LaRoumanie a participé à laSeconde Guerre mondiale du au : jusqu'au lerégime Antonescu combat aux côtés de l'Axe tandis que deux divisions (Vladimirescu etHoria-Closca-Crisan), quelques unités de la flotte et aviateurs, combattent du côtéAllié ; à partir du le pays entier passe du côté desAlliés.


Ayant ainsi combattu dans les deux camps, mais bien plus longtemps dans celui de l'Axe (plus de trois ans, contre 8 mois avec les Alliés) la Roumanie fut considérée comme un pays vaincu à laconférence de paix de Paris, en1947 et dut céder des territoires à l'URSS et à laBulgarie (qui, elle aussi, avait pactisé avec leTroisième Reich au début de la guerre, avant de rejoindre les Alliés), mais put récupérer laTransylvanie du nord sur laHongrie (restée fidèle à l'Axe jusqu'au bout)[1],[2].
En le roiCarolII, dans un contexte decrise économique, politique et institutionnelle, supprime ladémocratieparlementaire et s'arroge les pleins pouvoirs (période dite de ladictaturecarliste), puis, tout en cherchant à apaiser l'Allemagne par une garantie de livraison du pétrole roumain, signe avec laFrance et leRoyaume-Uni, le, un accord garantissant les frontières et l'indépendance de la Roumanie. Le roi lance la gendarmerie dans une véritableguerre civile contre les nazis d'Andreas Schmidt[3] et les « Légionnaires » de laGarde de fer, dont le fondateur,Corneliu Codreanu, est arrêté, emprisonné et exécuté[4].
CarolII refuse de participer au dépeçage de laTchécoslovaquie alors que l'Axe lui offrait leMaramureș du nord ouRuthénie et, lorsqu'en application duPacte germano-soviétique, l'Allemagne nazie et l'URSS envahissent laPologne, la Roumanie, neutre, garantit le droit d'asile aux membres dugouvernement polonais en exil et aux divisions polonaises en fuite. LeService maritime roumain les transporte àAlexandrie où ces forces rejoignent lesforces britanniques. Le, le premier ministreArmand Călinescu qui avait décapité en laGarde de fer en arrêtant plusieurs de ses dirigeants, estassassiné par des « Légionnaires » aux ordres deHoria Sima, successeur de Codreanu. Armand Călinescu, francophile et anglophile tout comme le ministre des Affaires étrangères Grigore Gafencu, était soupçonné de vouloir engager la Roumanie dans la guerre aux côtés desAlliés. Le roi Carol II s'efforce de maintenir encore sa politique pendant quelques mois, mais la défaite militaire de la France et la situation très précaire de la Grande-Bretagne rendent très théoriques les assurances que ces deux pays avaient faites à la Roumanie[5].
À peine la France a-t-elle signé l'armistice, que l'URSS lance unultimatum à la Roumanie le. Suivant lePacte germano-soviétique, le gouvernement deJoseph Staline exige de l'ambassadeur roumain à Moscou, Gheorghe Davidescu, la cession de laBessarabie et de laBucovine du nord sous peine d'envahir la Roumanie, etWilhelm Fabricius (de), ambassadeur allemand à Bucarest, somme CarolII d'obtempérer[6]. Le, l'URSSoccupe la Bessarabie et la Bucovine du nord. Les deux tiers de la Bessarabie et l'ancienneRSSAM appartenant déjà à l'URSS forment alors laRépublique socialiste soviétique moldave. La Bucovine du nord, lecanton de Herța, la Bessarabie du nord et leBougeac) sont incorporés à l'Ukraine.

Pour éviter le sort de laPologne voisine, rayée de la carte de l'Europe par l'Allemagne nazie et l'URSS, le, Carol II, remplace ses ministres anglophiles et francophiles par le gouvernement d'Ion Gigurtu (premier ministre du au), qui déclareadhérer loyalement à la politique de l'Allemagne nazie[7] et laisserAdolf Hitler arbitrer le conflit territorial entre la Roumanie et la Hongrie au sujet de laTransylvanie[8]. La Roumanie, se soumettant au Second arbitrage de Vienne, cède le laTransylvanie du Nord auRoyaume de Hongrie et, le, par lesAccords de Craiova, rend laDobroudja du Sud à laBulgarie. L'ensemble de ces pertes territoriales représente plus d'un tiers de laGrande Roumanie, mais Gigurtu estime que c'est le prix à payer pour ne pas subir lesort de la Pologne. Mais ce « prix de la paix » précipite la chute du roi : laGarde de fer de Horia Sima et le généralIon Antonescu s'unissent pour uncoup d'État qui aboutit à l'abdication et à l'exil de CarolII le au profit de son fils de 19 ansMichelIer, qui redevient donc roi, mais dépourvu de tout pouvoir.
LaGarde de fer et Antonescu, qu'une presse aux ordres qualifie de « Pétain roumain »[9], établissent un régime totalitaire désigné du nom d’État national-légionnaire qui va inéluctablement pencher du côté des forces de l'Axe et de leur politique. Une fois au pouvoir, laGarde de Fer renforce lalégislation antisémite promulguée par les gouvernements d'Octavian Goga etIon Gigurtu et l'élargit aux commerçants et hommes d'affaires grecs et arméniens : elle sera surtout appliquée de façon que les fonctionnaires roumains puissent toucher de gros pots-de-vin. Les syndicats et les associations ont été interdits à la fin de l'année1940.
L'opinion n'est pas acquise au régime, etdes maquis se mettent en place à partir du, date d'entrée des troupes allemandes en Roumanie. Bien que le la Roumanie soit devenue membre de l'Axe, laWehrmacht stationnée en Roumanie se comporte comme en pays occupé, vit de réquisitions, contrôle les voies de communication, se réserve la production des puits de pétrole, et augmente ses effectifs jusqu'à 500 000 hommes pour attaquer l'URSS[6]. Le, pourvenger l'assassinat de Codreanu, lesLégionnaires de la Garde de fer assassinent journalistes,francs-maçons, 64 anciens ministres, députés et intellectuels démocrates détenus à la prison de Jilava (près de Bucarest) ainsi que l'historien et ancien premier ministreNicolae Iorga et Virgil Madgearu, ancien ministre de l'économie.


Pour être en mesure de reconquérir la Bessarabie, Antonescu accepte d'engager son pays plus avant dans la collaboration avec leReich. Mais après les assassinats et le pogrom du, Antonescu, constatant que laGarde de Fer est en train de dresser l'opinion contre le régime, dissout le service d'ordre de la Garde et fait juger et exécuter les assassins de Iorga. Le, laGarde de Fer tente de s'emparer du pouvoir par uncoup d'état doublé cette fois d'un pogrom à Bucarest (130 victimes), mais Antonescu réplique, des coups de feu sont échangés, et au bout de quatre jours d'affrontements, la « Légion », qui a perdu plusieurs centaines de membres, est exclue du gouvernement. Sima et beaucoup d'autres « Légionnaires » trouvent asile en Allemagne alors que 3 000 autres sont emprisonnés. En mars, Antonescu, auto-proclamé lePétain roumain, se fait plébisciter et obtient 2 millions deoui contre 3 360non[1].
Le terme deRégime Antonescu fait référence aussi bien à Ion Antonescu qu'à son vice-président du Conseil et ministre des affaires étrangères,Mihai Antonescu (homonyme sans lien de parenté).
Le, les troupes roumaines traversent lePrut, participant à l'opération Barbarossa contre l'Armée rouge aux côtés de laWehrmacht, des Hongrois, des Finlandais, des Italiens et des Slovaques. Elles récupèrent laBessarabie puis traversent leDniestr parTighina etDubăsari et, en 1941, entrent dansOdessa etSébastopol[6] où elles prennent une part essentielle dans les combats. Le siège d'Odessa se prolonge jusqu'au et voit se distinguer l'escadrille blanche, formation féminine d'évacuation sanitairepar les airs[10]. L'armée roumaine occupe laPodolie et leYedisan, territoires soviétiques situés sur la rive gauche duDniestr, c'est-à-dire à l'est de laMoldavie historique. Les Roumains appellent alors « Transnistrie » cette zone d'occupation militaire qui leur est dévolue. ÀOdessa, les Corps IV et V de l'armée roumaine, commandés par le général Nicolae Ciupercă, se livrèrent à descrimes de guerre contre les résistants et les Juifs, sur ordre du régime Antonescu[11].
Aux termes de l'accord de Tighina, le royaume de Roumanie récupère le laBessarabie et laBucovine du nord (voirgouvernorat de Bessarabie etgouvernorat de Bucovine), et occupe laTransnistrie (voirgouvernorat de Transnistrie), territoires qui avaient et ont subi une forte épuration ethnique, d'abord par lesdéportations soviétiques, visant essentiellement les populations roumaines en 1940-1941[12], ensuite par l'armée roumaine, visant essentiellement les Juifs en 1941-1944[13]. La Transnistrie, que le régime Antonescu se prépare à annexer en cas de victoire, devient une terre de déportation pour lesJuifs, lesRoms, les résistants et les autresindésirables roumains, où l'armée se livre à des massacres qui s'ajoutent au froid et aux épidémies (dysenterie,typhus) : les troupes roumaines assassinent ainsi, selon le mot d'Otto Ohlendorf, responsable de l'Einsatzgruppe D, de « manière non professionnelle et sadique »[14]. Le nombre des victimes est estimé, au procès d'Ion Antonescu, à 400 000 dont 293 000 Juifs.
En, le général roumain le plus important de la période :Petre Dumitrescu, commandant de laIIIe armée roumaine, bénéficie un moment de la mise à disposition par les Allemands de leurVIe armée pour lui permettre de résister à une offensive soviétique. Le gouvernement Antonescu considérait comme inévitable une guerre avec la Hongrie au sujet de la Transylvanie, mais en février1943, l'armée roumaine est décimée àStalingrad et doit battre en retraite aux côtés de son allié allemand. Elle perdra, au cours de cette campagne, plus de 220 000 hommes[6] dont 120 000 morts, 80 000 prisonniers emmenés enSibérie (d'où environ 28 000 reviendront après la guerre) et 18 000 enrôlés dans les divisions alliées « Vladimirescu » ou « Horia-Cloșca-Crișan ».
Antonescu avait rendu visite à Hitler le, après son accession au pouvoir. Hitler l'avait alors informé de ses intentions vis-à-vis de l'URSS, ce qui explique l'état de préparation des troupes roumaines lors de l'opération Barbarossa. Lors d'une autre visite à Hitler, le, Antonescu avait déclaré qu'il pouvait compter sur l'appui de l'armée pour récupérer les territoires cédés par CarolII, et que l'Allemagne pourrait compter sur la Roumanie lorsqu'il s'agirait d'attaquer l'URSS. Ceci n'exprimait pas les sentiments de l'ensemble de la population, mais uniquement ceux des dirigeants. En même temps, Antonescu espérait uneguerre unilatérale contre l'URSS seule, et espérait ne pas rompre ses relations diplomatiques avec lesAlliés. De fait, ceux-ci attendirent six mois avant de déclarer la guerre à la Roumanie : six mois pendant lesquels les Juifs roumains purent encore obtenir des visas pour laPalestine et se sauver via laTurquie ou l'Égypte, en passant en train par laBulgarie ou en bateau par laMer Noire et laMéditerranée. Après que les Alliés eurent déclaré la guerre (), les Juifs roumains devinrent descitoyens ennemis, et l'émigration devint difficile (voirTragédie du Struma). À partir de cette date, Antonescu chargea son ambassadeur Frederic Nanu àStockholm, de maintenir le contact avec les Anglo-Américains, mais ceux-ci ne répondirent pas à ses avances. De son côté, l'opposition démocratique chargea secrètement le prince Barbu Știrbei d'une semblable mission àAnkara, sans plus de succès. À Bucarest, le véritable pouvoir appartenait à l'ambassadeur allemand à Bucarest, Manfred Von Killinger et au représentant duRSHAGustav Richter. Par l'intermédiaire de son ami d'enfanceWilhelm Filderman (président des confédérations juives de Roumanie), Antonescu proposa aux organisations sionistes de laisser partir les Juifs roumains moyennant dix dollars par personne[6],[15]. Les Alliés s'y opposèrent, refusant de voir financer un dictateur fasciste et un ennemi.
LaFrance avait cédé les parts que le gouvernement français détenait dans l'industrie pétrolière roumaine aux Allemands pour payer sa dette de guerre : Antonescu proposa à ceux-ci de les rétrocéder à la Roumanie en échange des produits livrés auReich[16], car la plupart des produits livrés à l'Allemagne n'avaient reçu aucune compensation financière. Hitler refusa, et il s'ensuivit une inflation spectaculaire.
En, un recensement dénombrait 756 930 Juifs. Parmi eux, 388 000 habitent des régions qui sont cédées en 1940 à l'URSS, à la Hongrie ou à la Bulgarie, alors que 369 000 habitent des régions qui sont conservées par la Roumanie à cette date[17].
En 2003, le président de la RoumanieIon Iliescu a mis sur pied une commission d'enquête présidée parElie Wiesel pour étudier l'histoire de laShoah en Roumanie sous le régime Antonescu : selon les conclusions de cette commission, les 47 % de Juifs manquants après la guerre (près de 401 000 personnes) avaient, pour une faible part, émigré vers la Palestine directement de Roumanie (environ 80 000 personnes, grâce à l'associationAliyah présidée par Eugène Meissner et Samuel Leibovici), et pour la plupart été exterminés : certains sont devenus Hongrois par la cession de laTransylvanie du Nord à la HongrieHorthyste (130 000 personnes dont 120 000 furent déportés vers l'Allemagne) ; d'autres sont devenus Soviétiques par la cession à l'URSS des territoires où ils vivaient (240 000 personnes : lors de l'Opération Barbarossa la plupart de ces personnes, ainsi que d'autres Juifs roumains déportés par les autorités roumaines enTransnistrie y furent tuées (environ 100 000 personnes) ; à cela il faut ajouter environ 40 000 autres Juifs roumains devenus soviétiques qui s'étaient enfuis vers l'est lors de l'attaque germano-roumaine, et qui furent rattrapés par lesEinsatzgruppen et tués en Ukraine. Au total, parmi les 401 000 personnes manquantes, il y aurait environ 250 000 victimes et 150 000 déplacés ou émigrés selon laCommission Wiesel[18]. La Roumanie, comme lerégime de Vichy, est un État qui s'est impliqué activement, au-delà des pressions allemandes, dans ungénocide qui a abouti à la destruction ou l'expulsion de près de la moitié de sa population juive d'avant-guerre, mais qui cependant s'est désolidarisé du projet d'extermination nazi et a refusé en1942 de livrer les Juifs roumains aux camps d'extermination allemands, ce qui explique, selon Raul Hilberg dansLa destruction des Juifs d'Europe, que 53 % de la population juive, surtout parmi les 369 000 restés roumains en 1940, a survécu à la période de la guerre : au recensement de 1951, 356 237 juifs roumains sont dénombrés[19].
Les nazis vont exercer des pressions pour que la politique du régime Antonescu envers la population juive soit conforme aux grandes lignes de laSolution finale, c'est-à-dire, clairement, à partir de1942, l'extermination systématique des Juifs. Mais le régime Antonescu qui avait alors massacré par lui-même tant de Juifs en Bessarabie, en Bucovine et en Transnistrie, qu'il se montre réticent. À la fin de l'année 1941, le SSGustav Richter, et Radu Leca, plénipotentiaire roumain pour les affaires juives, avaient obtenu de Mihai Antonescu la création d'un conseil juif fantoche : la Centrale des Juifs de Roumanie(enroumain :Centrala Evreilor din Romania), mais parallèlement,Wilhelm Filderman et la confédération des sociétés juives de Roumanie continuent d'exercer leurs activités et organisent des secours pour les Juifs de Transnistrie[20]. C'est la corruption endémique des autorités roumaines, nourrie par la spoliation des Juifs sous toutes ses formes, qui permet de limiter leur destruction. Après la chute de laGarde de fer, le régime Antonescu, toujours allié de l'Allemagne nazie, poursuit la politique de persécution et de massacre des Juifs et, dans une moindre mesure, desRoms. À partir de1943 on met en place le travail forcé, imposé aux Juifs dans la voirie et les terrassements « pour remplacer les travailleurs partis au front ». 40 000 hommes sont affectés à des travaux journaliers près de leur résidence. Ils doivent se présenter le matin avec pelles et pioches et souvent, apporter leur déjeuner. 26 000 Juifs peuvent acheter leur exemption[21].
En, l'ambassade allemande à Bucarest obtient que la Roumanie se désintéresse du sort des Juifs roumains en Allemagne, mais dans le « protektorat » deBohême-Moravie et dans les autres pays conquis, les consulats roumains,soudoyés ou parhumanisme selon les consuls, continuent d'élever des protestations et d'intervenir lorsque les Juifs de nationalité roumaine sont menacés. En, l'ambassade roumaine à Berlin fait remarquer que les Juifs hongrois d'Allemagne ne sont pas déportés, et que la Roumanie peut difficilement accepter que les Juifs roumains soient plus mal traités que ceux de la Hongrie[22]. Toujours en, à la grande joie d'Adolf Eichmann, chef duRSHA, les nazis semblent avoir obtenu tous les accords pour procéder à la déportation des Juifs roumains présents dans ledistrict de Lublin en Pologne occupée, et en août, Radu Leca est à Berlin pour parapher l'accord, mais il est mal reçu et va dès lors s'employer à retarder l'opération ; peut-être aussi a-t-il été soudoyé pour cela[23].
Le caractère définitif du revirement roumain n’apparaît aux Allemands qu'à partir de quand ils apprennent qu'Antonescu envisage d'autoriser de 75 000 à 80 000 Juifs à émigrer en Palestine moyennant une forte indemnité[24]. Contrairement aux autres pays de l'Europe centrale et de l'Est où une grande partie des Juifs ont été dirigés vers les camps d'extermination, un peu plus de la moitié des Juifs roumains survivront donc à la guerre, mais en ayant subi diverses persécutions : travail forcé, spoliations et lois d'exclusion. LacommissionWiesel résume ainsi cette situation complexe:« De tous les alliés de l'Allemagne nazie, la Roumanie avait la plus forte communauté juive et porte donc la responsabilité de la mort de plus de Juifs que n'importe quel pays autre que l'Allemagne elle-même... Iasi, Odessa, Bogdanovka, Domanovka et Petchora par exemple comptent parmi les massacres les plus hideux commis contre les Juifs au cours de laShoah. La Roumanie a commis un génocide contre les Juifs. Le fait que des Juifs aient survécu dans certaines parties de la Roumanie ne doit pas masquer cette réalité. »
Il existe aujourd'hui trois interprétations de ces faits. Les auteurs décrivent tous les mêmes persécutions et massacres, mais ceux qui les ont eux-mêmes vécus, telsMatatias Carp[25], Raul Hilberg[26], Marius Mircu[27] ou Raoul Rubsel[28] les décrivent comme un hiatus d'inhumanité, une parenthèse monstrueuse dans l'histoire du peuple roumain. À l'encontre de cette position, un courant historique moderne[29] affirme que les courants xénophobes et antisémites qui ont abouti aux crimes, font partie intégrante de l'identité roumaine, adhérant ainsi au point de vue des survivants de laGarde de fer[30] et du micro-parti d'extrême-droiteNouvelle Droite[31]. Enfin Florin Constantiniu dans sonHistoire sincère de la Roumanie et le rapport final de la Commission internationale sur la Shoah en Roumanie validé le par le parlement roumain, ne se prononcent pas sur cette question, mais soulignent que la disparition de la démocratie et la légitimation de la violence ont rendu ces crimes possibles, et que la violence ainsi déchaînée d'abord contre les Juifs et les Roms, a sévi ensuite, sous un autre régime, jusqu'au au détriment de l'ensemble du peuple roumain.
« Yad Vashem » étant inconnu dans les pays de l'Est pendant la période communiste (1946-1990), la plupart des « justes » moururent sans apprendre son existence et seuls 139 Roumains (dont 60 citoyensroumains et 79 citoyensmoldaves), ont été, commeTraian Popovici, identifiés par l'État d'Israël.
À partir de février1943 et de la vaste contre-offensive soviétique qui débute àStalingrad, il devient clair que le vent a tourné aux dépens des Forces de l'Axe. En1944, à la suite des dépenses de guerre et des bombardements alliés, l'économie roumaine est au plus mal. Les ressentiments contre la lourdeur de l'occupation allemande vont en grandissant, remplissent les maquis et sont partagés même par ceux qui avaient été les plus chauds partisans de l'alliance avec l'Allemagne et de l'entrée en guerre.
Depuis l'accord économique signé par CarolII en, la Roumanie avait été un important fournisseur de pétrole duTroisième Reich, ainsi que de céréales et de produits manufacturés. C'est la raison pour laquelle elle devient à partir de1943 une cible pour lesbombardiers américains de la15th USAAF, qui visent lesraffineries de pétrole dePloiești[32].

D'après Geoffrey Regan[33], l'opérationTidal Wave (Raz-de-Marée), en est l'une des plus importantes jamais menée par l'USAAF, ancêtre de l'US Air Force : le, 178 bombardiersB-24 Liberators décollent deBenghazi enLibye pour effectuer une rotation de 3 800 kilomètres et attaquer les raffineries construites près des champs de pétrole dePloiești. Les Allemands ayant réussi depuis plusieurs semaines à intercepter et à décoder des messages relatifs à cette opération, les bombardiers ont à faire face à une riposte vigoureuse de la part de laLuftwaffe et seuls 88 bombardiers peuvent regagner leur base. Les dégâts causés peuvent être réparés rapidement et la production pétrolière retrouve en quelques semaines son niveau antérieur[34].
Les nombreux aviateurs américains abattus seront en partie sauvés par la résistance et exfiltrés vers laTurquie, grâce aux efforts coordonnés du capitaine d'aviation Constantin « Bâzu »Cantacuzène, et du colonel américain Gunn, qui bénéficient de la discrète protection du roiMichelIer, qui fournit par ailleurs des moyens de communication et une garde à lamission clandestine inter-Alliée (mission Autonomous duSOE) à Bucarest[35].
Il faudra attendre1944 pour que des bombardements massifs menés à partir de l'Italie (Foggia) endommagent sérieusement le complexe pétrolier roumain.Bucarest, également, est sévèrement bombardé les 14 et 15avril 1944 à la fois par l'USAAF et leRoyal Air Force.
Alors que les Juifs déportés enTransnistrie (une partie de l'Ukraine occupée par la Roumanie) meurent de froid, de faim et d'épidémies, l'armée de son côté enregistre d'énormes pertes sur lefront de l'Est, où laConvention de Genève ne s'applique pas et où règne, des deux côtés, une inhumanité totale. Le Conseil national de la Résistance, secrètement formé par le jeune roiMichelIer de Roumanie (Mihai) et par les leaders des anciens partis démocratiques, tente de négocier enSuède (par l'ambassadeur Frederic Nanu et son agentNeagu Djuvara) et enTurquie (parBarbu Știrbei) un changement d'alliance au profit des Alliés, et demande un débarquement anglo-américain dans lesBalkans. Mais malgré le Premier ministre britanniqueWinston Churchill, qui prône un débarquement dans les Balkans pour prévenir leursoviétisation, le président américainFranklin Delano Roosevelt s'en tient aux plans prévus de débarquement dans le midi de la France.
En, l'Armée rouge parvient sur leDniestr, pénètre en Roumanie et le front se stabilise devantIași etChișinău. Enmai 1944, la bataille de Târgu Frumos, enMoldavie, laisse présager un désastre militaire.



À l'encontre de la politique d'Ion Antonescu, il y eut des citoyens roumains qui, avec humanité et courage, en exposant leurs vies, ont résisté. Le sentiment anti-allemand était resté très vif tant chez les civils que les militaires, à cause de la dureté de l'occupation allemande pendant laPremière Guerre mondiale, et du fait que depuis son arrivée en Roumanie en, laWehrmacht s'y comportait en pays conquis, multipliant les réquisitions, bien que le régime Antonescu fût l'allié duReich. Dans ce contexte, des maquis derésistance se forment, les divisionsTudor Vladimirescu etHoria-Cloșca-Crișan se constituent du côté allié, et les humanistes duService maritime roumain feront tourner tout au long de la guerre lespaquebotsTransilvania,Medeea,Impăratul Traian etDacia, ainsi qu'une douzaine de navires plus petits entreConstanza etIstanbul, sauvant plus de 60 000 proscrits et persécutés. Quelques centaines périrent à cause destorpilles soviétiques ou du refus des autorités turques de les laisser débarquer (tragédie du Struma)[36]. De à, 86 000 condamnations en cour martiale sont prononcées pour refus d’obéissance, pour avoir fourni des armes aux maquis et/ou pour tentative de passage aux Alliés[37]. Comme en France, l'attaque contre l'URSS a fait sortir leP.C. de l’expectative et lui fait rejoindre l’opposition au fascisme. Dès 1941,Joseph Goebbels rapporte dans son journal personnel :« Antonescu est au gouvernement avec l'aide des francs-maçons et des ennemis de l'Allemagne. Nos minorités [allemandes en Transylvanie] ont la vie dure. Le Reich a fait un tel effort pour rien. » ().

Les divisions Vladimirescu et Horia-Cloșca-Crișan furent l’équivalent roumain de ladivision française Leclerc et combattirent en URSS contre les nazis. Elles grossirent pendant lacampagne de l'armée roumaine contre l'URSS (-) d'un grand nombre de déserteurs et de prisonniers roumains faits par l'Armée rouge[38]. La division Vladimirescu (6 000 hommes à sa constitution, 19 000 à la fin de la guerre, surtout des ruraux) a été commandée par les généraux Nicolae Cambrea et Iacob Teclu : elle fut surtout placée en face de divisions nazies ou hongroises et utilisée au combat direct. La division Horia-Cloșca-Crișan (5 000 hommes à la fin de la guerre, surtout des citadins) a été commandée par le général Mihail Lascăr, qui s'était rendu et joint aux Soviétiques àStalingrad : elle fut surtout utilisée face aux unités de l'armée roumaine sous les ordres du régime Antonescu, en infiltration et propagande pour tenter (et souvent réussir, surtout pendant et aprèsStalingrad) de rallier les soldats à la cause alliée. Après avoir reculé vers l'est devant les forces de l'Axe jusque dans leCaucase, elles ont avancé vers l'ouest jusqu'à la fin de la guerre, atteignant enSlovaquie lesmonts Tatra. Le choix, pour les prisonniers roumains pris par les Soviétiques, entre la captivité enSibérie et l'engagement dans les divisions Vladimirescu ou Horia-Cloșca-Crișan, a déterminé un grand nombre d'entre eux à choisir la seconde option, même s'ils n'avaient pas de convictions politiques arrêtées. Au sein de ces divisions, il leur était d'ailleurs donné une éducation politique de gauche sous les auspices descommissaires politiques membres duPCR : le colonel Mircea Haupt (frère de l'historiencommuniste devenu français,Georges Haupt) pour la division Vladimirescu et le colonel Walter Roman (ancien desbrigades internationales enEspagne et père du premier ministre roumainPetre Roman) pour la division Horia-Cloșca-Crișan. Après la guerre, le, 58 officiers de ces deux divisions reçurent l'ordre soviétique de la Victoire[39].
Nommé le par Décret Royal du roi Carol II, leIon Antonescu fut arrêté et destitué par un autre Décret Royal, celui du roi MichelIer qui nomme le généralConstantin Sănătescu Premier ministre. Le roi MichelIer et le Conseil national de la résistance proposent à l'ambassadeur allemandManfred von Killinger que les forces allemandes présentes sur le sol roumain se rendent sans combats. Von Killinger refuse et la Roumanie, désormais gouvernée par legénéral Sănătescudéclare la guerre à l'Axe, engageant 397 000 hommes contre l'Allemagne et la Hongrie. Le front se déplace de 700 km vers l'ouest et le sud en moins d'une semaine. Parmi les forces alliées, il s'agit du quatrième contingent le plus fourni après ceux de l'URSS, desÉtats-Unis et duRoyaume-Uni. Du moins, sur le front (qui se déplace de 1 000 km vers l'ouest en deux semaines), car dans les chancelleries, les réponses de l'URSS, des États-Unis et du Royaume-Uni se font attendre jusqu'au, et les Alliés continuent à considérer la Roumanie comme un pays ennemi. Pendant ladurée des négociations (trois semaines), laWehrmacht comme l'Armée rouge se considèrent en terrain ennemi ou en territoire occupé, et pratiquent le pillage et le viol systématiques.Bucarest etPloiești subissent des bombardements tantôt allemands, tantôt américains. Durant ces trois semaines, l'armée roumaine, qui subit la contre-attaque allemande, continue à être attaquée par l'Armée rouge, bien qu'elle ait reçu l'ordre de ne pas se défendre. Les Soviétiques s'emparent de nombreux armements et continuent à faire des prisonniers, tout comme les Allemands. Les raffineries et Bucarest sont bombardées, selon les jours, aussi bien par les bombardiers lourds américains venus deFoggia, que par lesStukas allemands basés à Băneasa, au nord deBucarest et par lesAntonov soviétiques venus deMoldavie[40]. Pendant cette période, 140 000 soldats roumains, qui combattaient contre la Wehrmacht, sont faits prisonniers par l'Armée rouge. Environ 80 000 grossissent alors les rangs des divisions Vladimirescu ou Horia-Cloșca-Crișan. Selon des estimations d'historiens occidentaux, l'entrée en guerre de la Roumanie aux côtés des Alliés a permis d'éviter la mort de centaines de milliers de soldats russes et a accéléré la fin de laSeconde Guerre mondiale de six mois[41].


Une fois l'armistice signé, l'armée roumaine est placée sous commandement soviétique, lance ses offensives contre la Hongrie et progresse jusqu'enSlovaquie. Du au, les institutions démocratiques tentent de se remettre en place sous le gouvernement Rădescu, alors que l'Armée rouge laisse deux divisions en Roumanie et s'y comporte comme en pays ennemi, vivant de réquisitions, occupant tous les services publics, les centres de production industriels et les sites militaires, et contrôlant tous les déplacements.
L'Union soviétique n'a nulle raison de ménager la Roumanie : le à Moscou, tandis que l'armée roumaine combat aux côtés des Alliés en Transylvanie, en Hongrie et en Tchécoslovaquie,Winston Churchill etStaline s'entendent sur le devenir des pays balkaniques après la chute duTroisième Reich allemand : la Roumanie et la Bulgarie (où les communistes étaient très peu nombreux, quelques milliers) font partie de la zone d'influence soviétique, alors que la Grèce (où l'ELAS était le mouvement de résistance le plus important, ayant largement contribué à libérer le pays) fait partie de la zone d'influence britannique[44].
Le roi MichelIer et le Conseil national de la Résistance ne parviennent pas, comme ils l'espéraient, à suivre l'exemple deCharles de Gaulle ni à faire oublier le régime Antonescu (pourtant parvenu au pouvoir par un coup d'État, et non par un vote du parlement) : l'accord d’armistice du traite clairement la Roumanie en ennemie. Si son article 14 prévoit que ce seront des tribunaux roumains qui jugeront les criminels de guerre, son article 18, lui, stipule que « le gouvernement roumain devra se soumettre à la commission de contrôle alliée... »... en pratique soviétique.
LaBessarabie, ayant changé de mains trois fois au cours de la guerre, et où le front s'est trouvé de mars à août1944, est la région qui en a démographiquement le plus souffert. Selon les rapports des ministres Krouglov etBéria à Staline, exhumés par l'historien Nikolai Bougai[45], et selon les données des recensements, de 1940 à 1950 la région a perdu un tiers de sa population, passant de 3 200 000 personnes selon le recensement roumain de 1938, à 2 229 000 selon le recensement soviétique de 1950.
Donc, 971 000 personnes ont disparu en 10 ans :
En 1950, de tous ces "indésirables" ou "nuisibles" déportés hors du pays, 49 000 étaient encore en vie sur les lieux de leur déportation (toujours dans Bougaï)[45].
Dans l'historiographie occidentale grand public, seule la contribution de la Roumanie aux côtés de l'Axe est généralement décrite, tandis que l'existence des deux divisionsVladimirescu etHoria-Closca-Crisan et la contribution de la Roumanie aux côtés desAlliés sont le plus souvent ignorées : l'entrée des Soviétiques dans lesBalkans en août1944 est ainsi présentée comme la conséquence d'une offensive de l'armée rouge contre les Roumains et les Allemands, sans mentionner le changement préalable d'alliance à Bucarest[47].
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