Pour des articles plus généraux, voirHistoire de la justice etHistoire du droit en France.
L’histoire de la justice en France recoupe partiellementcelle du droit sans coïncider avec celle-ci, puisqu'elle traite plus spécifiquement de l'application desnormes par les différentesjuridictions ; elle se confond donc en partie avec ledroit pénal etcivil, ledroit administratif connaissant un destin différent. Mais plus largement, l'histoire de la justice relève surtout de l'histoire sociale : elle ne se limite donc pas à la seule histoire du droit.
S'ils conservèrent leurs propres coutumes, les peuples germaniques qui envahirent laGaule auVe siècle ne mirent pas fin aux usages juridiques desGallo-Romains. Ainsi coexistèrent des lois différentes selon le peuple des sujets selon le système de la personnalité des lois[1]. Ce système générait tant de difficultés que les juges lui substituèrent progressivement celui de la territorialité des lois, sans pouvoir toutefois unifier les lois[2].
L'inspiration des lois des peuples arrivants était différente du droit romain : il fallait substituer à la vengeance de la victime ou de sa famille une compensation financière et en fixer le tarif. Les « preuves » reconnues par la procédure étaient mystiques et non pas rationnelles : épreuve par le fer rouge ou l'eau (ordalies),duel judiciaire. Il ne faut toutefois pas oublier que« la rudesse de ce mode de preuve a pour objectif de pousser les parties au compromis »[3].
Progressivement, les monarques des différents peuples firent écrire leurs lois. Laloi salique fut rédigée vers 507 - 511, laloi ripuaire vers 630, et laloi burgonde (ou loi gombette) au début duVIe siècle[1].
Lescarolingiens s'attachèrent à imposer leurs décisions à l'ensemble de l'empire, et donc d'entamer une première uniformisation juridique. Avec la promulgation de leurscapitulaires, ils menèrent une politique qui ne parvint toutefois pas à affaiblir fortement les formes locales de justice[2]. Cette politique trouve une justification théorique dans l'identification par les hauts personnages qui entourent le roi entre la personne royale et la loi elle-même.Alcuin, ainsi, établie l'élaboration de la loi à une fonction proprement royale, qu'il fait remonter à lagrâce divine[4].
Charlemagne, puisLouis le Pieux à sa suite édictent de nombreux capitulaires préparés lors d'assemblées restreintes et approuvés lors de réunions larges des grands de l'empire. Cette activité législative intense ne produit cependant pas de corpus exhaustif. Avec l'effondrement de l'empire, les rois ne parviennent plus à imposer d'actes législatifs[4].
Quant à l’Église, elle demeura soumise audroit canonique.
A cette époque, l'évolution de la justice et de son fonctionnement est intimement lié à l'évolution sociale et politique que connait la France, avec la fin de l'émiettement du pouvoir royal et princier jusqu'auXIIe siècle, puis la création de puissantes principautés et le relèvement du pouvoir royal.
La faiblesse des sources du Xe impose une vision biaisée et étroite de la Justice à cette époque. Cela a abouti longtemps à proposer une sorte de vide juridique, dépourvu de système normatif, sur lequel les évolutions ultérieures se seraient construites presqueex nihilo. Toutefois,« depuis longtemps, la coutume primait sur toute autre source du droit ; à partir duXe siècle, elle apparaît bien comme l'unique source »[5].

À partir duXe siècle, les seigneurs féodaux s'approprient la justice, imités bientôt par les villes érigées en communes. La justice royale n'est plus en vigueur que sur le domaine propre du roi. En fait, dès leIXe siècle, au nord d'une ligne Bordeaux - Lyon,« les coutumes s'imposent comme source principale du droit »[2]. Toutefois, ce rapport aux coutumes n'a pas fait disparaître le droit romain au nord, puisque les coutumes elles-mêmes y puisent une partie de leurs règles. De même, le sud de la France connait également, dans une moindre mesure, des adaptations coutumières locales au droit romain[6],[2].
C'est auXIe siècle que les principautés les plus importantes unifient en leur sein les coutumes locales. Cette évolution débute là où les princes ont une autorité la plus forte, comme enNormandie avec lesConsuetudines et Justicie deGuillaume le Conquérant ou enCatalogne avec lesUsages de Barcelone deRaimond Béranger I[7]. Ces coutumes qui s'établissent autour de l'an mil sont le produit d'une évolutions faite au sein du groupe dans lequel elle a toute sa valeur, et jamais d'une intervention extérieure de l'autorité publique. Ainsi, dans les territoires où aucun prince ne parvient à assurer une autorité, l'établissement des coutumes se fait au niveau de la seigneurie ou même de la communauté villageoise. Ainsi, si l'on regarde au niveau de la France entière, le droit duXIe siècle est extrêmement multiple et contrasté[8].

Malgré cette fixation du fonctionnement de la Justice au plus proche des groupes sociaux, les clercs n'ont pas arrêté de produire une pensée sur le sujet. Les textes théoriques principaux établis auXIe siècle proviennent essentiellement des églises ou monastères proches de l'autorité royale, tel Orléans, Reims, Chartres ou Saint-Benoît-sur-Loire. A l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire,Abbon compile une importante collection de texte juridique et écrit une première tentative de comparaison entre loi et coutume. AChartres,Fulbert lance un renouveau de la réflexion sur le droit[9].
À la suite de cette unification et pour disposer de textes récapitulant l'ensemble des lois progressivement établies et des coutumes locales, des textes privés sont établis par des officiers royaux ou seigneuriaux, avant tout pour leur propre pratique. Ces textes apparaissent à la fin duXIIe siècle, l'un des premiers importants est leTrès ancien coutumier de Normandie, rédigé dans les premières années duXIIIe siècle[7]. La grande majorité des coutumes de France sont écrites auXIIIe siècle[10].
Le droit urbain se fixe dès son origine sur les franchises octroyées par l'autorité royale ou seigneuriale. Cette fixation prouve l'existence antérieure d'un droit coutumier propre aux villes, qui est alors officialisé et couché par écrit. Les coutumes et lois urbaines apparaissent auXIIe siècle, et sont souvent compilées dans la charte de franchise qui a une valeur symbolique très forte[11].
Jusqu'auXIIe siècle, les rois sont trop faibles pour avoir une influence sur la justice rendue en dehors de leur propre principauté. C'est à partir deLouis VII que la monarchie française acquiert une influence sur l'ensemble de son royaume. Les édits royaux, les lettres patentes reprennent une force progressivement, à un rythme variable selon les lieux. Les penseurs royaux reviennent aux thèmes développés sous Charlemagne pour faire des rois l'origine de tout pouvoir, notamment judiciaire[12].
Au début, les monarques touchent à des domaines judiciaires restreints, limités à la personne du roi, l'ordre religieux ou les mœurs. Ils laissent le droit privé être réglé par les coutumes. C'est à partir deLouis IX que les ordonnances ont des portées générales[12].
« Si la condamnation est un outil d’affirmation dupouvoir royal, ce n’est pas par sa nature coercitive ou arbitraire, mais par l’encadrement des juges et la pratique de lagrâce[13] ».
La justice ecclésiastique profite elle aussi de l'effacement du pouvoir royal pour étendre sa compétence. Elle renoue auXIIe siècle avec le droit romain. Jusqu'auXIIe siècle, les seigneurs rendaient la justice en personne, puis ils déléguèrent leur pouvoir de justice à des officiers. À partir duXIIIe siècle, la justice royale s'affirme face à la justice seigneuriale[14] ; auXIVe siècle, elle impose à la justice de l'Église de se limiter au seul domaine spirituel[15].
SelonJean Foyer[16], il faut attendreSaint Louis, au milieu duXIIIe siècle, pour qu'un retour s'amorce vers les preuves rationnelles, qui n'étaient demeurées en vigueur que devant les tribunaux ecclésiastiques. Il tenta en effet d'interdire leduel judiciaire sur son domaine.
AuXIVe siècle, les légistes du roi inventent la formule selon laquelle« le roi est source de toute justice et fontaine de justice ». Cela ne signifie pas que la loi édictée par le monarque est la seule source du droit, mais il devient possible de faire appel devant la justice royale des décisions de la justice seigneuriale. Le principe de prévention permet à la justice royale de se substituer au juge seigneurial en raison de son inaction. Enfin, les cas royaux, toujours plus largement définis, se voient soustraits à la justice seigneuriale. La justice dite concédée, seigneuriale ou ecclésiastique, survivra jusqu'à laRévolution.
La justice royale est essentiellement exercée par des officiers, qui sont propriétaires de leur charge ; cette vénalité des offices (qui remonte àLouis XI et surtoutFrançoisIer) permet au roi d'alimenter ses caisses, d'où pléthore de magistrats. Si le roi délègue ainsi la justice royale à des tribunaux, il conserve le droit de juger lui-même une cause, soustraite à la justice normalement compétente. Ainsi la justice déléguée peut à tout moment, en théorie, laisser la place à lajustice retenue. Les historiens notent la persistance de l'infra-judiciaire sous l'Ancien Régime. Les transactions concernaient non seulement les grossesses illégitimes mais également certains meurtres, dont les motifs étaient jugés honorables.La criminalité judiciairement réprimée était en fait très faible[réf. nécessaire] auXVIIIe siècle.
La justice déléguée, en particulier leParlement de Paris, se transforma encontre-pouvoir dès le règne deCharles VI.Louis XIV pourra bien enrayer le processus de harcèlement, mais non pas l'arrêter, note Jean-Pierre Royer[17]. Jusqu'à la Révolution de1789, l'histoire de la justice sera caractérisée par l'affrontement permanent de ces magistrats imbus de leurs prérogatives avec la monarchie. Cette politisation du juridique ne fit que s'accentuer « au fur et à mesure que l'on approchait du terme de la monarchie »[17].
Le Parlement s'opposa à toute réforme fiscale, et pour cette raison acculaLouis XVI à réunir lesÉtats généraux. Mais la justice était elle-même la cible, à une époque où commençait à se constituer une opinion publique véritable, d'avocats et d'intellectuels, commeBeccaria ouVoltaire, qui lui reprochaient la cruauté de ses procédés (torture, abolie par Louis XVI) ou son intolérance religieuse (affairesCalas,Sirven,Chevalier de la Barre). Le Parlement sera hostile au doublement du nombre des députés dutiers état, ce qui lui fera perdre toute popularité. Il disparaîtra en même temps que l'Ancien Régime.[réf. nécessaire]
LaDéclaration des droits de l'homme et du citoyen fut votée dès le. Le, l'Assemblée constituante entreprit de reconstruire l'ensemble du système judiciaire sur de nouvelles bases (Code pénal de 1791). Un rôle important était dévolu à l'arbitrage et à la conciliation dans le domaine de la justice civile. Les juges étaient élus par les citoyens actifs, le jury institué en justice criminelle. La Constituante croyait en la bonté naturelle de l'homme ;
laConvention aura recours à laTerreur pour régénérer le peuple, et transformera l'appareil judiciaire en un instrument de cette politique. La procédure se fit vite expéditive. Enthermidor, les Terroristes furent à leur tour victimes duTribunal révolutionnaire.
Napoléon dessina les grandes lignes de l'organisation judiciaire contemporaine. Il rétablit les titres et les costumes d'Ancien Régime. La nomination des magistrats devint la règle. L'Empire, comme tous les régimes qui suivirent, se permit quelque liberté avec la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège. Surtout, leur carrière dépendait du pouvoir politique.
En 1819, un arrêté du gouverneur desétablissements français de l'Inde rend immédiatement applicable lesCodes napoléoniens, tout en exigeant le respect des coutumes locales.
L'affaire Dreyfus se conclut par la victoire, difficile, de l'idéal de justice sur la raison d'État. À la fin de l'entre-deux-guerres, les affaires financières et politiques (affaire Stavisky, etc.) mirent en évidence la collusion de la justice et du pouvoir politique. Il faudra attendre1958 pour que l'indépendance de la justice commence à s'affirmer, grâce à la simplification de l'avancement et à l'institution, parMichel Debré, d'un concours d'entrée à l'École nationale de la magistrature.
Bien que bénéficiant d'un nouveauCode pénal depuis le, ledroit pénal français est l'héritier de deux codes précédents. Tout d'abord leCode pénal de 1791, qui fut la première tentative de codification de l'ensemble de la matière pénale, mais surtout leCode pénal impérial du qui fut plus durable bien que fortement modifié au cours du temps.
À la fin duXIXe siècle, larécidive devient un enjeu important dans les débats sur la politique pénitentiaire et le sens de la peine, tandis qu'au début duXIXe siècle, l'affairePierre Rivière avait soulevé, avec une exergue particulière, le problème de laresponsabilité pénale en cas dedémence possible. Les loisBérenger distinguent ainsi les « récidivistes », qui doivent être éloignés de la société et sont ainsi condamnés à ladéportation au bagne (même s'ils ne sont que de simplesvagabonds; loi du), des inculpés n'ayant jamais été condamné auparavant, et qui font l'objet d'une politique relative de réinsertion[18]. Ainsi, la loi du26 mars 1891 relative à l’atténuation et à l’aggravation des peines instaure lesursis pour l’inculpé qui « n’a pas subi de condamnation antérieure à la prison pour crime ou délit de droit commun » et aggrave automatiquement les peines des récidivistes[18]. Elle permet aussi lalibération conditionnelle peuvent être prononcées par les juges.
En1911, l'administration pénitentiaire est rattachée auministère de la Justice[19], et l'année suivante, une loi institue destribunaux pour enfants[20].
Après 1945, un important mouvement de réforme pénitentiaire a eu lieu, mis en œuvre par lemouvement de la Défense sociale nouvelle, incarné par des personnes comme le juristeMarc Ancel[21], lejuge des enfantsJean Chazal, le premier directeur de l'administration pénitentiairePaul Amor, ou un membre de l'Œuvre de Saint-Vincent de Paul,Pierre Cannat, a largement façonné,jusqu'en 1975, la politique pénitentiaire française. La réforme de 1945 est représenté en particulier par l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante, qui impose la primauté de l'éducatif sur le répressif et reconduit lestribunaux pour enfants (créés par la loi de 1912).
Ces débats interviennent après près d'un demi-siècle de silence, les seuls enjeux discutés ayant été, de la fin duXIXe à laSeconde Guerre mondiale, la possible suppression dubagne (ladéportation est supprimée par une ordonnance dugénéral de Gaulle de1960) et les interrogations au sujet desmaisons de correction[19]. Dans les années 1930, on dénonce ainsi les bagnes pour enfants, telles les « colonies correctionnelles » d'Eysses (créée en1895) et deBelle-Île-en-Mer, rebaptisés en « maison d'éducation surveillée »[22].
1945 voit ainsi en particulier la création duservice social des prisons, dumilieu ouvert et de laformation professionnelle des détenus, dans une optique deréinsertion sociale[19]. À laLibération, le débat public quant à lui se concentre en particulier, jusqu'au début des années 1950, sur lesCours de justice chargées de l'épuration judiciaire descollaborationnistes[19]. En1958, on créé lejuge de l'application des peines (JAP), dans un souci d'individualiser la peine en fonction de la personnalité du criminel.
Mais dès l'éclatement de laguerre d'Algérie, le processus de réforme se ralentit, et les peines s'alourdissent. Lapériode de sûreté, introduite en 1978 par legouvernement Raymond Barre, ajoute à la peine d'emprisonnement l'impossibilité de son aménagement, réduisant les pouvoirs du JAP[23]. Si lapeine de mort est abolie sousFrançois Mitterrand en 1981, les peines se durcissent: les longues peines passent à trente ans en 1986, et lapeine de perpétuité réelle est introduite en 1994, par legouvernement Balladur, pour certains crimes commis contre des enfants. La réforme duCode pénal, en 1994, augmente les condamnations de 20 à 30 ans pour lescrimes, et de 5 à 10 ans pour lesdélits. Enfin, une série de lois durcissent encore la législation dans les années 2000, jusqu'à laloi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
Laprocédure inquisitoire a été réformée par la loi du, qui accorde un plus grand rôle à la personne poursuivie et à la partie civile, vis-à-vis du ministère public. Différentes réformes ont été promulguées afin de désengorger les tribunaux, notamment lacomposition pénale (1999), lacomparution immédiate et autres avatars du « traitement en temps réel des affaires », tels que leCentre automatisé de constatation des infractions routières.
Parallèlement, depuis1986 ledroit pénal des affaires connaît un mouvement de dépénalisation, bien que les juges s'emparent de plus en plus souvent d'affaires politico-financières dans les années 1990 (abus de biens sociaux, etc.). Enfin, lessources du droit pénal français s'internationalisent.
Depuis 2022, certains procès sont filmés et retransmis à la télévision[24],[25],[26].
Dans l'affaire de soupçon dufinancement libyen de la campagne présidentielle de 2007, le,Nicolas Sarkozy — président de la République 2007-2012 — est déclaré coupable d'association de malfaiteurs[27],[28]. Il est relaxé de trois délits pour lesquels il était poursuivi : la corruption, le détournement de fonds publics et le financement illégal de campagne. Le tribunal mentionne qu'il n'y a pas de preuve d'enrichissement personnel. Il est condamné à cinq ans de prison avec mandat de dépôt à effet différé, 100 000 euros d’amende et à une interdiction de ses droits civiques, civils et de famille pendant cinq ans, ainsi qu’à une inéligibilité de cinq ans. Pour justifier la peine, le tribunal souligne qu'il s'agit« de faits d'une gravité exceptionnelle, de nature à altérer la confiance des citoyens dans ceux qui les représentent et sont censés agir dans le sens de l'intérêt général, mais aussi dans les institutions même de la République ». Il est condamné pour avoir« laissé ses plus proches » collaborateurs démarcher la Libye deMouammar Kadhafi pour financer sacampagne victorieuse de 2007[29],[30],[31]. La condamnation d'un ancienprésident de la République française à une peine d'emprisonnement ferme avec mandat de dépôt différé entraînant un séjour en prison constitue un fait inédit dans l'histoire judiciaire en France[32],[33]. Il est incarcéré à laprison de la Santé à Paris le[34],[35].
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