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| Pratiqué par | Historien ou historienne du droit(d) |
L'histoire du droit est la science qui porte sur ledroit du passé et l'évolution des diversordres juridiques. Outre l'histoire des évolutions de la culture par les changements de société (sous tous ses aspects) et de l'évolution des idées conduisant au droit , elle a pour objet les sources du droit, l'organisation de ses institutions, les doctrines et dogmes, et les sciences juridiques elles-mêmes avec ses théories unifiant une série de droits juxtaposés et parfois éphémères.
La discipline de l'histoire du droit s'est notamment constituée à partir de l'école historique du droit et de l'école pandectiste[1].
L'historien du droit travaille avant toute chose sur des sources juridiques plus ou moins anciennes (manuscrites ou imprimées), notamment les coutumes, les jugements, les arrêts, les actes notariés, les chartes, et pour l'histoire des institutions sur les ordonnances, les déclarations, les lettres patentes, les arrêts du Conseil du roi. Il dispose également de textes sur la notion même dedroit ou dejustice.
Les sources de l'historien du droit et des institutions sont aussi les ouvrages de commentaires et de doctrine. Il peut alors étudier les écoles juridiques (e.g.droit naturel, réformateurs dudroit pénal auXVIIIe siècle) concurrentes et leurssourcesphilosophiques mais aussi et surtout leur évolution.
Il faut noter que l'histoire du droit et des institutions s'est développée parallèlement à l'histoire des idées, la philosophie du droit et à lasociologie du droit.
Au moins depuis l'Antiquité, pour l'Europe, lesinstitutions chargées de promulguer et/ou d'appliquer ledroit ont gardé des traces écrites de leur activité. La fonction de ces documents écrits était d'assurer la pérennité et l'authenticité — dans certains cas lapublicité — desdécisions prises. Lesarchives législatives ou judiciaires sont, comme toutesarchives pour un historien, unesource très importante pour les historiens dudroit.
La première approche mise en œuvre consiste à comparer les textes juridiques avec leur application effective dans lesjuridictions. La pratique des juridictions et les textes qu'elles ont laissés permettent aussi de connaître les conceptions dudroit et de lajustice chez les praticiens dudroit : outre la référence au texte deloi ou à lacoutume appliquée (parfois en concurrence avec une autre), les attendus sont parfois suivis de l'explication de ladécision eu égard au cas particulier que chaquejugement représente. Il est encore possible de traiter cessources selon une approche quantitative. On examinera par exemple la fréquence descontentieux, la nature des litiges ou la durée des procédures.
Lesarchives desjuridictions permettent enfin de connaître les procédures utilisées et le fonctionnement destribunaux. Outre de multiples thèses sur les juridictions, la recherche universitaire se penche sur l'étude des cours souveraines, notamment des parlements. Ainsi les chercheurs de l'Institut d'Histoire du Droit s’attellent à dépouiller les archives du parlement de Paris, ceux du Centre d'Histoire Judiciaire duparlement de Flandres[2]. On peut ainsi étudier les modalités definancement desinstitutions judiciaires ou la part respective de l'écrit et de l'oral dans les procédures. Le statut, la nature et les moyens de lapreuve sont un thème central dans l'histoire tant dudroit civil que dudroit pénal. Les documents relatant lesprocès (minutes des procès conservés augreffe, mémoires, etc.) constituent une source centrale pour leur étude.
Les archives desjuridictions permettent d'approcher l'histoire du droit avec les outils de l'histoire sociale. Les études peuvent porter sur la formation ou l'origine sociale desjuges et des auxiliaires de justice (avocats,notaires,huissiers de justice, arbitres, etc.) comme sur celles des justiciables. De nombreux historiens (Arlette Farge,Frédéric Chauvaud,Benoît Garnot), notamment enFrance, ont choisi les sources judiciaires pour mieux connaître des groupes sociaux dont elles sont les seules traces écrites. L'histoire de l'Inquisition fait aussi beaucoup appel à ces sources (Carlo Ginzburg, etc.).
Au sens strict, l'histoire du droit pourrait ne recouvrir que les deux premières approches mentionnées (Carbasse). Aujourd'hui encore, les décisions judiciaires du systèmecommon law anglo-saxon nourrissent le droit par le biais de lajurisprudence.
Les historiens (Carlo Ginzburg,Simona Cerutti) cherchent à se distancer d'une approchetéléologique dudroit qui restituerait une progression continue vers sa conception actuelle. Ils insistent alors sur le caractère réversible des évolutions constatées sur la longue durée, et sur l'aspect construit des choix entre des modes concurrents d'exercice de lajustice. Dans cette perspective, la prise en compte de l'application effective dudroit est un élément essentiel de l'histoire de celui-ci.

Le plus ancien texte de droit que l'on connaisse[3] est lecode d'Ur-Nammu rédigé vers 2 100av. J.-C.[4] mais il ne nous est parvenu que de manière parcellaire. LeCode de Hammurabi () qui est considéré (à tort) comme le plus ancien texte deloi qui nous soit parvenu, est en réalité le premier texte juridique quasiment complet qui nous soit parvenu.
Le Code de Hammurabi est un système répondant aux préoccupations de la vie courante (mariage,vol,contrat,statut des esclaves...) avec une prédominance à laloi du talion enmatière pénale. Il est d'inspiration divine mais pas religieux.
D'autres civilisations ont pu connaître un droit. Et pour cause: toute société secrète a ses propres règles de droit. L'Égypte antique connaissait uneforme de règlement des conflits. La justice y était vue comme un moyen de retourner vers le calme, le chaos étant une anomalie qu'il faut supprimer.
EnChine[5], la situation est équivalente. Des règles existent mais le droit est considéré comme une anomalie. Les conflits devant être réglés par le calme et la collaboration plutôt que par la dispute.
Lacivilisation romaine est la première à avoir constitué un système juridique (littéralement fondé sur leius, lesiura) qui nous soit parvenu. Ledroit romain, peut donc être considéré comme le premier système juridique reconnu[6],[7].
Le droit romain définit clairement des termes et catégories juridiques (voir par exemple :ius civile, appliqué aux citoyens Romains,ius gentium, appliqué au genre humain, etius naturale appliqué à tout ce qui est animé dans la nature). Là est le droit humain (ius), qui évolue aux côtés du droit divin (fas). La vie politique (publique, des citoyens poupulus est universi cives) est organisée par le droit (civil, littéralement des citoyens). Cependant, « Rome ne s'est pas construite en un jour » et il est difficile de dater précisément le début de la pensée juridique romaine.
Leius Romain sera une source inépuisable grâce à laquelle les médiévistes créeront le droit.
Les systèmes juridiques ou pré-juridiques non-occidentaux font débat, d'abord sur leur nature juridique ou non : à quel moment peut-on parler de textes juridiques ? Surtout, l'histoire des droits non occidentaux intéresse l'anthropologie juridique et pas l'histoire du droit français, académique. Faut-il que les règles de droit soient isolées des règles morales, éthiques ou religieuses ? Ou peut-on parler de droit divin, ou de droit religieux (à l'instar, peut-être, dudroit canonique) ? Les textes de droit doivent-ils être appliqués pour qu'on puisse parler de système juridique ? De quelle façon ? Ces pays présentent-ils une organisation juridictionnelle ? Au-delà de ces diverses questions, les systèmesdéontiques non-occidentaux se caractérisent par une large place faite d'une part à la religion (droit talmudique,droit hindou,droit musulman, etc.), d'autre part à la morale, à lacoutume - qui n'est pas nécessairement comprise sous la forme d'undroit coutumier - et aux procédures de conciliation extra-judiciaires (Chine, Japon, Afrique sub-saharienne).
LaChine[8], elle-même puis leJapon influencé par la Chine ont développé un embryon de système juridique[8]. En Chine, l'influence des « légalistes » est toutefois peu importante, comparée auconfucianisme qui met plutôt l'accent sur l'acceptation de règles morales.
L'Inde connaît des textes qui formeront auXIXe siècle ce qu'on désignera sous le nom de « droit hindou », bien que l'exacte portée de ces textes est débattue. On s'interroge ainsi sur l'influence des « lois de Manu » (traduites en anglais, en 1795, par le juristeWilliam Jones), qui pour certains chercheurs ressemblent davantage à un manuel juridique qu'à un texte législatif, et qui concerne davantage ledharma et donc lesbrahmanes que l'ensemble de la population. Ce texte a suscité un certain nombre de commentaires juridico-théologiques (leYājñavalkya Smṛti (en), etc.). LeBhâgavata Purâna présente aussi un certain nombre de règles d'allure juridique, mélangées aux règles religieuses et morales.
L'approche la plus objective de l'histoire du droit consiste à étudier les formes explicites de celui-ci. Il s'agit principalement d'établir et d'étudier les textes exprimant les normes juridiques :codes (tel leCode de Justinien),coutumes, recueils delois (registres). Ces textes peuvent recouvrir des réalités matérielles très diverses selon la période considérée : leslois n'ont pas toujours eu l'organisation abstraite et la formulation générale qu'elles ont aujourd'hui. Les textes juridiques sont parfois des recueils detraditions orales (coutume de Beauvais). En outre, les lois peuvent être intégrées à des textes d'autres natures,religieuse par exemple ; ainsi les livres de l'Ancien Testament consacrés aux prescriptions juridiques (Nombres, Deutéronome) sont-ils mêlés à des récitsmythiques sur les origines de l'homme et à des livres prophétiques.
À partir des textes, l'historien du droit peut chercher à décrire et analyser, lorsqu'elles existent, lesinstitutions chargées d'appliquer lesnormes exprimées. Ces institutions sont alors envisagées selon leur fonctionnement théorique et non pas selon leur pratique effective.
Cette approche présente unintérêt évident pour laconnaissance des sociétés anciennes. Il faut pourtant se garder de considérer les textes juridiques comme desnormes strictement observées et connues de tous.
Par définition, faute de sources écrites, le droit de la Préhistoire est inaccessible aux historiens du droit. Il relève de l'anthropologie juridique.
La redécouverte du droit romain, à partir duXIIe siècle, fonde la formation rapide dujus commune, un fonds juridique commun à l'ensemble de l'Europe occidentale. Le courant doctrinal majeur duXVIe siècle en France est l'humanisme juridique.
La langue employée pour le droit est un élément très important. Lelatin est resté pendant très longtemps la langue du droit. L'apparition de formes nationales de droit en Europe est liée à l'unification politique et culturelle de ces pays. Lefrançais, par exemple, était encore très peu parlé avant laRenaissance, et même relativement peu encore à la veille de laRévolution. L'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) consacra cette langue comme langue du droit et de l'administration en France (voirlangue officielle).
Les efforts decodification des lois s'accompagnent souvent de commentaires explicatifs oupédagogiques. C'est ce que l'on appelle aujourd'hui ladoctrine. Dans certaines circonstances, le commentaire des textes prend une importance considérable, au point de se substituer auxcodes eux-mêmes pour la pratique dudroit. Ainsi, l'ordonnance de1673 sur le commerce de terre (France,Louis XIV), qui fonde lecode du commerce, est-elle accompagnée d'un ouvrage qui l'explique, l'interprète, voire la complète (Jacques Savary,Le parfait négociant).
Vers la même époque, le développement des échanges maritimes et l'expansion économique des États du nord de l'Europe poussèrent à l'élaboration des premières formes dedroit international, avecHugo Grotius.
Lesiècle des Lumières vit une réflexion importante s'opérer sur ledroit naturel et la notion decitoyenneté. Les premiers tâtonnements enEurope sur les questions deconstitution apparurent avecSieyès. Ce dernier avait en effet pour ambition, avec laconstitution de l'an III (1795) de mettre en place une jurie constitutionnaire, ce qui fut le premier projet d'un contrôle étendu de laconstitutionnalité des actes des organes de l'État.
Toujours en France, l'unification dudroit français, déjà amorcée parLouis XIV avec l'édit de Saint-Germain-en-Laye (1679) se poursuivit avec ledroit civil et ledroit pénal (Code pénal de 1791 etCode des délits et des peines de 1795, inspirés des principes deCesare Beccaria). Le fameuxcode Napoléon, en réalité entièrement préparé parCambacérès, est l'illustration de l'effort decodification déjà entamé parLouis XIV. La spécificité duCode civil français a été saprocédure de validation.
Les pères de l'indépendance américaine fondèrent lesÉtats-Unis sur des questions de taxation, et développèrent un droit très sophistiqué sur lesbrevets et lapropriété intellectuelle (Thomas Jefferson), qui reste une composante très forte de laculture économique aux États-Unis. C'est auxÉtats-Unis que l'on trouve les réflexions les plus poussées sur le droit de lapropriété intellectuelle et ledroit des affaires, notamment en matière de secret des affaires. Une grande part des négociations actuelles à l'OMC repose sur cesenjeux.
C'est à cette époque que s'opère la séparation entre les deux principauxsystèmes juridiques dans lemonde :
L'Islam conserve un droit religieux, tandis que le droit coutumier n'existe plus que dans deux États.
Dans un article de 1994, Lawrence Friedman considère qu'on peut identifier quelques caractères typiques des évolutions modernes du droit[9]. Cependant, Peter Fitzpatrick critique dans un ouvrage le présupposé qu'il y aurait un« droit moderne », c'est-à-dire une forme d'organisation sociale substantiellement différente des systèmes plus anciens ou non-occidentaux. Pour Fitzpatrick, cette idée a des racines ethnocentriques et ne peut se comprendre que comme un récit mythique de fondation[10]. Veronica Corcodel partage cette analyse et l'affine dans une monographie de 2019, où elle observe la place de l'altérité dans les discours descomparatistes sur le« droit moderne »[11].
Ce n'est que tardivement[réf. nécessaire] que s'opère une distinction claire entredoctrine etjurisprudence, de sorte que les ouvrages decommentaires sont des recueils dedécisions jugées spécialement intéressantes et commentées à cet titre. Ces documents constituent une première manière d'approcher la pratique effective dudroit.
L'apparition dudroit positif auXXe siècle sous l'influence dupositivisme de Comte, avec la théorie dunormativisme deHans Kelsen introduisant la notion dehiérarchie des normes, est aussi une étape dans l'évolution du droit qui jette un discrédit supplémentaire sur la jurisprudence.
Depuis la fin de laSeconde Guerre mondiale, la multiplication des lois, l'intrication en Europe entre ledroit communautaire et les droits nationaux engendrent des problèmes desécurité juridique (notion desûreté endroit naturel), qui ont fait l'objet de deux rapports duConseil d'État.
Le droit moderne, qui dans sa méthode favorise la systémisation, le formalisme et la déductibilité, semble bien aboutir à l'informatique[12].
Fondé sur les capacités d'information ultrarapides et largement répandues depuis larévolution numérique depuis la fin duXXe siècle et de cetteobligation diplomatique d'informer[13], le droit local actuel[14] tient compte des autres droits locaux.

L'histoire du droit en France est l’étude de l'évolution de règles écrites et orales de la société française, et la connaissance de l'établissement de ses lois et de ses institutions. L'histoire du droit en France, en tant que corpus de connaissances de cette évolution mais également de sources juridiques, s'est constituée de manière progressive depuis l'Ancien Régime que des juristes se sont penchés sur l'origine du droit établi en France, notamment pour justifier la suprématie de la justice royale sur les justices particulières, d'origine féodale notamment. L'histoire du droit en France, en tant que discipline, étudie le mouvement progressif de transformation des règles juridiques française, de la jurisprudence qui l'accompagne et des institutions qui la génère et la font respecter.
La rupture issue de laRévolution de 1789 et l'institution duCode Napoléon de 1804 ont marqué un tournant décisif dans l'histoire du droit en France, avec la suppression progressive de nombreuses institutions d'origine médiévale et modernes. Sous l'Ancien Régime, le « droit français » ne s'appliquait pas de façon uniforme sur tout leterritoire puisqu'il différait d'uneprovince à l'autre. Le système juridique de l'Ancien Régime, désigné sous le nom d'« ancien droit », était notamment marqué par la coexistence de pays dedroit coutumier (parfois partiellementcodifié :Coutume de Paris,de Normandie ou encored'Auvergne) et les pays dedroit écrit. La distinction d'ordrefiscal entre lespays d'élection etpays d'états s'ajoutait à ce premier découpage. Seul ledroit canonique paraissait s'appliquer partout en matière religieuse.Hermann Conring (1601-1681) est considéré comme le fondateur de la science de l'histoire du droit allemand[15].

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