LesHolothuries (Holothuroidea) sont uneclasse d'animaux marins de l'embranchement deséchinodermes au corps mou et oblong et possédant un cercle detentacules autour de la bouche. Elles sont aussi appeléesconcombres de mer oubêches de mer et possèdent une grande diversité de sobriquets sur les différentes côtes.
Ces animaux, majoritairementbenthiques, vivent, selon les espèces, de la surface auxabysses, et se nourrissent de particules nutritives qu'ils attrapent au moyen de leurs tentacules buccales. Les holothuries mesurent généralement de dix à trente cm de long ; mais certaines espèces comme lecordon mauresque peuvent dépasser trois mètres. Leurs plus proches parents sont lesoursins en dépit du peu de ressemblance visible. Ce sont des animaux inoffensifs, mais parfois toxiques.
Les concombres de mer, comme leur nom l'indique, ont pour la plupart un corps mou et cylindrique, plus ou moins allongé, arrondi aux extrémités, et généralement sans appendices solides. Leur forme va de presque globulaire pour les « pommes de mer » (genrePseudocolochirus) à serpentiforme pour le groupe desApodida (« holothuries-serpents »). Les holothuries mesurent généralement de dix à trente cm de long avec des extrêmes de quelques millimètres pourRhabdomolgus ruber et jusqu'à plus de trois mètres pourSynapta maculata[1]. La plupart possèdent cinq rangées de petits pieds à ventouse appeléspodia, mais les Apodida en sont dépourvus et se déplacent en rampant. Leur épiderme peut être d'aspect lisse ou pourvu d'excroissances charnues (commeThelenota ananas). Les podia de la face dorsale n'ont généralement pas de rôle locomoteur, et sont transformés en papilles[2]. À l'une des extrémités s'ouvre la bouche (en position plus ou moins ventrale), entourée d'une couronne de tentacules qui peuvent être très complexes chez certaines espèces (ce sont en fait despodia modifiés) ; à l'autre bout l'anus est postéro-dorsal[3].
Les holothuries ressemblent peu aux autreséchinodermes, du fait de leur corps ramassé en tube, sans squelette apparent ni appendices durs. De plus, la symétrie pentaradiaire propre aux échinodermes, quoique conservée structurellement, est ici doublée par une symétrie bilatérale qui les fait ressembler à deschordés[4]. Cependant, la symétrie centrale est encore visible chez certaines espèces à travers les cinq méridiens (ou « radius ») qui parcourent le corps de l'animal de la bouche à l'anus (comme chez lesoursins), d'où sortent les cinq rangées de pieds ambulacraires[4]. Il n'y a donc pas de face « orale » ou « aborale » comme chez lesétoiles de mer et les autres échinodermes, mais l'animal repose sur un de ses côtés (ce qui est unique chez les échinodermes contemporains), et cette face ventrale est appeléetrivium (car elle comporte trois rangées de podia), alors que la face dorsale est nomméebivium (avec deux rangées de podia ou de papilles)[2].
Les holothuries n'ont pas de squelette développé, contrairement aux autres échinodermes, à l'exception d'une couronne calcaire péripharyngienne[5], qui sert de support aux tentacules buccaux ainsi qu'à cinq bandes musculaires longitudinales qui parcourent tout l'animal (doublés par des muscles rétracteurs chez lesDendrochirotida)[2].
Le tégument contient un squelette relictuel constitué de minusculesspicules decalcite de formes très variées (ancres, tables, roues...) parfois appelées « ossicules », qui constituent souvent un critère d'identification et de classification des espèces. Généralement, elles sont de formes tridimensionnelles près de la surface de l'épiderme (notamment en « tables »), et bidimensionnelles plus en profondeur (boutons, bâtons)[6]. Elles mesurent généralement quelques dizaines de micromètres, mais peuvent atteindre le millimètre chez certainesApodida[3].
Quelques espèces commePsolus chitonoides(en) etPsolus diomedeae ont cependant développé un squelette externe composé de plaques dures, les faisant ressembler à certains groupes d'échinodermes fossiles ou à d'autres animaux cuirassés contemporains tels leschitons[7], voire à des oursins quand ces plaques développent des piquants (comme chezYpsilothuria bitentaculata)[8].
Le système nerveux est constitué comme chez tous leséchinodermes d'un anneau nerveux péri-stomacal, rond ou pentagonal, duquel partent cinq nerfs radiaux qui innervent tout le corps et notamment les aires ambulacraires.
Les sens des holothuries sont relativement rudimentaires : elles sont principalement sensibles au toucher, aux variations lumineuses et à certains composés chimiques présents dans l'eau. Des taches présentes à la base des tentacules chez certaines espèces sont interprétées comme des organes visuels, d'une acuité probablement limitée[9].
La bouche, dépourvue de dents, est suivie d'unpharynx et d'unœsophage ; l'intestin qui suit est très long pour optimiser la digestion d'une alimentation peu énergétique ; la digestion peut durer jusqu'à36 heures chez certaines espèces[2]. Le gros intestin se termine par une poche cloacale, où peuvent vivre certains symbiotes.
Certaines familles d'holothuries sont pourvues de dents anales, cependant celles-ci ont un rôle essentiellement défensif et n'interviennent pas dans la digestion[2]. Les holothuries respirant par le cloaque, sont contraintes de garder celui-ci béant l'essentiel du temps, laissant donc la porte ouverte à toutes sortes de parasites et de profiteurs : les dents anales, présentes notamment chez le genreActinopyga, permettent donc de limiter ce genre d'intrusion.
Comme tous leséchinodermes, les holothuries sont pourvues d'un système aquifère ou ambulacraire à symétrie pentaradiale, avec unemadréporite réduite et interne, reliée auxpodia et à des vésicules de Poli. La respiration peut être assurée par la peau (chez lesApodida etElasipodida[10]) ou par un appareil respiratoire interne appelé « arbre respiratoire » qui débouche sur le cloaque et se remplit ou se vide d'eau par contractions de l'organe[2].Comme tous les échinodermes, les holothuries n'ont pas à proprement parler de« sang », mais leurs fluides internes sont équipés de cellules (coelomocytes) similaires à nos cellules sanguines :hémocytes (ou« caroténocytes », car riches encaroténoïdes),phagocytes, sphérulocytes.
Le système reproducteur est composé d'une gonade (mâle ou femelle) et d'un gonoducte débouchant sur legonopore externe, situé à proximité de la bouche. La gonade se compose d'un grand nombre de tubes gonadiques ramifiés dont la partie distale flotte librement dans lecœlome. Elle est soutenue du côté proximal par unmésentère relié à la partie antérieure dutube digestif : Les cellules reproductrices sont situées dans ces tubes gonadiques et seront relarguées à maturation[2].
Presque toutes les holothuries sont dites « benthiques » : cela signifie qu'elles vivent posées sur (ou parfois dans) le fond marin[11]. Certaines sont sédentaires, vivant fixées sur ou dans le substrat, où elles se nourrissent généralement en filtrant l'eau à l'aide de leurs tentacules buccaux : c'est le cas de nombreuses espèces de l'ordre desDendrochirotida (cependant la plupart demeurent capables de se déloger en cas de menace ou d'arrachage). Cependant, la plupart des espèces de concombres de mer sont capables de se déplacer : celles-là sont dites « vagiles », et rampent lentement sur le fond, d'une manière qui peut parfois rappeler les chenilles, à une vitesse comprise entre 5 et 50 cm/h[3] (57 cm/h chez l'holothurie géanteThelenota anax[12]). Malgré cette lenteur habituelle, certaines espèces sont capables de fuir assez rapidement une menace par de puissantes convulsions et torsions[réf. nécessaire].
La grande majorité des espèces (à part celles de l'ordre desApodida et quelques espèces très dérivées[13]) se déplacent et se maintiennent grâce à de minuscules tubes souples munis de pseudo-ventouses (en fait des plates-formes adhésives[14]) qui tapissent leur face ventrale, et que l'on appelle « pieds ambulacraires » ou « podia »[15]. Lespodia sont capables d'un pouvoir d'adhérence élevé qui leur permet souvent de se maintenir à la verticale ou même à l'envers dans des courants importants, et empêchent certains prédateurs de les déloger. Les espèces de l'ordre desApodida, dépourvues depodia comme leur nom l'indique, se déplacent en rampant lentement, et ne fréquentent que les fonds calmes ou les milieux à forte rugosité. Certaines holothuries abyssales (famille desElpidiidae) ont despodia très modifiés, moins nombreux et plus charnus et rappelant plus des « pattes », par leur forme et leur usage.
Plusieurs espèces d'holothuries (environ 25, réparties dans la plupart des groupes, mais surtout lesElasipodida) sont capables de nager un court instant, pour échapper à un danger ou se déplacer plus rapidement. Cette capacité se fait par ondulation du corps et éventuellement à l'aide d'appendices palmés (comme chez lesPsychropotes). Certaines espèces de grande profondeur peuvent même adopter un mode de vie « benthopélagique », ce qui signifie qu'elles passent une partie de leur temps en suspension dans l'eau, mais regagnent le sol de temps à autre ; c'est notamment le cas des espèces du genreEnypniastes.La seule espèce complètementpélagique[16] connue estPelagothuria natatrix, qui ressemble sous beaucoup d'aspects à uneméduse[11]. Il semble que d'autres espèces benthiques (commeHolothuria scabra(en) etCucumaria frondosa(en)) soient capables de modifier leur densité (« active buoyancy adjustment ») pour se mettre à flotter quelque temps, afin d'échapper facilement à des conditions d'eau devenues dangereuses[17].
Le déplacement lent et timide des holothuries les lie profondément à leur habitat, vu qu'elles peuvent difficilement en changer : en conséquence, certaines études suggèrent qu'elles pourraient constituer desbioindicateurs du milieu plus fins que les poissons, qui sont plus mobiles[18].
On voit bien les trois rangées depodia sur la face ventrale (trivium) de cettePearsonothuria graeffei. Sur la face dorsale (bivium), les deux rangées restantes sont transformées en papilles.
Les sexes sont toujours séparés chez les holothuries, qui peuvent donc être mâles ou femelles[3] (seules quelques espèces sont hermaphrodites, mais jamais capables d'autofécondation[3]). Il n'y a cependant pas dedimorphisme sexuel, et seul l'examen microscopique des gonades permet de déterminer le sexe d'un individu[19]. Les gonades forment de petites touffes decæca situées dans la partie antérieure de l'animal (une chez lesHolothuriidae, deux chez lesStichopodidae[3]), et reliées à un conoducte qui débouche au-dessus de la bouche[3].
Les holothuries sont toutesovipares ; la fécondation est sexuée et externe, et son développement est indirect (présence d'un stade larvaire)[3]. Lesgamètes sont relarguées dans l'eau où a lieu la fécondation ; lors de l'éjection des gamètes, la plupart des holothuries adoptent généralement une position érigée caractéristique, parfois juchées au sommet d'un promontoire[19]. Une fois l'ovule fécondé, après plusieurs divisions cellulaires apparaissent les stades larvaires, qui font encore partie du plancton et permettent ainsi une bonne dispersion des individus. La première forme larvaire est appeléeauricularia[19] (appelée ainsi car ses segments ciliés évoqueraient une oreille[3]) et précède parfois un second stade appelédoliolaria, qui est la larve compétente qui subit lamétamorphose ; elle précède le stade juvénile, dont la morphologie est plus ou moins similaire à l'adulte, excepté la taille et la maturité sexuelle – toutefois certains juvéniles imitent d'autres animaux pour décourager les prédateurs. Chez de nombreuses familles, il arrive aussi que la larve se développe directement endoliolaria, sans passer par le stadeauricularia (stade toutefois présent chez la plupart des familles communes, notamment lesHolothuriidae, lesStichopodidae et lesSynaptidae). Certaines holothuries des eaux glaciaires ou des abysses possèdent certaines spécificités dans le développement ou le mode de reproduction : par exemple, l'espèceParoriza pallens, qui vit dans les abysses dugolfe du Mexique, se regroupe par couples lors de la reproduction pour optimiser les chances de fertilisation[19].
De nombreuses espèces d'holothuries (commeHolothuria atra ouStichopus chloronotus) sont également capables d'unereproduction asexuée par scission[3] : un rétrécissement apparaît progressivement chez l'animal, qui à force de s'amenuiser finit par le couper en deux parties (égales chezH. atra, inégales chezS. chloronotus). La plaie se referme en deux jours seulement. Chaque partie régénère ensuite un individu complet en deux à6 mois, et vit généralement caché le temps de la régénération (l'individu est de toute façon provisoirement incapable de se nourrir)[3]. On observe àla Réunion que la reproduction sexuée a plutôt lieu pendant la saison chaude (où l'eau est plus riche en plancton pour nourrir les larves), et la reproduction asexuée pendant la saison froide[3].
La détermination de l'âge des holothuries est complexe, car il semble que la croissance se stabilise rapidement à la maturité au profit d'un investissement dans la reproduction : leur espérance de vie reste donc mal connue. Cependant, une étude publiée en 2019 montre que les spicules dermiques possèdent des stries de croissance (à la manière des arbres), qui permettent de compter les années à la manière de ce qui se pratique endendrochronologie. Avec cette méthode, l'espèce filtreuse d'eau froidePsolus fabricii a pu être estimée vivant plusieurs décennies : il est probable que, comme pour beaucoup d'autres animaux, les espèces d'eaux froides et profondes aient un cycle de vie plus lent et vivent plus longtemps que les espèces littorales d'eaux chaudes[20].
Holothurie lâchant destubes de Cuvier pour se défendre d'une éventuelle attaque.
Toxines
Les holothuries ont la particularité de dégager en permanence destoxines appeléessaponines (aglycone triterpénoïde). Ces toxines sontcytotoxiques ethémolytiques, donc dangereuses pour la plupart des poissons, ce qui fait que les holothuries adultes ont généralement peu de prédateurs[21]. Suivant l'espèce et la condition des individus, ces toxines sont présentes en plus ou moins grande quantité et plus ou moins efficaces.
Durcissement
Le corps des holothuries est structuré par des fibres decollagène. Cependant, celui-ci est très particulier en tant qu'il est capable de changer de structure en un instant (appelé « MCT », pourmutable collagenous tissue[22]), permettant la rétractation et le durcissement du corps de l'animal, qui chez certaines espèces peut devenir presque dur comme de la pierre (d'où le nom vernaculaire de certaines d'entre elles comme l'« holothurie caillou »,Actinopyga lecanora[23]).
Lorsqu'elles sont inquiétées, certaines holothuries appartenant toutes à la famille desHolothuriidae peuvent émettre de longs filaments collants appeléstubes de Cuvier[24] : expulsés par l'orifice cloacal, le réseau de filaments quiescents s'allonge de 20 à30 fois[2] et devient collant[24], immobilisant l'ennemi :poisson,crabe,gastéropode ouétoile de mer[2].LesPolynésiens se servent de ces filaments, en les enroulant sur leurs pieds, pour marcher sur les récifs de coraux[25]. Après expulsion, l'holothurie met de deux à cinq semaines pour régénérer ses tubes[26].
L'éviscération
Mécanisme de défense qui consiste à éjecter une grande partie des organes internes : on parle d'« éviscération ». L'holothurie continue ensuite ses mouvements respiratoires, drainant l'eau de mer directement dans la cavité générale du corps, et vit quelques semaines au ralenti jusqu'à ce que de nouveaux organes soient régénérés (ce qui peut prendre entre 7 et145 jours suivant les espèces et les conditions)[27]. Ce phénomène rappelant l'autotomie, n'est observé que chez deux ordres : lesDendrochirotida (qui s'éviscèrent par la partie antérieure) et lesHolothuriida (qui s'éviscèrent par la partie postérieure ou cloacale)[27]. L'éviscération semble également parfois avoir lieu en dehors d'une agression, peut-être dans un but purgatif[27].
La fuite
La plupart des grosses holothuries de l'ordre desHolothuriida et desSynallactida sont capables, en cas de menace, de s'enfuir grâce à des mouvements de contorsion brusques et plus ou moins organisés. Ces convulsions peuvent impressionner un prédateur, lui faire lâcher prise ou permettre de semer un prédateur benthique plus lent (étoile de mer, mollusque entre autres) mais aussi dénoncer sa présence à un plus gros prédateur[21]. Quelques espèces sont capables de nager plus ou moins longtemps : ce mode de fuite est notamment répandu chez de nombreuses espèces abyssales de l'ordre desElasipodida[11].
Bioluminescence
Certaines holothuries abyssales (commePannychia moseleyi) sont capables d'émettre de la lumière parbioluminescence quand elles se sentent menacées, dénonçant ainsi l'importun aux prédateurs de niveau supérieur[28].
Les holothuries vivent de la zone littorale jusqu'aux plus grandes profondeurs des océans, elles sont enfouies dans le sable vaseux, rampent sur le fond parmi les algues, ou sont logées dans les anfractuosités des rochers[2].
Les holothuries sont le groupe de détritivores le plus important des faunes récifales et abyssales[2]. Elles peuvent former des populations très denses, particulièrement dans les profondeurs : dans unefosse océanique très profonde, elles constituent la moitié des formes vivantes à 4 000 mètres et 90 % à 8 000 mètres. Les holothuries sont les échinodermes les mieux adaptés aux profondeurs extrêmes, et sont encore très diversifiées au-delà de 5 000 m de fond : plusieurs espèces de la famille desElpidiidae (« cochons de mer ») se retrouvent à plus de 9 500 m, et le record semble détenu par des espèces du genreMyriotrochus (notammentMyriotrochus bruuni, famille desMyriotrochidae), identifiées jusqu'à 10 687 mètres de profondeur[29].
Certaines espèces vivent en symbiose avec d'autres êtres : par exemple celles du genreSynaptula vivent presque exclusivement sur deséponges[13].
La forme des tentacules est généralement adaptée au régime et au calibre des particules à ingérer : les espèces suspensivores ont ainsi le plus souvent de grands tentacules arborescents, destinés à maximiser la surface de filtrage, alors que les espèces se nourrissant dans des substrats grossiers auront plus souvent besoin de tentacules digités pour trier le matériel nutritif ; les espèces détritivores de substrats fins auront quant à elle souvent des tentacules plus courts, souvent peltés[2].Un seul spécimen peut avaler plus de 45 kg de sédiments par an, et leurs excellentes capacités digestives leur permettent de rejeter un sédiment fin, pur et homogène.Certaines espèces nécessitent des eaux très pures - commeThelenota ananas - alors que d'autres préfèrent les eaux turbides - commeBohadschia vitiensis. Plusieurs espèces tolèrent même des seuils de pollution importants. Les espèces pourvues de puissants podia (commeActinopyga mauritiensis) sont plus souvent adaptées à des courants importants, alors que d'autres commeSynapta maculata nécessitent des eaux calmes. Certaines espèces commeActinopyga echinites tolèrent même de passer plusieurs heures à l'air libre, pendant les marées basses[2].
Bouche d'uneholothurie serpent aux tentacules digités et pinnés, adaptés au triage du sédiment.
Bouche d'unePearsonothuria graeffei aux tentacules peltés, adaptés au ramassage du sédiment.
Bouche d'uneCucumaria miniata, pourvue de bras tentaculaires arborescents enfractales, destinés au filtrage de l'eau.
Réjections d'holothuries sédimentivores. Ce sable filtré et recyclé permettra d'enrichir et d'homogénéiser le sédiment.
Il a été montré en 2013 que certaines holothuries commeApostichopus californicus peuvent également se nourrir par leur anus, en même temps qu'elles respirent : ce stratagème leur permettrait de complémenter leur régime détritivore par un régime suspensivore[30].
Leur mode d'alimentation particulier fait que les concombres de mer jouent un rôle capital dans les processus biologiques des fonds marins (bioturbation,épuration, homogénéisation du sédiment...). L'espèceHolothuria scabra, qui vit dans les herbiers de l'Indo-Pacifique, semble jouer un rôle essentiel dans la santé de ces écosystèmes, ce qui rend sa surexploitation d'autant plus préoccupante[31]. Des études menées dans des archipels de l'océan Pacifique ont mis en évidence un rôle stratégique des holothuries sur la santé du corail : en enlevant expérimentalement les holothuries d'un récif, la mortalité du corail due à des maladies des tissus a été multipliée par 15, suggérant que les régions de surpêche mettent en danger tout l'écosystème corallien[32].
Lecommensalisme est fréquent dans la cavitécœlomique des grosses holothuries tropicales[3]. On y trouve notamment plusieurs espèces de crabes et de crevettes nettoyeuses pouvant entrer et sortir librement de l'anus[33], comme le crabeLissocarcinus orbicularis qui peut même vivre dans la bouche de certaines espèces tropicales[34]. Certains petits poissons de la famille desCarapidae séjournent et circulent librement dans l'anus - et parfois une partie du tube digestif - des grosses holothuries[35], où ils trouvent un abri mais aussi une aire de reproduction pour certaines espèces, qui peuvent y habiter en couple. Certains de cesCarapidae sont cependant des parasites délétères, comme lesEncheliophis sp., qui se nourrissent des organes internes des holothuries[35]. Certaines espèces d'holothuries peuvent réguler leurs hôtes internes grâce à des dents anales[35]. D'autres endocommensaux comme les bivalves du genreEntovalva vivent dans l'œsophage des holothuries[36].Sans que la nature de l'association soit encore complètement élucidée, il existe sur le tégument d'holothuries des observations de plusieurs espèces verspolychètes (notamment desPolynoidae)[37].
Plusieurs parasites vivent accrochés sur le tégument des holothuries, comme des gastéropodesectoparasites de la famille desEulimidae[38] (par exempleMelanella sp. ouStilapex sp.[37]), qui vivent accrochés sur le tégument qu'ils percent au moyen d'une trompe, un peu à la manière destiques[3].
Le petit crabeLissocarcinus orbicularis peut vivre à la surface des holothuries, mais aussi à l'intérieur de leur bouche ou (comme ici) de leur cloaque.
Les holothuries sont dédaignées par la plupart des prédateurs marins en raison des toxines qu'elles contiennent (notamment l'holothurine) et de leurs moyens de défense parfois spectaculaires[21]. Cependant, elles demeurent la proie de certains prédateurs très spécialisés qui ne craignent pas leurs toxines, comme le gros mollusqueTonna perdix[39], qui les paralyse à l'aide d'un puissant venin avant de les avaler entièrement[40], en étirant sa bouche dans des proportions parfois spectaculaires[41].
D'autres prédateurs plus généralistes et opportunistes peuvent aussi parfois s'en prendre aux holothuries les moins bien défendues faute de mieux, comme certains poissons (balistes,poissons-globes...), étoiles de mer et crustacés (crabes, langoustes, bernard-l'ermite...)[21]. Le crabe nageur tropicalThalamita crenata est particulièrement connu pour faire des ravages sur les jeunes spécimens dans les élevages d'Holothuria scabra dans l'Indo-Pacifique[42]. Il existe aussi des observations de prédation par destortues marines (Caretta caretta)[43].
Cependant, le principal prédateur actuel des holothuries reste l'Homme : de nombreuses espèces sont intensément pêchées et braconnées pour alimenter le marché asiatique, et plusieurs ont connu un effondrement spectaculaire de leur population[44], avec parfois des conséquences néfastes sur les écosystèmes[31].
Pêcheurs d’holothuries dans le golfe de Siam en 1863.
La plus ancienne mention connue du terme grecὁλοθούριον /holotoúrion (gén.ὁλοθούριου /holotoúriou)[45],[46] se trouve chez le poèteÉpicharme vers -450[47].Platon,Aristote etThéophraste ont tous les trois utilisé le nom générique deπλεύμον θαλάσσιος /pleúmon thalássios pour désigner un zoophyte marin mou et flasque - ce que l'on a traduit par « poumon marin » ; le terme pourrait désigner les holothuries, mais peut-être aussi lesascidies ou encore desméduses[48].
L'un des plus anciens textes scientifiques concernant les holothuries remonte àAristote, dans sesParties des animaux[49] (vers -343) : il y nomme un animal « holothurie » sans le décrire, mais en le classant parmi les animaux dépourvus de sens (avec leséponges et « poumons de mer », correspondant apparemment auxtuniciers) ; ce nom sera conservé et utilisé par la suite pour nommer les concombres de mer, sans preuve qu'il s'agit bien de l'animal dont parlait le Philosophe[47].
En Orient, les traités de médecine ou de zoologie évoquent les holothuries dès leVIIIe siècle, notamment leKojiki en Chine (712), puis leWamyō ruijushō au Japon (934), ouvrant la voie à une longue tradition d'excellente représentation de ces animaux dans les traités chinois et japonais[47].
Les scientifiques occidentaux recommencent à s'intéresser aux échinodermes à partir de la Renaissance, etPierre Belon en 1553 est le premier à proposer de les rapprocher des étoiles de mer et oursins[50]. La première utilisation de ce terme pour nommer indubitablement un concombre de mer, illustration à l'appui, se trouve dans lesLibri de Piscibus Marinis deGuillaume Rondelet, publié en 1554 (toutefois il décrit deux espèces, dont la seconde est uneascidie, et il en sépare injustement le« vit de mer »[51])[47]. Il indique que ces êtres« sont de moyenne nature entre les plantes et animaux »[51].
Les véritables progrès arrivent avec lesiècle des Lumières : en 1751 un article « Holothurie » est rédigé dans l'Encyclopédie, sur la base des commentaires d'Aristote et Rondelet, mais leur position taxinomique (et même leur description) est encore peu claire :
« HOLOTHURIE, s.f.holothurium, (Hist. nat. Zool.) animal de mer.M. Linnæus le met au rang des zoophytes, qui sont nuds & qui ont des membres.Rondelet fait mention de deux espèces d’holothuries dont il donne les figures. La première espèce a une écorce dure, elle est oblongue ; l’une des extrémités est mousse & terminée par une écorce percée de plusieurs trous. La seconde espèce a le corps parsemé d’aiguillons ; il est terminé à l’un des bouts par une sorte de tête ronde percée d’un trou rond & ridé qui s’ouvre & se ferme, & qui est la bouche de l’animal ; l’autre bout du corps est menu & allongé en forme de queue. Il y a de chaque côté un prolongement qui est une jambe, ou plûtôt une nageoire, car l’animal s’en sert pour se mouvoir. L’un des prolongemens est plus étroit que l’autre, découpé tout-autour, & terminé en pointe[52]. »
Les holothuries n'ayant pas de squelette comme les autres échinodermes, leur classification est particulièrement complexe et leur étude demande l'examen de spécimens bien conservés.La classification morphologique se fonde tout d'abord sur la présence ou la forme de certaines parties molles (podia, poumons, tentacules...) pour déterminer les grands ordres, et secondairement sur les quelques parties dures (quand elles existent) comme la couronne péripharyngienne et l'examen microscopique des ossicules pour déterminer le genre et l'espèce.Les méthodes génétiques contemporaines ont aussi grandement aidé à faire progresser la classification de ces animaux[2],[56]. Il fallut attendre 2017 pour qu'une étude génétique de grande ampleur réorganise la classification des holothuries sur des critères phylogénétiques, validant certains groupes morphologiques traditionnels et en rejetant d'autres[10] : Ainsi, les critères définitoires des grands ordres sont la présence depodia (absents chez lesApodida, groupe le plus dérivé) et d'arbres respiratoires (absent chez lesApodida etElasipodida). Toutefois, la phylogénie générale des holothuries semble tellement complexe qu'elle continue de résister même aux études génomiques de grande ampleur[57].
On compte actuellement, suivant les sources, entre 1 250[58] et 1 775 espèces d'holothuries[57]. Celles-ci sont généralement divisées en cinq à sept ordres :
Certaines espèces aux formes énigmatiques (ici le genreRhopalodina, ordre desDendrochirotida) ont dû attendre les études génétiques récentes pour être placées avec certitude dans la classification des holothuries[59].LesYpsilothuriidae comme cetteYpsilothuria bitentaculata ont un corps sphérique et cuirassé, et vivent enterrées dans le sédiment.
Les holothuries étant des animaux au corps mou et très peu minéralisé (contrairement à la plupart des autreséchinodermes), leur corps est généralement intégralement consommé par les bactéries et nécrophages à leur mort, ne permettant pas un processus defossilisation dans la plupart des cas[61]. Le seul élément parfois préservé est la couronne calcaire péripharyngienne, ainsi que des spicules[5]. Ainsi, leur histoire évolutive est encore en grande partie obscure, et passe par quelques spécimens à la conservation exceptionnelle et surtout par des fossiles d'ossicules ou d'anneau calcaire, qui ne donnent cependant que peu d'informations sur l'allure générale de l'animal[61].
Les plus anciennes traces assignables à des holothuries dateraient de l'Ordovicien[61] (-485-443 millions d'années), mais sont encore sujets à caution, comme l'espèce contestéeOesolcucumaria eostre[62]. Parmi les plus anciens fossiles complets, on trouve le genrePalaeocucumaria (groupe desArthrochirotida), qui a la spécificité de présenter un exosquelette constitué de plaques calcaires à l'excellent potentiel de fossilisation[63]. Le registre fossile commence à être mieux documenté à partir duDévonien, avec le plus vieux fossile de corps entier d'holothurie[64] et une quarantaine d'espèces identifiées (essentiellement sur la base de couronnes et de spicules, qui renseignent peu sur l'allure générale de l'animal), puis 65 au Carbonifère. Le pic de diversité observée est atteint entre leTrias (252 espèces) et leJurassique (264), avant que la diversité apparente du registre ne diminue jusqu'à nos jours[61], ce qui pourrait être en partie lié à la diminution des groupes cuirassés, au meilleur potentiel de fossilisation[64].
Le groupe le plus ancien serait donc celui desArthrochirotida, apparu à l'Ordovicien médian (il y a environ471 millions d'années) et disparu au Dévonien inférieur (environ397 millions d'années) ; proche desApodida, ce groupe s'en serait séparé dès l'Ordovicien inférieur, mais on ne connaît pas de fossiles crédibles d'Apodida avant leSilurien (environ430 millions d'années). LesElasipodida se seraient séparés du reste des holothuries à l'Ordovicien médian (460 Ma), mais n'apparaissent dans le registre fossile qu'au Dévonien médian (397 Ma)[63].
Le groupe actuel le plus proche semble être lesoursins, classés avec les holothuries (et quelques autres groupes éteints) au sein du sous-embranchementEchinozoa, et dont ils auraient divergé dès l'Ordovicien inférieur, voire avant[61]. Leur ancêtre commun serait un groupe frère desOphiocystoidea[64], voire carrément les ophiocystoïdes eux-mêmes, après avoir perdu au cours de l'évolution la minéralisation de leurtest[65].
Le terme scientifique « holothurie » est emprunté au grecὁλοθούριον /holotoúrion (gén.ὁλοθούριου /holotoúriou),via Aristote[47], latinisé enholothuria ; le sens en est encore assez obscur (d'autant qu'Aristote ne désignait sans doute pas les concombres de mer par ce terme), mais pourrait signifier« entièrement nu ».
Les holothuries portent également de nombreux noms populaires, souvent liés à des objets de même forme (concombres, saucisses), des animaux d'apparence proche (limace, chenille) ou surtout des sobriquets scabreux (à base de pénis ou d'étron). Elles sont ainsi appelées en Franceconcombres de mer oubêches de mer (voirebiche de mer par déformation enNouvelle-Calédonie), mais égalementvié marin sur la côtemarseillaise (duprovençalviech marin, sexe marin),pich du oupich marv enBretagne (littéralement « phallus noir » ou « phallus mort »), oucazzu marinu enCorse (même sens qu'en provençal). Son ancien nom en portugais, « bicho-do-mar » (à présent « pepino-do-mar », traduction littérale de l'anglais « sea cucumber »), « bête de la mer », serait à l'origine du nom de la langue parlée auVanuatu : lebichelamar. En Japonais, elles sont appeléesnamako, « limace de mer », mais cette expression désigne en français plutôt des mollusques marins (Opisthobranches)[66].
Une grosse holothurie tenue en main auxMaldives. On peut voir que l'animal, stressé, a éjecté sestubes de Cuvier.
Les holothuries sont des animaux extrêmement lents, et parfaitement inoffensifs même si certaines possèdent des mécanismes de défense susceptibles de provoquer des nuisances (ossicules collantes, tubes de Cuvier...). Les toxines qu'elles contiennent interdisent généralement de les manger crues ou non préparées. Leur forme étonnante leur vaut souvent le dégoût des baigneurs, qui les utilisent parfois aussi pour jouer (notamment en les pressant pour voir sortir un jet d'eau depuis le cloaque, ce qui blesse l'animal).
Si les holothuries demeurent des animaux relativement mal connus et souvent méprisés des baigneurs européens[67], de nombreuses espèces tropicales sont toutefois considérées comme particulièrement esthétiques, et ces animaux jouissent d'une image bien plus positive dans certaines régions du monde, notamment au Japon où, en plus d'être des mets de choix, elles font l'objet d'un intérêt populaire certain, jusque dans la poésie traditionnelle[66].
Certains des comportements des holothuries (durcissement, expulsion des tubes de Cuvier, éviscération) ont valu d'après l'écrivain aventurierHenry de Monfreid aux holothuries de Mer Rouge le nom vernaculaire et imagé deZob el Bahar (le pénis de la mer) et ont initié une pêche destinée à la préparation (réputée aphrodisiaque) de l'holothurie séchée, à destination du marché chinois, et entrant entre autres dans la composition du potage aux nids d'hirondelles[68].
Les holothuries, animaux lents et sans visages parfois vus comme mystérieux, sont peu présentes dans la culture occidentale. Elles occupent toutefois, en tant qu'aliment, une place de choix dans le roman deJules VerneVingt mille lieues sous les mers (1870), où elles reviennent plusieurs fois à la table du capitaine Nemo :« Goûtez à tous ces mets. Voici une conserve d’holoturies qu’un Malais déclarerait sans rivale au monde. [...] Je fis honneur au repas. Il se composait de divers poissons et de tranches d’holoturies, excellents zoophytes, relevés d’algues très apéritives »[69].
Le romancier italienEmilio Salgari consacre son romanI Pescatori di Trepang[70] (1896) à un groupe de pêcheurs d'holothuries (ici appeléestrepang) confronté à des aborigènes en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
AuJapon, les holothuries sont des animaux relativement répandus dans l'art poétique duHaiku, et ont même fait l'objet d'un recueil dédié[66]. On trouve également une holothurie dans le bestiaire de la franchise de jeux vidéoPokémon : Concombaffe (Pyukumuku en anglais), qui se bat grâce à ses tubes de Cuvier[71]. Une holothurie est également la mascotte de laForce maritime d'autodéfense japonaise, appeléeNamakoro et choisie en raison du« courage » et de la résistance de ces animaux, qui ne fuient pas face aux menaces[72].
Un élevage commercial d'holothuries auxPhilippines.Plat hongkongais à base d'holothurie.L'« Espardenya » (Parastichopus regalis) est consommée dans la culturecatalane.
La pêche commerciale des holothuries semble s'être développée il y a environ mille ans en Chine, et l'engouement suscité provoqua rapidement un effondrement des stocks locaux menant à l'élaboration d'un marché d'importation international[44]. Diverses espèces d'holothuries, connues sous le nom detrepang enmalais, vidées, bouillies, séchées et fumées sont consommées enChine et àSingapour et y sont très appréciées[2]. On en consomme également au Japon sous le nom denamako. De l'Océan Indien auPacifique en passant par l'Indonésie (Makassar), les concombres de mer sont récoltés pour prélever leurs téguments, sur un mode principalement artisanal mais localement relativement intensif. Sur place, on les mange bouillis, séchés, marinés, en potage ou encore frits : la technique du séchage est la plus appropriée à l'exportation vers l'Asie du Sud-Est, qui demeure la principale raison de cette pêche dans les pays insulaires. Quelques espèces peuvent être consommées crues (Apostichopus japonicus,Cucumaria frondosa,Parastichopus californicus)[44].
Les holothuries sont aujourd'hui pêchées pour être mangées dans plus de soixante-dix pays, et consommées principalement enIndonésie, enChine (et plus globalement en Asie du Sud-Est) et àMadagascar, ainsi que dans certains pays insulaires de l'Indo-Pacifique[44].Selon un rapport de la FAO, on estime qu'à la fin des années 1970 la consommation mondiale était de 25 000 tonnes[2].
L'essor économique de l'Asie du Sud-Est depuis les années 1980, couplé aux faibles revenus de nombreux pays coralliens où vivent les holothuries comestibles, font peser de lourdes menaces sur ces espèces autrefois communes, dont certaines voient leurs stocks s'effondrer d'une manière inquiétante[73]. Un réseau international de braconnage féroce s'est également mis en place, visant notamment les zones protégées désertes ou de pays en voie de développement, et est actif jusqu'en Afrique de l'Ouest[74].
Les populations d'holothuries ont ainsi diminué de 98 % auxGalapagos entre 1993 et 2004, et de 94 % enÉgypte entre 1998 et 2001, puis encore de 45 % entre 2002 et 2007 malgré l'interdiction de leur récolte[75]. La situation est proche dans la plupart des pays de l'Indo-Pacifique tropical[44].
La consommation des holothuries fut historiquement importante enNouvelle-Calédonie (où on les appelle « bèches de mer »), mais a très fortement diminué depuis la seconde guerre mondiale. La préparation était complexe : les animaux étaient bouillis une première fois dans de l'eau de mer, puis une seconde fois dans de l'eau douce avant d'être éviscérés. Le produit était ensuite fumé au bois de mangrove puis séché au soleil[2].
EnFrance, la principale holothurie consommée traditionnellement est l'« Espardenya » (Parastichopus regalis), notamment dans le sud-ouest ; c'est unmets qui peut agrémenter lapaella encuisine catalane, mais son commerce demeure très marginal et essentiellement lié à desprises accessoires de la pêche au chalut.
D'après une synthèse commandée par laFAO en 2012[44],58 espèces sont significativement exploitées pour la consommation humaine. Presque toutes appartiennent aux ordres desHolothuriida et desSynallactida (sauf3 espèces de l'ordre desDendrochirotida, toutes de la famille desCucumariidae), dont la plupart à la famille desHolothuriidae, et secondairement desStichopodidae[44]. La très large majorité sont des espèces tropicales[44].
D'un point de vue nutritionnel, les téguments d'holothuries sont riches en protéines (45 % du poids sec)[2] et en minéraux, et contiennent peu de graisses et de sucres.
La consommation pharmaceutique d'holothurie est attestée depuis l'ère Ming (XIVe siècle) : la ressemblance des holothuries avec un pénis humain (renforcée par leur capacité à se durcir, se tenir droit lors de la reproduction et le mode de défense de certaines consistant à éjecter des filaments blancs) a fait croire aux Chinoisanalogistes de l'époque qu'ils pourraient avoir des vertus sur la virilité[77].
Certaines compagnies pharmaceutiques produisent des produits dérivés à partir du « trépang ». Ces produits se présentent sous la forme d'huiles, de crèmes et cosmétiques, mais aussi parfois de spécimens séchés. Certains d'entre eux sont destinés à être ingérés.Certains soigneurs attribuent aux extraits de concombre de mer des propriétésaphrodisiaques ouantiseptiques jamais démontrées scientifiquement. De prétendues propriétés anticancéreuses ont été mises à l'étude, et sérieusement mises en doute.
Holothuries séchées et conservées en bocal, utilisées à des fins médicinales par la médecine chinoise.
Plusieurs espèces d'holothuries voient leur effectif tomber de manière préoccupante depuis quelques décennies, principalement en raison de lasurpêche, mais aussi de la dégradation de leur environnement. La fonction écologique capitale de ces animaux rend leur raréfaction d'autant plus préoccupante pour les écologues. En conséquence, les concombres de mer font l'objet d'un suivi de la part de laFAO, de laCITES et de l'IUCN.16 espèces figurent ainsi sur laListe rouge de l'UICN depuis 2013, dont 9 classées comme « vulnérables » et 7 « en danger ou à forte probabilité d'extinction » (Apostichopus japonicus,Holothuria lessoni,Holothuria nobilis,Holothuria scabra,Holothuria whitmaei,Isostichopus fuscus etThelenota ananas)[78].
Il existe un groupe dédié aux holothuries à l'IUCN, le« IUCN SSC Sea Cucumber Specialist Group », dirigé par Annie Mercier et Marie Antonette Menez[79].
AlainGuille, PierreLaboute et Jean-LouisMenou,Guide des étoiles de mer, oursins et autres échinodermes du lagon de Nouvelle-Calédonie,ORSTOM,, 244 p.(lire en ligne)
↑Philippe Bourjon, « Synapta maculata », surSous Les Mers(consulté le).
↑abcdefghijklmnopqr etsAlainGuille, PierreLaboute et Jean-LouisMenou,Guide des étoiles de mer, oursins et autres échinodermes du lagon de Nouvelle-Calédonie, ORSTOM,, 244 p.(lire en ligne).
↑Voir par exemple cettephotographie spectaculaire, qui montre combien la bouche de ce mollusque peut s'étendre.
↑Eeckhaut I., Février J., Todinanahary G., Delroisse J., « Impact of Thalamita crenata (Decapoda; Portunidae) predation on Holothuria scabra juvenile survival in sea farming pens »,SPC Bêche-de-mer Information Bulletin,no 40,(lire en ligne).
↑Rogers A., Caal W., Hamel J.-F. Mercier A., « Loggerhead sea turtle Caretta caretta found preying on a sea cucumber on a reef in Belize »,SPC Bêche-de-mer Information Bulletin,no 40,(lire en ligne).
↑Hampus Eriksson, Purcell, S., Conand, C., Muthiga, N., & Lovatelli, A. (2013),Report on the FAO Workshop on Sea Cucumber Fisheries: An Ecosystem Approach to Management in the Indian Ocean (SCEAM Indian Ocean), Mazizini, Zanzibar, the United Republic of Tanzania, 12–16 November 2012. FAO Fisheries and Aquaculture Report, 1038, 92.
« Bêche-de-mer Information Bulletin », surSecretariat of the Pacific Community, éditée par Chantal Conand & Igor Eeckhaut, revue scientifique spécialisée sur les holothuries.