En 2024, laBulgarie est un pays de l'Europe du Sud-Est, avec façade sur lamer Noire, de 110 944 km2, avec une population d'environ sept millions deBulgares (contre deux en 1881, quatre en 1905 et neuf en 1985), parlant principalement lebulgare, avec unediaspora assez importante, en particulier comme minorités dans les pays frontaliers, mais aussi en Europe proche (Allemagne, Espagne, Ukraine, Turquie) et en Amérique (États-Unis, Canada).
Les premiers établissements humains du territoire actuel de la Bulgarie remontent auPaléolithique moyen, ce qui en fait l'une des régions d'Europe au peuplement le plus ancien[1]. Les plaines commencent à être colonisées et cultivées auNéolithique, alors que ce sont essentiellement des grottes qui étaient habitées auparavant[1]. Des plantes non comestibles à usage textile ou herboristique sont cultivées dès le troisième millénaire avant notre ère[1].
En4600 avant l'ère chrétienne, laCulture de Varna(en) naît sur les rives delimans de lamer Noire, autour de l'actuelle ville deVarna, à la fin duchalcolithique : c'est un développement culturel et technologique sans précédent dans la région. Despoteries, desidoles en os ou en pierre, des outils decuivre en révèlent d'abord l'existence, avant la découverte fortuite, en 1972, à quelques kilomètres de Varna, d'unenécropole contenant de nombreux objets en or et enélectrum (alliage naturel d'or et d'argent pouvant contenir entre 15 et 40 % d'argent). Les plus riches tombes renferment des diadèmes et dessceptres en or, des haches et pointes dejavelot à fort poids decuivre, des parures raffinées, descéramiques finement décorées. L'étude des quelque 300 sépultures de la nécropole de Varna démontre, à l'âge du cuivre, l'existence d'une société fortement hiérarchisée : ce sont les plus anciennes pièces d'orfèvrerie jamais découvertes à ce jour, parmi lesquelles des bracelets massifs dépassant 200 g et de presque 24carats, des plaques, plastrons, diadèmes… La datation physico-chimique donne des dates échelonnées entre 4 600 et 4 200 ans avant notre ère, donc avant laMésopotamie ou l'Égypte antique[2].
LesThraces se répartissent en diverses tribus jusqu'à ce que le roiTérèsIer, premier roi des Odryses, les réunisse autour d'un État fédéral, vers 500 avant notre ère, sous les influencesgrecque etperse[4].
La Thrace passe ensuite sous l'influence desroyaumes hellénistiques auIIIe siècle av. J.-C.Hérodote décrit les tombeaux thraces et le raffinement de leur art funéraire. Ils ont laissé de nombreux trésors (musée deSofia), souvent sous destumuli qui parsèment par centaines la plaine centrale deRoumélie : les plus connus sont ceux deKazanlak et deSvechtari.
Arrivés dans les Balkans pour lutter contre lespirates, lesRomains étendent progressivement leur domination sur le territoirethrace en commençant par laMésie[5]. S'ils tolèrent d'abord unroyaume thrace qui est leur client, ils administrent bientôt directement tout le territoire thrace[5]. À partir de- 29, les Romains organisent les territoires en provinces deMésie et deThrace auIer siècleapr. J.-C., en l'an 45. La période romaine, qui offre une unité inédite à la péninsule balkanique, est synonyme de prospérité pour la Mésie et la Thrace, notamment grâce aux nouvelles voies de communication[5]. La ville deSardica, sur le site de la ville actuelle deSofia, se situe au croisement des deux principales routes qui traversent les Balkans[5].Trimontium, l'actuellePlovdiv, prospère également[5]. Les Romains laissent leur empreinte : le théâtre antique dePlovdiv, lesthermes de Varna, laRésidence de la déesse Irène (Plovdiv)(en) et bien d'autresmonuments romains. En 188 de notre ère, la Thrace est définitivement intégrée dans l'Empire romain et, à la fin duIIIe siècle, le pays est organisé comme province deDacie aurélienne où petit à petit les Thracessont romanisés au nord de laligne Jireček : la langue thrace subsiste toutefois dans certaines régions montagnardes, comme leRhodope, jusqu'au cinquième siècle de notre ère, et même si lechristianisme se généralise, le culte du cheval se maintient encore plus longtemps[5].
Confédération de peuples turcophones et iranophones formée entre leIIe siècle et leVIIIe siècle enAsie centrale, lesProto-Bulgares, initialement adeptes dutengrisme, s'installent au nord de lamer Noire par vagues successives entre leIIe siècle et leVe siècle. Des peuples iranophones tels lesAlains dont descendent les actuelsOssètes du Caucase, ont rejoint cette confédération comprenant aussi des éléments turcophones dont descendent lesBalkars du Caucase actuel. Les origines diverses des peuples ainsi confédérés se retrouvent dans leur nom, puisque « bulgare » vient duradical turcbulach signifiant « mélange »[8]. Les Proto-Bulgares sont déjà politiquement structurés et ont une excellente réputation militaire[10].
Mais pour l'école protochroniste, lors de l'arrivée des Bulgares, les Thraces, très peu hellénisés ou latinisés, avaient déjà subi une forte slavisation, car les Slavons, même s'ils n'étaient là que depuis 150 ans environ, étaient très nombreux. L'héritage turcophone de la majorité des premiersProto-Bulgares d'Asparoukh est également remis en cause, même s'il existe des descendants turcophones de la grande confédération de l'empire de Kubrat (lesBalkars du nord-Caucase) : c'est le caractèreiranien des Proto-Bulgares qui est mis en avant.
Monument construit àChoumen pour commémorer les 1300 ans de la création de la Bulgarie balkanique parAsparoukh.Le premier Empire bulgare à sa plus grande extension pendant le règne duTsar SimeonIer le Grand (893-927).Civilisation du second Empire bulgare.
En 716, un traité est signé avec Byzance : les Bulgares cèdent la Thrace du Nord aux Byzantins et les soutiennent dans leur conflit avec les Arabes[13]. Ils ne développent pas de flotte conséquente, probablement pour des raisons de connaissances techniques et de base économique, si bien que lamer Noire, ses côtes et ses ports restent sous le contrôle de lamarine byzantine[23].
Dans le bassin du bas-Danube, en revanche, les Bulgares s'emparent, au milieu du siècle, de la vallée de laMorava, étendant leur territoire vers l'ouest sur l'actuelle Serbie orientale puis, après la chute dukhaganat avar, loin vers le nord, depuis les limites de laGrande-Moravie (dans l'actuelle Hongrie) jusqu'à lasteppe pontique (sud de l'actuelle Ukraine) qu'ils connaissaient bien puisque l'Ancienne Grande Bulgarie s'y trouvait[13]. EnTransylvanie, ils exploitent les mines d'or et de sel desmonts du Bihor au début du neuvième siècle[23]. En 811, le khanKroum s'empare de Sredets, l'actuelle Sofia, et des ports byzantins sur les côtes, puis marche en direction deConstantinople, bien décidé sinon à prendre la ville, au moins à obtenir des Byzantins des gains substantiels[23]. L'Empereur byzantinNicéphore Ier perd la vie sur le champ de bataille[23].Omourtag, qui succède à Kroum et règne de 814 à 831, conclut une paix avec Byzance lui accordant quelques gains territoriaux, puis s'empare de Belgrade[23]. Il établit également un nouveau système légal[24]. Les Bulgares conquièrent ensuite une partie de la Macédoine, jusque-là byzantine[24]. Ils atteignent, au milieu du neuvième siècle, laMer Adriatique dans l'actuelle Albanie[24].
Au fil des siècles suivants, les populations de langue romane ou grecque (Thraces latinophones ou hellénophones) se slaviseront progressivement aussi, donnant naissance au peuple bulgare actuel. Les patronymes bulgares ont fréquemment une forme slave finissant en…ov,…ev ou parfois…ski, mais les radicaux d'origine hellénique ou romane ne sont pas rares (Angel-ov, Kaloiorg-ov, Frat-ski…)[25].
Dans les années 860,Cyrille et Méthode, deux moines deSalonique, adaptent l'alphabet grec à la langue slave : c'est la naissance de l'alphabet glagolitique[26]. Cinq des élèves deCyrille et Méthode créent ensuite l'alphabet cyrillique pour les besoins des Bulgares. Deux de ces disciples, Clément et Naoum, introduisent la liturgie envieux-slave[27]. Le slavon s'impose progressivement comme langue usuelle, liturgique et officielle. Dans les siècles suivants, les Bulgares resteront en majorité fidèles à lafoi orthodoxe malgré les tentatives du papeInnocent III de les convertir aucatholicisme et malgré l'« hérésie » desBogomiles (prêchée par lepope Bogomil). L'influence byzantine (1018-1185) façonne l'Église orthodoxe tandis que le mouvement Bogomile se propage.
Le premier Empire bulgare devient rapidement une dangereuse menace pour l'Empire byzantin. Il atteint son apogée sousSiméon Ier le Grand, fils de BorisIer, le « Charlemagne bulgare », reconnu commebasileus en 913 parConstantinople[27] et en 926 parRome, qui prend le titre detsar (déformation de César)[27]. Ce royaume multi-ethnique, où cohabitent des Grecs (le long des côtes), desSlavons (majoritaires au long des rivières internes), desAlbanais (dans l'ouest) et des Thraces latinisés connus dans l'histoire sous le nom de « Valaques » (autour des principaux massifs montagneux, des lacs macédoniens et du Danube), s'étend considérablement : de lamer Adriatique à lamer Noire jusqu'auBoudjak, et du nord de la Roumanie actuelle à la Thessalie. Les fastes de la cour bulgare, desboyards, desjoupans et de l'Église contrastent avec le sort misérable desroturiers sous le régime féodal. Les nombreuses guerres, le poids des impôts et le mécontentement populaire affaiblissent le premier Empire bulgare. L'empereur byzantinBasile II en profite pour ramener la frontière byzantine sur le bas-Danube, après plus de trois siècles de reculs. Le royaume occidental bulgare (969-1018) deSamuelIer, avecOhrid pour capitale (siège de la l’Archevêché latinPrima Justiniana), résiste quelques décennies. Puis il disparaît après la défaite de Samuel devantBasile II, leBulgaroctone (tueur deBulgares)[27] qui en 1014 restaure l'autorité impériale dans l'ensemble desBalkans, non sans avoir fait crever les yeux de 14 000 soldats prisonniers, à l'exception d'un sur 100, seulement éborgné pour pouvoir conduire les autres[27].
Les Bogomiles dénonçaient l’inégalité sociale et les guerres, critiquaient le luxe et les mœurs desboyards et des hauts dignitaires de l’église, et incitaient à l’insoumission aux seigneurs et aux lois. Ils formaient une communauté dotée d'une forte organisation hiérarchique et dirigée par des « parfaits » ; c’est parmi ceux-ci que se recrutaient les combattants qui ébranlèrent les fondements de l’Église et de l’État bulgare. Ils furent pourchassés : à la suite d’unconcile de l’Église bulgare àTarnovo en 1211, le tzarBoril (1207-1218) appela à lacroisade contre les musulmans, mais également contre les « hérétiques » bogomiles[31].
La doctrine des Bogomiles se répandit dans l’Empire byzantin, dans les pays yougoslaves et dans les Alpes (« vaudois ») et jusqu'enOccitanie (« cathares » signifiant « purifiés » en grec, surnommés aussi « Bougres » parce que « leur berceau se trouve en Bulgarie » selonÉtienne de Bourbon en 1217). Et ce concile de Tarnovo, en 1211, est contemporain des répressions contre lescathares[31].
Divisés et fragilisés, les Etats successeurs du Second Empire bulgare tombent les uns après les autres aux mains des Ottomans lorsque ceux-ci attaquent la chrétienté[27] : Tãrnovo tombe en 1393[27],[34], Vidin et les seigneuries deMacédoine en 1396[27] et ledespotat de Dobroudja (qui s'était mis sous protectionvalaque en 1394), en 1422. Des croisés hongrois et français tentent de refouler les Ottomans sont vaincus à labataille de Nicopolis en 1396. Quelques décennies plus tard,Ladislas III Jagellon, roi de Pologne devenu également roi de Hongrie, tente lui aussi de contenir les forces de l'Empire Ottoman, mais il est vaincu en 1444 à labataille de Varna[35].
La Bulgarie est partagée entre lesprovinces de l'Empire ottoman du Danube (Ton-ili), d'Otchak-et-Silistrie (Özi-ili), de Macédoine (Selanik-ili) et de Roumélie (Rum-ili) pour plusieurs siècles :Bulgarie ottomane
L'Empire ottoman en 1801.
Parade de l'armée ottomane près deSofia ; les forteresses alentour tirent des coups de canon (gravure allemande, 1788), manière d'affirmer la domination du sultan sur ses sujets, musulmans ou non, et d'inciter les jeunes paysans à s'engager.
Pur sang arabe duharasKabyuks près deChoumen, créé par les Ottomans pour les besoins de l'armée, cet élevage fournissait 1300 chevaux par an.
La Bulgarie ottomane en 1830, partagée entre les pachaliks du Danube (Vidin puisSofia, à l'ouest), d'Özi (Silistra, à l'est), de Macédoine (Salonique, au sud-ouest) et de Thrace (Andrinople, au sud-est).
Comme le reste desBalkans, la Bulgarie subit une longue période dedomination ottomane pendant laquelle lesboyards et lesjoupans bulgares disparaissent comme classe, soit parce qu'ils sont exterminés lors de la conquête, soit parce qu'ils s'exilent dans les principautés danubiennes où ils s'intègrent à la noblesse roumaine, ou encore enRussie où ils rejoignent lesboyards russes. Ils sont de toute façon dépossédés de leurs terres[34], tandis que les populations doivent travailler dans lestimars mis en place par les ottomans (domaines agricoles attribués à des dignitaires musulmans).
Une partie des Bulgares (lesPomaques) passent à l'islam, notamment dans le sud ou sud-ouest[27] : selon leGrand vizirMidhat Pacha, gouverneur desprovinces du Danube (Ton ili), et l'un des pères de la constitution turque de 1876 : « … parmi les Bulgares, il y a plus d'un million de musulmans qui ne sont pas venus de l'Asie pour s'établir en Bulgarie, comme on le croit communément ; ce sont les descendants de ces Bulgares convertis à l'islam à l'époque de la conquête et dans les années qui ont suivi. Ce sont les enfants d'un même pays, d'une même race, venus de la même souche… ».
L'Empire ottoman est une théocratie. Mais, cette théocratie admet des communautés religieuses différentes en son sein, lesmillets[36]. Concernant les différentes communautés orthodoxes, elle les place initialement sous la tutelle religieuse duPatriarcat de Constantinople qui en devient le représentant auprès duSultan. Et ces chrétiens orthodoxes subissent quelques discriminations, sur les taxes payées, sur la taille de leur édifice religieux, etc[36]. Quelques églises sont rasées.
Identifiés par leur religion chrétienne, des rebelles, mi-brigands, mi-résistants, leshaïdouks s'organisent le plus souvent grâce auxmonastères et vivent repliés sur eux-mêmes pour éviter les représailles, mais ils entretiennent le souvenir de la nation bulgare et acquièrent l'aura de combattants de la liberté[37]. La période ottomane permet aussi l'accès à l'indépendance de l'Église Bulgare. Par contre, pendant la période ottomane, en 1870, les religieux orthodoxes bulgares instaurent leur propreexarchat avec le consentement de la « Sublime Porte » ottomane[38] et échappent ainsi à la tutelle dupatriarcat œcuménique de Constantinople dominé par les Grecs. Toutefois le siège de l'exarchat bulgare demeure à Constantinople jusqu'en 1913, dans le quartier de Şişli (Chichli).
Isolés dans leurs montagnes, les monastères deviennent des foyers de résistance culturelle contre l'oppression Ottomane qui se manifeste, sur le plan économique par la lourde domination destimariotes musulmans sur les paysans chrétiens, et sur le plan social-politique par l'application de laloi islamique quidivise les sujets duSultan turc en catégories inégales, imposant aux chrétiens, sujets de seconde zone, une double-imposition - leharatch, et l'enlèvement du garçon premier-né pour être élevé dans l'islam et devenirjanissaire - ledevchirmé ou сакупљање. Le plus connu des révolutionnaires bulgares,Vasil Levski, est pendu à Sofia. D'autres, tels le diplomate et journalisteAlexandre l'Exarque tentent une voie pacifique vers l'indépendance, par une politique d'influence en direction de la « Sublime Porte » d'Istanbul et des grandes puissances.
Lagrande révolte éclate en avril 1876. Vouée à l'échec malgré plus de 30 000 morts, elle provoque une réaction très vive dans toute l'Europe[27] et jusqu'auxÉtats-Unis.
« On massacre un peuple. Où ? En Europe. Ce fait a-t-il des témoins ? Rien qu'un témoin, le monde entier. Les gouvernements l'aperçoivent-ils ? Non ! Aura-t-il une fin, le martyre de ce peuple héroïque ? Il est grand temps que la civilisation l'interdise »
En 1877-1878, laRussie et laRoumanie mènent à bien une nouvelle guerre contre les Turcs qui se termine par la libération de la Bulgarie[27]. Letraité de San Stefano en mars 1878 crée la Grande Bulgarie duDanube à lamer Égée[27],[39], reprenant l'essentiel de la partie européenne de l'empire ottoman[27], et assure à la Russie le libre-accès aux détroits duBosphore et desDardanelles.
La création du grand État slave dePrincipauté de Bulgarie dans lesBalkans et le renforcement de l’influence russe dans la région contrarient les intérêts politico-stratégiques des puissances occidentales. Aussi, face à leurs protestations, le tsarAlexandre II accepte la réunion duCongrès de Berlin en 1878[27]. Ce dernier se clôt par leTraité de Berlin qui supprime la Bulgarie réunifiée du traité de San Stefano et divise en deux la nouvelleprincipauté bulgare[27],[39].
L’autonomie complète n’est ainsi accordée qu’à la Bulgarie septentrionale, s’étendant duDanube jusqu’aumonts Balkans, tandis que la moitié sud, diteRoumélie orientale, est placée sous l’autorité politique et militaire ottomane avec un degré d’autonomie essentiellement culturel[27]. Quant à laMacédoine, elle reste finalementottomane. Ces nouvelles frontières refusent aux Bulgares l’unité que leur avait reconnue le traité de San-Stefano[27]. Le point de départ est ainsi donné à plusieurs conflits régionaux, et à une division qui perdure jusqu’à nos jours entre l’identité « macédonienne » desbulgarophones occidentaux et l’identité « bulgare » desbulgarophones orientaux. Et certaines personnalités de la lutte contre les ottomans, commeGotsé Deltchev, sont restés importants à la fois pour les Macédoniens et pour les Bulgares[40].
En 1879, la Bulgarie se dote de la « constitution de Tãrnovo » instaurant unemonarchieparlementaire modérée où le pouvoir est partagé entre le prince et l’Assemblée nationale. Le même jour, le princeAlexandre de Battenberg est élu souverain de la principauté par l’Assemblée constituante[27]. Ce prince allemand est le neveu du grand-ducLouisIII et de la tsarineMaria Alexandrovna, l'épouse d'AlexandreII[27]. Mais le prince entre rapidement en conflit avec leslibéraux alors au pouvoir et parvient, grâce à uncoup d'État en 1881, à suspendre la constitution et à s’octroyer les pleins pouvoirs. En 1883, il rétablit le régime constitutionnel. En septembre 1885, un soulèvement de laRoumélie orientale permet enfin la réunion des deux entités. En réaction, laSerbie, inquiète de la nouvelle puissance bulgare,tente vainement d’envahir la Bulgarie mais est repoussée[27].
En 1886, les relations entre les gouvernements russe et bulgare sont mauvaises : en Bulgarie, les pro-russes considèrent, non sans quelque raison,Alexandre de Battenberg comme unpangermaniste pro-occidental ennemi dupanslavisme, et l’obligent à abdiquer à l’issue d’unputsch[27]. Une régence est alors mise en place avecStefan Stambolov, qui s'est illustré dans l'insurrection de 1876, comme président. Mais l’année suivante, une assemblée largementrussophobe élitFerdinand de Saxe-Cobourg-Gotha comme prince[27].
Si la Bulgarie entre dans une certaine ère de prospérité, paradoxalement le régime duPremier ministre Stambolof devient, au fur et à mesure du temps, de plus en plus répressif. Le prince Ferdinand parvient à prendre le pouvoir en 1894[27](Srambolof meurt assassiné l'année suivante[27]) et renoue, à partir de cette période, de bonnes relations avec la Russie. Ferdinand doit alors faire face à un autre problème de taille : lesrevendications macédoniennes. Parmi lesrévolutionnaires macédoniens anti-ottomans, appeléskomitadjis et persécutés par les Ottomans, certains revendiquent l’indépendance, d’autres de rattacher leur territoire à la Bulgarie, et des organisations terroristes macédoniennes rivales se développent alors. De toute manière, toutes les actions diplomatiques entreprises par les gouvernements bulgares pour le rattachement, se soldent par des échecs, d’autant qu’elles heurtent aussi les revendications serbes et grecques sur cette région multi-ethnique : c'est la « balkanisation »[41]. Dans les régions restées ottomanes où le peuplementbulgare était majoritaire, des rébellions comme lesrépubliques deStrandja ou deKrouchevo se produisent en 1903, année où Ferdinand inaugure un régime personnel.
Continuant à se moderniser, la Bulgarie acquiert assez de puissance, notammentmilitaire dans les Balkans, pour qu’en septembre 1908 le prince déclare l’indépendance de la Bulgarie[27], profitant de la prise du pouvoir du partiJeunes-Turcs àConstantinople, et s’octroie le titre detsar[27], sans que la communauté internationale s’y oppose cette fois. Durant cette période, les timbres-poste émis sont marquésCTOT.
En 1912, la Bulgarie s'allie avec les Grecs, les Serbes et les Monténégrins pour reprendre laMacédoine à l'Empire ottoman[27] : c'est lapremière guerre balkanique. La Bulgarie porte le plus dur de la guerre contre les Ottomans et remporte plusieurs victoires mais pendant ce temps les Serbes s'emparent de la Macédoine majoritairement bulgarophone[27]. La Serbie faisant la sourde oreille aux revendications bulgares, la Bulgarie tente de lui reprendre la Macédoine par la force : c'est la2e guerre des Balkans[27]. La Roumanie (neutre jusque-là) et la Grèce volent au secours de la Serbie. Constatant les difficultés de Sofia dans la guerre, l'Empire ottoman intervient dans le but de récupérer certains de ses territoires européens perdus, et notamment la région deThrace orientale. Face à la pression de toute part, et à l'avancée des armées coalisées, la Bulgarie capitule.
La Paix de Bucarest partage laMacédoine entre laSerbie et laGrèce et donne à laRoumanie laDobroudja du Sud bulgare, donc la totalité de laDobroudja[42]. La Bulgarie gagne toutefois un nouveau débouché maritime sur lamer Égée[42]. Ce nouveau partage de la paix de Bucarest a lieu le : la Bulgarie y perd une grande partie de ses conquêtes et de ses acquis de lapremière guerre balkanique qui sont partagés entre les vainqueurs. Pour l'opinion bulgare, il s'agit d'une trahison qui par la suite amènera la Bulgarie à s'allier aux ennemis des Serbes, des Roumains et des Grecs. C'est aussi dans ce drame que s'enracine l'« histoire militante » parfois délirante qui essaie par tous les moyens de séparer le passé bulgare de celui de ses voisins, alors qu'il s'agit en grande partie d'une histoire commune. C'est pourquoi,un an plus tard, dans lapremière Guerre mondiale la Bulgarie s'allie avec l'Empire allemand, l'Autriche-Hongrie et l'Empire ottoman[43], recevant d'eux laMacédoine, le nord de la Grèce à l'est deSalonique, laDobroudja du Sud perdue en 1913 et aussi une partie de laDobroudja du Nord roumaine. Mais ces rattachements ne sont pas internationalement reconnus, et en 1918 la Bulgarie, se trouvant dans le camp des vaincus, doit signer en 1919 letraité de Neuilly[27] qui lui fait perdre tous ces territoires, y compris l'accès à la mer Égée[44], lui impose une lourde dette[44], et lui supprime le droit à avoir une aviation. Ferdinand abdique en faveur de son filsBoris III[27].
Pendant l'entre-deux-guerres et en prenant exemple sur l'Allemagne nazie, le tsarBoris III contourne une à une les clauses du Traité de Neuilly, de façon indirecte tout d'abord, puis ouvertement à partir desannées 1930. C'est ainsi qu'il parvient à fonder à nouveau uneArmée de l'Air dès 1935. Dans le même temps, il soumet la Bulgarie à un régime fortement autoritaire et tolère le mouvement ultra-nationaliste et antisémite desBranniks. Prudente toutefois, la Bulgarie signe l'accord de Salonique avec les pays de laLigue balkanique, visant à limiter les armements de chaque État impliqué, et en profite pour se moderniser et reconstituer ses voies de communications ferroviaires et routières, financées majoritairement par un emprunt auprès d'établissements bancaires français.
La Bulgarie continue néanmoins à renforcer son armée à la fin des années 1930. Ainsi, elle se procure une grande quantité de matériel de guerre auprès de l'Italie, de laFrance et surtout de l'Allemagne nazie qui, soucieuse de trouver au moins un allié dans les Balkans, vend en quantité et à des prix cassés une partie de l'armement pris par laWehrmacht à laTchécoslovaquie et à laPologne en 1939. L'aide allemande se renforce durant laSeconde Guerre mondiale, notamment par de nouvelles ventes de matériel de guerre, mais aussi par un entrainement de l'Armée bulgare par des instructeurs allemands (en Bulgarie même, en Allemagne, mais également en France occupée). Le 7 septembre 1940, l'Allemagne fait pression sur la Roumanie pour que cette dernière rende laDobroudja du Sud à la Bulgarie par lesaccords de Craiova[45].
Le partage de la Grèce entre Allemands, Italiens et Bulgares (en vert) entre 1941 et 1944.
Cette aide allemande incite la Bulgarie se rejoindre l'Axe en 1941 : le tsar Boris III adhère aupacte tripartite[27],[45]. La Bulgarie entre en guerre aux côtés de l'Allemagne contre la Yougoslavie et la Grèce (opération Marita), ce qui lui permet de récupérer également la Macédoine et son débouché sur la mer Égée. Prudent toujours, le tsarBoris III refuse cependant de déclarer la guerre à la Grande-Bretagne et s'abstient de toute provocation à l'égard des occidentaux (au point qu'il demande le rapatriement des pilotes bulgares entraînés surStuka par les Allemands lorsqu'il apprend que l'unité d'entraînement risque d'être engagée contre le trafic maritime britannique en Méditerranée). De même, lors d'une entrevue avecAdolf Hitler, le Tsar bulgare lui refuse toute participation à laguerre contre l'URSS en indiquant que les Bulgares, très largement russophiles, ne peuvent pas prendre les armes contre ceux qui les ont libérés de la domination ottomane[45]. Face aux pressions duJudenberater, le SSTheodor Dannecker, Boris IIIrefuse de livrer aux nazis les Juifs citoyens bulgares, mais accepte de leur livrer les Juifs de laMacédoine du Vardar et deMacédoine-Orientale-et-Thrace (auparavant yougoslaves et grecs, mais devenus apatrides), déportés et tués aucentre d'extermination de Treblinka (voirShoah en Bulgarie(bg), 1939-1944).
À la suite de plusieurstorpillages de navires bulgares en Méditerranée, Boris III finit néanmoins par déclarer la guerre à la Grande-Bretagne et aux États-Unis d'Amérique le 13 décembre 1941, une position qui lui semblait surtout symbolique[45], tout en continuant à préserver sa neutralité envers l'URSS. La Bulgarie commence à subir les premières attaques alliées au cours de la fin 1942, sous forme de raids aériens. Les Alliés traversent la Bulgarie au retour desbombardements sur les champs pétrolifères roumains dePloiești, tout en y lâchant quelques bombes non-larguées en Roumanie. Ne pouvant faire face aux bombardiers occidentaux avec leurs quelques appareils, les Bulgares reçoivent de l'Allemagne la livraison de chasseurs françaisDewoitine D.520 capturés puis, enfin, d'appareils dernier cri d'origine allemande.
À la suite du décès du tsar Boris III le 28 août 1943, et de la période de questionnement politique dans le pays autour de la minorité du nouveau tsar,Siméon II (qui n'a que 6 ans en août 1943), les alliés tentent de faire pression sur les dirigeants bulgares en bombardant directement la Bulgarie. Les combats aériens entre les bombardiers alliés et leurs escortes, et les forces aériennes bulgares ne cessent que le 26 août 1944. On estime que ces bombardements sur le sol bulgare ont fait 1 828 morts et 2 370 blessés.
Malgré une position de neutralité préservée durant toute la guerre vis-à-vis de l'Union soviétique, l'Armée rouge traverse la frontière bulgare le 4 septembre 1944 puis déclare la guerre à la Bulgarie le lendemain. C'est la « guerre d'un jour », car le 9 septembre 1944, uneinsurrection menée par la coalition du « Front de la Patrie » (Parti communiste bulgare etZveno) renverse le gouvernement, demande l'armistice auxAlliés et, sans attendre la réponse, déclare la guerre à l'Axe. L'armistice est accordé le 7 septembre 1944. Une violenteépuration fait 16 000 morts estimés, pour la plupart exécutés sommairement et sans procès, car seules 2 500 personnes sont jugées, de manière très expéditive et sans avocats, pour faits de « collaboration avec les fascistes ». Les trois régents, le général Nikola Mihov, l'archéologue pro-allemand Bogdan Filov, et le prince Cyrille, nommés le 28 août 1943 compte tenu de l'âge deSiméon II et déposés en septembre 1944, sont exécutés le1er février 1945[46],[47]. La Bulgarie envoie son armée et surtout ses forces aériennes combattre aux côtés des forces soviétiques et roumaines, bien que son potentiel militaire soit gravement affecté par les purges politiques dans les rangs des gradés. Les combats du côté allié contre laHongrie et l'Allemagne feront environ 30 000 victimes dans les rangs bulgares.
Le régime pro-soviétique se durcit dans la dernière année de la guerre et dans l'immédiat après-guerre, s'en prenant non seulement aux partisans de la monarchie, mais à tout opposant réel ou potentiel. En septembre 1946, il organise un référendum aux résultats connus d'avance pour donner à l'abolition de la monarchie l'apparence d'une révolution populaire. La famille royale Battemberg fuit alors le pays et larépublique populaire de Bulgarie est proclamée.
Mais la coalition au pouvoir se fissure durant l'année 1946 lorsque le Zveno quitte le gouvernement en signe de protestation à l'encontre des cruautésstaliniennes. La monarchie et le Zveno écartés, plus rien n'empêche leParti communiste bulgare d'instaurer une prétendue « démocratie populaire »,dictature communiste jusqu'en 1990.
Attribuée à lazone d'influence soviétique lors de laQuatrième conférence de Moscou confirmée parcelle de Yalta, la Bulgarie entre de plain-pied dans le « bloc de l'Est » dès 1947[48]. LaQuatrième conférence de Moscou faisait suite à l'échec de l'offensive britannique en Égée (désapprouvée par lesÉtats-Unis), qui avait mis fin aux espoirs de Churchill de débarquer un jour dans lesBalkans pour y établir ou rétablir des régimes libéraux-démocratiques pro-occidentaux. Cet échec oblige les Britanniques, dès 1943 à laconférence de Téhéran, à renoncer à toute prétention sur l'Europe du Sud-Est, mais Churchill espérait obtenir de Staline en échange la garantie de conserver la Grèce dans la zone d'influence britannique, en dépit de sapuissante résistance communiste. Pour obtenir cela, les Britanniques ont du faire des compromis en acceptant le principe d'un partage de l'Europe en zones d'influence entre les Alliés occidentaux et l'URSS[49],[50].
Si l’on exclut le bref épisode où, en 1948, la Bulgarie semble tentée par un rapprochement avec laYougoslavie dissidente deTito, rapidement stoppé parStaline, le nouveau régime devient rapidement le « bon élève du communisme », à tel point queTodor Jivkov avait même envisagé en 1968, d'en faire unerépublique socialiste soviétique, membre de l'URSS, sa demande d'adhésion ayant été rejetée à l'époque parLéonid Brejnev. Moscou a une telle confiance dans le régime deSofia qu’il n’entretient aucune troupe sur le sol de la Bulgarie, tout en lui livrant sonpétrole à des tarifs préférentiels en échange de produits agricoles et de l’industrie légère. Uneblague populaire de ce temps affirme que « la Bulgarie est le pays le plus neutre du monde, car elle ne s'occupe même pas de ses affaires intérieures »[51],[52]. Lastalinisation de la société est totale, avec la construction decombinats industriels géants etcollectivisation forcée des terres formant desKolkhozes. Legoulag bulgare se développe également, pour atteindre le nombre de quarante-cinq camps detravaux forcés (camps deBelene, deSkravena(bg), deBogdanovdol(bg), deLovetch…).
Timbre soviétique commémorant la fraternité entre la Bulgarie et l'URSS.
Dans les années 1980, le régime mène une politique de« bulgarisation » forcée des minoritésmusulmanes appelé « Processus de régénération » : le problème ne trouve son règlement définitif qu’avec lachute du régime communiste, l’ouverture durideau de fer séparant le pays de ses voisins méridionaux et l’autorisation, au début de 1990, d’un parti turcophone appeléMouvement pour les droits et les libertés, dirigés parAhmed Dogan. Les relations avec les Turcs se sont normalisées depuis, et les nouvelles autorités bulgares ont montré la voie en refusant catégoriquement toute tentative de ségrégation entre populations chrétiennes et musulmanes, voire en redonnant à des localités bulgares où vit laminorité turque, leurs noms turcs de la période ottomane, comme dans les cas deToplitsa renommée Hissarya ou de Blatnitsa renomméeDourankoulak.
Les premières remises en question de l’économie socialiste en Bulgarie et de son alignement sur l’Union soviétique apparaissent en 1984 lorsque le « grand frère soviétique » se met à appliquer les tarifs internationaux à ses exportations de pétrole. Ce fait, conjugué à une forte sécheresse qui a pour résultat de faire baisser le niveau des cours d’eau alimentant les barrages hydroélectriques, suscitent un fort mécontentement populaire. L’arrivée au pouvoir à Moscou deGorbatchev et sa volonté de ne plus soutenir les dirigeants communistes des pays de l’est obligentJivkov à tenter, dans un premier temps, de s’adapter à la nouvelle ligne politique de Moscou en adoptant sa propreperestroïka, lePreustrojstvo. Dès janvier 1988, l’économie privée à petite échelle est autorisée en Bulgarie, mais sans la libéralisation politique du régime souhaitée depuis si longtemps par la population. Comme dans les autrespays communistes, lagestion environnementale est désastreuse et une grave pollution auchlore dans la région deRuse, provenant d'une usine roumaine deGiurgiu, est à l'origine de manifestations populaires qui débouchent sur la formation de groupes dissidents comme leclub pour le soutien de la perestroïka et de la glasnost puis, en 1989,Podkrepa etEkoglasnost. Le lendemain de lachute du mur de Berlin, le 10 novembre 1989, ces mouvements de protestation entraînent la chute de Jivkov et l’unification de tous les groupes dissidents et libéraux au sein du SDS (Union des forces démocratiques) tandis qu’un grand enthousiasme s’empare du pays.
Les drapeaux de l'OTAN, de la Bulgarie, et de l'Union européenne, côte à côte devant le Club militaire de Plovdiv, en Bulgarie : symbole d'une adhésion multiple aux alliances européennes.
L'intégration de la Bulgarie au monde démocratique a été plus longue que pour d'autres pays dupacte de Varsovie. Après une forte instabilité gouvernementale, due à l'instauration d'un régime parlementaire fort par la nouvelle constitution (sept gouvernements se sont succédé en sept ans entre 1991 et 1997), une coalition de droite, dominée par leSDS, arrive au pouvoir en 1997. Ces années de transition apportent l'expérience de l'alternance politique mais surtout l'enracinement croissant de l'État de droit, malgré des lacunes importantes, essentiellement dues à lacorruption.
En décembre 2000, la levée de l'obligation devisa pour les Bulgares souhaitant voyager dans les pays de l'Union européenne représente un premier pas concret vers son intégration. La crise duKosovo, au cours de laquelle la Bulgarie joue un grand rôle dans l'accueil et le transit des troupes de l'OTAN, marque un tournant dans les relations politiques entre les alliés occidentaux etSofia, même si l'opinion bulgare est naturellement portée à une certaine solidarité avec lesSerbes slaves etorthodoxes.
La stabilisation économique et politique du pays est désormais incontestable. LaBulgarie rejoint l'OTAN en 2004 et l'Union européenne en janvier 2007. Son intégration dans lazone euro, initialement prévue pour 2009, interviendra finalement le 1er janvier 2026.
Le 23 juillet 2008, laCommission européenne rend public son troisième rapport sur l'évolution de la démocratie en Bulgarie, dans le cadre du Mécanisme de coopération et de vérification qui vise à évaluer les progrès de nouveaux membres de l'Union européenne. Celui-ci révèle l'ampleur de la corruption qui sévit au sein des institutions bulgares et l'absence d'efforts pour y remédier. La Commission décide en conséquence de suspendre des aides financières d'une valeur de 800 millions d'euros tant que la Bulgarie n'aura pas pris de mesures anti-corruption[53],[54].
Cour intérieure de la mosquée de Tombul àChoumen. Construite entre 1740 et 1744, c'est aujourd'hui la plus grande mosquée de Bulgarie
En 1925, la Bulgarie signe avec la jeuneRépublique turque, un traité d'amitié, favorisant la liberté d'émigration entre les deux pays, et réaffirmant les droits des minorités tels qu'ils avaient été établis par leTraité de Neuilly en 1919.
En 1940, lorsque la Bulgarie récupère laDobroudja du Sud, la minorité turque augmente de 30 %, car la plupart des habitants de cette région sont turcs. Après laSeconde Guerre mondiale, la Bulgarie entre dans la sphère d'influence de l'URSS et devient elle-même un pays communiste en 1946, ce qui amène, avec l'instauration de la dictature totalitaire, des restrictions de circulation, sauf pour les Juifs, à partir de 1949, vers le nouvel État d'Israël, et pour 150 000 Turcs vers laTurquie en 1950. En 1968, un nouveau contingent de 100 000 Turcs est autorisé à s'installer en Turquie. Le PC bulgare, renforcé dans son opinion par l'intervention turque à Chypre en 1974, accuse les Turcs de Bulgarie d'être« perméables à la propagande de la Turquie » et de constituer« une cinquième colonne dans le tissu social du pays ».
Dans lesannées 1980, la Bulgarie entreprend une vaste campagne debulgarisation à outrance des populations turcophones, qui sont au nombre de 900 000 sur une population de près de 9 millions. Ces populations se considèrent elles-mêmes, comme authentiquement turques, de culture turque et de religion musulmane. 300 000 autres personnes, ditesPomaks sont considérées comme bulgaro-musulmanes.
Le pouvoir leur donne de fait à choisir entre une assimilation forcée et le départ. Cette politique débute vers la fin de l'année 1984 sur le principe :« L'État-nation bulgare ne comprend pas d'autre peuple que les Bulgares », mais en fait elle avait débuté dès la fin de la guerre. Une série de réformes sont entreprises : bulgarisation des noms turcs, interdiction de parler turc, interdiction de la circoncision, interdiction des mariages selon la tradition turque, instauration du vendredi comme jour unique d'ouverture des mosquées, assouplissement des règles d'obtention du passeport. Plus de 250 000 personnes profitèrent de l'ouverture des frontières pour émigrer vers la Turquie.
Des manifestations de protestation sont durement réprimées et font plus de 100 morts dans l'ensemble du pays. La domination communiste s'acheve en 1990, quand ont lieu les premières élections multipartites.
2000 av. J.-C. : LesThraces s’établissent sur le littoral de la mer Noir (Pont-Euxin)
700 av. J.-C. : Les Grecs établissent des comptoirs à Messembria (Nessebar), Appolonia (Sozopol), Anhialo (Pomorie), Odessos (Varna). Arrivée desCimmériens dans les Balkans où ils se mêlent aux Thraces pour former les Thraco-Cimmériens.
110 av. J.-C. : La Thrace subit la double influence romaine (au nord) et hellénistique (au sud)
98-117 : L’empereurTrajan combat lesGoths et lesDaces, fondeTarnovo et installe des garnisons le long duDanube – Durostorum (Silistra), Novae (Svichtov). Le fleuve devient une importante voie commerciale et une route importante reliant lamer Noire auRhin passe par Serdica (Sofia)
1400-1870 : pendant la longue période ottomane, il n’y a plus d’aristocratie bulgare, mais l’église orthodoxe bulgare (métropoles d’Ochrid, Vidin, Plovdiv, Tarnovo...) maintient la culture, la langue et le sentiment d’appartenance bulgare ; deshaïdouks résistent contre les abus ottomans
1870 : Début du mouvement derenaissance bulgare, sous l'influence du moinePaissii du monastère d’Hilendar (auMont Athos) qui écrit sa fameuse « Histoire slavo-bulgare ». L’Église bulgare devient autocéphale
1876 : La révolte d’avril pour la libération des Bulgares est sévèrement réprimée par les autorités turques, mais pour la première fois l’opinion internationale s’indigne des pratiques de l’Empire ottoman
1877-1878 : guerre russo-turque pour la libération de la Bulgarie, à laquelle participe laRoumanie et un grand nombre de volontaires bulgares
13 juillet 1878 : autraité de Berlin, les puissances occidentales s’opposent aux accords de San Stefano et instituent uneprincipauté de Bulgarie et laRoumélie orientale séparées et vassales de l’Empire ottoman. LaMacédoine et une importante partie des terres du sud de la Thrace restent provinces ottomanes
16 avril 1879 : La constitution deTarnovo est adoptée par l’Assemblée générale nationale
26 juin 1879 :Alexandre de Battenberg devient prince de Bulgarie et fait deSofia la capitale du nouvel État bulgare
6 septembre 1885 : unification de la principauté de Bulgarie et de laRoumélie orientale, toujours vassales ottomanes mais formant désormais un seul état
22 septembre 1908 : Le roiFerdinandIer proclame l’indépendance totale de la Bulgarie, qui devient leRoyaume de Bulgarie, et la fin de la tutelle ottomane
1913 : en raison de la controverse portant sur la Macédoine,deuxième guerre balkanique contre les anciens alliés : laSerbie, leMonténégro et laGrèce, auxquels se joignent l’Empire ottoman et laRoumanie (soit tous les États voisins en même temps). La Bulgarie obtient une partie de la Thrace avec accès à laMer Égée, mais n’obtient pas la Macédoine et perd la Dobroudja du sud au profit de la Roumanie
1918 : à la fin de laPremière Guerre mondiale, la Bulgarie doit renoncer non seulement à la Macédoine et à la Dobroudja, mais aussi à son accès à l'Égée et à plusieurs villes de sa frontière occidentale, commeStrumica (Stroumitsa)
1923 à 1924 : à plusieurs reprises, des gouvernements démocratiquement élus son renversés par des coups d’État qui placent au pouvoir des régimes autoritaires
1941 : pour les mêmes raisons qu'en 1915, la Bulgarie entre dans laSeconde Guerre mondiale aux côtés des forces de l’Axe. Le roiBoris III, comme le dictateur roumainAntonescu, refuse de livrer ses sujetsjuifs auTroisième Reich, pour mettre lui-même en place sa propre « solution à la question juive » (Shoah en Bulgarie(bg)) : mais à la différence du voisin roumain, Boris ne persécute pas les Juifs citoyens de son pays, et seuls lesjuifs grecs du territoireoccupé par la Bulgarie en Grèce furent livrés aux Allemands
1943 : Boris III meurt le 28 août : son filsSiméon II, âgé de six ans, lui succède et son frère le princeCyrille assure larégence
1944 : en septembre, le lendemain de l'entrée de l’Armée rouge en Bulgarie, le royaume quitte l’Axe, se retire de Macédoine et de la Thrace grecque, et rejoint les Alliés
1946 : en février, arrestation du dirigeant démocrate Pastuhov. Début septembre, les Bulgares choisissent par référendum un régime républicain (92,7 % des suffrages). Le jeune roiSiméon part en exil. Mi-septembre, l’Assemblée élit, comme Président de la République, à titre provisoire, le communisteVassil Kolarov. Lerégime communiste est proclamé. LeFront de la Patrie qui dirige le pays est purgé deux ans plus tard par leparti communiste de ses éléments « bourgeois » et s’aligne totalement sur l’Union soviétique (dictature du parti communiste, plans quinquennaux,collectivisation, adhésion au « camp socialiste »)
1946 : début juin 1947,Nikola Petkov(bg), chef de l’opposition, est arrêté, condamné à mort le 16 août, et pendu le 23 septembre. En décembre, une nouvelle constitution, sur le modèle stalinien, est promulguée, et tout le pouvoir revient entre les mains du « Parti ouvrier bulgare » qui deviendra officiellement « Parti communiste » un an plus tard. Mi-décembre 1947 : l’Armée rouge évacue la Bulgarie
19 avril 1997 : l’Union des forces démocratiques remporte les élections législatives. Un nouveau gouvernement est constitué sous la direction d’Ivan Kostov, Premier ministre. Début de profondes réformes démocratiques
↑Marija Gimbutas,The Goddesses and Gods of Old Europe: 6500 to 3500 BCE: Myths and Cult Images (2nd ed.). Berkeley 1974: University of California Press.p. 17
↑VladislavPopovic, « Aux origines de la slavisation des Balkans : la constitution des premières sklavinies macédoniennes vers la fin duVIe siècle »,Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,vol. 124,no 1,,p. 230-257(lire en ligne)
↑Походът на император Константин Погонат срещу прабългарите през 680 г. и битката при Онгъла (« La marche de l'empereur Constantin Pogonatos contre les proto-bulgares en 680 et la bataille d'Ongal ») et Великите битки и борбите на българите през средновековието (« Batailles et combats des Bulgares au Moyen Âge »), éd. Световна библиотека (« Bibliothèque lumineuse ») EOOD, Sofia 2006.
↑En raison de la « rétroprojectionnationaliste » (expression du Pr. Jean Ravenstein de l'Université d'Aix-Marseille en France) des nations et des thématiques modernes dans l'histoire ancienne, la composante turcophone des Proto-Bulgares a commencé à être niée à l'époque communiste, en raison des oppositions avec la Turquie « impérialiste » voisine et de la présence de minorités turques en Bulgarie ; il en fut de même pour la romanisation et l'hellénisation des Thraces avant l'arrivée des Slaves, en raison des oppositions avec la Roumanie au nord et la Grèce au sud : il se développa alors une histoire officielleprotochroniste admettant uniquement des composantes culturelles iranienne (l'Iran est loin), thraces (les Thraces ont disparu) et slaves (l'URSS n'ayant aucune controverse avec la Bulgarie, bien au contraire). Après la chute du communisme, leprotochronisme a perduré et s'est même renforcé (pas seulement en Bulgarie). Les nations balkaniques s'opposent leurs histoires respectives, dès le début duXXe siècle, comme argumentaires de leurs revendications territoriales, voirPredrag Matvejević, « Des Balkans », in :Cahiers balkaniquesno 36-37, 2008, 1-11, DOI :[1]).
↑The Bulgarians, éd. Atlas, Sofia 2001 : en réalité, le Pamir est resté en grande majorité de langue iranienne : letadjik, mais personne ne s'y définit comme « bulgare » et aucun terme lié à ce mot ne figure dans les sources.
↑C'est aussi ce que revendiquent les Juifs et les Arabes traditionalistes
↑Vladislav Popović,« La descente des Koutrigours, des Slaves et des Avars vers la mer Égée : le témoignage de l'archéologie », dansComptes-rendus des séances de l'Académie des inscriptions et belles-lettres,vol. 12,(lire en ligne),p. 596-648
↑Opposition d’un Dieu mauvais et maître du monde terrestre, et d’un Dieu bon dont l’avènement était annoncé. Revendiquant un statut de véritables disciples duChrist, les bogomiles croyaient au dualisme selon lequelLucifer etJésus s’opposent radicalement et rejetaient leculte des saints et de laVierge. Ils se déclaraient également contre lahiérarchie ecclésiastique, les églises et lesicônes et ne reconnaissaient que l’Évangile.
↑a etbJean Meyendorff,« Les Eglises bulgares : Ohrid et Trnovo », dans Jean Meyendorff et Aristeides Papadakis,L'Orient chrétien et l'essor de la papauté: l'Eglise de 1071 à 1453, Éditions du Cerf,,p. 291-301
↑ab etcAmber Bousoglou, « Le centième anniversaire du traité de San-Stefano est fêté avec éclat »,Le Monde,(lire en ligne)
↑« Pourquoi la Bulgarie ne veut pas que la Macédoine du Nord rejoigne l’Union européenne »,Le Monde,(lire en ligne)
↑Le mot « balkanisation » apparaît pour la première fois en septembre 1918, dans une interview deWalther Rathenau publiée par leNew York Times, puis entre dans le vocabulaire politique après l’adoption des traités européens consécutifs à laPremière Guerre mondiale
↑Pascal Boniface,Le grand livre de la géopolitique : les relations internationales depuis 1945 - Défis, conflits, tendances, problématiques, ed. Eyrolles,
↑Tous lesÉtats communistes avaient ce genre de blagues, mais les diffuser pouvait être dangereux : « Quelle est la différence entre une bonne et une mauvaise blague ? Cinq ans de camp ! »
DimitrinaAslanian,Histoire de la Bulgarie : de l'Antiquité à nos jours, Versailles, Trimontium,,2eéd., 510 p.(ISBN2-9519946-1-3), 126 illustrations couleur