Movatterモバイル変換


[0]ホーム

URL:


Aller au contenu
Wikipédial'encyclopédie libre
Rechercher

Huangjiu

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Vin de céréale

Lehuangjiu (chinois simplifié :黄酒 ; chinois traditionnel :黃酒 ; pinyin :huángjiǔ ; EFEO :houang2tsiou3 ; cantonais Jyutping :wong⁴zau² API (pour le mandarin standard) :/xu̯ɑŋ³⁵ ʨi̯oʊ̯²¹⁴/, API (pour le cantonais) :/wɔːŋ²¹ ʦɐu³⁵/, morphol. « vin jaune » enmandarin) ouvin de céréale[N 1] est uneboisson alcoolisée chinoise, titrant entre 12 et 20 %, obtenue par transformation simultanée desmatières amylacées de céréales (sorgho,millet,blé,riz) en sucres simples et de ceux-ci en alcool.

Lehuangjiu est une boisson non gazeuse comme le vin, apparentée ausoju coréen ou ausaké japonais. Traditionnellement, il peut être consommé chaud, c'est-à-dire que le service se fait avec unecarafe en terre cuite, préalablement chauffée aubain-marie à 35 -40 °C. Il est bu au cours des repas ou utilisé dans la cuisine.

Cette boisson est produite par une technique debrassage des céréales propre à la Chine, apparue auNéolithique et qui a toujours joué un rôle important dans laculture chinoise car elle donnait la boisson sacrificielle offerte enlibation aux esprits des ancêtres et aux divers esprits de la nature. Ce procédé de fermentation s'est ensuite propagé dans toute l'Asie orientale.

Caractères distinctifs

[modifier |modifier le code]
Un verre de vin de céréale de Shaoxingchinois simplifié :绍兴酒 ; chinois traditionnel :紹興酒 ; pinyin :shàoxīng jiǔ

Lehuangjiuchinois :黄酒 ; pinyin :huángjiǔ[N 2] est la boisson alcoolique traditionnelle de la Chine depuis l'époque néolithique. Cette boisson typiquement chinoise doit être distinguée des deux boissons allogènes : leputaojiu葡萄酒, pútáo jiǔ, levin obtenu par fermentation du raisin et labièrepijiu啤酒, píjiǔ. Ces deux dernières boissons qui n'ont cessé depuis un siècle de gagner du terrain sur lehuangjiu[N 3] sont originaires du Moyen-Orient[1]. Toutes les trois sont obtenues par une fermentation, non suivie d'une distillation.

Si le vin et la bière font partie de la culture européenne depuis son origine, il n'en est pas de même duhuangjiu qui par conséquent, n'a pas reçu de dénomination satisfaisante dans les langues européennes. Par son mode de fabrication à partir de céréales, cette boisson s'apparente à la bière telle que définie par les brasseurs[N 4], mais par son mode de consommation et ses caractéristiques organoleptiques, elle s'apparente au vin. Les premiers sinologues occidentaux ont pris l'habitude de traduirejiu dans les textes classiques par « vin »[N 5] et cet usage, malgré les confusions qu'il provoque chez les non-sinologues, s'est imposé aux traducteurs. Une traduction plus précise dehuangjiu est « vin decéréale » ou « vin de riz » (et encore faudrait-il préciserchinois). Par son mode de production, lehuangjiu s'apparente ausaké japonais (écrit aussi 酒) qui s'en est inspiré.

La transformation de grains en alcool s'opère par deux processus distincts :

  1. une hydrolyse de l'amidon produisant des sucres simples, processus nommésaccharification, obtenu par desenzymes amylolytiques
  2. unefermentation alcoolique des sucres simples enéthanol, obtenue par deslevures produisant des enzymes glycolytiques

Dans le vin de céréalehuangjiu, les deux processus sontquasi simultanés et sont déclenchés par un inoculum amylo-fermentaire nomméqu ( / , ) en chinois. Pour la fabrication de la bière, ils sontséquentiels : d'abord lemaltage entraînant l'apparition d'enzymes dans les céréales, puis lebrassage dans l'eau chaude (~60 à 70 °C) et responsable la transformation de l'amidon en sucre, suivi du houblonnage et enfin de la fermentation alcoolique transformant le sucre en éthanol.

Dans la technique chinoise, le fait d'avoir deux processus en partie simultanés et non séquentiels, permet à la levure de ne pas rencontrer une forte concentration initiale en sucre ayant sur elle une activité inhibitrice. Le vin de céréale peut donc atteindre des concentrations de 12 à 20 % d'alcool, proche des bières à triple ou quadruple fermentation et supérieures aux taux traditionnels de 5-6 % de la bière à fermentation unique.

Le vin de céréale ne doit pas être confondu avec lebaijiu (白酒, báijiǔ, « alcool blanc »), une l'eau-de-vie de céréale qui est produite pardistillation de vin de céréale et est donc beaucoup plus fort (38 à 65 %). Cet alcool fort est devenu un marqueur caractéristique de la culture chinoise traditionnelle comme le huangjiu, bien qu'il soit apparu beaucoup plus tard (il y a un millénaire et non pas cinq).

Les techniques de fabrication

[modifier |modifier le code]

Les techniques de brassage du vin de céréale ont beaucoup varié dans le temps et l'espace.Des premières fermentations de céréales dont les traces remontent auNéolithique, jusqu'aux techniques élaborées desZhou et desHan (premier millénaire avant notre ère), il fallut plusieurs millénaires d'essais et d'erreurs, pour que l'art de contrôler la fermentation des céréales se stabilise.

Pour Xu Ganrong, un spécialiste chinois de la fermentation en milieu solide, le développement des techniques de fermentation du vin de céréales peut être divisé en deux grandes étapes[2],[3] :

1. L'étape des fermentations naturelles : à travers une expérience multi-millénaires, les savoir-faire traditionnels ont constamment progressé et permis de maitriser de manière satisfaisante les fermentations pratiquées à une échelle artisanale. Mais le manque de compréhension des phénomènes ne permettait pas de produire à grande échelle et sans aléas, avec des normes de qualité contrôlables.

2. À la fin duXIXe siècleLouis Pasteur montre que les fermentations lactique, acétique et alcoolique sont dues à la présence de micro-organismes. Il comprend que les altérations du vin ou de la bière sont provoquées par des germes parasites qui se développent en plus des micro-organismes responsables de la fermentation normale. L'autre innovation importante est l'utilisation de cultures pures par le DanoisEmil Hansen[N 6]. Depuis cette époque, l'amélioration de la qualité des bières et des vins devra beaucoup aux progrès de la microbiologie.

Les brasseurs japonais furent les premiers en Asie à utiliser ces connaissances microbiologiques pour industrialiser les méthodes traditionnelles de brassage du vin de céréale[4] (nommésaké au Japon). Les Japonais adoptèrent la technologie européenne de culture de ferment pur dans leur pays et la transférèrent en Corée et en Chine au cours duXXe siècle[N 7]. La compréhension des mécanismes microbiologiques mis en œuvre permit de mécaniser à grande échelle les processus de brassage de la bière et des vins de céréales et d'assurer une production de qualité constante[5].

La technique de préparation du fermentqu et du vin de céréale à l'époque médiévale

[modifier |modifier le code]
Jarres de vin de riz

Le plus ancien traité d'agriculture, datant duVIe siècle, leQi Min Yao Shu, 齐民要术, (Principales techniques pour le bien-être du peuple) donne pour la première fois, une description détaillée de la technique de fabrication du vin de céréale[6]. L'élaboration se fait en deux temps : dans un premier temps, la préparation de l'inoculumqu[N 8] sous forme de gâteaux solides, pouvant être longuement conservés, et dans un deuxième temps, le brassage de céréales cuites ensemencées par lequ. Le traité donne les procédures de fabrication de neuf variétés dequ et de 37 types de vins de céréales.

La technique d'élaboration est complexe et difficile à maitriser. L'auteur, Jia Sixie, dans un souci de transmettre l'expérience acquise par les brasseurs de son époque, prend un soin extrême à détailler chaque étape, en précisant souvent que si on ne suit pas précisément la procédure, le vin sera altéré ou ne se conservera pas. Les recommandations sur la marche à suivre peuvent parfois relever de ce qu'on sait maintenant être lié à une hygiène stricte (faire bouillir cinq fois l'eau) mais aussi à des pratiques d'ordre magique (un garçon habillé en noir, doit puiser l'eau face à l'ouest, avant le lever du soleil, cf Huang[6],p. 170).

Leblé est l'ingrédient de base de la plupart desqu. Le blé est en général divisé en trois parties qui sont respectivement légèrement torréfiées, étuvées et gardées crues. Après avoir moulu les grains, on les mélange pour donner une farine que l'on trempe avec de l'eau. La pâte obtenue est pétrie en mottes de taille variable (suivant le type dequ, petite pièces de quelques centimètres, gâteaux plus importants, ou briques d'une dizaine de centimètres). Les blocs sont ensuite mis à incuber dans une pièce soigneusement close. Pendant plusieurs semaines, les blocs sont surveillés, retournés, empilés puis mis à sécher au soleil. Sans savoir quel type de fermentations se produisaient, l'auteur Jia Sixie note la présence d'un feutrage superficiel multicolore (yi 衣) à la surface des blocs, indiquant la maturité du ferment.

Schéma de fabrication du vin de millet d'après le Qi Min Yao Shu (l'unité est le dou 斗). Fabrication en mode graduel.

On sait maintenant que ce processus de fermentation[7] sur substrat solide est l’œuvre d'un cocktail très complexe de moisissures (Rhizopus oryzae,Aspergillus sp.,Monascus sp. etc), de levures (Saccharomyces cerevisiae,Saccharomycopsis fibuligera, Pichia guilliermondii, etc.) et de bactéries (Bacillus subtilis, B. ginsengihumi, etc.).

Pour la deuxième étape, le Qi Min Yao Shu indique comment contrôler la fermentation de trois types de céréales : deux espèces de millets[N 9] et leriz glutineux[6]. Avant de faire l'inoculation des grains, on commence par briser les gâteaux de fermentqu et on les met à tremper pendant 7 à 10 jours, le temps que l'hydrolyse commence. On prépare le grain (millet ou riz) par un lavage soigneux, une cuisson suivie éventuellement d'une mise à gonfler dans de l'eau. On procède ensuite à une série de charges de grains sur le ferment dans une jarre servant de fermenteur. La réaction de fermentation se déclare et au bout d'un à deux jours, tout le grain est liquéfié. On effectue ensuite une seconde charge de céréale et le cycle est répété jusqu'à ce que le pouvoir d'hydrolyse du ferment soit épuisé. À ce moment, le moût contient encore beaucoup de sucre (obtenu par hydrolyse de l'amidon) et le brasseur habile doit pouvoir contrôler la fermentation alcoolique par les levures pour augmenter la concentration d'alcool jusqu'au point d'inhibition des levures (vers 15 % d'éthanol). On laisse ensuite le vin décanter. Il peut être bu tel quel ou filtré. On notera que le brasseur prend un très grand soin pour s'assurer que la température de la jarre de fermentation ne soit ni trop élevée ni trop basse.

Aperçu des techniques actuelles

[modifier |modifier le code]
Bouteilles de huangjiu
  • Types de vins

Il existe une grande variété de vin de céréale, chacune avec des spécificités de fabrication propres (voir les entrées correspondantes).Plusieurs classification sont possibles, la plus courante comporte trois groupes[8],[7] :

  1. Vin de riz de Shaoxing绍兴酒 / 紹興酒, shàoxīng jiǔ
  2. Vin de ferment rouge, fabriqué avec du riz glutineux et les fermentsyaoqu药曲, 药麴, yàoqū ethongqu红曲 / 紅麴, hóngqū
  3. Vin demillet (小米, xiǎomǐ), comme levin Jimo (即墨老酒, jímò láojiǔ) duShandong

La production de vins de céréale se concentre essentiellement dans trois grandes zones :

  1. Shaoxing dans la province duZhejiang
  2. Shanghai
  3. la province duJiangsu
  • Les fermentsqu

Les premiers travaux sur la nature microbiologique du fermentqu remonte àAlbert Calmette, un collaborateur deLouis Pasteur, que ce dernier avait chargé de fonder l'Institut Pasteur de Saïgon en 1891. Calmette étudia la fermentation du vin de riz qui était produit en Indochine suivant la méthode chinoise[9]. Il identifia dans le ferment que les Européens d'Indochine appelaient des « levures chinoises », plusieurs variétés de levures, des colonies bactériennes et de moisissures. Parmi ces dernières, il remarqua une espèce de moisissure qui s'étalait en nappe blanche et semblait avoir le meilleur pouvoir de saccharifier l'amidon. Il proposa de l’appelerAmylomyces rouxii en honneur de son maîtreÉmile Roux[10]. Il montra que cette moisissure provenait de l'extérieur des grains de riz et non pas des 46 plantes aromatiques pilées qui servaient traditionnellement à fabriquer les petits gâteaux de ferment . Après avoir trouvé un moyen de cultiver cette moisissure, il la combina avec des souches de levures de l'Institut Pasteur et élimina des micro-organismes pathogènes qui contaminaient le ferment chinois. Il jugea le résultat excellent, bien meilleur que lekoji japonais et ayant un rendement très supérieur au « procédé indigène de fabrication des alcools de riz en Indo-Chine ». Au-delà des applications pratiques, Calmette grâce à une série d'expérimentations habiles, révélait le processus microbiologique caché qui était à l’œuvre dans la transformation du riz en alcool, mis au point par tâtonnements par les Chinois. Une analyse phylogénétique récente[11] de ferments asiatiques suggère que l'espèceAmylomyces rouxii (syn.Rhizopus arrhizus A. Fisch.) est composée de deux types distincts, dérivés deRhizopus oryzae etR. delemar,via la domestication des ferments (starters).

Quelques années auparavant, la nature microbiologique du fermentkoji avait été étudiée par le Néerlandais Ahlburg et le Japonais Shinnosuke Matsubara[N 10]. Les moisissures furent initialement nomméesEurotium oryzae Ahlburg, puis renommées par CohnAspergillus oryzae (Ahlburg) Cohn. Le Britannique R. W. Atkinson publia dans Nature en 1878, une description du mode de fabrication du saké[12] puis en 1880 indiqua qu'une « diastase » (enzyme) était responsable de l'hydrolyse de l'amidon.

Les principaux types de fermentsqu produits actuellement en Chine sont présentés dans la table ci-dessous[6] :

Types traditionnels de fermentsqu fabriqués actuellement en Chine (d'après Huang)
NomConstituantsEspèces fongiquesUtilisation
麦曲, màiqū
ferment de blé
Blé (小麦, xiǎomài)Rhizopus spp.
Aspergillus spp.
Huangjiu 黄酒
vin de céréale
小曲, 小麴, xiǎoqū
petit ferment
Riz, son de riz, plantesRhizopus spp.
Mucor spp.
Huangjiu 黄酒, vin de riz,
→ Xiaoqu baijiu 小曲白酒 eaux-de-vie
大曲 / 大麴, dàqū
grand ferment
Blé (小麦,xiaomai) ou
Blé + orge + pois (Pisum sativum)
Rhizopus spp., Aspergillus spp.Vin pour la distillation
zhengliu jiu 蒸馏酒
红曲 / 紅麴, hóngqū
(ou赤曲 / 赤麴, chìqū)
ferment rouge
Riz (long)Monascus purpureusHuangjiu vin de céréale,
hongqujiu 红曲酒, colorant rouge

On sait depuis le milieu duXXe siècle, que les fermentsqu sont constitués de trois types de mico-organismes : desmoisissures (Aspergillus oryzae, A. niger, etc. ;Rhizopus oryzae, R. delemar, etc.,Mucor spp.,Monascus purpureus,Penicillium etc), deslevures (Saccharomyces cerevisiae, Pichia, etc.) et desbactéries (Bacillus subtilis,Acetobacter,Lactobacillus, etc.).

Les moisissures sont des champignons filamenteux qui élaborent desamylases, jouant un rôle essentiel dans l'hydrolyse de l'amidon en sucres simples (en C6). Ainsi,Rhizopus oryzae la plus fréquente, produit de l'amylase en abondance et des composés volatils[7]. Les moisissures du genreAspergillus sécrètent une grande variété d'enzymes qui contribuent à la saccharification des restes d'amidon du moût dans les dernières phases de la fermentation.Aspergillus oryzae est utilisée dans lesaké. Les Japonais utilisent des cultures pures deA. oryzae pour faire lalevurequ / , , nommékoji en japonais, des cultures pures de levureS. cereviciae,moto en japonais, les deux inoculés à du riz étuvé.

Leslevures sont des champignons microscopiques unicellulaires qui produisent des enzymes (leszymases) capables de dégrader les sucres simples en alcool et gaz carbonique, en dégageant de l'énergie.Saccharomyces cerevisiae, la productrice la plus efficace d'éthanol, est la levure la plus fréquente dans beaucoup dequ. Ces levures sont aussi utilisées pour la fermentation du jus de raisin en vin ou pour faire lever le pain.

Les bactériesBacillus sécrètent des enzymes hydrolytiques, comme des amylases et des protéases, qui joue un rôle important dans la liquéfaction et la saccharification du riz et des réactions subséquentes conduisant à des composés organiques qui affectent l'arôme et le goût du vin de céréale.Bacillus subtilis est une bactérie du sol inoffensive que l'on retrouve dans les lessives et les yaourts. Dans certainsqu, des bactéries lactiquesWeissella paramesenteroides produisent de l'acide lactique et des substances antimicrobiennes.

Histoire

[modifier |modifier le code]

Les boissons fermentées de la période préhistorique

[modifier |modifier le code]

Les jarres trouvées dans le village néolithique deJiahu (賈湖), dans la vallée dufleuve Jaune (Henan), ont permis de remonter à 7000 à 6 600 ans avant notre ère, la fabrication des premières boissons alcooliques par l'homme. Les dépôts de matières organiques qu'elles contenaient, analysés par l'équipe américano-chinoise de McGovern et als[13] (2004) indiquaient que ces jarres contenaient une boisson fermentée formée à partir de riz, de miel et de fruits. La présence d'acide tartrique fait supposer que ces fruits pourraient être descenelles[N 11] (fruit de l'aubépine) et/ou des raisins d'unVitis sauvage endémique[N 12]. Le raisin pouvait être utilisé comme une source de levures fermentaires, naturellement présentes sur la pellicule.

Vasegui de la culture Dawenkou

Ce « breuvage néolithique » était donc un assemblage d'hydromel, debière et devin. Il apparait à peu près à la même date que la bière d'orge et que levin (de raisins) au Moyen-Orient[14],[15].

Des études restent à faire pour connaître le devenir de cette mixture si singulière. Mais la même équipe de Mc Govern[13] a montré qu'environ cinq millénaires plus tard, à l'époque protohistorique, la boisson composite avait laissé place aux « vins de céréales ». L'analyse du contenu remarquablement bien préservé, de bronzes celés de la fin desShang - début desZhou (ca. -1250, -1000) a révélé une boisson alcoolique faite à partir d'une céréale, probablement lemillet ou leriz.

Mais avant cette époque, les archéologues supposent que nombre de récipients trouvés dans les sépultures de la culture deDawenkou 大汶口 (ca. -4300 / -2600), dans leShandong, devaient être destinés à la fabrication et la consommation de vin de céréales. La boisson semblait avoir une grande importance puisque dans le site funéraire de Lingyanghe, les 663 coupes trouvées représentent 45 % des objets funéraires.Les rituels funéraires étaient centrés sur des festins où les princes cherchaient par d'importantes offrandes, à manifester leur puissance et leur prestige[16].

Les vins de céréale offerts en sacrifice aux ancêtres, phase tardive des Shāng (-1200 / -1046)

[modifier |modifier le code]

La civilisationShang 商 se caractérise par l'importance de la divination par le feu (la pyro-ostéomancie), le caractère fastueux des sacrifices et le culte des rois défunts.Le site archéologique deYīn xū 殷墟 a révélé d'innombrables inscriptions oraculairesjiaguwen et vases rituels de bronze destinés au service du vin de céréale[N 13]. Les vestiges archéologiques ont permis de reconstruire les banquets offerts aux ancêtres que partageaient vivants et défunts soit à des époques définies de l'année, soit à l'occasion de funérailles[17]. La tombe deFu Hao 妇好, une épouse du roiWu Ding 武丁 (reg. -1324 / -1266), fut construite avec grand soin et un apparat solennel dont témoignent les sacrifices de seize humains et de plusieurs chiens. Elle renfermait 1,6 tonne de bronze dont la plus grande partie était constituée de vases cultuels. Sur les 195 récipients de bronze, destinés à préparer les mets et boissons pour un banquet protocolaire, Bagley[18] a évalué à 144 le nombre de vases destinés au vin de céréale, soit 74 %. Ils servaient selon le type, à entreposer la boisson, à la verser, la chauffer et à boire (jia, jue, gu). Ces vases rituels trouvés dans les tombes sont semblables à ceux utilisés dans les temples pour les sacrifices aux ancêtres (Thote[19], 2009).

Vases rituels pour le vin de céréale, époque de la phase tardive des Shang (XIIe siècle av. J.-C.)
Vasejue 爵 bronze, sur trois pieds
élevés, pour faire tiédir le vin
Verseuseguang, bronzeTripodejia pour réchauffer
le vin de céréale

Les premiers textes en chinois, enécriture ossécaille (jiaguwen 甲骨文), trouvés sur ce site de Yin xu, confirment la prééminence des boissons de céréales fermentées. Ils distinguent les trois principaux types de boissons alcooliques (Huang[6], McGovern[13]) nommées :
-chang 鬯 : un « vin » rituel fabriqué avec un ferment contenant une herbe particulière
-li 醴 : un « vin » doux et léger (de faible degré alcoolique), fabriqué à partir de riz ou de millet, donc un genre de bière
-jiu 酒 : un « vin » complètement fermenté et filtré, fabriqué à partir de riz ou de millet, plus riche en alcool (environ 10-15 %). C'est cette boisson élaborée, dite « vin de céréales » qui s'imposera au cours des siècles suivants.

Les demandes d'oracles faites aux devins royaux portaient sur les prises de décisions concernant les affaires du pays (départ en guerre, sacrifices...), sur des événements pouvant se produire (pluie, calamités, arrivée d'un envoyé...)[20]. Les demandes les plus fréquentes concernaient les sacrifices qui devaient être rendus aux ancêtres et à d'autres esprits (comme le Fleuve ou le Pic). Les offrandes sacrificielles d'alcool étaient présentées au même titre que les sacrifices d'animaux (ou d'humains). Ainsi à une demande concernant un sacrifice, le devin répond par l'augure[21] :

On a consulté l'oracle :« Au jour Dingmao, le roi effectuera le riteyou avec [le sacrifice de] cent (vases?) de vinchang 鬯, cents ovins et cent bovins »[N 14] (trad. de Li Guoqiang).

Leli 醴, souvent cité dans les oracles, était la boisson préférée pour les libations effectuées lors des cérémonies sacrificielles. On peut la qualifier de « bière » puisque Huang[6] suppose qu'elle était brassée avec des grains germés comme agent de saccharification. D'après leClassique des rites[N 15] (liji 禮記), si les Shang préféraient la bière légèrement alcooliséeli, la dynastie suivante des Zhou préférait le vin de céréale élaboré, lejiu 酒.

À la fin des Shang, la consommation de boissons alcooliques ne se limitait pas aux grandes fêtes rituelles mais était devenue une pratique ordinaire à la cour.

Usages rituels, de la dynastieZhou à la fin desHan (-1045 / 220)

[modifier |modifier le code]

En raison du reproche fait aux aristocrates de la dynastie des Shang, de se livrer à des excès de boissons, le premier roi de la dynastie suivante desZhou mit en garde ses sujets sur les risques de l'alcoolisme. Il ordonna que ceux qui s'adonnaient à la boisson devaient être arrêtés et condamnés à mort[22]. Et bien que la source de cette information, leZhouli (周禮Rites des Zhou), mentionne des fonctionnaires chargés de contrôler la production de vin de céréales, ce n'est pourtant que neuf siècles plus tard, en 98 avant notre ère, que l'empereurWu des Han promulgua lemonopole étatique de la production de vin. Les opérations militaires ayant asséché les caisses de l’État, l'empereur avait besoin de rajouter aux taxes sur le sel et le fer, celles sur le vin de céréale. Il ne s'agissait plus de prohiber ou restreindre la consommation d'alcool mais au contraire sinon de l'encourager du moins d'en profiter au maximum. La consommation devait cependant en être importante pour que l'opération soit fiscalement intéressante.

Les textes classiques de cette époque (premier millénaire avant notre ère), commencent à esquisser le mode de fabrication du vin de céréale(s). LeClassique des documents (Shu jing 书经, ca. -500) nous indique que pour faire du vin, on a besoin de fermentqunie 麴蘖[N 16] mais sans dire en quoi consistait ce mystérieuxqūniè.

Un peu plus tard, leClassique des rites (Liji 禮記 /礼记) élabore un peu la technique du brassage. Il recommande six conditions pour obtenir un bon vin de céréales :

« [Dans le second mois d'hiver], l'ordre est donné au surintendant du Vin de veiller à ce que le millet et le riz soient complets (bien mûrs), le fermentqu et le grain germénie soient de saison (rajoutés au bon moment), le trempage et le chauffage proprement accomplis, l'eau de source parfumée (potable), les récipients de poterie en bonne condition (propres), et le feu bien conduit (pour la cuisson des céréales)[N 17] »

On voit donc que les deux voies conduisant aux boissons alcooliques par fermentation de céréales furent explorées en Chine : la première utilisant du grain germé contaminé (par des levures) pour faire une "bière"li 醴, et la seconde utilisant du riz cuit (fan) contaminé (par des moisissures) pour faire du "vin"jiu 酒. Mais suivant Huang[6], les anciens Chinois n'ont jamais parfaitement maitrisé la première technique et l'ont peu à peu délaissée. Par contre, ils n'ont cessé d'améliorer le contrôle de l'activité microbiologique du ferment, produit à partir de riz étuvé, et ont réussi très rapidement à fabriquer un vin de céréale de qualité.

La technique de fabrication duli avec du riz germé (nie 蘖) fut transmise au Japon (via la Corée), sous lesHan (ou un peu plus tard), oùli est prononcérai 醴 etnie se ditgetsu. Puis, à la période médiévale, les Japonais apprirent à préparer le koji 麴 (ouqu), pour faire dusaké[23].

Vases rituels pour le vin de céréales, époque des Han (-206 / 220)

Les vaseshu sont devenus largement dominants à cette époque.

Vasehu 壶, terre cuite
à glaçure verte
Gobeletzhi 巵, jade et
autres pierres précieuses

Les divers vins de céréale vont s'inscrire définitivement dans la longue histoire de la civilisation chinoise parce qu'ils devinrent la boisson sacrificielle offerte enlibation aux esprits des ancêtres et aux divinités supérieures, puis par extension offertes aux supérieurs dont on espère des faveurs, conformément à l'étiquette du système rituel traditionnel.

Selon leZhouli (周禮Rites des Zhou), sous lesZhou occidentaux, les devins dépendaient du ministère des Cultes qui comprenait 70 officiers et 3 673 fonctionnaires ou assimilés. Un vin spécial était préparé expressément pour les offrandes rituelles aux ancêtres. C'était un vin de céréale léger, fermenté pendant un court laps de temps et utilisé immédiatement[8].

Des offrandes de vin étaient faites aux esprits des ancêtres royaux pour obtenir leur bénédiction ou pour obtenir des dieux de la Montagne et des Rivières de la pluie ou de bonnes récoltes.Le nombre de libations variait suivant l'importance du rituel. Lors du culte des ancêtres, neuf libations s'adressaient à leur esprit. Pour les offrandes aux esprits du Ciel et de la Terre, il fallait sept libations et pour les esprits des Montagnes et Rivières, cinq libations suffisaient[8].

Leculte des ancêtres rassemblait les membres importants du lignage dirigés par leur chef, à l'occasion de mariages, d'expéditions militaires, de prises de nouvelles fonctions, etc. Il avait pour but de renforcer la cohésion du lignage et d'affirmer sa puissance. Au début de la cérémonie, un vin parfumé était répandu sur le sol, pour inciter les esprits à descendre parmi les participants afin de partager un festin communautaire[8]. Les arômes puissants émanant du vin chauffé étaient réputés capables d'attirer les esprits. Le lien entre les générations s'exprimait par le fait qu'un descendant de l'ancêtre (comme son petit-fils) incarnait l'esprit ancestral. Le rôle de cet impétrant était très important puisqu'il siégeait sur l'autel sacrificiel en tant que représentant de l'ancêtre avec tous les participants agenouillés devant lui. Le chef du lignage puisait du vin de céréale à l'aide d'une louche en jade et l'offrait à l'impétrant sur l'autel. Celui-ci aspergeait un peu le sol du vin, en buvait quelques bonnes gorgées et versait le reste sur l'autel. Les opérations pouvaient se répéter avec d'autres responsables jusqu'au moment où l'impétrant était ivre et pouvait servir de médium à l'esprit de ancêtre (Szto[24], 2011). On procédait alors à des sacrifices d'animaux comme cochons, bovins ou ovins. Les offrandes de vin de céréale et de nourriture se poursuivaient avec un accompagnement musical. On considérait que lorsque les esprits ancestraux étaient bien rassasiés par la nourriture et bien enivrés de vin, c'était au tour des membres de la famille d'en profiter jusqu'à l'ébriété[24].

Dans la Chine ancienne, les subordonnés offraient de la nourriture et du vin pour obtenir les faveurs des supérieurs, y compris ancêtres et esprits. Le système juridique chinois traditionnel qui s'est maintenu jusqu'à l'époque moderne est basé sur lapréférence de la vertu s'exprimant à travers les rituels.Dans les interactions sociales, la voie de la vertu a toujours passé par l'offrande de quantité de victuailles et d'alcool. Cadeaux[N 18] somptueux et ripailles sont restés les piliers de toute négociation et de toute tentative de résolution de conflits[N 19].

Szto[24] établit « une filiation entre ces banquets sacrificiels où les participants comblaient de cadeaux les esprits pour les obliger en retour à être bienveillants, et les grands banquets bien arrosés, organisés à l'époque actuelle, considérés comme des rituels indispensables à la conclusion de contrats solides ». Les cadeaux d'objets de grand luxe restent le rituel obligatoire chez les fonctionnaires et les hommes d'affaires en négociation. Mais la voie de la vertu confucéenne est très étroite et les précipices de la corruption jamais très loin.

Maturation des techniques de brassage, de la fin des Han aux Song (IIIe – XIIIe siècles)

[modifier |modifier le code]

S'il est bien établi que le vin de céréale était une marchandise importante dans l'économie desHan, son mode de fabrication nous est mal connu car les sources textuelles restent très évasives. La fin de l'état centralisé Han en 220 et le début d'une période de troubles qui s'étalera sur presque quatre siècles, ne pouvait laisser présager la publication du premier grand ouvrage encyclopédique sur l'agriculture en 544, leQi Min Yao Shu 齐民要术, (Principales techniques pour le bien-être du peuple).

Sur quatre chapitres, l'auteur, Jia Sixie 贾思勰, détaille la préparation de trois grands types de fermentqu et de 37 genres de vin[6]. Le blé est l’ingrédient principal du ferment solide alors que les ingrédients de base pour la fermentation sont le millet commun, le millet des oiseaux et le riz (voir section précédente).

Après la réunification de l'ensemble des pays chinois par ladynastie Sui (581-618), le monopole d'état sur la fabrication et la commercialisation du vin de céréale est aboli. Chaque famille put se préparer son propre vin ou en produire pour la commercialisation[8]. Ladynastie Tang (618, 907) poursuivit au début cette politique libérale. Mais les dépenses occasionnées par la révolte d'An Lushan (755-763) obligea le gouvernement à chercher de nouvelles taxes. Le succès du monopole sur le sel, le conduisit à étendre ce monopole aux boissons alcooliques en 782. Avant la révolte d'An Lushan, les seules actions des autorités vis-à-vis du vin de céréale consistait à interdire l'usage de céréales pour la production de vin lors des périodes de famines. Après la rébellion, toute famille produisant du vin de céréale fut enregistrée (en 763) et sujette à une taxe mensuelle. Puis en 782, un monopole d'état fut imposé sur la production et la vente de vin. Les particuliers producteurs devinrent des employés de l'état[25]. Des marchands de vin officiels (guanfang 官坊) se chargèrent de la vente du vin.

Lavigne cultivée (Vitis vinifera) n'est pas indigène en Chine mais est venue de l'ouest, de l'empire Perse via les populations du Xinjiang à l'époque des Han.Les raisins et le vin (de raisins) commenceront à être mieux connus et appréciés à partir de la conquête deGaochang (高昌) dans ladépression de Tourfan (actuelXinjiang) en 640[N 20]. On commença à faire du vin en utilisant les levures déposées naturellement sur les pellicules et non plus l'inoculumqu[6]. Le vin (de raisins) après avoir connu une certaine popularité chez les aristocrates, redevint les siècles suivants, une boisson rare et exotique. Les populations du nord préparaient aussi des boissons alcooliques par fermentation de poires et de jujubes.

La capitale,Chang'an était le centre cosmopolite d'un immense empire s’étendant de la Corée à la Perse. On y produisait trois variétés de vins de céréales. De nombreux marchands de vin et buvettes bordaient les rues.

Le vin de céréale constituait toujours une offrande rituelle utilisée dans le culte des ancêtres aussi bien à la cour que dans le privé. La nourriture et le vin offert ont toujours constitué le moyen d'établir un lien entre présent et passé, de conforter sa filiation. La cour des Tang établit des Temples des Ancêtres Impériaux (ou Grand Templetaimiao 太庙) où comme sous les Han, l'empereur effectuait des offrandes de vin de céréales et d'animaux sacrifiés, aux esprits de ses ancêtres[26],[N 21]. Pour le peuple, les occasions de boire ne manquaient pas[27] : banquets offerts par les gouverneurs de province aux seniors, anniversaire de l'empereur que tous ses sujets étaient invités à fêter (du moins de 730 à 755), etc. Il était possible de boire un peu n'importe où et n'importe quand.

Les boissons alcooliques furent une source d'inspiration pour les poètes et artistes de cette époque. Lors de soirées les convives étaient invités à composer des poèmes spontanés tout en dégustant du vin de céréale. Le poèteLi Bai 李白 (701-762), grand buveur épris de liberté, mena une vie de bohème et de vagabondage. Il associe souvent la lune et le vin, comme dans la suite de poèmes[28] :

Buvant seul sous la lune 月下独酌
Pichet de vin au milieu des fleurs
Je bois seul, sans compagnon
Levant ma coupe, je convie la lune claire
Avec mon ombre, nous voilà trois
花间一壶酒,
独酌无相亲。
举杯邀明月,
对影成三人。

Ce génie extravagant, « l'immortel du vin », finit noyé par une nuit d'ivresse, en tentant de saisir le reflet de la lune dans le fleuve Yangzi.

À l'époque de ladynastie Song, la capitale économique et culturelle du pays se déplace du nord (vallée duFleuve Jaune), vers le sud, aux environs deHangzhou (au sud duYangzi Jiang). Le nord de la Chine est connu pour être le domaine par excellence de la culture du blé alors que le sud, est celui de la culture du riz. On va voir évoluer en conséquence les matières constituantes du vin de céréale qui va devenir peu à peu un « vin de riz ».

L'ouvrage le plus important de l'époque sur les techniques de brassage, le Beishan jiu jing 北山酒经 Le Classique du Vin de la Colline du Nord (1117), atteste amplement de cette évolution[6]. L'auteur, Zhu Gong 朱肱, a dirigé une brasserie à Hangzhou et entend faire partager sa riche expérience à ses lecteurs. Après avoir livré une brève histoire du vin de céréale en Chine, il présente les procédés de fabrication de 13 fermentsqu différents et d'une grande variété de vins de céréale. Par rapport, à l'autre grand texte majeur sur le vin, leQi Min Yao Shu (de 544), cet ouvrage présente à côté des fermentsqu à l'ancienne, fait avec de la farine de froment, desqu fait avec un mélange de farine de froment et de riz ou de riz seul. De plus, dans toutes les techniques d'incubation duqu, plusieurs plantes sont utilisées pour apporter leurs propriétés médicinales (comme leginseng, lejatropha, etc.), aromatiques ou antiseptiques (épices,girofle, etc.) ou autres (houblon,xanthium, etc.).

En ce qui concerne la fermentation elle-même, dans leBeishan jiu jing, les premières étapes du processus sont beaucoup plus complexes que ce qui était connu antérieurement : le riz étuvé est mélangé avec du malt, du fermentqu 曲, de la levurejiao[N 22] et un liquide de trempage du blé, aigri, oujiang 浆 (utilisé actuellement dans la fabrication du vin de Shaoxing). C'est la première fois que l'usage de la levurejiao est explicitement indiqué dans le brassage du vin. Lorsque la fermentation est terminée, le vin est mis à décanter puis est chauffé pour assurer ce qu'on sait maintenant être une pasteurisation, stabilisant un produit vivant et donc instable.

Les procédés de brassage du vin donnés dans leBeishan jiu jing restèrent un modèle toujours reproduit jusqu'au début duXXe siècle (Xu[3]).

De l'apogée à la modernisation, des Yuan à l'époque actuelle (XIIIe – XXIe siècles)

[modifier |modifier le code]

L'apogée de la culture du vin de céréale[8] se situe pendant les trois dernières dynasties de l'empire : lesYuan (1276-1368), lesMing (1368-1644) et lesQing (1644-1911).

Durant la première période, celle des Mongols ouYuan, on observe encore deux innovations significatives[6] :

  • l'introduction d'un nouveau ferment, lehongqu 红曲, le « ferment rouge » dont la couleur provient d'une espèce fongique : leMonascus purpureus. Il permet la fabrication d'un nouveau vin de céréale, lehongjiu 红酒, litt. « vin rouge ».
  • la commercialisation d'une eaux-de-vie, appelée communémentshaojiu 烧酒 dans le sud etbaijiu 白酒 dans le nord, obtenue par distillation du vin de céréale.

Les principales boissons alcooliques chinoises vont donc désormais pouvoir être regroupées dans deux catégories : leshuangjiu ou vins de céréale et lesbaijiu ou eaux-de-vie de céréale.

Toutefois, le médecin duXVIe siècle,Li Shizhen, distingue trois classes[29] : les boissons obtenues par fermentation de céréales inoculées avec lequ (comme les vins de millet, de riz glutineux, de sorgho), les boissons obtenues directement par fermentation de raisins ou de miel sans inoculation dequ (donc vin et hydromel) et les eaux-de-vie. Il recommande dans sa pharmacopéeBencao gangmu le vin de raisinsputaojiu pour « réchauffer les lombes et les reins, garder une bonne mine, résister au froid[N 23] ».

Durant ladynastie Ming, la production de vin de céréale s'est étendue à toute la Chine. Ainsi dans le centre de la Chine, la petite ville deHengyang (衡阳) comportait dix mille (c.-à-d. un grand nombre) ateliers artisanaux fabricant du vin de céréale[8]. Cette époque a laissé le souvenir de quelques fameuxhuangjiu mais aussi de vins médicinaux réputés.

Graduellement la production de vin de céréale se réduisit à quelques provinces du sud : leZhejiang,Jiangsu,Jiangxi etFujian. Le plus fameux, leShaoxing jiu, le vin de riz deShaoxing (Zhejiang), était vendu dans tout le pays et à l'étranger (au Japon).

Après s'être longuement arc-bouté sur sa riche tradition et avoir rejeté systématiquement tout ce qui venait d'Occident, le vieil empire chinois a fini par entrer dans la modernité technique et scientifique duXXe siècle, au prix d'une longue période chaotique, parcourue de maint soubresauts violents. Actuellement, le paysage des boissons alcooliques réalise un genre de métissage des traditions chinoises et occidentales. Le goût de la modernité attire vers la consommation de boissons "occidentales" comme la bière ou le vin mais la fierté nationale ramènent aussi vers les produits traditionnels.

Les techniques de brassage occidentales ont commencé à être adoptées au Japon à la fin duXIXe siècle puis au siècle suivant en Chine. La découverte des micro-organismes duqu à l'origine des transformations amylo-fermentaires des céréales ont permis de revoir les techniques de brassage traditionnelles. De nombreuses souches pures d'Aspergillus spp.,Mucor spp.,Rhizopus spp., etMonascus spp. ont été sélectionnées pour leur grande activité hydrolitique ou fermentaire. La meilleure connaissance des processus de fermentation permet de développer une production mécanisée et de sortir en grande quantité des vins de céréale stables. Pourtant d'après Huang, il semblerait que, au moins dans les années 1980, la majorité des producteurs tendaient à préférer les mélanges de cultures à la mode ancienne, aux souches pures.

Notes et références

[modifier |modifier le code]

Notes

[modifier |modifier le code]
  1. C'est le terme utilisé par des sinologues français commeFrançoise Sabban,« Les fermentations alimentaires dans le monde chinois », dans Montel, Béranger, Bonnemaire,Les fermentations au service des produits du terroir, Quae,
  2. Jiu se prononce en mandarin,alphabet phonétique international :/ʨi̯oʊ̯²¹⁴/. Ethuangjiu se prononce en mandarin/xu̯ɑŋ³⁵ ʨi̯oʊ̯²¹⁴/. À l'époque actuellejiu à surtout une valeur générique de « boisson alcoolique »
  3. D'après les statistiques chinoise, la consommation d'alcool en 2005 se répartit de la façon suivante : 58 % de spiritueux, 2 % de vin et 40 % de bière cf« Découvrir le marché du vin en Chine - 2009 »,Observatoire viticole,‎(lire en ligne)
  4. Les brasseurs définissent la bière comme « une boisson alcoolique obtenue par l'action d'enzymes amylolytiques et d'enzymes glycolytiques levuriennes sur un empois d'amidon » (Beer-Studies)
  5. Cette tradition remonte aux premiers sinologues traducteurs des Classiques chinois comme Legge (1871), Couvreur (1896), Philastre (1885), Waley (1937) ou Karlgren (1950).
  6. Microbiologiste de la brasserie Carlsberg, élève de Pasteur, a mis au point la culture pure de levure
  7. Rappelons que le Japon a occupé une partie de laChine de 1931 à 1945 et la totalité de laCorée de 1905 à 1945
  8. La transcription phonétique de 曲 estqu enpinyin,ts'iu dans laromanisation de l'EFEO etchhü dans celle deWade-Giles
  9. Shǔ 黍, lemillet communPanicum miliaceum et 稷, lemillet des oiseaux,Setaria italica
  10. Dans un article publié en japonais en 1878,Kōji no Setsu (Théorie du koji), Tokyo Iji Shinshi
  11. Ces cenelles chinoises (Crataegus pinnatifida, C. cuneata) contiennent 4 fois plus d'acide tartrique que le raisin et leur distribution actuelle couvre le nord de la Chine
  12. Peut-êtreVitis amurensis (très riche en sucre) puisqueVitis vinifera sera introduite beaucoup plus tard. Le Henan actuel comporte 17 espèces sauvages deVitis
  13. Yin xu était la capitale des Shang de la période tardive, près deAnyang, dans leHenan. C'est un site archéologique exceptionnel par sa taille (24 km2), le nombre énorme de sépultures dont des tombes royales très grandes, les dizaines de milliers d'inscriptions oraculaires enécriture ossécaille (jiǎgǔwén (甲骨文) en chinois), les 1 200 fosses sacrificielles (où des milliers de sacrifices humains ont eu lieu), les innombrables vases de bronze
  14. 。丁卯王。白鬯白羊白牛Zhen, dingmao wang you bai chang bai yang bai niu
  15. 夏后氏尚明水,殷尚醴,周尚酒, les Xia préféraient l'eau lumineuse, les Yin (Shang) préféraient le "vin" légerli, les Zhou préféraient le "vin" élaboréjiu cf.Liji 明堂位
  16. 尔惟训于朕志,若作酒醴,尔惟麴蘖 (书经·说命 篇), Huang propose deux traductions de ce passage :
    - pour faire du vin (jiu), on a besoin de ferment (qu) ; pour faire du vin doux (li), on a besoin de grains germés (nie)
    - pour faire du vin fort (jiu) ou du vin doux (li), on a besoin de ferment (qu) et de grains germés (nie)
  17. 乃命大酋,秫稻必齊,麴蘗必時,湛熾必潔,水泉必香,陶器必良,火齊必得,兼用六物禮記 la traduction est reprise de James Legge, avec les interprétations de Xu Ganrong« "Grandiose survey of Chinese alcoholic drinks and beverages" »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), mises entre parenthèses
  18. En chinois, « cadeau » se ditliwu 礼物, soit morphologiquement « objet rituel »
  19. Les premiers grands crus de vin de Bordeaux tendent à prendre la place des alcools traditionnels. Si leChâteau Lafite Rothschild (Lafei 拉斐) connait un grand succès, à 1 415 euros la bouteille en 2010, c'est parce que« c’était le plus cher. En effet dans les dîners d’affaires en Chine, on prouve l’estime qu’on a pour ses convives au prix de la bouteille. Les consommateurs chinois se sont donc naturellement tournés vers le plus cher sans véritable connaissance du vin » (cfLafite)
  20. De 487 à 541 le Tourfan était un royaume indépendant, contrôlé par des tribus de Turques orientaux, lesTiele, qui furent démises par lesRuanruan, eux-mêmes détruits par lesKöktürks
  21. On peut voir un immense Temple des Ancêtres Impériaux,Taimiao, dans la Cité interdite à Pékin. Construit en 1420, des sacrifices y furent pratiqués jusqu'à la fin de l'empire en 1911
  22. LeBeishan jiu jing indique qu'on l'obtient en écumant la surface d'un moût en pleine ébullition fermentaire et en le faisant sécher sur une serviette
  23. 暖腰腎,駐顏色,耐寒

Références

[modifier |modifier le code]
  1. Patrick E.McGovern,Ancient Wine : The Search for the Origins of Viniculture,Princeton University Press,, 365 p.(ISBN 978-0-691-12784-2 et0-691-12784-0,lire en ligne)
  2. (zh) 许赣荣 [Xu Ganrong] (ed.), 胡文锋 [Hu Wenfeng] (ed.),固态发酵原理、设备与应用 [Applications, équipements et principes de la fermentation sur substrat solide], 化学工业出版社,‎, 271 p.(ISBN 978-7-122-04967-4 et7122049671)
  3. a etb« "Grandiose survey of Chinese alcoholic drinks and beverages" »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?)
  4. (en) Arun Kyalakond,Studies on preparation of rice wine, Thesis, university of agricultural sciences, Dharwad,
  5. 传统的黄酒如何酿造
  6. abcdefghij etk(en) H. T.Huang,Science and Civilisation in China : Volume 6, Biology and Biological Technology, Part 5, Fermentations and Food Science, Cambridge,Cambridge University Press,, 741 p.(ISBN 0-521-65270-7,lire en ligne)
  7. ab etcXu-CongLv, « Microbial diversity of traditional fermentation starters for Hong Qu'glutinous rice wine as determined by PCR-mediated DGGE »,Food Control,vol. 28,no 2,‎,p. 426-434(ISSN 0956-7135,DOI 10.1016/j.foodcont.2012.05.025,lire en ligne, consulté le)
  8. abcdef etgZhengpingLi,Chinese Wine,Cambridge University Press,,3e éd., 138 p.(ISBN 978-0-521-18650-6 et0-521-18650-1,lire en ligne)
  9. Annick Guenel, « The Creation of the First Overseas Pasteur Institute, or the Beginning of Albert- Calmette's Pastorian Career »,Medical History,vol. 43,‎,p. 1-25(lire en ligne)
  10. Calmette, « Contribution à l'étude des ferments de l'amidon, la levure chinois »,Annales de l'Institut Pasteur,vol. T 6,no 9,‎(lire en ligne)
  11. HidekiKito, « Molecular characterization of the relationships among Amylomyces rouxii, Rhizopus oryzae, and Rhizopus delemar »,Bioscience, biotechnology, and biochemistry,vol. 73,no 4,‎,p. 861-864(ISSN 1347-6947)
  12. cf.History of koji
  13. ab etcPatrick E.McGovern et als., « Fermented beverages of pre- and proto-historic China »,Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America,vol. 101,no 51,‎,p. 17593-17598(ISSN 0027-8424 et1091-6490,DOI 10.1073/pnas.0407921102,lire en ligne, consulté le)
  14. « Penn Museum »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?)
  15. Virginia R.Badler, « Drink and be merry! Infrared spectroscopy and ancient Near Eastern wine »,MASCA research papers in science and archaeology,vol. 7,‎,p. 25-36(lire en ligne, consulté le)
  16. LiLiu, Xingcan Chen,The Archaeology of China : From the Late Paleolithic to the Early Bronze Age,Cambridge University Press,, 498 p.(ISBN 978-0-521-64432-7 et0-521-64432-1)
  17. BernardDupaigne, Yves Vadé,Regalia : Emblèmes et rites du pouvoir,Éditions L'Harmattan,, 302 p.(ISBN 978-2-296-47941-8,lire en ligne)
  18. MichaelLoewe, Edward L. Shaughnessy,The Cambridge History of Ancient China : From the Origins of Civilization to 221 BC,Cambridge University Press,, 1148 p.(ISBN 978-0-521-47030-8,lire en ligne), « Chapter 3 : Shang Archeology »
  19. AlainThote,Les pratiques funéraires Shang et Zhou, interprétation des vestiges matériels, Paris, Cerf,, 728 p.(ISBN 978-2-204-08400-0 et2-204-08400-X), « Dans John Lagerwey,Religion et société en Chine ancienne et médiévale »
  20. JohnLagerwey (dir.),Religion et société en Chine ancienne et médiévale, Paris, Cerf,, 728 p.(ISBN 978-2-204-08400-0 et2-204-08400-X), « Olivier Venture, La pyro-ostéomancie sous les Shang et les Zhou occidentaux, formation et évolution d'une pratique rituelle »
  21. GuoqiangLi, « Sacrifices et domestication des bovins dans la Chine antique sous les Shang postérieurs (vers 1300 à 1046 avant J.-C.) »,Anthropozoologica,vol. 42,no 1,‎,p. 19-46(ISSN 0761-3032,lire en ligne)
  22. M.-C.Poo, « The use and abuse of wine in ancient China »,Journal of the economic and social history of the Orient,vol. 42,‎,p. 123-151(ISSN 0022-4995,lire en ligne, consulté le)
  23. Ueda, S.,Hakkaokogaku, 1992, 70, 133
  24. ab etcMarySzto, « Strengthening the Rule of Virtue and Finding Chinese Law in 'Other' Places: Gods, Kin, Guilds, and Gifts »,SSRN eLibrary,‎(lire en ligne, consulté le)
  25. (en) D.C. Twitchett,Financial Administration Under The T'ang Dynasty,Cambridge University Press,, 401 p.
  26. (en) Jonathan KaramSkaff,Sui-Tang China and Its Turko-Mongol Neighbors : Culture, Power, and Connections, 580-800, Oxford/New York, OUP USA,, 400 p.(ISBN 978-0-19-973413-9 et0-19-973413-5,lire en ligne)
  27. (en) CharlesBenn,China's Golden Age : Everyday Life in the Tang Dynasty, Oxford (GB), OUP USA,, 317 p.(ISBN 0-19-517665-0,lire en ligne)
  28. Wing funCheng, Hervé Collet,Li Po, l'immortel banni sur terre buvant seul sous la lune, Paris, ALBIN MICHEL,, 217 p.(ISBN 978-2-226-20749-4 et2-226-20749-X)
  29. 本草綱目-穀之四

Articles connexes

[modifier |modifier le code]
v ·m
Fermentées
Distillées
Distillées
aromatisées
Autres boissons
v ·m
À base decéréales
À base derhizomes
À base defruits
Autres ingrédients
Accessoires
Ce document provient de « https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Huangjiu&oldid=227765355 ».
Catégories :
Catégories cachées :

[8]ページ先頭

©2009-2025 Movatter.jp