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Les Hmong sont originaires des régions montagneuses du sud de laChine[12], où ils sont officiellement intégrés dans la « nationalité »Miao qui inclut différents sous-groupes tels que lesHmu, lesKho Xiong et lesA hmao[10]. Enrépublique populaire de Chine, auViêt Nam, auLaos, enThaïlande, enBirmanie et auCambodge, la législation différencie la « citoyenneté » selon ledroit du sol également appliquée à tous les habitants (chinois 国籍guójí), de la « nationalité » au sens d'ethnie appliquée selon ledroit du sang à telle ou telle population identifiée par la langue, ses origines et sa culture spécifique (chinois 民族,mínzú) : c'est ce qui permet de dénombrer les Hmong aux recensements[13].
Comme il est impossible à la langue chinoise de transcrire le motHmong en idéogrammes avec le « m » nasal, ce mot est absent des sources chinoises qui emploientMiao signifiant, enchinois mandarin, « jeune pousse, plant »[14]. Cela dit, ce nom était utilisé par les chinois afin de se moquer des hmong.
AuViêt Nam moderne, ils sont appelésH'mông et sont, selon le classement des 53 minorités officiellement reconnues dans ce pays, désignés sous l'appellationMiêu (Meo à l'époque coloniale française)[15],[16].
AuLaos, dans les années 1960, ils ont été regroupés à l'instar des peuples tibéto-birmans etYao sous la désignation deLao Sung ouLao Soung signifiant « montagnards du Laos », mais eux-mêmes s'appellent parfoisLaos Ungs - « Oungs du Laos »[17] et le plus souventHmoob ouMoob dans la langue hmong duLaos.
EnThaïlande, ils sont inclus dans « les tribus des collines » et sont appelésMóng (thaï :ม้ง) ouMieow (thaï :เมียว).
Comme beaucoup de dénominations ethniques,Hmong, Mong, Miao, Miêu, Mieow ouMéo ont pu avoir des sens différents, certainsmythiques, parfois flatteurs ou au contraire péjoratifs, changer de sens selon les sources et les époques, ou encore être rapprochés parhomophonie d'autres dénominations ou même des vocalisations desfélins[18].
L'origine du motHmong ouMong est discutée. Yang Dao, après avoir donné au motHmong le sens de « peuple libre » ou « homme libre », a finalement validé le sens d'« homme ». Une croyance relevée par Nicholas Tapp auprès d'un mouvement messianique hmong, le fait dériver de celui deHmoov en dialecte hmong blanc ouMoov en dialecte mong vert, qui veut dire « chance », « mérite » ou « destinée »[19].
Hmong etMong sont desendonymes[20] : des appellations par lesquelles ce peuple s'auto-désigne. L'ajout final de la consonne « g » aux motshmong etmong est dû à la transcription française, ce qui fait que les mots se prononcent « hmongue » ou « mongue » en français alors qu'ils se prononcent « Hmon » et « Mon » en hmong.Hmong avec un « h » aspiré est l'appellation des locuteurs du dialecte hmong blanc et Mong celui des locuteurs du dialecte mong vert. L'emploi préférentiel de la graphieHmong au détriment de celui deMong, a suscité des protestations de certains locuteurs mong au point de vouloir s'identifier en tant que "peuple à part". C'est pourquoi l'ethnologue françaisJacques Lemoine a de son côté inventé la graphie(H)mong pour inclure les deux dialectes[21].Hmong etMong sont des mots invariables qui ne prennent pas de « s » au pluriel.
Le motMiao est tiré d'un peuple légendaire montagnard qu'auraient combattu les premiers rois chinois, sans parvenir à le soumettre : lesSan Miao, référencés dans les textes chinoisantiques comme leShu jing, leShanhaijing, leGuoyu ou leShiji. Par la suite, le mot acquit parmétonymie les sens génériques d'« insoumis, libre » (sens valorisant) ou de « sauvage, barbare » (sens péjoratif), l'affiliation des groupes ainsi dénommés faisant toujours l'objet de débats[22]. Compte tenu des migrations, des séparations et des regroupements entre groupes au fil du temps, ainsi que de l'indigence et de l'imprécision des sources écrites, une origine historique commune et unique des Hmong et des autres peuplesMiao contemporains ne peut être démontrée en l'état des connaissances actuelles[23].
Le premier sens du motMiao demeure une énigme et fait toujours l'objet de spéculations dans le domaine des recherches académiques chinoises[24]. On ne sait toujours pas avec certitude si c'est un titre ou le nom d'un peuple, une translittération du mot ou encore le nom d'une région de la province duHenan[25]. Au temps de laPériode des Royaumes combattants, un lettré chinois avait traduit ce mot par « descendant » d'oùSan Miao voudrait dire les « trois descendants »[26]. Mais à présent, les racines qui le composent sont la clé de l'herbe艹 au-dessus de celui de la rizière ou du champ田. La combinaison de ces deux idéogrammes a également été par le passé sujette à de nombreuses interprétations, avec deux hypothèses principales qui s'opposent. Les uns, en s'accordant à la tradition chinoise qui dit que lesSan Miao furent relégués auGansu, lui attribuent le sens de « nomades » et, ceux qui témoignèrent en général de la sympathie aux Hmong mettent plutôt en avant les sens de « paysans, agriculteurs, planteurs de riz, fils de la terre,autochtones,aborigènes »… mais ce sont toutes des interprétations libres[25]. Actuellement, le dictionnaire chinois deBeijing lui donne comme définition « jeune pousse » ou « plant » avec le sens de « humble, petit »[27].
Les Hmong ont été désignés en premier lieu par lesAnnamites et lesThaïs sous des appellations péjoratives etspécistes deMan Meo pour « chats sauvages »[28], par opposition auxYao alors appelésMan Yao. Man, qui pouvait à l'origine désigner un peuple en particulier, fut, avec la connotation de « sauvage » un terme générique péjoratif englobant divers peuples montagnards de la péninsule indochinoise[29]. LesMan désignaient également chez les Chinois, les peuples du midi de laChine et chez les Hmong, des étrangers (Mab).
Pendant l'antiquité tardive, l'idéogrammeMiao disparut durant des siècles de la littérature chinoise pour ne réapparaître qu'auMoyen Âge dans leLivre des Barbares (Manshu) écrit par Fan Chuo sous ladynastie Tang et celui de Zhu Xi, un penseurconfucéen de ladynastie Song du sud, intituléSur les San Miao (San Miao ji), décrivant un peuple de la province duHunan mis en rapport avec lesSan Miao. Son usage fut plus fréquent sous ladynastie Yuan avec des déclinaisons variables telles queMiaoman, Miaoliao, Miaolao, Shengmiao… pour indiquer les locuteurstai-kadai,tibéto-birmans etaustroasiatiques duHunan et duGuizhou[32].
Sous les dynastiesMing etQing, il se superposa au mot Man ou Man Nan (« barbares du Sud ») en tant que terme générique péjoratif pour désigner tous les peuples non chinois du sud ouest de laChine. Vers la fin de ladynastie Ming, les concepts de « Miao cuits » (Shu Miao) c'est-à-dire les ralliés ou les soumis et « Miao crus » (Sheng Miao) c'est-à-dire les indépendants, y furent appliqués. Par exemple, lesDong et lesTujia entretenant de bons rapports avec l'Empire chinois et payent les taxes sont considérés comme des « Miao cuits », tandis que les Hmong nomades se soustrayant à l'emprise impériale, sont des « Miao crus », terme incluant d'autres groupes ethniques que les Hmong, comme en témoigne l'erreur du pèreFrançois Marie Savina qui fait de Sonom, unGyalrong de tribustibétaines, un « roi Hmong »[33].
À partir des années 80, les exonymesMeo etMiao furent progressivement remplacés en Occident par l'autonyme Hmong, sous l'initiative de Yang Dao. En revanche, ils sont toujours en usage enChine, enThaïlande et auViêt Nam. Combattus, les sens péjoratifs ont progressivement reculé, tandis que le postulat selon lequel les Hmong descendraient en droite ligne desSan Miao s'est également vu remis en cause, sans que la question soit tranchée[34].
Le nombre d'habitants dans la diaspora hmong est estimé entre 4 et 5 millions[6]. Les Hmong établis auLaos représentent 7,9 %[36] de la population laotienne, soit environ 438 300 personnes selon le recensement laotien de 1989.
Agriculteurs montagnards itinérants et éleveurs de bétail propriétaires de petites parcelles, les Hmongs ont été nombreux à refuser lacollectivisation et la sédentarisation forcée voulue par lescommunistes laotiens, au point que certains se sont engagés contre ces derniers aux côtés desFrançais, puis desÉtats-Unis après la défaite française. Pendant laguerre du Viêt Nam, uneguérilla hmong armée par la CIA s'oppose auxautorités communistes du Laos : c'est le « conflit hmong », mais tous les Hmong n'ont pas combattu contre lePathet Lao et certains y ont au contraire participé, par exemple le président de l'assemblée nationale laotienne,Faydang Lobliayao.
À la suite de ces conflits, à la fin duXXe siècle et au début duXXIe siècle, une partie non quantifiable de la guérilla Hmong s'est réfugiée dans la jungle dans lazone de Xaysomboun, traquée par les armées laotienne et vietnamienne, pour avoir « aidé les impérialistes ». En 2005, ils n'étaient plusque 8 000, contre plusde 30 000 une dizaine d'années plus tôt[37].
À l'issue de laguerre civile laotienne conclue par la victoire durégime communiste en[40], un nombre important de Hmong fuit leLaos pour se rendre dans un premier temps dans des camps de réfugiés situés en Thaïlande, avec l'ouverture du camp militaireNamphong pour l'accueil des premiers réfugiés laotiens, dont les Hmong, le 10 mai 1975. Leur nombre est tel qu'en 1976, s'ajoutent les camps de réfugiés supplémentaires de Ban-Vinai, Non-Khai, Poua, Ubone, Outradith et Chiang-Khang.
Entre 1975 et 1978, des avions gros-porteurs récupèrent une partie des réfugiés politiques Hmong, qualifiés de « guérilleros de la liberté victimes d'un génocide » par la presse occidentale et de « traîtres, laquais de l'impérialisme colonial et américain » par les autorités laotienes[41]. Ils sont répartis dans des pays d'accueil comme lesÉtats-Unis, laFrance (notamment enGuyane) et l'Australie.
Aujourd'hui, les survivants du peuple Hmong sont intégrés à la vie laotienne (c.f. le marché du soir deLuang Prabang ou le « marché ethnique » deVientiane) ou thailandaise (régions duLanna au Nord et de l'Isan à l'Est).
En Chine, près de 3 millions delocuteurs hmong y vivent, répartis dans les provinces duSichuan,Guizhou,Yunnan etGuangxi, recensés par les linguistes chinois dans plus de 42 préfectures[6] :
La diaspora Hmong se partage entre les États-Unis, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Allemagne, le Japon, l'Argentine et la France (estimationà 30 000[42]), dontenviron 2 000 enGuyane française. La majeure partie vit encore enAsie du Sud-Est, principalement enChine et auViêt Nam, mais aussi auLaos, enThaïlande et enBirmanie.
La langue hmong appartient à la famille deslangues hmong-mien, encore appeléemiao-yao d'après les noms chinois de ces langues. Du point de vue de la terminologie et de l'approche des linguistes chinois, les Hmong parle le sous-dialecte Chuanqiandian du dialecte miao de l'Ouest, appelé aussi Chuanqiandian de la famille linguistiquemiao-yao. La notion de dialecte pour désigner les différents groupes linguistiques miao est contestée, on estime qu'elles forment en vérité des langues distinctes, se différenciant toutes par laphonologie, lagrammaire et levocabulaire[43]. Entre les années 50 et 2000, la tentative d'imposer un même système d'écriture pour l'entière nationalitéMiao s'est révélée être un échec du fait de la trop grande différence entre les groupes de langues miao[44]. L'appellationHmong-Mien des linguistes américains encore débattue[45]. Lesexonymesmiao etyao sont préférables pour éviter les confusions et de favoriser arbitrairement le terme de l'un ou l'autre des sous-groupes linguistiques.
Il existe de très nombreuses formes dialectales, beaucoup n'ayant d'ailleurs probablement pas encore été répertoriées. Les deux plus répandues sont le « hmong vert » et le « hmong blanc » (dialectes les plus répandus au Laos, enThaïlande, au Viêt Nam et enBirmanie), qui doivent leur appellation à la couleur principale des costumes traditionnels féminins des locuteurs. Ces deux dialectes sont parlés par la diaspora hmong occidentale. AuViêt Nam, il existe une autre distinction basée sur les traditions vestimentaires : celle entre « hmong noirs » et « hmongs fleuris » ou « hmongs-fleurs ».
Un hmong, Shong Lue Vang, a défini un alphabet pour sa propre langue. Initialement illettré comme presque tous les Hmong de sa génération (avant 1947), il a inventé un système syllabique à deux signes, un pour la syllabe et un pour le ton, soit environ cinq cents combinaisons. Mais les caractères qu'il a inventés n'existaient pas en imprimerie et cela, ajouté au nombre de combinaisons, a freiné la diffusion de son invention[46]. Le système Barney-Smalley-Bertrais est lui aussi critiquable, mais il a l'avantage de n'utiliser que des lettres romanes internationales, comme lehanyu pinyin chinois, lechữ quốc ngữ vietnamien et leromaji japonais.
Les mots hmong se terminent toujours par une voyelle, sauf parfois la consonne « ng » qui est un « n »vélaire qu'on peut trouver après « e » ou « o ». Dans ces cas-là on écrit -ee et oo comme dans hmoob où le « h », muet comme en français, indique que le « m » est faible, et où le « b » muet indique que la syllabe est sur le ton haut égal.
Il en résulte que tous les mots hmong se terminent par une consonne à l'écrit, et par une voyelle ou un « n » vélaire à l'oral. Les consonnes « b », « v », « s », « g », « m » et « j » n'ont donc pas de valeur en elles-mêmes , mais représentent chacune une intonation bien précise du mot : en effet , suivant l'intonation et le contexte , en oral un mot aura une signification différente , exemple intonation : mis = lait/sein , mib = vermicelles , Mim = prénom féminin , exemple contexte : xiv = père ou fruit . Le cause à effet de cette terminaison des mots en intonation résulte que tous les mots courants sont invariables autant à l'écrit qu'à l'orale et dotés d'une seul syllable .
Ainsi, le général Vang Pao en laotien s'appelle "Vaj Pov" en hmong, mais cela se prononce « Va Po », Va étant en ton haut descendant (donc de l'aigu au ton moyen) et Po étant sur le ton ascendant (donc du ton moyen au ton aigu).
Diaspora du peuple hmong.Une scène représentant la campagne de laDynastie Qing (de la minoritémandchoue) contre lepeuple Miao, à Lancaoping en1795.Homme de l'ethnie Miao(Miao zu, 苗族), dans la province duGuangxi, (Chine).
Les Hmong nomades franchirent la frontière sino-laotienne pour aller s’établir dans les régions suivantes :Nong Het,Hua Phan,Phongsaly,Oudomxay, ou encore deMuang Sing en raison du manque de terres disponibles, sous ladynastie Qing de gouvernancemandchoue. C'est dans les montagnes de l'actuel Laos qu'ils furent financièrement incitéspar les Français à cultiver lepavot et à produire de l'opium pour l'exporter vers la Chine (dont la France convoitait alors leYunnan), dans le contexte desguerres de l'opium[49].
Pendant laguerre d'Indochine au Laos, et pendant laguerre du Viêt Nam dans le contexte de laguerre froide qui, ici, était « chaude » et particulièrement sanglante, laCIA et lesÉtats-Unis les utilisèrent comme supplétifs, leur fournirent de l'armement et achetèrent à leur tour leur production d'opium : de ce fait, les Hmongs engagés dans ce conflit du côté occidental, étaient promis à une mort certaine par lescombattants communistes en tant que « laquais des envahisseurs impérialistes »[41].
Les Hmong connurent des débuts paisibles auLaos et auTonkin, vivant en autarcie sur les sommets des montagnes. Les Français, comme les Laotiens, les appelaientMéo, une déformation du Miao chinois. L’accumulation des taxes et de divers impôts par lesautorités coloniales, ainsi que le fait d'être administrés systématiquement par des non-Hmong souvent corrompus, sont autant de facteurs qui amenèrent les Hmong à se soulever contre le colonisateur. Cette révolte nommée « Guerre du Fou » dura cinq ans (1917-1922), jusqu’à la mort de son leaderPa Chay. Cet épisode amena les Français à changer leur politique. Ils encouragèrent la production d'opium, mais aussi les cultures vivrières et laprédication des missionnaires, et désignèrent des interlocuteurs hmong comme Ly Foung.
Pendant laSeconde Guerre mondiale, l'Indochine française, gouvernée par l'amiralJean Decoux durégime de Vichycollaborant avec l'occupant japonais, se trouvede facto dans l'Axe, bien qu'officiellement neutre : elle est donc coupée de ses sources d'approvisionnement enopium que sont l'Iran, laTurquie et l'Inde, or les revenus de l'opium sont capitaux pour le financement de l'administration française. Ainsi, l'administration française encouragea et même organisa la production et le commerce d'opium (qu'elle avait réprimés dans l'entre-deux-guerres) sur les hautes terres du Laos et Tonkin[50]. La production décupla presque, passant de 7,5 t en1940 à 60,6 t en1944, principalement produites dans les provinces de Xieng Khouang au Laos et au Nord-Est-Tonkin, paysTaï où vivent de nombreux Hmong. L'administration ne contrôla pas directement la production, mais utilisa les chefs « Meo » locaux, commeTouby Lyfoung au Xieng Khouang.
Cela permit à Touby Lyfoung d’envoyer ses enfants à l’école, fait rare à l’époque. Son éducation et ses talents de bureaucrate valurent à Lyfoung de gravir rapidement les échelons dans l’administration coloniale duProtectorat français du Laos pour devenir l’un des grands leaders hmong de l’histoire récente. Pour lerégime de Vichy, il participa au trafic d'opium de l'État français à laRégie de l'Opium du service des Douanes. Il occupa successivement les postes de ministre de la Santé, de ministre des Postes et Télécommunications et de Conseiller du roiSisavang Vong. À la fin de laSeconde Guerre mondiale, alors quela France s'oppose cette fois aux Japonais, Lyfoung est le meneur des Hmong deXieng Khouang pour aider l'armée française à reconquérir la ville et reprendre le contrôle du pays. Il profita de son rang de dirigeant pour pousser les Hmong à l'éducation d'un côté et à combattre lescommunistes vietnamiens de l'autre. Après son décès, il reste pour les Hmong de la diaspora une figure de première importance.
Jeunes filles Hmong jouant au jeu de balle, un jeu de séduction pour rencontrer des prétendants potentiels auLaos.
Laguerre civile laotienne constitue un théâtre d'opérations annexe de laguerre du Viêt Nam. En1962, les États-Unis recrutent les guérilleros hmong commandés par le généralVang Pao pour combattre les soldats nord-vietnamiens au Laos[54]. Cette opération appelée « US Secret War » a été financée par laCIA[55]. Elle consistait à « sécuriser » la zone et à récupérer les pilotes américains abattus en venant bombarder lapiste Hô Chi Minh. Quand les Américains, vaincus sur les plans politique et diplomatique, durent se retirer du Viêt Nam en1975, ils abandonnèrent tous leurs supplétifs en fermant les camps d’entraînement, en suspendant toute aide militaire et financière au Laos et aux Hmong, et en refusant d'exfiltrer leurs alliés quand lePathet Lao communiste prit le contrôle du pays[56]. Les Hmong communistes, commeFaydang Lobliayao, accédèrent au pouvoir, tandis que les Hmong pro-royalistes alliés des Français puis des Américains, furent enfermés dans descamps detravaux forcés ou bien, quandils tentèrent de résister,tués. Leur leader politique,Touby Lyfoung, fut emprisonné et mourut en détention, tandis que leur leader militaire,Vang Pao, parvint à quitter le pays et à trouver refuge aux États-Unis[57].
Les Hmong persécutés au Laos offrirent leur assistance à laChine lorsque celle-ci s'opposa à leur persécuteur, le Viêt Nam, en 1974[58].
La méfiance vietnamienne envers les Hmong est une suite duconflit hmong : les reportages dans la presse occidentale de Philip Blenkinsop en2002, deThierry Falise en2003[59],[60], deGrégoire Deniau et Cyril Payen en2005, et de l'américain Roger Arnold en, ont montré la situation désastreuse de plusieurs groupes de Hmong dans le jungle laotienne. Ne pouvant pas fuir le pays, ils vivent de trafics (notamment d'opium) et debraconnage, enguérilleros rebelles, et sont à ce titre traqués et exterminés depuis plus de trente ans par l'armée vietnamienne présente au Laos, ainsi que par les autorités laotiennes. Ceux d'entre eux qui y parviennent s'enfuient en Thaïlande d’où certains peuvent être accueillis dans divers pays occidentaux. Cependant, beaucoup aussi restent dans une situation délicate au Laos. En Thaïlande, concentrés dans descamps à ciel ouvert, ils n'ont pas le statut de réfugiés, mais celui « d'immigrants économiques illégaux » et ne survivent que grâce auxONG. Environ dix mille d'entre eux sont enfermés dans ces camps de prisonniers, dans laprovince de Phetchabun, par exemple, ou dans d'autres prisons du Nord et du centre de la Thaïlande. La situation humanitaire y est préoccupante comme en témoigne « Médecins sans frontières » qui a eu accès aux Hmong des camps et des prisons thaïlandaises.
En l'an2000, environ 1 600 Hmong (statistiques françaises) vivent enGuyane, dont la moitié a moins de 18 ans.Ils sont répartis en quatre villages qu'ils ont eux-mêmes construits :
Cacao créé en 1977[67] en pleine forêt, d'accès difficile[68],[69] ;
Rococoua, fondé en 1990 aux environs d'Iracoubo avec une quinzaine de familles
Corrossony, fondé vers 1990 aux environs deRégina avec une douzaine de familles dont la plupart vivaient en France métropolitaine avant de venir s'installer en Guyane française.
Il s'agit de descendants de groupes villageois originaires duLaos. Fuyant l'état communiste, ils sont internés en 1975 dans des camps de réfugiés thaïlandais. La reconnaissance par leHaut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés de leur statut de réfugiés politiques leur permet d'être accueillis dans divers pays occidentaux. Les États-Unis en accueillerontquelque 100 000 et laFrance 10 000. On leur prépare en Guyane des villages créés de toutes pièces avec l'idée d'y transférer des groupes de familles pouvant retrouver leurs conditions de vie antérieures.
Les Hmong arrivent en Guyane en 1977. Ils y ont été installés dans l'idée de peupler la Guyane et y développer l'agriculture. Ce projet s'insérait dans le « Plan Vert », lancé par lesecrétaire d'État auxDOM-TOM de l’époque,Olivier Stirn. Il partait d'un constat accablant pour ce département d'outre-mer : sous-peuplée, la Guyane ne comptait que 55 000 habitants pour un territoire représentant un cinquième de la métropole, avec des ressources très peu exploitées (hormis l'orpaillage) et une activité économique très réduite et dépendante de la métropole[71].
C'est avec l'aide d'un président de Conseil régional d'origine asiatique, ledocteur Ho-A-Chuck[72], favorable à leur installation, ainsi que celle des organisations catholiques sollicitées par le père Yves Bertrais[73] (décédé le, co-inventeur de l’alphabet hmong appeléalphabet Barney-Smalley) qu'ils ont reçu l'autorisation de s'y installer. Pierre Dupont-Gonin a également participé à leur accueil en Guyane et en témoigne dans son ouvrage[74].
À l'origine de cette initiative on trouve la réflexion stratégique et prospective de l'amiralMarcel Flichy qui prend sa source dans sa double expérience de l'Indochine, relatée dans le livreLes corsaires de la Baie d'Along deMichel Girard etMarine Indochine deJacques Mordal, et de l'Algérie, où, en tant que dernier commandant de laDBFM à Nemours en 1962, il avait pris l'initiative, contre sa hiérarchie, de sauver sesharkis en les installant en France, àLargentière enArdèche. C'est en tant que responsable des relations internationales duSecours catholique et deCaritas Internationalis qu'il proposa ce projet de sauvetage et le négocia âprement avec le gouvernement français.
Avec un effectif estimé à prèsde 60 000, l'immigration hmong aux États-Unis date des années 1970-1980 et est une conséquence directe de laguerre du Viêt Nam. Après avoir d'abord trouvé refuge enCalifornie, notamment àFresno, les Hmong se sont déplacés vers leMinnesota (dans les villes « jumelles » deSaint Paul etMinneapolis) et d'autres régions duMidwest, principalement pour des raisons économiques. Comme beaucoup d'autres communautés originaires d'Extrême-Orient, les Hmong témoignent d'une bonne intégration dans le système économique et éducatif des États-Unis.
Initialementanimistes, les Hmong sont nombreux à être devenuschrétiens, généralementcatholiques ; on peut encore visiter trois églises au moins dans la région deSa Pa au nord duViêt Nam. Les paroisses hmong de la région de Sa Pa ont été créées et administrées par lesMissions étrangères de Paris.
Selon les croyances locales, les Hmong reçoivent troisâmes à la naissance : la première insuffle la vie à l'individu et passe aux vivants après la mort ; la deuxième lui est propre et part définitivement séjourner au pays des ancêtres ou royaume de l'au-delà, et la troisième est réincarnée dans un être humain ou un animal. La cérémonie funéraire la plus importante s'appelle lekruôz-ssé : il s'agit d'indiquer le chemin à la deuxième âme. Un chant sacré accompagné par une flûte et un tambour est récité lors du cortège[78].
Détail d'un vêtement féminin hmong, avec appliqué de tissus et broderies (dontbroderie au point de croix (Musée provincial du Yunnan,Kunming, Chine).Combat debuffles àPhonsavan (Laos) à l'occasion du Nouvel an Hmong (décembre 2007).
L'une des traditions qui caractérise les Hmong fleuris est la richesse du décor brodé ou appliqué des vêtements et couvre-chefs.
La famille traditionnelle Hmong était initialement patriarcale etpatrilinéaire, même si aujourd'hui ces coutumes s'estompent. Concernant le mariage, plusieurs formules existaient :
lorsqu'un homme hmong veut se marier, il choisit sa future épouse, que cette dernière veuille l'épouser ou pas. Pendant la nuit ou le jour, il l'enlève avec l'aide de sa famille et la ramène chez lui. Le jour suivant, un membre de la famille de l'homme va réveiller la famille de la femme pour discuter du « prix » à verser en compensation de ce rapt rituel. Ce prix est payé avec dulao-lao (alcool de riz), un (des) porc(s) engraissé(s), du riz, de l'argent, des outils… ; cette coutume se pratique toujours au Viêt Nam, Laos, et en Chine[79] ;
comme dans beaucoup de cultures traditionnelles (y compris en Europe jusqu'auXIXe siècle), les familles s'entendent mutuellement sur des fiançailles dès le plus jeune âge des enfants ;
l'homme, dès qu'il se sent en âge de se marier, se fait accompagner pour aller s'arranger avec les parents de sa future épouse.
Une fois mariée, la femme hmong va vivre dans le village de son mari et doit s'occuper des parents de son mari jusqu'à leur mort. C'est pourquoi il arrive que la future épouse d'un Hmong soit choisie par ses futurs beaux-parents. Si ceux-ci se rendent compte que leur bru ne prendra pas bien soin d'eux, ils peuvent larépudier et la renvoyer dans sa famille avec un dédommagement pour les parents de la mariée.
Les Hmong portent jusqu'à18 noms de famille différents, chacun ayant une significationgénéalogique, religieuse ou sociale.
Un futur mari et sa future épouse doivent porter un nom différent pour pouvoir se marier. Lorsque la femme hmong se marie, elle prend le nom de son époux, et les enfants portent le nom de famille du père. Des cousins portant des noms de famille différents peuvent se marier entre eux.
La médecine traditionnelle Hmong repose sur la croyance selon laquelle la maladie provient de la relation entre les âmes stables et les âmes instables de l'être humain. Les âmes stables doivent être maintenues dans le corps, car ce sont elles qui génèrent force, vigueur et santé. Les âmes instables génèrent les maladies et doivent être revigorées. De cette croyance découlent diverses traditions. Ainsi, au jour de l'An, les légumes verts et les bouillons sont proscrits afin de ne pas provoquer la vengeance des esprits pour cette offense envers l'environnement. De même, un étranger ne doit pas pénétrer dans une maison où une branche feuillue a été apposée sur la porte, de crainte qu'il apporte la maladie. Des guérisseurs-herboristes sont consultés par les malades à qui ils font prendre desherbes médicinales. Ces herbes sont pour la plupart cueillies en forêt. Les Hmong fournissent d'ailleurs beaucoup d'herbes pour l'exportation[80].
La bande dessinéeHmong, deVicky Lyfoung, parue en 2023 chezDelcourt, est un récit racontant, en parallèle, l'histoire du peuple Hmong et l'histoire de la famille de l'auteure.
↑Duvietnamien :Meo苗 repris dans les sources occidentales anciennes, notamment à l'époque de l'Indochine française :Jean Bonet,Dictionnaire Annamite-Français : Langue officielle et langue vulgaire,(lire en ligne),p. 412.
↑William A. Smalley, Chia Koua Vang et Gnia Yee Yang,Mother of Writing: The Origin and Development of a Hmong Messianic Script, Chicago, University of Chicago Press, 1990, 234 p., ill. ; William A. Smalley, Chia Koua Vang et Gnia Yee Yang,The Life of Shong Lue Yang: Hmong “Mother of Writing”, Minneapolis, Center for Urban and Regional Affairs, University of Minnesota, 1990.
↑Pierre Journoud, « La CAT/Air America dans les guerres d'Indochine, ou le rôle d'une compagnie aérienne privée secrètement détenue par la CIA (1950-1975) »,Guerres mondiales et conflits contemporains,no 238,,p. 129-150(DOI10.3917/gmcc.238.0129,lire en ligne).
↑Jean-Pierre Willem,Les naufragés de la liberté : le dernier exode des Méos, Paris, S.O.S.,(BNF34666995,lire en ligne).
↑Pierre Dupont-Gonin,L'Opération hmong en Guyane française de 1977. Les tribulations d'une ethnie. Un nouvel exode d'Extrême-Orient en Extrême-Occident, Olizane, 1996.
M. David (Lieutenant-colonel),Guerre secrète en Indochine. Les maquis autochtones face au Viêt-Minh., Panazol : Lavauzelle, 2002.
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