Engagé dans des cercles politiques de gauche, il milite notamment pour faire connaître la situation desminorités turques. Ses prises de position se heurtent à l’hostilité de l’État turc. Il est emprisonné à trois reprises et est ciblé par une campagne de dénigrement menée par des hommes politiques et des organes de presse de la mouvance nationaliste dominante[2].
Il estassassiné par unnationaliste turc de 17 ans dans le quartier d'Osmanbey àIstanbul, devant les locaux de sonjournal bilingueAgos. Les commanditaires, vraisemblablement membres de l'appareil d’État, n'ont jamais été inquiétés.
100 000 personnes manifestent à Istanbul lors des funérailles de Hrant Dink, scandant « Nous sommes tous des Hrant Dink, nous sommes tous arméniens » enturc,arménien etkurde.
Hrant Dink a été le fondateur, le directeur de publication et le chroniqueur en chef de l'hebdomadaireAgos, un journal édité àIstanbul enarménien et enturc. Il a également écrit pour les journaux nationauxZaman etBirgün.
Né àMalatya le d'une famille modeste, Dink arrive àIstanbul à l'âge de 7 ans où il passe son enfance dans des orphelinats. Toute sa scolarité a lieu dans les écoles arméniennes et il est diplômé du lycée Surp Haç àÜsküdar. Il est diplômé enzoologie de l'université d'Istanbul et poursuit des études dephilosophie dans la même université. En1977, il épouse Rakel Dink, qui a grandi également en orphelinat et avec laquelle il aura deux filles (Delal et Séra) et un fils (Arat).
En1996, il fondaAgos et devient peu à peu le chef d'opinion de la communauté arménienne deTurquie.
En, Dink, défendu par l'avocate et écrivaineFethiye Çetin, est condamné à six mois deprison avec sursis pour un article affirmant que les Arméniens devaient se libérer de l'« obsession turque » par une périphrase évoquant « le sang s'écoulant de la noble veine reliant les Arméniens à l'Arménie se substituera à celui empoisonné par l'« élément turc » ». Il défendait, dans une série de huit articles publiés dansAgos, la thèse que l'identité arménienne devait se reconstruire autour de la question de survie du jeune État arménien et non uniquement sur l'exigence de la reconnaissance dugénocide par la Turquie. Une partie de la presse avait alors interprété cette phrase sortie de son contexte comme une déclarationraciste ce qui l'avait profondément choqué, lui qui défendait avec acharnement le « vivre ensemble ».
Le tribunal, contre l'avis d'une commission d'experts, avait estimé que ces propos allaient à l'encontre de l'article 301 duCode pénal turc révisé qui sanctionne le « dénigrement de l'identité nationale turque » et rend ainsi possibles les poursuites d'auteurs ou d'universitaires pour insulte à l'identité turque. Dink avait alors dit à l'agenceReuters : « Il se peut que j'en paie le prix mais la démocratie turque y gagnera, je l'espère. »[3] Ce verdict a été vivement critiqué par l'Union européenne[réf. nécessaire].
Ses propos concernant legénocide arménien commis sous l'Empire ottoman lui valurent l'hostilité dugouvernement turc, mais également et surtout des menaces de mort de la part des milieux nationalistes, dont son assassinOgün Samast serait issu. Les autorités turques refusent de reconnaître le caractère génocidaire des massacres d'Arméniens commis en1915-1917 et pratiquent une politique denégation du génocide arménien. Mais le coup d'envoi des attaques contre lui fut donné à la suite de la publication dansAgos d'un reportage démontrant queSabiha Gökçen, fille adoptive d'Atatürk et héroïne républicaine, était d'origine arménienne[4].
Hrant Dink a toujours souligné sa citoyenneté turque et sa « chance » de vivre en Turquie qui lui donnait la possibilité de comprendre à la fois les sensibilités des Turcs et des Arméniens, une compréhension nécessaire pour la réconciliation de ces deux peuples qui ont partagé mille ans d'histoire commune. Il a affirmé le besoin de démocratisation de la Turquie, soulignant que le règlement du problème arménien n'est qu'un volet de la démocratisation générale du pays. Dans la même perspective, il défendait fermement l'adhésion de la Turquie au sein de l'Union européenne, comme une garantie de la démocratisation. Tout au long de sa vie, il s'est focalisé sur les questions des droits des minorités, des droits civiques et des problèmes concernant la communauté arménienne de Turquie. Il militait au sein de mouvements degauche etpacifistes.
Il a étéassassiné le par unnationaliste turc de 17 ans dans le quartier d'Osmanbey àIstanbul, devant les locaux de son journal bilingueAgos. Plus de 100 000 personnes défilent le jour des obsèques[5].
Le, son fils, Arat Dink, et Serkis Seropyan, respectivement directeur de la rédaction et responsable de l'hebdomadaireAgos, sont reconnus coupables d'avoir« insulté l'identité turque » et, à ce titre, condamnés à un an de prison avec sursis par un tribunal turc, en vertu de l'article 301 du Code pénal turc, pour avoir reproduit, au cours de l'été 2007, dans les colonnes d’Agos, une partie des propos de Hrant Dink qui avaient valu à celui-ci les poursuites judiciaires qui ne s'étaient interrompues qu'avec son assassinat[6].
Le, laCour européenne des droits de l'homme a condamné la Turquie dans l'affaire de l'assassinat de Hrant Dink. La Cour a jugé que l'absence de protection du journaliste face aux menaces pesant sur lui ainsi que les poursuites pénales pour « dénigrement de la turcité » constituaient une violation dudroit à la vie et du droit à laliberté d'expression imputables aux autorités turques[7].
Le,Ogün Samast a été condamné à vingt-deux ans et dix mois d'emprisonnement[8],[9],[10] pour meurtre avec préméditation et possession illégale d'une arme à feu par la cour criminelle pour enfants d'Istanbul. Dix-sept coaccusés sont acquittés à l'issue d'une audience qualifiée de « comédie judiciaire » par une des avocates de la famille Dink[5].
Le, deux anciens chefs de la police, Ramazan Akyürek et Ali Fuat Yilmazer, sont condamnés à la détention à perpétuité par un tribunal d’Istanbul, ainsi que deux anciens gradés de la gendarmerie, Yavuz Karakaya et Muharrem Demirkale. Selon l’accusation, ils n’ont pris aucune mesure pour empêcher l’assassinat bien qu’ils aient été informés du projet criminel[11],[12].
La justice turque poursuit l'enquête sur les commanditaires de l'assassinat de Hrant Dink. Sont en particulier soupçonnésErhan Tuncel (un ancien informateur de la police) etYasin Hayal(en)[13]. Les véritables commanditaires seraient des membres haut placés dans l'appareil d’État[5].
L’assassin de Hrant Dink obtient une libération conditionnelle pour bonne conduite en novembre 2023. Cette décision conduit à des réactions indignées dans l'opposition turque.Özgür Özel, le dirigeant duParti républicain du peuple (CHP), déclare : « Il y a dix-sept ans, ils ont tué une colombe et, depuis, quelqu'un a relâché un tueur de colombe. Les responsables de ce meurtre n'ont toujours pas été jugés, ni les donneurs d'ordre ni ceux qui ont choisi un mineur pour tuer. La partie sombre et profonde du pouvoir est toujours là[5]. »
Le, au premier anniversaire de son assassinat, 10 000 personnes (8 000 selon la police[16]) ont défilé dans les rues d'Istanbul pour lui rendre hommage. Des rassemblements en l'honneur de Hrant Dink ont également eu lieu dans d'autres grandes villes de Turquie. À Istanbul, sa veuve Rakel a lu un discours, appelant la justice à terminer son travail après l'arrestation de dix-neuf personnes en lien avec la mort de son mari. Le quotidien turcMilliyet note en effet dans son édition du jour que « la justice n'a pas avancé d'un pouce » et que les questions sans réponses restent trop nombreuses. Une appréciation reprise par la presse nationale turque en général.
ÀMarseille, dans le 12e arrondissement, la rue Hrant-Dink a été inaugurée le, en présence de Rakel Dink, épouse de Hrant Dink et d’Aris Nalci, journaliste d’Agos[21].
ÀBouc-Bel-Air (13320), le rond-point Hrant-Dink a été inauguré le, en présence de Rakel Dink, de la ministre arménienne de la Diaspora, Hranouche Hakopian, et de monseigneurNorvan Zakarian, représentant l’Église arménienne de France[22].
Son nom a été donné à un jardin public sur l'île deKınalıada dépendant de l'archipel desîles des Princes àIstanbul le. Il s'agit de la première fois qu'un espace public porte son nom enTurquie.
Dans le romanLe Sillon (2018),prix Renaudot 2018,Valérie Manteau part à la recherche de traces de Hrant Dink à Istanbul. Elle commente ainsi sa tombe: « Rarement vu une telle accumulation de symboles depaix ; voilà la tombe d'un homme labellisé ennemi des Turcs et qui demandait comme une prière, ne vous inquiétez pas, nous avons les yeux rivés sur cette terre c'est vrai, mais pas pour la reprendre ; pour y reposer au plus profond » (p. 182)
↑« En Bref : Turquie - Un tribunal d’Istanbul a condamné à vingt-trois ans de prison le meurtrier du journaliste turc d’origine arménienne Hrant Dink »,Libération,(lire en ligne).