
L'histoire du papier proprement dit, composé par des fibres decellulose agglomérées, commence enChine il y a 2 000 ans. Lepapier se transmet par l'Asie centrale et l'empire arabo-musulman jusqu'en Europe, ses producteurs l'adaptant aux instruments d'écriture de chaque région. L'imprimerie stimule sa consommation. AuXIXe siècle, l'industrialisation provoque un changement radical de matière première, passant duchiffon aubois. On s'aperçoit cent ans plus tard que ce papier résiste beaucoup moins bien dans le temps, amenant de nouvelles précautions pour produire unpapier non acide.

Le mot « papier » dérive étymologiquement depapyrus.
Le « papier » définit tout ce qui est constitué de fibres de cellulose en majorité, donc d’origine végétale, mises en suspension dans de l’eau puis égouttées sur une surface plane. Quel que soit le procédé employé, propre ou sale, fin ou grossier, qu’il n’y ait que de la cellulose ou d’autres matières ajoutées (laine, soie notamment), c’est la mise en suspension dans l’eau des fibres et leur égouttage qui permettent de constituer le papier. On utilise souvent l’image de laguêpe qui confectionne son nid en régurgitant de la cellulose malaxée, même si rien n'indique que l’idée de fabriquer du papier provienne de cet exemple.
Avant l’apparition du papier, les écrits étaient en Europe conservés sur desparchemins ou dupapyrus et sur toutes sortes de surfaces — écorce,feuille d’arbre,lamelles de bambou,tablette d'argile oude cire,planchettes plus ou moins fines,soie,os ou écailles, pierres .
Lestapas (feutre végétal fait duliber de certaines écorces battues et assemblées[1]), connus grâce à des représentations sur des parois rocheuses et dans des grottes dans le monde entier, utilisés sous forme de vêtements, de parures, peuvent être considérés comme les tout premiers ancêtres du papier. Il en est de même dupapier d'amate desAztèques obtenu par battage du liber deficus employé à l'écriture descodex préhispaniques.

EnChine, les premiers exemples de l'écriture chinoise sont gravés sur desos oraculaires de ladynastie Shang et sur des moules servant à couler des objets enbronze[2]. Les premièrescalligraphies au pinceau semblent avoir été écrites, sur des fiches, à l'intérieur de sections verticales debambous fendus ou de tablettes de bois mince, assemblées par des cordes pour le rangement en rouleaux dès leIVe siècle av. J.-C.[3]. La tombeno 3 deMawangdui a livré des documents tracés à l'encre sur soie[4]. On conserve à l'Institut Archéologique duGansu une correspondance privée, la plus ancienne conservée à ce jour (32-7 avant notre ère), à l'encre sur soie[5]. Les premiers vestiges d'un papier grossier, découverts sur l'ancienlimes de ladynastie Han, remontent en Chine auIIe siècle av. J.-C. On dispose d'exemples de textes sur papier datant duIIe siècle[6].
Une tradition chinoise controversée fait deCai Lun l'inventeur du papier. Il a en fait décrit en 105, sous lesHan orientaux, l’art de fabriquer du papier et en a proposé des améliorations afin de le produire en plus grande quantité[7]. Trouvé en 2006 àDunhuang (province du Gansu), le papier porteur d’un message le plus ancien connu à ce jour est un fragment de lettre, daté de8 av. J.-C., sous ladynastie des Han Occidentaux (-206 — 25). Une vingtaine desinogrammes anciens ont été déchiffrés sur un support fait de fibres delin. Des feuilles de papier de bonne facture ont été trouvées dans une tombe près deXi'an et datées d'entre - 146 et - 87, deux siècles avant Cai Lun[8].
Laxylographie apparaît en Chine dans le courant duVIIIe siècle[9] et se développe rapidement dans un contexte populaire de diffusion dubouddhisme et d'usages populaires (sciences occultes,almanachs,lexiques et brèvesencyclopédies populaires, manuels d'instruction élémentaires, recueils de modèles de compositions pour les concours officiels, ouvrages historiques…). Rapidement, les milieux dirigeants et les lettrés s'en servent : lesNeuf Classiques sont imprimés àKaifeng sur ordre impérial en 932 et 952.
La composition du papier en Chine ne comporte pas deriz mais consiste pour l'essentiel en fibres de lin, dechanvre ou d'écorce demurier à papier, et d'une certaine proportion de fibres de bambous, qui permettent de varier les papiers à l'infini, en couleur éventuellement. Sous les Han Orientaux, lesstèles qui portent les textes des ouvrages « classiques », mis au programme des examens, pouvaient êtreestampés sur papier afin d'être étudiés. Les stèles pouvant porter aussi des figures, ou pouvait obtenir un bon estampage au moyen d'un papier humide qui venait se mouler sur les creux ; puis après séchage etencrage, on pouvait effectuer sa reproduction sur papier par l'emploi d'unfrotton[10], ce qui permit de diffuser images et textes depuis les Han jusqu'aux débuts de la xylographie.

Le secret de la fabrication de papiers de qualité est resté chinois etjaponais jusqu’auVIIIe siècle. Lors de labataille de Talas en 751 (dans l'actuelKirghizistan), lesArabes, victorieux, firent prisonniers de nombreuxChinois et en apprirent le procédé de fabrication[11]. Ils comprirent rapidement l’intérêt de ce nouveau support tant dans la sphèrereligieuse que dans celle des sciences et techniques.Samarcande devint le tout premier centre de production dumonde musulman[12]. La fabrication fut améliorée en incorporant à sa préparation des chiffons. La révolution du papier catalysa ainsi l'« âge d'or islamique ».
Le papier se diffuse avec l'expansion de l'islam. On le retrouve àBagdad en 793, auCaire en 900. Il arrive enAl-Andalus (sud de l'Espagne actuelle) àXàtiva en 1056[13], puis se propage enOccident : enSicile en 1102, àFabriano (Italie) en 1276 sous une forme complètement différente, et dans le sud de laFrance au milieu duXIIIe siècle (les archives deMarseille conservent le registre deminutes du notaire Giraud Amalric, écrit sur papier en 1248). Il n'arrive dans le nord de la France qu'au milieu duXIVe siècle auMoulin de la Pielle, àTroyes. Certains estiment que des marchandsjuifs, lesRadhanites, jouèrent un rôle décisif dans l'arrivée du papier en Occident[14].
Si la première fabrique de papier en Europe est située àXàtiva près deValence (Espagne), vers 1150[15], c'est à partir deFabriano que la fabrication du papier va se diffuser en Italie, àVoltri,Padoue,Trévise,Gênes, et en Europe. À partir dufiligrane de l'aigle nimbé,Charles-Moïse Briquet a montré qu'entre 1362 et 1386, ce papier se trouve en Italie mais aussi en Espagne, en France, enSuisse, enHollande et enBelgique. Le journal d'un papetier de Fabriano de 1365, Lodovico di Ambrogio, permet de voir l'écoulement de sa production en Italie àFano, àPérouse etVenise, mais aussi àAigues-Mortes etMontpellier. On voit que le, il a expédié à Montpellier 1 333 kg de papier. Pendant trois années, il a expédié parTalamone 240 balles de papiers, soit 14 175 kg[16].
Le papier a d'abord été considéré comme un substitut fragile, utilisé pour rédiger les minutes d'un acte. En 1145,RogerII de Sicile a ordonné que tous les diplômes rédigés sur papier soient retranscrits sur parchemin.FrédéricII de Hohenstaufen a interdit d'utiliser le papier dans les actes publics. Cette opposition n'a pas empêché la diffusion rapide du papier pour la rédaction des actes à partir du sud de la France : en 1248, il est utilisé dans les registres notariaux de Marseille et dans les registres des enquêteurs duLanguedoc et d'Alphonse de Poitiers, en 1273-1274 dans les registres des enquêteurs royaux dans leToulousain. Le papier est d'un usage courant en Suisse à la fin duXIIIe siècle et au début duXIVe siècle. Un registre de la chancellerie royale daté de 1340 se trouve dans leTrésor des Chartes de Paris. Le papier est introduit auxPays-Bas et en Allemagne du Nord. En 1415,Jean de Gerson déconseille encore de copier les textes sur du papier[17], mais son emploi était déjà devenu général.
Une fabrication locale va vite remplacer l'importation. Les marchands italiens, pour répondre à la croissance de la demande, font venir des artisans pour former du personnel local. Dès leXIVe siècle, desmoulins à papier sont installés dans la région de Troyes, autour deParis et dans leComtat Venaissin. Le premier est installé vers 1348 à Torvoy-lez-Troyes (Champagne), une autre vers 1350 àAmbert (Auvergne)[18]. Au milieu duXVe siècle, la production française suffit pour satisfaire sa consommation et les moulins en Champagne commencent à exporter leur fabrication.

La diffusion du papier a été possible grâce à deux modifications :
Les fabricants de papier de Fabriano ont cherché à améliorer leur produit, en remplaçant lescolles végétales des procédés arabes par des colles animales (gélatine), en améliorant le satinage du papier et en introduisant le filigrane pour distinguer chaque fabricant.
Pour produire du papier, il faut de la chiffe blanche débarrassée de tout corps dur. Plusieurs étapes suivent alors avant de faire du papier :

L'augmentation de la production de papier stimulée par le développement de l'imprimerie pose alors le problème de la ressource en matière première, le vieux chiffon. Des marchands spécialisés, leschiffonniers, ramassent les vieux chiffons et les apportent près des centres de production où le tri est effectué. Pour éviter de se trouver à la merci des chiffonniers qui imposeraient leurs prix, lespapetiers demandent rapidement desmonopoles pour le ramassage de la chiffe. En 1366, leSénat de Venise l'accorde aux papetiers de Trévise. En 1424, un papetier de Fabriano travaillant à Gênes l'obtient pour l'achat des vieux cordages. En Suisse, àBâle, il est décidé que pendant les 24 heures qui suivent la mise en vente des vieux chiffons, seuls les Bâlois pourraient les acheter. En France,Colbert s'inquiète de ce problème mais sans apporter de solution. En 1754, on interdit aux ramasseurs de vieux chiffons d'établir desentrepôts près des ports et des frontières afin de protéger l'industrie papetière française[20].
Le papier est alors un bien rare et desédits sur lerecyclage du papier sont prononcés[réf. nécessaire]. On y incorpore alors des vieux chiffons qui prennent vite de la valeur, d’où l’expression « se battre comme des chiffonniers »[réf. nécessaire].
Comme cela avait été le cas quelques siècles auparavant en Chine, en créant un système d’impression àcaractères mobiles vers 1440,Johannes Gutenberg,Johann Fust etPeter Schöffer ont donné naissance à l’imprimerie en Occident, ce qui a permis devulgariser laconnaissance par l’usage deslivres. Cela augmente l’utilisation et donc la fabrication du papier. Celui-ci devient alors l’objet d’une nouvelle industrie, avec utilisation de l’énergie hydraulique. En France, une grande production se faisait dans la région de Troyes qui exportait versParis, lesPays hollandais. À partir duXVIIe siècle, en grande partie à cause de laguerre de Trente Ans, qui modifie les flux commerciaux dans lavallée du Rhin, leSud-Ouest de la France devient une très grande région papetière dans laquelle lesNéerlandais investissent massivement. La plupart des moulins sont reconstruits, agrandis. On en crée de nouveaux et, pendant plus d’un demi-siècle, jusqu’aux guerres de fin de règne deLouisXIV, ces régions deviennent l'un des plus grands centres de production de papier occidental. On a prétendu que larévocation de l’édit de Nantes avait provoqué un exode massif et l’arrêt despapeteries, mais ce sont principalement les guerres et les difficultés qu’elles ont entraînées dans lecommerce maritime entre le Sud-Ouest et la Hollande qui ont réduit les exportations de 70 à 80 %.

En 1673, lesHollandais font une invention capitale pour l’industrie papetière, en mettant au point lecylindre hollandais, qui permet de remplacer lapile à maillets dans la trituration des chiffons, ils réalisent des gains en termes d’énergie, demain-d'œuvre et de rapidité ; malheureusement la qualité des pâtes s’en trouve amoindrie. Les progrès des transmissions et de la métallurgie qu’entraîne larévolution industrielle enAngleterre auXVIIIe siècle permettront la diffusion de ce cylindre dans toute l’Europe. La pile hollandaise a surtout permis le développement à partir de la fin duXVIIIe siècle de lamachine à papier qui permet de fabriquer avec la même quantité d’énergie trois à quatre fois plus de pâte sur un même site.
Devant les difficultés récurrentes de la production de papier, leconseil d'État promulgue le 21 août 1777 un arrêt interdisant la sortie des matières premières destinées à la fabrication du papier et de la colle et fixe les taxes qu'il faut acquitter pour les importer. De même, laConvention nationale fixe le 3- l'interdiction de sortie des chiffes hors de la République. Le12germinalanII, leComité de salut public instaure un règlement qui impose, entre autres, la nomination d'officiers municipaux pour collecter les chiffons, linges et rognures de parchemins, ainsi que les bandes et charpies des hôpitaux. L'article 28 des douanes du 1-2pluviôseanXIII renouvelle l'interdiction d'exportation des chiffons de toile, coton et laine.
C’est incontestablement auXIXe siècle que la fabrication du papier s'industrialise.Louis Nicolas Robert invente la premièremachine à papier en continu en1798 avec le soutien deSaint-Léger Didot qui dirige une importantepapeterie àEssonnes. L’alimentation en pâte s'y fait en continu et le papier sort en bobine. En moins de vingt-cinq ans, l’ingénieurBryan Donkin perfectionne « sa » machine (pas moins de 40 modèles différents). Vers 1825, les papetiers s’équipent en Europe et auxÉtats-Unis : la machine est copiée, imitée. Vers 1850 apparaît la première machine à fabriquer lecarton multicouches. À la même époque, on dénombre plus de 300 machines en Angleterre, près de 250 en France et presque autant enAllemagne. Chacun de ces engins, quoique très étroit et très lent comparé aux machines modernes, était capable d’assurer la production de dix cuves traditionnelles desservies à la main. Louis-Nicolas Robert ne tirera aucun bénéfice de son invention.
La première machine à onduler française est installée en 1888 dans leLimousin. La marine àvapeur remplace progressivement lamarine à voile, grosse utilisatrice de chanvre (cordages etvoiles). La production de chanvre ralentit et le chanvre usagé,matière première du papier, devient rare et cher. Des difficultés d’approvisionnement en chiffon se font sentir et l’industrie papetière cherche de nouvelles matières premières. Le bois commence progressivement à remplacer le chanvre.
Déjà en 1719, dans un mémoire présenté à l’Académie,Réaumur pressentait, après avoir étudié de près les nids de guêpe, l’usage que l’on pouvait faire de la fibre de bois pour fabriquer du papier[21]. L'AllemandFriedrich Gottlob Keller dépose unbrevet en 1844 sur la fabrication de pâte de bois, obtenue à l’aide d’unemeule.

Le recours à lachimie marque la deuxième moitié duXIXe siècle. Les travaux du FrançaisAnselme Payen montrent que dans toute matière végétale existe une substance blanche et fibreuse, lacellulose, qu’il est possible de la récupérer par des réactions chimiques. Ces découvertes permettent d’obtenir des fibres de meilleure qualité et d’augmenter les vitesses de production.
En 1937, aux États-Unis, leMarihuana Tax Act, une taxe pour lutter contre la production de drogue à partir ducannabis, sonne le glas du chanvre en papeterie[22]. Il ne sera alors plus utilisé que pour les billets de banque et lepapier à cigarette. Les États-Unis deviendront rapidement le premier producteur de papier, majoritairement forestier, et le sont encore de nos jours, largement devant la Chine, le second (80,8 contre 37,9 millions de tonnes). L’industrialisation lourde est alors lancée. En 1908, la plus grosse machine a une laize (largeur) de 4,30 mètres et roule à 165 m/min. En 1910, la vitesse de 200 m/min est franchie. En 1935, la plus grosse machine fait 8,15 m de laize et tourne à 425 m/min. Le cap des 1 000 m/min est franchi en 1958. En 2000, la vitesse de 1 800 m/min est atteinte pour la fabrication du papier journal. AuXXIe siècle, les machines font jusqu’à 10 mètres de laize et tournent à près de 2 000 m/min.
AuXXe siècle, les effets des changements techniques qui ont permis la production en masse de papier bon marché se font sentir sur la conservation des documents. Alors que des papiers fabriqués à base de chiffon auXVIe siècle nous sont parvenus en bon état, ceux duXIXe siècle, fabriqués à partir de pâte de bois, deviennent friables et se détruisent dans les archives. Les conservateurs situent le problème dans l'acidification des papiers et y remédient ; les organisations professionnelles négocient une norme depapier non acide, dans lequel une adjonction decarbonate de calcium garantit unpotentiel hydrogène supérieur à 7,5[23].
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