L'histoire de lapsychanalyse commence avec les découvertes et théorisations deSigmund Freud concernant l'inconscient, àVienne, à la fin duXIXe siècle.
Puis la psychanalyse s'internationalise, tandis que les théories et les écoles psychanalytiques se diversifient. Elle s'étend progressivement à d'autrespays européens, notamment l'Allemagne, laHongrie, laSuisse, laFrance et laGrande-Bretagne. Elle gagne l'Amérique du Nord et connaît un développement important enAmérique latine.
Sigmund Freud (1856-1939), médecin et neurologue autrichien, dans un texte de 1914, intituléContribution à l'histoire du mouvement psychanalytique (Zur Geschichte der psychoanalytischen Bewegung), revient sur la question de l'invention de la psychanalyse. Il y rappelle avoir déclaré en 1904, que l'inventeur de la psychanalyse avait été le médecin autrichienJosef Breuer[1], mais affirme en être le véritable créateur, par le fait qu'il avait transformé laméthode cathartique de Breuer en rejetant l'hypnose et en introduisant l'association libre. Breuer n'a, par ailleurs, jamais revendiqué cette création[2].
Il est cependant difficile de retenir une date marquant cette invention de la psychanalyse, dans la mesure où ses débuts ont fait l'objet d'une longue élaboration par Freud. Roger Perron propose ainsi alternativement les dates de 1881-1882 lorsque Breuer soignaitAnna O., de 1893-1896 avec l'hypothèse de l'étiologie desnévroses et particulièrement 1895 avec la copublication avec Breuer desÉtudes sur l'hystérie. Toutefois, il est possible, avec l'auto-analyse de Freud, de retenir la période 1897-1900 mais il convient alors d'y adjoindre les longs échanges entre Freud et le médecin oto-rhino-laryngologiste allemandWilhelm Fliess de 1890 à 1900, avec la date précise du, lorsque Freud renonce à sa théorie sur l'étiologie sexuelle des névroses, laneurotica (outhéorie de la séduction) et introduit celle dufantasme. Mais l'on ne saurait dire que la psychanalyse s'est constituée sans prendre en compte la théorie durefoulement et il est alors nécessaire d'envisager toute la période allant du stage de Freud auprès du clinicien et neurologue françaisJean-Martin Charcot en 1885, jusqu'à la période de 1915. Enfin la psychanalyse s'est peut-être véritablement constituée avec la théorie d'unesexualité infantile et la publication en 1905 desTrois essais sur la théorie sexuelle. Si Roger Perron ne situe donc pas précisément la naissance de la psychanalyse, il affirme cependant que l'histoire de la psychanalyse reste indissolublement liée à celle de Freud, son créateur[3].
Après son diplôme de médecine obtenu en 1881, et un passage par diverses spécialités dont la zoologie, la physiologie et la neurologie — il est par exemple l'un des découvreurs de l'anesthésie locale[4] — Freud suivra ensuite une formation de psychiatre[5] et sera en 1883 l'assistant deTheodor Hermann Meynert, un grand psychiatre viennois avant d’ouvrir un cabinet en tant que médecin de ville spécialiste des maladies nerveuses[6].
En 1883, Josef Breuer, raconte à Sigmund Freud, comment il traite par une psychothérapie une de ses patientes,Bertha Pappenheim, connue sous le pseudo Anna O., qui souffrait de troubleshystériques. Cette patiente devait se confier à Breuer qui analysait ses symptômes à partir d'une théorie qui reposait sur la recherche dutraumatisme psychique et de sonabréaction grâce à l'effet cathartique de cette prise de conscience verbale[7]. Son état se serait alors, au moins temporairement, amélioré mais Breuer, ignorant ou sous-estimant les effets dutransfert et ducontre-transfert ne se serait pas rendu compte que cettetalking cure (thérapie par la parole) n'avait pas eu tous les effets escomptés.Henri Ellenberger a ensuite établi que cette patiente avait dû encore suivre des traitements avant d'aller mieux et de devenir assistante sociale puis se consacrer à la cause d'enfants juifs.
En 1885, ayant obtenu une bourse, Freud se rend à Paris en stage auprès du neurologue français Jean-Martin Charcot[8]. En 1886, il utilise pour la première fois le mot « psycho-analyse »[9], ouvre un cabinet médical à Vienne[10] pour recevoir desnévropathes. L'hypnose sera utilisée de manière régulière à partir de 1887 mais sera rapidement abandonnée. Le neurologue rencontre Wilhelm Fliess cette même année[10].
En 1889, Freud travaille selon la méthode cathartique de Breuer avec une nouvelle patiente. En 1893, paraissent des Communications préliminaires, rédigées par Freud et Breuer, qui décrivent le principe de souvenirs pathogènes et de l'abréaction, méthode cathartique. L'étiologie sexuelle de l'hystérie ne fait plus de doutes selon Freud. En 1894, apparaissent les termes de psychonévroses[11] et delibido[12] suivi en 1895 desÉtudes sur l'hystérie[13]. L’année suivante l'amitié de Breuer et Freud prend fin en raison de désaccords sur la conception de la science, de l'hystérie et de la sexualité[14],[15].
En 1897, il renonce à sa « neurotica » dans une célèbre lettre àWilhelm Fliess datée du[16]. La même année, le philosophe allemandTheodor Lipps donne une conférence sur l'inconscient et Leopold Löwenfeld publie lesLeçons de psychothérapie générale.

L'année 1900 est la date de parution deL'Interprétation des rêves qui mène à l'abandon définitif des idées neurophysiologiques au profit ducomplexe d'Œdipe présenté à travers l'auto-analyse de Freud[17]. C'est aussi cette année queIda Bauer, connue comme le « cas Dora », commence une cure avec Freud[18].
En 1901 est publiée laPsychopathologie de la vie quotidienne. En 1902, à la suite d'un rapport favorable deHermann Nothnagel etRichard von Krafft-Ebing, présidents de la société psychiatrique viennoise, Freud reçoit le titre prestigieux de « professeur extraordinaire » par l'empereurFrançois-Joseph[19]. Cette année marque la fin de la relation épistolaire entre Freud etWilhelm Fliess[20]. Avec le psychiatre autrichienAlfred Adler, le médecin psychiatre autrichienWilhelm Stekel, et les médecins autrichiensMax Kahane etRudolf Reitler, laSociété psychologique du Mercredi voit le jour[21].
L'année 1905 voit la publication deLe mot d'esprit et sa relation à l'inconscient et surtout desTrois essais sur la théorie sexuelle. Freud commence à analyserl'homme aux rats,Ernst Lanzer, en 1907[22], année à partir de laquelle, selonErnest Jones, Freud commence à être reconnu à l'étranger[23] : en Suisse la Société Freud (qui prend le nom d'Association psychanalytique de Zurich) est fondée cette même année par Jung[24].
À partir de 1905-1906 des publications par d'autres psychanalystes se multiplient : Ernst Jones publie des articles destinés à faire connaître le travail de Freud pour un public anglophone ainsi que des travaux personnels ; le psychiatreKarl Abraham publie des articles sur l'hystérie, ladémence précoce, lapsychose maniaco-dépressive ; le psychiatre et neurologue hongroisSandor Ferenczi est quant à lui particulièrement fécond avec la publication d'une soixantaine d’articles (sur la période allant jusqu'à 1914) souvent des notes cliniques et techniques mais aussi théoriques avec par exemple la notion d’introjection[25].
L'année 1908 est riche en événements : en avril a lieu le premier congrès international de psychanalyse àSalzbourg et qui réunit 42 participants venant de six pays, dont Sándor Ferenczi, le médecin psychiatre suisseCarl Gustav Jung,Karl Abraham, avec des présentations de cas (dont celui par Freud dupetit Hans)[26] ; en août en Allemagne, par l’intermédiaire deMax Eitingon et surtout de Karl Abraham est fondée l'Association psychanalytique de Berlin[23], en septembre se crée laSociété psychanalytique de Vienne[27].
En Freud, Ferenczi et Jung se rendent auxÉtats-Unis où la psychanalyse rencontre un intérêt croissant et Freud y donne des conférences à l'Université Clark sur invitation de son présidentG. Stanley Hall, elles seront par la suite publiées sous le titreCinq conférences sur la psychanalyse[28].
En Freud prend en analyseSergueï Pankejeff dont le cas est connu sous la dénomination de « l'homme aux loups »[29].
En 1910 ces cas princeps sont publiés sous le titreCinq psychanalyses auquel s'ajoute le cas du « Président Schreber », seule analyse d'une psychose chez Freud. L'analyse du cas deDaniel Paul Schreber fera également l’objet d'une publication séparée en 1911[30].
En, au congrès de Nuremberg et avec l’aide de Sándor Ferenczi, Freud fonde l'Association psychanalytique internationale — dont Carl G. Jung prend la présidence — avec pour but d'accompagner le développement de la psychanalyse dans le monde ainsi que de veiller au respect de règles techniques et déontologiques et à l'unité de la doctrine[31].
En parallèle de la période d'essor, la psychanalyse a subi des attaques particulièrement violentes, principalement de la part du monde médical : elle serait un « tissu de sottises », une régression vers « l’irrationalité du Moyen-Âge », un « amas de cochonnerie » notamment parce que Vienne était connue pour la libéralité de ses mœurs et que Freud serait un libertin[32].
Dès 1911,Alfred Adler quitte l'Association psychanalytique internationale, en raison d'un désaccord théorique avec Freud — qui l’avait désavoué — autour des notions denévrose et de sexualité infantile, et fonde la « Société libre de psychanalyse » qui donne naissance plus tard à la « psychologie individuelle », à la suite de son émigration aux États-Unis[33]. En 1912, c'est au tour deWilhelm Stekel de quitter l'API[34].
En 1912 apparaissent des divergences inconciliables de vues avec Jung qui avait tendance à gommer de la psychanalyse les aspects les plus choquants pour l'époque autour de la sexualité et de lalibido[35],[36]. Jung publie le premier volume deSymboles et métamorphoses de la libido[35], Freud publie le début deTotem et Tabou[37]. La revueImago paraît[38].
À côté de la psychanalyse freudienne allaient alors apparaître deux autres branches — adlérienne et jungienne — qui n'avaient plus grand-chose à voir avec la psychanalyse mais qui étaient accueillies favorablement par les opposants à la psychanalyse parce que plus présentables à l'égard des questions depulsions et de sexualité[39]. C'est en réaction à ce danger que fut fondé, sur une idée d'Ernest Jones en 1912, le « comité secret » composé de cinq proches de Freud : Karl Abraham, Sándor Ferenczi,Ernest Jones,Otto Rank, etHanns Sachs (auxquels s'ajouta, en 1919, Max Eitingon) ; ce comité a pour visée de promouvoir et de défendre la psychanalyse freudienne, alors que la séparation avec Carl G. Jung et de ses amis apparaît comme irréversible et que la Première Guerre mondiale entraînera de profonds bouleversements[40].
En 1914, Carl Gustav Jung démissionne de son poste de président de l'Association psychanalytique internationale[36] ; il commence à désigner sa méthode psychothérapeutique sous le nom de « psychologie analytique »[41]. En 1919,Oskar Pfister crée laSociété suisse de psychanalyse[42].
Pendant la Première Guerre mondiale sont créées des sociétés psychanalytiques, aux Pays-Bas et en Espagne.EnHongrie, Ferenczi se voit accorder une chaire universitaire éphémère, durant le régime deBéla Kun.En Angleterre, Ernest Jones poursuit ses activités pour diffuser les vues de la psychanalyse dans des sociétés médicales ou psychologiques ; le, il participe à la fondation de la nouvelleSociété britannique de psychanalyse, dont il prend la direction.
La guerre va avoir une incidence sur la psychanalyse. Pendant le conflit mondial, les premiers psychanalystes vont étudier les névroses traumatiques. Sigmund Freud mesure les effets de cette affection chez un membre de sa famille[43]. Il appréhende cette pathologie dans ses écrits de guerre et d’après guerre. Plusieurs de ses disciples vont occuper des postes de médecin militaire. Karl Abraham, parent d’Hermann Oppenheim[44], peut par son activité auprès de soldats souffrant de traumatismes physiques enrichir sa compréhension des traumatismes psychiques[45]. Devenu psychiatre, il utilise dans sa pratique une « psychanalyse simplifiée ». À la fin de la guerre, il dirige, à Allenstein, un service psychiatrique d’orientation psychanalytique, à partir duquel, il propose une contribution[46].Ernst Simmel utilise une thérapeutique à l’origine de la psychanalyse, la technique cathartique et obtient avec elle des succès.Ernest Jones qui n’est pas mobilisé, peut poursuivre des psychanalyses avec des soldats choqués en demandant des délais aux autorités[47]. Dans sa contribution, il insiste sur le conflit psychique et se rapproche de celle d’Abraham.Victor Tausk livre son expérience de psychiatre dans un texte où il s’intéresse aux psychoses de guerre, à la différence des autres psychanalystes tournés vers les névroses de guerre[48]. Il fait part d’une contribution originale sur le phénomène de la désertion[49].Helene Deutsch étudie l’incidence symptomatologique de la guerre sur les femmes à partir d’un service dont elle a la charge à la clinique deJulius Wagner-Jauregg[50]. Enfin, pendant la guerre,Theodor Reik est mobilisé. Après la guerre, il s'intéressera à l'effroi dans plusieurs de ses travaux et articulera cette notion à la névrose traumatique[51]. La guerre va avoir une portée sur les décennies suivantes.
À Vienne, la paix revenue, une commission dirigée parJulius Tandler est mise en place pour enquêter sur les forfaitures, dans laquelle Julius Wagner-Jauregg doit siéger. Or, à cette époque, un de ses anciens patients, Water Kauders conteste les pratiques médicales dans des lieux dirigés par Wagner von Jauregg et Arnold Durig. Si bien que Wagner von Jauregg ne peut exercer ses fonctions au sein de la Commission et doit s’expliquer devant celle-ci sur l’utilisation du courant électrique. Sigmund Freud est sollicité en qualité d’expert sur les soins pouvant être prodigués aux névrosés de guerre. En, le psychanalysteTheodor Reik est par décret interdit de pratique. Freud en réaction écrit à Tandler. Les choses s’enchaînent. En 1926, Newton Murphy, un ancien patient de Reik se retourne contre son psychanalyste et lui intente un procès pour traitement nocif. Freud prend publiquement la défense de Reik. Les deux affaires sont à rapprocher. Elles se déroulent à la même période, dans la même ville, mettent en scène les mêmes personnes faisant autorité et concernent toutes deux les pratiques de soins (Tréhel, 2013). Le fait d'être mis au débat d'une scène public n'est pas sans effet dans la diffusion des idées psychanalytique.
Freud est marqué sur le plan personnel par la guerre et ses conséquences. Il élabore uneseconde topique, et postule unepulsion de mort et unecompulsion de répétition ; La pulsion de mort n'est pourtant pas acceptée par tous et reste débattue.
En 1920 se crée l'éphémère « Société psychanalytique de Genève ». En 1925 meurt Karl Abraham. En 1926 est fondée laSociété psychanalytique de Paris.En 1928Melanie Klein écrit son premier articleLes stades précoces du conflit œdipien qui sera suivi en 1932 de l'article fondateur,Contribution à l'étude de la psychogenèse des états maniaco-dépressifs.
Sándor Ferenczi meurt en 1933. Toujours en 1933,Wilhelm Reich écritLa psychologie de masse du fascisme ("Massenpsychologie des Faschismus") à propos du régime hitlérien avant d'être exclu, en 1934, de l'Association psychanalytique internationale[52].
Selon Roudinesco,« parmi toutes les écoles de psychiatrie dynamique, la psychanalyse était la seule à avoir reçu en tant que telle le qualificatif de "science juive" »[53], et le« nazisme ajouta à son programme la destruction radicale de la psychanalyse, de son vocabulaire, de ses concepts, de ses œuvres, de son mouvement, de ses institutions, de ses praticiens. Ce programme fut progressivement réalisé sous la houlette de Matthias Heinrich Göring »[53], en vue d’une« nazification de la psychanalyse en Allemagne »[54] qui conduit à bannir« tout ce qui pouvait évoquer la judéité sous quelque forme que ce soit : le mot psychanalyse ne devait plus être prononcé »[53] et Göring vérifie« qu'aucun terme freudien n'est utilisé. On a remplacé tous les concepts de la psychanalyse par d'étonnants synonymes et l'on prône une psychologie "aryenne" »[55]. Les psychanalystes juifs d’Europe continentale sont obligés de fuir et ceux qui n'y parviennent pas périssent dans les camps de concentration[53].
Freud publie en 1937Analyse finie et analyse infinie[56], où il reprend certaines questions posées par Ferenczi ; il meurt le.
Voir aussi:écoles de psychanalyse
Pendant la Seconde Guerre mondiale se développe la pratique de l'analyse de groupe, avec l'analyste britanniqueWilfred Bion, ou en France,Didier Anzieu etRené Kaës.
En 1940 débute de ce qui deviendra lapsychothérapie institutionnelle. En France, il y eut une activité psychanalytique pendant l'occupation nazie qui n'est pas interdite[57].
LaSociété britannique de psychanalyse voit se dérouler, à partir de 1942, lesControverses scientifiques entre les partisans deMelanie Klein et ceux d'Anna Freud. Un certain nombre de psychanalystes prennent leurs distances à l'égard des deux groupes, constituant à partir de 1945 leGroupe desIndépendants, qui prend ce nom effectivement en 1962.
1942 voit la création de l'Asosiación Psicoanálitica Argentina.
En 1943, c'est la Svenska Psykoanalytisk Föreningen qui voit le jour.
Avec l'immigration de nombreux psychanalystes d'Europe avant, pendant et après la guerre, la psychanalyse prend beaucoup d'importance auxÉtats-Unis. L'ego-psychology s'y développera beaucoup mais aussi d'autres courants.
1953 :Juliette Favez-Boutonier, Georges Favez, Daniel Lagache, Jacques Lacan et Françoise Dolto démissionnent de laSociété psychanalytique de Paris. LaSociété française de psychanalyse, dont Favez-Boutonier devient présidente, est fondée. Pourtant, du fait notamment de la non-reconnaissance par l'Association psychanalytique internationale de la nouvelle structure mais aussi de différends avec Jacques Lacan qui portent sur la technique analytique, Didier Anzieu, Jean Laplanche, J.-B. Pontalis, Juliette Favez-Boutonier, notamment, participent à la création, en 1964, de l'Association psychanalytique de France.
Après la Seconde Guerre mondiale, la psychanalyse est condamnée à la fois par les communistes et par les catholiques.Ainsi, en 1949, Guy Leclerc publie dansL'Humanité l'article « La psychanalyse, idéologie de basse police et d'espionnage », tandis qu'en 1952,Pie XII prononce un discours nommant les dangers de la psychanalyse.
Dans lesannées 1950, prend place leretour à Freud enFrance autour de la personnalité deJacques Lacan dont le Discours de Rome représente« l'incidence inaugurale [...] qui prend toute sa portée à la faveur de la première scission du mouvement psychanalytique français en 1953 »[58].
D'après Michel Plon etÉlisabeth Roudinesco, avec la « troisième génération » depsychanalystes, on assiste à« des grandes scissions provoquées entre 1950 et 1970 par la mise en cause de la didactique propre à l'IPA et des querelles d'école autour de l'interprétation freudienne et de la technique psychanalytique ». Cette génération va être amenée à« la confrontation avec une kyrielle d'écoles depsychothérapie »[59].
La quatrième génération internationale est depuis 1970« celle, anonyme et impersonnelle » de différents groupes freudiens, éventuellement« en passe de se convertir à des psychothérapies non freudiennes »[59].
La cinquième « génération » de psychanalystes s'épanouirait à partir de 2000« dans le monde entier aussi bien dans les pays de forte implantation dufreudisme que dans ceux où la puissance psychanalytique est faible ». Plon et Roudinesco observent au sein d'une multiplicité de groupes autonomes un« changement radical » dans la manière« de transmettre et de faire vivre la psychanalyse » selon désormais« un esprit de réseaux »[59].
D'après Plon et Roudinesco, c'est justement dans les sociétés occidentales où pendant cent ans la psychanalyse a bénéficié des meilleures conditions de son implantation que lefreudisme se trouverait affaibli aujourd'hui du fait de« l'expansion d'un nouveau type de communautarisme », qui ramènerait le sujet à ses racines, à son groupe ou à son individualité et le ferait opter davantage« pour des formes primitives depsychothérapie » comme le corps, le cri, le groupe, l'hypnose, etc., du fait aussi de« la puissance d'un nouvelorganicisme » : celui-ci amènerait à considérer que les comportements mentaux résultent d'un processus cognitif« articulé à un substrat génétique ou biologique »[60]. Ce recul du freudisme dans les sociétés occidentales peut s'y accompagner d'un« rejet idéologique de lapsychanalyse et d'une expansion d'unehistoriographie révisionniste tantôt puritaine comme auxÉtats-Unis, tantôt antisémite comme enFrance »[60].
Des« Freud Wars » s'étaient déroulées dans lapresse aux États-Unis entre 1993 et 1995 : il s'agissait d'une« série de polémiques » dont curieusement l'objet« portait essentiellement sur lapersonnalité de Freud », alors que pourtant, précise Samuel Lézé, la psychanalyse« n'est plus aux manettes de la psychiatrie américaine » depuis au moins le milieu des années 1980 et que les facultés de psychologie ne l'enseignent plus[61]. Unremake a lieu enFrance dix ans plus tard entre 2005 et 2010 à l'occasion de la parution duLivre noir de la psychanalyse et surtout duCrépuscule d'une idole. L'affabulation freudienne deMichel Onfray[61]. D'après Samuel Lézé, l'enjeu de cette « guerre des psys » dans les médias français et les essais critiques est politique :« une génération nouvelle de professionnels de la santé mentale entend prendre la place de l'ancienne génération formée dans le giron de la psychanalyse au début des années 1980 »[61].
Un ton nouveau, remarqué en 2006 par l'historien américainJohn Burnham, serait apparu depuis lesannées 1990 dans les « études freudiennes », ton à la fois plus modéré, plus nourri de nombreuses sources et d'une conceptualisation plus large et diversifiée par rapport à l'œuvre biographique « orthodoxe » d'Ernest Jones et auxFreud Wars[62]. Dans son article « Histoire de la psychanalyse, histoire des sciences. Renouvellements et convergences », où elle s'intéresse plus particulièrement à la pensée deJohn Forrester, Anne Ber-Schiavetta note en effet l'apparition en 1988 de deux revues consacrées à l’histoire de la psychanalyse, laRevue internationale d’histoire de la psychanalyse de langue française dirigée parAlain de Mijolla etLuzifer-Amor, de langue allemande, tandis que, dix ans plus tard, paraît en Grande-BretagnePsychoanalysis and History, indexée dans un réseau scientifique de revues de sciences sociales et classée parmi les revues d’histoire, d’histoire desciences sociales, depsychologie et depsychanalyse[62]. John Forrester en a été le rédacteur en chef de 2005 jusqu'à sa mort en 2015[62]. Ber-Schiavetta insiste notamment sur l'inscription par ce chercheur d'une histoire de la psychanalyse dans« unehistoire des sciences en cours de renouvellement », probablement, propose-t-elle, à la suite desscience studies, contemporaines de la carrière de Forrester qui commença d'enseigner à l’Université de Cambridge dès 1976, et dans le département d’histoire et dephilosophie des sciences qu’il dirigea à partir de 2007 : c'est précisément dans « l’école d’Édimbourg » desscience studies que dans lesannées 1970, s'affirmait une« volonté de combattre les conceptionspoppériennes dominantes ». Forrester inscrit le domaine de l’histoire de la psychanalyse à la fois dans son histoire propre, dans l’histoire dessciences humaines, dans celle dessciences en général, ainsi que dans l’histoire de la pensée et de la culture[62].
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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(Dans l'ordre alphabétique des noms d'auteurs)