux que le Canon. Il en a lui-même donné une version abrégée, condensée en vers, le « Poème de la Médecine » ouKanun fit'tibb.
LeKitab al-shifa ou « Livre de la guérison [de l'âme] » est consacré à lacosmogonie,physique,métaphysique etlogique. LeDanesh Nâma ou « Livre de Science », est le seul grand ouvrage d'Avicenne rédigé directement en persan[15]. Ces deux livres traitent de laclassification des sciences et des principes de chaque domaine du savoir.
Apport d'Avicenne
Il replace l'ensemble des connaissances médicales de son temps dans une vaste synthèse philosophique et logique, combinant la logique d'Aristote avec lenéoplatonisme. Il élève ainsi la dignité de la médecine comme discipline intellectuelle (d'où son caractère universitaire dès les premièresuniversités de l'Occident médiéval). La médecine s'intègre dans unephilosophie naturelle compatible avec lemonothéisme, ses textes médicaux sont bientôt traduits en hébreu et en latin.
Sous la coupole conique du mausolée d'Avicenne à Hamadan, réunissant les 12 savoirs d'Avicenne en autant de piliers.
De ce point de vue, Avicenne peut être perçu de deux manières. Soit on lui reproche cette fusion de la médecine et de la philosophie[19], ainsi que son goût pour les synthèses abstraites[20] ; soit on lui accorde d'avoir distingué la médecine au sein même de cette fusion : « Certes le discours du philosophe est plus vrai, car il est prouvé avec subtilité, mais le discours du médecin est plus manifeste à première vue » (Canon, I, 1, 5, 1)[21].
D'où deux voies pour un même but, que lascolastique médicale appellera lavia philosophorum et lavia medicorum :
via philosophorum : fait appel à la raison et à la logique, jugement par la pensée spéculative,
via medicorum : fait appel à la raison et à l'expérience, jugement par l'expérience sensorielle acquise[22].
Avicenne se démarque en combinant la foi avec le raisonnement philosophique. Il accepte de l'Islam ce qui lui parait logique et cohérent, et il pense la médecine comme une science rationnelle, rejetant les référencesmagiques etésotériques,alchimiques (transmutation des métaux) etastrologiques (jugement de Dieu par les astres). Il emprunte à Hippocrate, Galien,Dioscoride et tous les auteurs en arabe avant lui, notammentRhazès (Al-Razi) etHaly Abbas (Al-Majuzi) qu'il précise et développe avec son expérience personnelle[7],[23],[24].
Ainsi son décompte desos humains est celui duTalmud (plus précisément dans un des traités de laMishna sur les puretés)[25], et son anatomie de l'œil suit celle de Galien dans ses moindres détails[26]. À ce travail de synthèse érudite, il ajoute une anatomie spéculative par « raison logique ». À partir de fonctions supposées ou apparentes, il en déduit des structures anatomiques, sans dissection, ni démonstrationde visu. Par exemple, il donne lepénis comme constitué de trois conduits séparés : pour l'urine, pour les sécrétions lubrifiantes, et pour le sperme[27].
Lorsque l'anatomie de Galien est en contradiction avec celle d'Aristote, Avicenne cherche à les concilier avec une préférence pour Aristote. Ainsi, il attribue troisventricules au cœur[28], selon l'opinion d'Aristote, et malgré les observations anatomiques de Galien[27].
Enphysiologie, il combine lathéorie des humeurs de Galien avec lathéorie des âmes d'Aristote. Le corps humain fonctionne selon un équilibre de quatre humeurs, quatre qualités et quatre tempéraments. Avicenne distingue des « forces naturelles » :procréation et génération,nutrition (attraction parassimilation et croissance, expulsion et excrétion), etc. L'air joue un rôle de régulateur par la respiration. C'est la conception d'Aristote de la respiration comme un refroidissement du sang échauffé dans le cœur[29].
Lecœur est doté d'une force pulsatile, qui distribue chaleur et esprit vital dans l'ensemble du corps. C'est à partir d'un commentaire duCanon d'Avicenne, sur les rapports circulatoires cœur-poumon, qu'Ibn Nafis (1211-1288) avancera l'idée depetite circulation[30].
Clinique et pathologie
Avicenne s'attache beaucoup à la description dessymptômes, décrivant toutes les maladies répertoriées à l'époque, y compris celles relevant de lapsychiatrie.
Médecin préparant une potion. Illustration d'un manuscrit (daté de 1224, peut-être de Bagdad) traduction en arabe duDe Materia Medica deDioscoride (vers 40-90 apr. J.-C.).
Sonexamen clinique (observations par les cinq sens) insiste plus particulièrement sur l'examen despouls (il en distingue près de 60 variétés, regroupées en 10 genres) et l'examen des urines « basées sur la couleur, l'aspect, le dépôt, le volume, l'odeur et la mousse ». Il est l'une des principales sources de ce qui sera l'uroscopie médiévale[20],[31].
Le malade est considéré dans sa globalité (mode de vie et environnements). Il distingue la valeur de ce qui se répète dans les mêmes conditions, éliminant ce qui relève de cause accidentelle ou fortuite (hasard ou coïncidence en termes modernes). Il approche ainsi la notion de loi, en subordonnant la médecine à laphysique ou science naturelle, il fait ainsi du médecin un « physicien », usage qui persiste encore dans l'anglaisphysician pour médecin[20],[32].
Il décrit aussi larage des chiens, loups, renards et chacals qu'il attribue à un excès debile noire par consommation de chair en putréfaction ou d'eau polluée[35]. Il fait de l'excès de bile noire ou atrabile la cause principale de très nombreuses maladies[31].
Il distingue des variétés deméningites et d'ictères[36]. Mais il s'agit le plus souvent d'un travail de classification systématique selon une pathologie humorale (Galien) ou de « qualités » (Aristote)[37], de tels critères théoriques ne reposent sur aucune réalité pathologique au sens biomédical moderne[31].
Toutefois son sens critique et son expérience personnelle lui permettent d'être plus précis que ses devanciers. Il distingue lapleurésie, lamédiastinite et l'abcès sous-phrénique (abcès situé sous le diaphragme)[23]. Son diagnostic différentiel entrerougeole etvariole est plus explicite que celui deRhazès[24].
Avicenne participe à la distinction entreelephantiasis graecorum (lèpre) etelephantiasis arabum (éléphantiasis au sens moderne)[38]. Sa description d'une lèpre débutante (perte du tiers externe des sourcils, voix rauque, zones anesthésiques cutanées, perte de jeu des muscles faciaux) sera utilisée comme procédure de diagnostic précoce plus sûr en Occident médiéval[39].
Il décrit une maladie qu'il appelle « maladie deMédine » particulière à cette région. Il s'agit de ladracunculose, maladie due à un ver parasite appelé depuisdracunculus medinensis[40].
Thérapeutique et diététique
Dans le livre second duCanon, Avicenne présente une liste alphabétique de 765produits pharmaceutiquessimples[41], qu'il classe en qualités (froid, chaud, sec, humide) et en degré d'intensité (de un à quatre), à partir de la théorie de Galien. Il les subdivise encore en espèces et variétés, et selon des causes, aboutissant à des combinaisons arithmétiques[42].
Il poursuit ici les travaux d'Al-Kindi dans le domaine de lapharmacopée. Il reprend une tradition arabe de présentation en tables ou tableaux[42] (en arabetaqwim devenu en latintacuinum). Avicenne en arrive à une « algèbre thérapeutique à la fois séduisante [par sa logique mathématique] et totalement irréelle [sans répondant biomédical moderne] »[43].
Ses choixthérapeutiques procèdent de deux méthodes : l'une théorique et logique fondée sur les qualités (celles de la maladie sont combattues par les qualités contraires du médicament), l'autre basée sur l'expérience et l'observation des résultats[42]. Cette dernière se fonde sur l'existence d'une « forme spécifique » qui ne peut être déduite des qualités, et qui n'est définie que par ses effets[44].
Dans le livre III duKanūn, il décrit latrachéotomie, connue depuis l'Antiquité mais peu pratiquée, parce qu'elle est mal maîtrisée et à cause des interdits religieux[45],[46].
Il traite la douleur en utilisant des médicamentsantalgiques, mais aussi par tout autre moyen (massage, compresses chaudes ou vessie de glace, musique agréable, marche, sommeil...)[24].
Endiététique, il décrit longuement les propriétés des différents aliments et boissons. Le régime alimentaire est à adapter selon l'âge, le mode de vie, l'environnement du sujet... Il est à visée préventive et curative. L'obésité est vue comme une condition nuisible, pathologique[47]. Comme d'autres auteurs arabes, il conseille 3 repas sur 2 jours (matin et soir ; puis une simple collation le lendemain), ce rythme visant à terminer une digestion complète avant chaque cycle[48].
Hygiène et environnement
Pour Avicenne, l'hygiène et la médecine sont deux pratiques complémentaires. La médecine d'Avicenne pourrait être résumée par la phrase d'introduction deUrdjuza Fi-Tib' (Poème de Médecine) : « la médecine est l'art de conserver la santé et éventuellement, de guérir la maladie survenue dans le corps ». ou encore « l'art de conserver la santé peut-être défini comme celui qui permet à l'organisme humain d'atteindre dans des conditions convenables l'âge auquel il est naturellement prédisposé »[49].
Selon la théorie de Galien, l'hygiène dépend de « six choses non naturelles » (liées non pas à la nature, mais au choix des individus). Ce sont le choix de la nourriture et de la boisson, l'élimination de ce qui est superflu, les soins du corps, la respiration, l'exercice du corps et de l'esprit, la veille et le sommeil. Avicenne ajoute une notion particulière, celle decomplexion ou constitution de qualités propres à chaque individu. La santé est une harmonie entre les six non-naturels de Galien adaptés à la complexion naturelle de chacun[50].
La toilette du corps a pour but d'éliminer tous les déchets : poils, transpirations, sécrétions... d'où rasage, coiffage, épilation, lavage des dents et des yeux, nettoyage du nez et des oreilles[51].
Le temps de sommeil justement nécessaire doit être respecté, en préférant le sommeil de nuit à la sieste de jour. Il recommande de changer de position durant le sommeil : s'endormir du côté droit, puis se retourner sur la gauche, et finir en revenant à la position de départ. Il s'agit de bien répartir et diffuser les différentes humeurs du corps. Cette recommandation sera reprise par tous les médecins médiévaux[52].
L'air est l'élément essentiel à la vie ; la respiration permettant à l'air « d'entrer dans le cœur » et de « refroidir le sang » en expulsant les « fumées corporelles ». L'air doit être pur, clair et lumineux, en mouvement plutôt que stagnant, de caractère tempéré (l'air printanier est le meilleur des quatre saisons). Dans les cas contraires, l'air est dangereux. Ces facteurs conditionnent le choix de l'habitat[49],[51].
Il attribue l'infection à des particules terrestres contenues dans l'eau polluée, et surtout aux vapeurs malsaines présentes dans l'air[53]. Avicenne est l'une des sources de lathéorie des miasmes qui dominera longtemps en Occident. Face à lapeste noire de 1348, les médecins occidentaux n'auront comme sources principales qu'Avicenne (Canon) etRhazès (Almansor ouKitab al-Mansouri fi al-Tibb) à partir desquels ils publieront d'innombrables traités de peste durant lesXIVe et XVe siècles[44].
Il reconnaît le caractère contagieux (transmission par contact ou proximité) de latuberculose, de lalèpre, de lagale, de lavariole[23],[53]. Ces deux théories, transmission par l'air infect et par contact, resteront en concurrence en Occident jusqu'auXIXe siècle.
Métaphysique
Sa doctrine philosophique, en particulier sa métaphysique, se base sur celle d'Aristote et sur les travaux d'al-Farabi. Mais elle est aussi marquée par l'influencenéo-platonicienne. En effet, Avicenne avait à sa disposition, parmi les œuvres traduites alors en arabe, une « Théologie » d'Aristote qui était en réalité une traduction de plusieurs livres desEnnéades dePlotin[54]. Ses autres œuvres sont marquées par la recherche d'une philosophie orientale et d'une mystique personnelle.
Avicenne reprend la théorie aristotélicienne des quatre causes. Mais il est le premier à concevoir lacausalité efficiente de Dieu (c'est-à-dire une causalité créatrice), par opposition à la causalité motrice aristotélicienne (qui était seulement un principe de mouvement, mais non une cause d'existenceex nihilo)[55],[56].
Ibn-Sina distingue ainsi la philosophie naturelle, ou la physique, et la théologie, ou la métaphysique. Le métaphysicien tient un discours sur la cause très différent dunaturaliste :
« Par “agent”, le métaphysicien ne veut pas seulement dire le principe du mouvement, comme le naturaliste veut le dire, mais le principe et l'origine de l'existence, comme dans le cas de Dieu à l'égard du monde[57]. »
Spécialiste de sa pensée, Kara Richardson donne une définition importante et contextualisée : « In hisMetaphysics, Ibn Sīnā defines each of the four causes in relation to the subject studied in metaphysics : the existentqua existent. He defines the efficient cause or agent as that which gives or bestows the existence of something distinct from it[58]. »
C'est en ce sens qu'Avicenne écrit : « La cause est pour l’existence seulement » (Kitāb al-Shifā, ouLivre de la guérison, Livre VI, chap. 1).
Les théologiens chrétiens, tels queAlbert le Grand etThomas d'Aquin, le citent dans leurs œuvres et lui sont redevables de cette invention majeure[59].
L'essence, pour Avicenne, est non-contingente, ne dépendant que d'elle-même. Possible est chaque essence dans son potentiel à être. Pour qu'une essence soit actualisée dans une instance (une existence), il faut unaccident nécessaire. Cette relation de cause à effet, toujours parce que l'essence n'est pas contingente, est inhérente à l'essence elle-même. Ainsi il doit exister une essence nécessaireen elle-même pour que l'existence puisse être possible : l'Être nécessaire, ou encore Dieu[60].
L'Être nécessaire est Un - c'est à la fois la conception qu'en a Plotin (το ου), mais aussi le dogme musulman (tawhīd, unicité et unité). La difficulté est alors d'expliquer l'origine de la pluralité des êtres. Comment, de l'unité, peut naître la multiplicité[54],[61] ?
L'Être nécessaire crée laPremière Intelligence parémanation (ou « procession »), notion typiquement plotinienne[54]. Cette définition altère profondément la conception de la création : il ne s'agit plus d'une divinité créant par caprice, mais d'une pensée divine qui se pense elle-même ; le passage de ce premier être à l'existant est unenécessité et non plus une volonté. Le monde émane alors de Dieu par surabondance de Son Intelligence, suivant ce que les néoplatoniciens ont nommé émanation : une causalité immatérielle. La venue au monde par procession ou émanation heurte la théologieasharite qui souligne le volontarisme divin : la Création est l'effet de la volonté libre et arbitraire d'Allah[54],[62]. C'est pourquoiFakhr al-Din Al-Razi, qui introduit certaines thèses d'Avicenne dans la théologie asharite, ne suit pas Ibn Sina sur ce point : l'idée d'une Création nécessaire, et non volontaire, ne convient pas à sa représentation de la Toute-puissance divine[63]. Avicenne s'inspire des travaux d'al-Farabi, mais à cette différence que c'est l'Être nécessaire qui est à l'origine de tout (voir plus bas les Dix intelligences)[60]. Cette perspective serait donc plus compatible avec le Coran.
« Chaque Intelligence, à l'exception de la dernière de la série, engendre en premier lieu l'Intelligence qui lui est immédiatement inférieure à travers l'acte par lequel elle connaît le Premier Être, puis l'âme de sa sphère à travers l'acte par lequel elle se connaît comme nécessaire en vertu du Premier Être, et en troisième lieu le corps de cette sphère à travers l'acte par lequel elle se connaît comme possible en elle-même[64]. »
La création de la pluralité va procéder de cette Première Intelligence.
La Première Intelligence, en contemplant le principe qui la fait exister nécessairement (c'est-à-dire Dieu), donne lieu à la Deuxième Intelligence.
La Première Intelligence, en se contemplant comme émanation de ce principe, donne lieu à la Première Âme, qui anime la sphère des sphères (celle qui contient toutes les autres).
La Première Intelligence, en contemplant sa nature d'essence rendue possible par elle-même, c'est-à-dire la possibilité de son existence, crée la matière qui emplit la sphère des sphères, c'est la sphère des fixes.
L'existence de Dieu : l'argument par la contingence
Dans "Le livre de la délivrance" (un condensé du "Livre de la guérison"), Avicenne développe un argument original pour l'existence de Dieu. L'arrière-plan de l'argument est le point de vue d'Avicenne selon lequel l'existence, la nécessité et la possibilité sont mieux connues de nous que tout ce que nous pourrions dire pour les élucider. En particulier, l'affirmation de l'existence d'une chose ou d'une autre est plus manifestement correcte que ne le serait tout argument que nous pourrions donner pour justifier cette affirmation. Et les notions de nécessité et de possibilité sont plus fondamentales que toute autre notion à laquelle nous pourrions faire appel pour tenter de les définir. Néanmoins, Avicenne pense que nous pouvons dire quelque chose pour décrire les notions de nécessité et de possibilité, même si nous ne pouvons pas les définir strictement[65].
Tout ce qui existe est soit possible, soit nécessaire.
Si cette chose qui existe est nécessaire, alors il y a un existant nécessaire.
Tout ce qui est possible a une cause.
Donc, si cette chose qui existe est possible, alors elle a une cause.
La totalité des choses possibles est soit nécessaire en soi, soit possible en soi.
La totalité ne peut être nécessaire en elle-même puisqu'elle n'existe que par l'existence de ses membres.
Ainsi, la totalité des choses possibles est possible en elle-même.
Donc la totalité des choses possibles a une cause.
Cette cause est soit interne à la totalité, soit externe à celle-ci.
Si elle est interne à la totalité, alors elle est soit nécessaire, soit possible.
Mais elle ne peut dans ce cas être nécessaire, car la totalité est constituée de choses possibles.
Et elle ne peut pas non plus dans ce cas être possible, puisqu'en tant que cause de toutes les choses possibles, elle serait dans ce cas sa propre cause, ce qui la rendrait nécessaire et non possible après tout, ce qui est une contradiction.
Ainsi, la cause de la totalité des choses possibles n'est pas interne à cette totalité, mais externe à elle.
Mais si elle est en dehors de la totalité des choses possibles, alors elle est nécessaire.
Il y a donc un existant nécessaire.
Comme le note Jon McGinnis[66], parmi les caractéristiques distinctives de cet argument, il y a le fait que non seulement il n'exige pas une prémisse à l'effet qu'uninfini réel est impossible comme le font souvent les arguments cosmologiques, mais qu'il ne repose pas non plus sur une prémisse à l'effet que le monde des chosespossibles est ordonné (comme le fait unargument téléologique), ou qu'il est en mouvement (comme le fait unargument aristotélicien du mouvement), ou qu'il est multiple par opposition à unifié (comme le pourrait un argumentnéoplatonicien). Son but est de montrer que si quelque chose existe, il doit alors y avoir un être nécessaire[65].
L’Être Nécessaire, selon Avicenne, doit être unique. Car supposons qu'il y ait deux ou plusieurs Êtres Nécessaires. Il faudrait alors que chacun ait un aspect qui le différencie de l'autre - quelque chose que cet Être Nécessaire a et que l'autre n'a pas. Dans ce cas, ils devraient avoir des parties. Mais une chose qui a des parties n'est pas nécessaire en elle-même, puisqu'elle existe par ses parties et ne serait donc nécessaire que par elles. Puisque l'Être Nécessaire est nécessaire en lui-même, il n'a pas de parties, et n'a donc rien par lequel un Être Nécessaire pourrait même en principe différer d'un autre. Il ne peut donc y en avoir plus d'un[65].
De toute évidence, il s'ensuit également que l'Être Nécessaire, étant sans parties, est simple ou non-composé. L'Être Nécessaire doit aussi être immatériel, et donc incorporel. Car la matière n'existe que dans la mesure où elle a une forme, et ce qui est composé deforme et de matière n'est pas simple mais composite[65].
Aussi la bonté, pour l'aristotélicien, doit être définie comme la fin vers laquelle une chose pointe en tant que cause finale. Or, une partie de la métaphysique plus générale d'Avicenne est la thèse selon laquelle toute chose existante "désire" ou vise à s'approcher de l'existence nécessaire autant qu'elle le peut. Mais alors ce qu'elle désire ou vise est de se rapprocher de l'Être Nécessaire, qui en tant qu'objet de ce désir ou de ce but est le bien le plus élevé. L'Être nécessaire doit également être parfait dans la mesure où, pour Avicenne, la perfection est ce qui complète une chose par rapport à son existence : un gland est d'autant plus parfait qu'il est proche d'être un chêne, laVénus de Milo serait plus parfaite si elle avait ses bras, et ainsi de suite. Mais l'Être Nécessaire, étant absolument nécessaire en lui-même, ne manque de rien en ce qui concerne son existence[65].
Influence d'Avicenne sur le kalām
L'influence de la philosophie d'Avicenne dans la théologie rationnelleasharite a été croissante. C'est surtout avecAl-Juwayni que les concepts avicenniens commencent à pénétrer dans le kalām[67]. La preuve de l'existence de Dieu par la contingence du monde témoigne de cette influence[68]. SiAl-Ghazālī condamne certaines des thèses d'Avicenne, cela ne l'empêche pas de lui en emprunter d'autres - sans le nommer[69].Faḫr ad-Dīn ar-Rāzī n'aura pour sa part aucune réticence à se référer explicitement à Ibn Sinā[70]. Aux yeux de Louis Gardet, c'est cette place des concepts et méthodes desfalāsifa, en particulier Avicenne, qui distingue, parmi les deux grandes périodes de la théologie acharite, celles des modernes[71]. Preuve de la progression des idées d'Avicenne, le théologienmutaziliteal-Malāhimī, auXIIe siècle, voit cette influence grandir avec inquiétude, car il reproche au philosophe de dénaturer l'islam[72].
Philosophie de l'être
SelonMarie-Dominique Philippe, Avicenne était un croyant au Dieu-Créateur dans l’Islam. La foi d’Avicenne ne l’empêche pas d'utiliser la métaphysique d’Aristote. Mais au contraire il s’en sert. Il ajoute qu’Avicenne ne fait pas la distinction entre lathéologie etmétaphysique. Chez Avicenne, il y a un passage de la métaphysique à la théologie comme une sorte d’enveloppement[73].
Angélologie
Hiérarchie des dix sphères
Hiérarchie de dix sphères célestes d'après le système dePtolémée, illustration deCosmographia,Anvers, 1524, dePetrus Apianus.
Avicenne s'inspire plus particulièrement de l'angélologie d'al-Farabi. L'univers est constitué d'une hiérarchie de mondes sphériques, animés par des Âmes célestes (anges et archanges) procédant du principe divin, et motrices des cieux.Maïmonide, à leur suite, identifiera ces dix « intelligences séparées de toute matière[74] » aux anges évoqués par la Bible[75].
La triple contemplation de la Première Intelligence instaure les premiers degrés de l'être. Elle se répète, donnant naissance à la double hiérarchie :
hiérarchie supérieure, qu'Avicenne désigne comme lesChérubins (Kerubim) ;
hiérarchie inférieure, qu'Avicenne désigne comme lesAnges de la magnificence ;
Ces âmes animent les cieux, mais elles sont dépourvues de la perception du sensible ; elles se situent entre pur intelligible et sensible, et elles se caractérisent par leur imagination, qui leur permet de désirer l'intelligence dont elles procèdent. Le mouvement éternel qu'elles impriment aux cieux résulte de leur recherche toujours inassouvie de cette intelligence qu'elles désirent atteindre.
Elles sont à l'origine des visions des prophètes, par exemple. « Il y a donc, dit Avicenne, pour chaque sphère céleste une âme motrice qui intellige [saisit par son intelligence] le bien et qui, à cause de son corps, est douée d'imagination, c'est-à-dire des représentations des particuliers et une volonté des particuliers »[76]. Le point de départ, ici, était la cosmologie d'Aristote : Dieu est une substance immobile, un premier moteur unique, immobile, qui meut en tant qu'objet de désir et d'intellection du premier ciel, qui est la substance de la circonférence la plus extérieure de l’Univers, à savoir la sphère des étoiles fixes[77].
Cette hiérarchie correspond aux Dix Sphères englobantes (Sphère des Sphères, Sphère des Fixes, sept Sphères planétaires, Sphère sublunaire).
Dixième intelligence et intellect
La Dixième Intelligence[78],[79], issue de l'Intelligence du 9° ciel (la Lune), mais sans fonction astronomique, revêt une importance singulière: aussi appeléeIntellect agent oul'Ange, et associée àGabriel dans leCoran, elle se situe si loin du Principe que son émanation éclate en une multitude de fragments. En effet, de la contemplation de l'Ange par lui-même, en tant qu'émanation de la neuvième Intelligence, n'émane pas une âme céleste, mais les âmes humaines. Alors que les Anges de la Magnificence sont dépourvus de sens, les âmes humaines ont une imagination sensuelle, sensible, qui leur confère le pouvoir de mouvoir les corps matériels[60].
Pour Avicenne, l'intellect humain n'est pas forgé pour l'abstraction des formes et des idées. L'homme est pourtant intelligent en puissance, mais seule l'illumination par l'Ange leur confère le pouvoir de passer de la connaissance en puissance à la connaissance en acte. Toutefois, la force avec laquelle l'Ange illumine l'intellect humain varie :
les prophètes, inondés de l'influx au point qu'il irradie non plus seulement l'intellect rationnel mais aussi l'imagination, réémettent à destination des autres hommes cette surabondance ;
d'autres reçoivent tant d'influx, quoique moins que les prophètes, qu'ils écrivent, enseignent, légifèrent, participant aussi à la redistribution vers les autres ;
d'autres encore en reçoivent assez pour leur perfection personnelle ;
et d'autres, enfin, si peu qu'ils ne passent jamais à l'acte.
Selon cette conception, l'humanité partage un et un seul intellect agent, c'est-à-dire une conscience collective. Le stade ultime de la vie humaine, donc, est l'union avec l'émanation angélique. Ainsi, cette âme immortelle confère, à tous ceux qui ont fait de la perception de l'influx angélique une habitude, la capacité de surexistence, c'est-à-dire l'immortalité.
Pour les néo-platoniciens, dont Avicenne fait partie, l'immortalité de l'âme est une conséquence de sa nature, et pas une finalité[80]. Tandis que d'autres, comme Averroès, nient la permanence de l'âme individuelle, Avicenne pense que l'âme individuelle, substance indépendante du corps, survit à la mort de ce dernier[81]. Il n'admet pas, en revanche, la résurrection des corps, qui constitue selon al-Ghazali un dogme fondamental de l'islam, ce qui lui vaut d'être qualifié d'infidèle[82],[83].
Cette deuxième partie de la philosophie avicennienne est peu connue. L'ouvrage disparut au cours du pillage d'Ispahan, en1034, en même temps que leLivre de l’arbitrage équitable (Kitab al-Insaf), et Avicenne n'eut pas le temps ou la force de le réécrire. De cet ouvrage monumental (28 000 questions) de sagesse orientale (al-hikmat al-mashriqiyya) ne subsistent que quelques fragments[85],[86].Henry Corbin pense que ces œuvres sont le point de départ du projet de sagesse illuminative (hikmat al-ishrâq) queSohrawardi mène plus tard à terme.
Les orientalistes occidentaux ont longtemps débattu de la signification même du termemashriqiya :
un différend sur la vocalisation (mushriqiya au lieu demashriqiya) amène certains orientalistes à parler d'une philosophieilluminative ;
la localisation des « orientaux » a donné lieu à d'intenses spéculations, mais aucune hypothèse n'a jamais vraiment convaincu.
Le motishraqiyyun, qui sert à désigner les platoniciens[84], a pu être source de confusion.
La tradition, en théosophie et mystique islamiques, considèremashriq (l'Orient) comme monde de la lumière, celui des Intelligences et donc des Anges, par opposition àmaghrib (l’Occident) qui représente le monde sublunaire, monde de ténèbres où déclinent les âmes. Cette conception est déjà explicite chez Avicenne (voir le récit symboliqueHayy ibn Yaqzan), et le sera d'autant plus chez ses commentateurs et critiques, commeSohrawardi[80].
Avicenne est l'auteur de quatre textes sur la philosophie orientale : leRécit de Hayy ibn Yaqzan, leRécit de l’oiseau, leRécit de Salâmân etAbsâl.
Récit de Hayy ibn Yaqzan : Hayy ibn Yaqzan est un enfant isolé sur une île. Il découvre de lui-même l'univers qui l'entoure. Ce récit forme une initiation à l'Orient, aux formes archangéliques de lumière, par opposition à l'occident et à l'extrême-occident (lieu de la Matière pure). Hayy ibn Yaqzan personnalise Avicenne dans sa relation avec l'Ange.
Récit de l’oiseau : ce récit répond auRécit de Hayy ibn Yaqzan. Il entreprend ce voyage jusqu’à l'Extrême-Orient, cette quête de l'absolu pour parvenir à la « Cité du Roi ». L'âme s’est éveillée à elle-même. En l'extase d’une ascension mentale, elle franchit les vallées et les chaînes de la montagne cosmique en compagnie de l'Ange.
Récit de Salâmân et Absâl : Ce récit décrit le drame des deux héros de la partie finale duKitab al-Isharat wa-l-tanbihat (Livre des directives et des remarques). Ces deux personnages typisent les deux intellects — contemplatif (ou spéculatif) et pratique — dualité qui se retrouve dans les couples Phôs Lumière et Adam terrestre, Prométhée et Épiméthée, en un mot l’hommecélestiel et l'homme de chair. Ainsi, la structure de l'âme se divise selon la même structure qui ordonne les couples d’Archanges-Kerubim et d’Anges-Âmes (cf. supra).
« Ce ne sont point là desallégories, mais dessymboles […] Ce qu'Avicenne essaye d'y configurer — son drame intime personnel, l'apprentissage de toute une vie — ne pouvait être dit autrement. Car le symbole estchiffre et silence ; il dit et ne dit pas. »
Religion d'Avicenne
En Islam même, Avicenne est généralement classé parmi les philosophes de l'Islam, plutôt que parmi les spirituels ou les mystiques. Ce qui n'exclut pas qu'il ait eu aussi sa propre expérience mystique[87].
Selon Sournia, « Avicenne est un authentique musulman, seuls des extrémistes adverses peuvent le contester ». De son vivant, il n'a pas été critiqué pour sa foi ni sur sa pratique, même si on lui a reproché ses soirées courtisanes (vin, musique et femmes)[36]. Plusieurs théologiens musulmans, nés après sa mort, commeIbn Taymiyya,Ibn Al-Qayim etAl-Dhahabi l'ont traité d'irreligieux[88].Al-Ghazâlî, dans sonTahāfut al-falāsifā (« Incohérence des philosophes »), lui reproche trois thèses qu'il qualifie d'hérésie (zandaqa) : affirmation de l'éternité passée du monde, négation de la connaissance par Dieu des particuliers et mise en question de la nature corporelle des délices et tourments dans l'Au-delà[89],[90].
Il ne discute pas l'Islam, il combine la foi et le raisonnement philosophique : « Il reprend tous les thèmes d'Aristote sur la place de l'homme dans l'univers, et arrive à associer une foi peut-être élémentaire et populaire à la philosophie grecque ». Cette approche sera reprise par l'Europe chrétienne, constituant l'avicennisme latin[36].
Du fait de la religion de son père et de son frère, on l'a rapproché du chiismeismaélien ; ainsi son autobiographie rapporte-t-elle leurs efforts pour entraîner son adhésion à ladawat ismaélienne, mais rien ne prouve qu'elle l'ait influencé. Lesoufisme s'est réclamé de sa mystique, mais il n'a jamais appartenu aux mystiques soufis même s'il en parle avec sympathie. AuXXe siècle, il a été tour à tour adopté ou récusé par lesFrères musulmans[36].
SelonHenry Corbin, Avicenne a dû plutôt se rallier au chiismeduodécimain[91], au motif que les princes chiites deHamadan et d'Ispahan lui ont accordé protection et confiance. C'est une opinion courante en Iran où existe toujours un avicennisme iranien (philosophie traditionnelle en Iran)[92]. Corbin conclut: « Quant au secret de l'homme Avicenne, c'est, comme toujours en Islam, un secret entre lui et son Dieu »[87].
Philosophie de la connaissance
Classification des savoirs
En ce domaine, l'approche d'Avicenne est originale. Elle est représentée par deux textes :al-Burhan (la démonstration) qui fait partie dual-Shifa, et l'Épitre sur les divisions des sciences intellectuelles[93].
La démonstration
Il reprend des sujets déjà étudiés par Aristote, mais en les traitant à sa façon. Ainsi il s'interroge sur les rapports entre les sciences, ce en quoi elles diffèrent et ce qu'elles ont en commun.
Les sciences peuvent différer selon leur sujet différent. Cette différence peut être absolue (arithmétique et géométrie), il s'agit alors de science des attributs généraux constituant l'être, ou encore des sciences de principes dont les trois plus générales sont laphilosophie première, ladialectique, lasophistique.
La tour de sagesse, une classification médiévale des sciences, manuscrit deRichard de Fournival (1201-1260).
Les différences entre sciences peuvent être relatives. Elles peuvent interférer par subordination (l'étude dessolides en tant que genre, par rapport à l'étude descônes en tant qu'espèce, ou la musique par rapport à lamélodie) ; ou encore par du commun et du différent (médecine et morale, physique et musique). Il subdivise encore ces catégories de quatre manières différentes, distinguant par exemple entre les subordinations : soit science partie d'une autre, soit sciencerangée sous une autre[93].
Par exemple, la médecine ne fait pas partie de la physique, mais elle estrangée sous elle. La science de laperspective (étude des lignes de la vision) ne fait pas partie de la géométrie, mais elle se range sous la géométrie. La mélodie fait partie de la musique, mais musique et mélodie se rangent sous l'arithmétique, bien qu'ayant du commun avec la physique.
Toutes les sciences peuvent se rejoindre par leur sujet, par leurs principes, ou par leur questionnement. L'astronomie et la physique ont un sujet commun : le ciel et le monde. L'arithmétique et la géométrie ont en commun le principe selon lequel si A=C et B=C → A=B. La médecine et la morale posent à leur façon la même question au corps et à l'âme.
Sans donner une classification des sciences à proprement parler, Avicenne fonde philosophiquement les principes de classification des sciences. Il distingue entre les relations de partie à tout (niveaux d'universalité) et les relations de supérieure à inférieure (caractère essentiel ou accidentel du sujet de chaque discipline par rapport à une catégorie plus générale)[93].
Épitre sur les divisions des sciences
Avicenne présente ici un tableau systématique des sciences. Il présente quatre sciences générales théoriques, pouvant se diviser en « sciences de principe » et en « sciences de partie spéciale »[94] :
Lalogique est l'instrument qui permet d'acquérir toutes les autres sciences. Elle est contenue dans 9 traités d'Aristote.
La physique est constituée de 8 sciences de principes (traités d'Aristote traitant de la physique et de l'histoire naturelle) et de 7 branches spéciales : médecine, astrologie,physiognomonie,oniromancie, science destalismans,théurgie,alchimie.
La mathématique comprend 4 sciences principales et leurs parties spéciales (exemples entre parenthèses) : science du nombre (arithmétique, algèbre..), géométrie (mesures, poids et balances, mécanique, hydraulique..), astronomie (tables astronomiques, calendriers..), et musique (jeu d'orgue..).
La métaphysique comporte 5 parties principales, des généralités communes aux êtres à l'étude du Vrai Premier et des anges. Parmi les branches (parties spéciales) Avicenne cite la révélation prophétique et la vie future.
Il existe des différences et des contradictions entre les deux textes, mais Avicenne réussit à construire uneépistémologie regroupant dans un même ensemble laMétaphysique d'Aristote et lequadrivium d'origine platonicienne. Il exprime à sa manière une spécificité des savoirs d'expression arabe, qui est « l'atténuation de l'opposition traditionnelle entre science et art ».
« Biologie » de l'âme
Selon Mazliak, qui la reprend, cette expression est celle du biologiste historienH.C.D de Wit qui qualifie ainsi, en 1994, la doctrine d'Avicenne[95]. Ce dernier reprend le concept d'Aristote de l'âme, vue comme la « forme de la substance corporelle » qui anime les êtres vivants : les plantes ne possèdent qu'une âme végétative (génération et croissance), les animaux ont en sus une âme animale (sensibilité et mouvement), et l'homme une âme rationnelle (compréhension de l'intelligible).
Avicenne se démarque d'Aristote en disant que l'âme est une perfection, une essence séparable du corps. Le corps est un instrument au service de la perfection de l'âme, provenant du Divin et y retournant après la mort. De plus il fait de l'âme un objet de connaissance en elle-même, indépendamment de sa relation au corps[95].
Il énonce donc l'idée d'une « chaîne continue des êtres » par amélioration successive de leur constitution. Cette idée sera reprise et retournée par les philosophes desLumières pour s'opposer à la « nature divine » de l'homme proposée par le christianisme de leur époque[96].
Sensation et perception
Les cinq sens internes du cerveau,enluminure anglaise sur parchemin, auteur inconnu, vers 1300.
Avicenne s'appuie surPlotin et lenéo-platonisme pour expliquer que l'âme est en contact avec le monde réel par lasensation et laperception[96]. La sensation se fait par les cinq organes des sens qui communiquent avec le cerveau. Il s'agit d'un ensemble primaire de sensations. En ce qui concerne la vision, il indique que « c'est l'image qui vient vers l'œil et non pas l'œil qui va vers l'image » (il existait un débat médiéval sur le fait de savoir si lavision était une réception ou une émission par l'œil)[97].
La perception est une intériorisation dans l'âme, parpuissance appréhensive de l'âme sensible, dotée de cinq sens internes : le sens commun, la puissance formative d'images, la puissance imaginative, la puissance estimative, la puissance conservative et remémorative. Avicenne ici développe et perfectionne des notions reprises d'Aristote et de Galien (Galien distinguait trois puissances : pensée, imagination, mémoire)[96].
Fonctionnement global
Avicenne localise ces cinq sens ou facultés internes dans les trois cavités (les trois premiersventricules) du cerveau. Il établit ainsi un fonctionnement en réseau fait de réception, de « transmission », et de « traitement » des impressions. Ce réseau complexe existe aussi chez l'animal, selon Avicenne le mouton fuit devant le loup, parce qu'il apprécie l'intention cachée dans l'image du loup se formant dans son cerveau[98].
Cette finesse d'analyse du fonctionnement cérébral, qu'Avicenne détaille et commente longuement, est d'origine purement spéculative. Avicenne ne s'appuie jamais sur l'expérience au sens moderne[99]. Aussi cet aspect doctrinal, dominant au Moyen-Âge, a été délaissé par l'Occident moderne notamment à cause de ses erreurs anatomiques (placer le fonctionnement cérébral dans les cavités des ventricules).
Les réflexions d'Avicenne sur l'alchimie eurent une influence considérable, tant sur les alchimistes que sur leurs opposants[100]. L'accord des spécialistes d'Avicenne est unanime : dans plusieurs de ses textes, il condamne la possibilité de transmutation des métaux. En particulier dans sonDe congelatione et conglutinatione lapidum (De la congélation et de la conglutination de la pierre, en arabeKitâb al-ma'âdin wa-l-âtâr al-'uluwiyya). Il s'agit d'une traduction-résumé d'une partie duKitâb al-Shifâ d'Avicenne, traitant « de la formation des pierres, de l'origine des montagnes, de la classification des minéraux (pierres, liquéfiables, soufres, sels) et de l'origine des métaux ».
Vers 1200,Alfred de Sareshel l'a ajouté aulivreIV desMétéorologiques d'Aristote, de sorte qu'il a pu passer pour aristotélicien. Selon Avicenne :« Quant à ce que prétendent les alchimistes, il faut savoir qu’il n’est pas en leur pouvoir de transformer véritablement les espèces les unes en les autres (sciant artifices alchemiae species metallorum transmutari non posse) ; mais il est en leur pouvoir de faire de belles imitations, jusqu’à teindre le rouge en un blanc qui le rende tout à fait semblable à l’argent ou en un jaune qui le rende tout à fait semblable à l’or[101]. »
Autrement dit, les alchimistes ne peuvent convertir les complexions, changer les espèces : ils n'agissent que sur les qualités accidentelles et ne réalisent que des imitations. Pour Avicenne, les métaux « résultent de l'union du mercure avec une terre sulfureuse » : c'est la théorie du mercure/soufre. Chaque métal est spécifique par ses proportions de mercure/soufre dans leurs différents degrés de pureté.
Il existe enfin un litige sur un traité intituléRisalat al-iksir, où Avicenne traite des principes opératoires de l'alchimie. Il a été rejeté par Ruska qui se fondait sur le texte latin, mais d'autres se basant sur le texte arabe admettent son authenticité. Avicenne l'aurait écrit dans sa jeunesse alors qu'il expérimentait par lui-même les allégations alchimistes, le traité ne parle pas de transmutation des métaux, mais de leurs teintures[102].
Avicenne écrivit aussi une réfutation des prétentions de l'astrologie,Réfutation des prédictions de l'avenir fondées sur les horoscopes, qui ne lui semblaient pas scientifiques, à l'instar de l'alchimie.
Postérité
Avicenne a une forte influence sur la philosophie et la théologie médiévales. Jean R. Michiot emploie l'expression de « pandémie avicennienne auXIIe siècle »[103].
Avicenne intègre en 2021 la liste officielle des auteurs au programme du baccalauréat de philosophie de l’Éducation Nationale française[104].
Bibliographie
Éditions anciennes
Avicenne a beaucoup écrit. Yahhya Mahdavi, auteur d'une bibliographie complète, dénombre 242 livres[105]. Mais beaucoup ont été perdus, en particulier lors de la destruction de la bibliothèque de Ghazna en 1151[106].
Les œuvres d'Avicenne ont été publiées enarabe, àRome, en1593, in-folio. On a traduit en latin et publié sesCanons ou Préceptes de médecine,Venise,1483,1564 et1683 sesŒuvres philosophiques, Venise,1495, saMétaphysique ou philosophie première, Venise,1495.Pierre Vattier avait traduit tous ses ouvrages en français ; il n'en a paru quela Logique,Paris,1658, in-8.
Autobiographie (avec la continuation par al-Jûzajânî), trad. 'Abdurrhmân Badawi,Histoire de la philosophie en Islam, Vrin, 1972,t. 2,p. 595-599.
Canon de la médecine. Al-Qânûn fi'l-Tibb (vers 1020) : pas de trad. fr. Trad. latine :Liber Canonis, Venise, 1515, 1520-1522, 1555. Traduction anglaise par Oskar Cameron Grüner :The Canon of Medicine of Avicenna (1930), livre I, AMS Press, New York, 1973, 612 p. VoirMazliak 2004Qanûn (Avicenne)
Commentaire sur le livre lambda de la 'Métaphysique' d'Aristote, trad. Mereyem Sebti et Marc Geoffroy, Vrin, 2014, 120 p.
Divisions des sciences intellectuelles, trad. G. C. Anawati, "Les divisions des sciences intellectuelles d'Avicenne",Mélanges de l'Institut dominicain d'études orientales,t. 13, Le Caire, 1977.
Épître sur la disparition des formes intelligibles vaines après la mort (Épître sur l'âme.Risâla fî l-nafs), édi. et trad.Jean R. Michot,Bulletin de philosophie médiévale,Brepols,t. 29 (1987), p.p. 152-170.
Épître des états de l'âme (al-nufûs), trad. de la section I (La définition de l'âme) parJean R. Michot, apudLangages et philosophie. Hommage à Jean Jolivet, Vrin, 1997, p.p. 239-256.
Gloses sur le 'Traité de l'âme' d'Aristote (Al-ta'lîqât 'alâ hawashî), trad. G. Vajda, "Les notes sur la 'Théologie d'Aristote' ",Revue thomiste,vol. 51, 1951,p. 75-116.
Livre de la délivrance. Kitâb al-Najâh (vers 1030), trad. partielle in J.-C. Bardout et O. Boulnois,Sur la science divine,PUF, 2002,p. 62-82.
partie logique : trad. par P. Vattier :La logique du Fils de Sina, communément appelé Avicenne, 1658.
partie psychologique : trad. an. par F. Rahman,Avicenna's Psychology, Oxford, 1952.
Le Livre de la guérison. Kitâb al-Shifâ (1020-1027). Quatre parties : Logique (al-mantiq), physique (al-tabî iyyât), mathématiques (al-riyâdiyyât), métaphysique (al-ilâhiyyât).
Réfutation de l'astrologie, édi. et trad.Yahya Michot, Beyrouth, éditions Albouraq, 2006,XLV-86-269 p.
traités mystiques :
Traité sur le destin (Risâlet al-Qadr), trad. M. A. F. Mehren,Traités mystiques d'Avicenne, Leyde, éd. Brill, 1889-1899,p. 1-12.[2]
Traité sur l'amour (Risâla fî al-'ishq), trad. an. E. L. Fackenheim, « A treatise on love by Ibn Sînâ »,Mediaeval Studies, VII, 1945,p. 208-228.
Poème de l’âme (al-Qaṣīda al-ʿayniyya). Traduit par le Dr Nadjet Zouggar (en ligne).
Commentaire de la Rhétorique, édition M.S. Salim (Ibn Sïnâ, Kitâb al-Majmu aw al-Hikmat al- 'Arûdiyyah fi ma 'ânï Kitâb Rîtûrîqâ), Le Caire, 1953[82].
Œuvres non traduites
Risâla nayrûziyya fî ma'ânî al-hurûf al-hijâ'iyya : Avicenne y propose une interprétation sur le sens des lettres qui ouvrent certaines sourates du Coran (« al-ḥurūf al-mutaqāṭi‛ah»), et qui restent une énigme[107],[108].
Marie-Thérèse D'Alverny, « L'explicit du « De animalibus » d'Avicenne traduit par Michel Scot » In:Bibliothèque de l'école des chartes, 1957,tome 115.p. 32-42.DOI10.3406/bec.1957.449559Texte intégral
Marie-Thérèse D'Alverny,Avicenne en Occident, Paris: Vrtin, 2000.
Georges Chehata Anawati,Essai de Bibliographie avicennienne, Direction culturelle de la Ligue arabe, Dar Al-Maaref, Le Caire, 1950.
Jean Michot, « L'épître sur la connaissance de l'âme rationnelle et de ses états » attribuée à Avicenne. Présentation et essai de traduction »,Revue Philosophique de Louvain, Quatrième série, Tome 82,no 56, 1984.p. 479-499.DOI10.3406/phlou.1984.6314Texte intégral
Jean Michot, « Prophétie et divination selon Avicenne. Présentation, essai de traduction critique et index de l'“Épître de l'âme de la sphère” »Revue Philosophique de Louvain, Quatrième série, Tome 83,no 60, 1985.p. 507-535Texte intégral
Meryem Sebti, "Avicenne. L'Âme humaine", PUF, collection philosophies, Paris 2000.
Mohammed Taleb, "Ibn Sina, maître de la falsafa" (pp. 57–61), InNature vivante et Âme pacifiée, La Bégude de Mazence, Arma Artis, 2014,(ISBN978-2-87913-166-5)
Meryem Sebti,Avicenne : Prophétie et gouvernement du monde. Cerf, « Islam. Nouvelles approches », 2021, 314 p.(ISBN978-2-20414-317-2)
Notes et références
↑Benoït Patar,Dictionnaire des philosophes médiévaux, Québec, éd. Fides, 2006,p. 91
↑Ce terme de « troisième ventricule » désigne, selon Aristote, une perforation existant à travers la cloison séparant les deux moitiés du cœur. Cette perforation diteforamen ovale, n'existe en fait que chez le fœtus et se situe à la cloison séparant les deuxoreillettes.Selon Galien, il ne s'agit pas exactement d'une perforation visible, mais d'une cloison perméable criblée de pores invisibles à l'œil nu. Avicenne combine les deux, en disant que la perforation d'Aristote se rétrécit graduellement en pores de Galien. Mazliak 2004, p. 65-66.
↑Étienne Gilson,« Avicenne et les origines de la notion de cause efficiente », dansAtti del XII Congresso Internazionale di Filosofia, Sansoni Editore,(ISBN978-1-63435-021-1,lire en ligne),p. 121–130
↑La métaphysique du Shifâ, Livre VI, 1.2, p. 195, l. 2-4
↑« Efficient causation : From Ibn Sīnā to Ockham », inEfficient Causation : A History, p. 108 : « Dans saMétaphysique, Ibn Sīnā définit chacune des quatre causes par rapport au sujet étudié en métaphysique : l'existantqua existant. Il définit la cause, ou l'agent efficient, comme ce qui donne ou octroie l'existence d'une chose distincte de lui... »
↑ÉtienneGilson, « Notes pour l'histoire de la cause efficiente »,Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age,vol. 29,,p. 7–31(ISSN0373-5478,lire en ligne, consulté le).
↑Al-Ghazālī.Faysal al-tariqa bayna al-islām wa l-zandaqa (« Critère de la distinction entre la croyance et l'incroyance »), publié sous le titreÉpître de la tolérance. Au chapitre 7, Al-Ghazālī qualifie d'incroyants, sans les nommer, al-Fārābī et Avicenne.
dans Histoire des sciences arabes, vol. 3, Roshdi Rashed.
↑Jean R.Michot, « La pandémie avicennienne au VIe/XIIe siècle Présentation, editio princeps et traduction de l'introduction du Livre de l'advenue du monde (Kitāb ḥudūth al-ʿālam) d'Ibn Ghaylān al-Balkhī »,Arabica,vol. 40,no 3,,p. 287–344(ISSN0570-5398,lire en ligne, consulté le)