Movatterモバイル変換


[0]ホーム

URL:


Aller au contenu
Wikipédial'encyclopédie libre
Rechercher

Histoire de l'Empire byzantin

Cliquez ici pour écouter une version audio de cet article.
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Wikipédia:Articles de qualité

Vous lisez un « article de qualité » labellisé en 2011.

Aigle bicéphale byzantine préservée aumont Athos.

L’histoire de l’Empire byzantin s’étend duIVe siècle à 1453. Héritier de l’Empire romain, l’Empire romain d’Orient puise ses origines dans la fondation même deRome : il est nommé « Empire byzantin » seulement en1557 parJérôme Wolf[1].Et, à partir de1857, l’appellation « byzantin » se diffuse largement, par l’historienGeorge Finlay[2].Auparavant, les appellations courantes pour l’Empire romain d’Orient et ses états-successeurs sont, en Occident, « Romanie » ou « Bas-Empire »[3], et en OrientRûm-eli ou « Roumélie » (pays des Romains)[4]. Ces noms proviennent de l’auto-désignation Ῥωμανία -Romania de l’Empire romain d’Orient et ont aussi donné « Romées » et « Roumis ». Parmétonymie, « Romanie » a désigné les territoires pris à l’Empire romain d’Orient par lescroisés duXIIIe siècle, comme l’Empire latin de Constantinople, leroyaume de Thessalonique ou laprincipauté d'Achaïe (voir lesAssises de Romanie)[5]. Le caractère prédominant de l’histoire byzantine est l’exceptionnelle longévité de cet empire, pourtant confronté à d’innombrables défis tout au long de son existence, comme en témoigne le grand nombre desièges subis par sa capitale,Constantinople.

La création de Constantinople parConstantin en 330 peut constituer un premier point de départ à l’histoire de l’Empire byzantin, tandis que la division définitive de l’Empire romain en 395 constitue le second point de départ. L’emplacement deConstantinople au carrefour entre l’Orient et l’Occident et aux extrémités occidentales des routesde la soie, del’encens, des épices, des gemmes et de l’ivoire a largement contribué à la grande prospérité de l’Empire byzantin. Son prestige politique, militaire et culturel en a fait un empire respecté, modèle desÉtats dits « grecs » et de l'Italie byzantine, mais aussi très convoité et pour finir,dénigré après laséparation des Églises d'Orient et d'Occident.

Animation de l'évolution territoriale de l'Empire byzantin durant son histoire.

Le grand nombre de sources historiques byzantines permet d’avoir un aperçu assez complet et détaillé de l’histoire byzantine, bien que l’impartialité des historiens soit variable, qu’ils fussent proches du pouvoir impérial, ou qu’ils lui fussent hostiles.

Héritier de la Rome antique, l’Empire byzantin développe rapidement des caractéristiques propres.Georg Ostrogorsky décrit l’Empire byzantin comme« la synthèse de la culture hellénistique et de lareligion chrétienne avec la forme romaine de l’État ». Cette évolution progressive d’un Empire romain vers un empire plus spécifique s'est faite au cours duVIIe siècle après que l’empire eut, avec des fortunes diverses, essayé de restaurer l’universalité de l’Empire romain, à l’image de l’œuvre deJustinien Ier.

Lesconquêtes arabes de laSyrie, de l’Égypte et de l’Afrique du Nord associées aux pénétrationsslaves etbulgares dans lesBalkans, etlombardes enItalie contraignirent l’Empire byzantin à se refonder sur de nouvelles bases. L’historiographie moderne retient parfois cette transition comme le passage de la forme « protobyzantine » (ou « paléobyzantine ») à une forme « mésobyzantine ». Cette dernière se prolonge jusqu’en 1204 et fut caractérisée dans un premier temps par lapériode iconoclaste qui voit s’affronter partisans et adversaires desimages religieuses jusqu’au milieu duIXe siècle. Ce conflit interne a empêché l’empire de mener une politique extérieure offensive, mais les empereurs sont tout de même parvenus à défendre Constantinople contre les périls extérieurs, notamment arabes.

Le succès desiconodoules et l’établissement de ladynastie macédonienne en 867 ont fait entrer l’Empire byzantin dans une nouvelle période glorieuse, tant sur le plan culturel que territorial. Cette œuvre est parvenue à son apogée lorsqueBasile IIa reconquis lesBalkans en vainquant lesBulgares et a laissé l’empire plus étendu qu’il n’était au temps d’Héraclius. Toutefois, après la mort de Basile II en 1025, les conflits entre lesnoblesses civiles et militaires couplés à l’apparition de nouvelles menaces externes conduisirent l’empire au bord de la ruine. Ladéfaite de Mantzikert contre lesSeldjoukides en 1071 eut pour conséquence la perte de l’intérieur de l’Anatolie et l’arrivée au pouvoir desComnène en 1081. Ces derniers réussirent à rétablir la puissance byzantine sans pour autant récupérer l’ensemble des territoires perdus, tandis que l’hostilité entre« Grecs » et « Latins » s’accrut progressivement au fil desCroisades. Ces tensions aboutirent à laprise de Constantinople par laquatrième croisade en 1204 et à la division de l’empire entre territoires « latins » et « grecs ».

Si l’empire de Nicée parvint à reprendre Constantinople en 1261 et à rétablir l’Empire byzantin, lesPaléologues ne purent faire face aux nombreux défis qu’ils rencontrèrent. Ruiné économiquement par les républiques italiennes deVenise etGênes, affaibli intérieurement par une aristocratie toute puissante mais incapable de faire face à la pressionottomane, l’Empire byzantin finit partomber en 1453 après un siècle et demi d’une lente agonie. Toutefois, ce déclin fut marqué par un profond renouveau culturel qui permit à l’influence byzantine de rayonner partout enEurope alors même que son territoire s’amenuisait irrémédiablement.

Émergence d’un empire

[modifier |modifier le code]
Articles détaillés :Grèce romaine etAchaïe (province romaine).
L'Empire romain à son apogée sousTrajan.

Rome fut d'abordgouvernée par desroisétrusques qui dominèrent l'Italie centrale avant l'instauration de laRépublique romaine en. À cette période de domination étrusque succéda une époque pendant laquelle une douzaine de communautés urbaines duLatium vécurent de nombreuses années sur un pied d'égalité. Après une guerre indécise entre Rome et laLigue latine (une coalition de ces communautés urbaines), cette égalité fut reconnue par letraité conclu entre Rome et ses voisins aux environs de Ce traité conférait toutefois implicitement un statut privilégié à Rome dont le port,Ostie, commença à jouer le rôle de base navale et commerciale auIIIe, puis auIIe siècle av. J.-C. L'expansion de l'influence romaine à l'Italie centrale et méridionale allait bientôt créer des heurts avec les colonies grecques établies dans le sud de l'Italie et avecCarthage, déjà installée enSicile[6]. L'annexion de laSicile au début duIIe et l'obligation faite à celle-ci d'envoyer des céréales àRome devait marquer la naissance d'unepolitique colonisatrice permettant à l'Empire romain de profiter de la richesse de ses conquêtes. Ce fut en même temps le début desguerres avec Carthage qui devaient se terminer par l'établissement de Rome en Afrique (victoire deZama en[7]) et la destruction de Carthage en

Ladeuxième guerre punique terminée, Rome déclara la guerre à laMacédoine, alliée de Carthage. C'est ainsi queTitus Flamininus devint le premier général à mener des armées romaines en Grèce et à y créer une sorte de protectorat ()[8]. Au nord de l'Italie, lapax romana s'étendit bientôt au sud de laGaule constituée en province en, puis à la région duPont enAsie mineure où le généralPompée vainquit le roiMithridate VI ( /av. J.-C.), qui avait tenté d'envahir la Grèce et la Macédoine. De là, Pompée annexa ce qui restait de l'Empire séleucide en Syrie[9] ainsi que la côte est de la Méditerranée. SiJules César s'intéressa à la Méditerranée après avoir vaincu lesGaulois, ce fut essentiellement en raison des difficultés qui l'opposèrent à Pompée et à la nécessité d'assurer le ravitaillement enblé de Rome. Son successeur,Octave, mieux connu sous le nom de César Auguste, compléta l'œuvre de son père adoptif et transforma la Méditerranée en un véritable « lac romain ». Ses armées conquirent, à l'ouest lapéninsule Ibérique, au nord laSuisse, laBavière, l'Autriche et laSlovénie d'aujourd'hui, à l'est l'Albanie, laCroatie, laHongrie et laSerbie, et étendirent au sud les frontières de laprovince d'Afrique. En, l'Anatolie fut transformée en province romaine, alors qu'à la mort du roiHérode le Grand en l'an, laJudée fut annexée à laprovince de Syrie. Par la suite,Trajan, le premier empereur à ne pas être né en Italie, étendit ces frontières au-delà de la Méditerranée, vers l'Europe de l'Est et laMésopotamie, ouvrant ainsi l'accès aux ports de lamer Noire[10].

Peu à peu cependant, les conséquences de cet élargissement se firent sentir. SousMarc Aurèle, lesMarcomans vivant près duDanube se mirent à traverser la frontière (vers 166-167) sous la pression d'autres populations venant de l'Est[11]. Avec les années, cette pression ne fit que s'accroître. De plus, la plupart des empereurs qui se succédèrent auxIIe et IIIe siècles naquirent loin de Rome ; plusieurs d'entre eux, commeDecius (249-251) enIllyrie et enPannonie, alors queValérien (253-260) s'installa àAntioche[12]. Rome ayant peu à peu perdu son caractère de métropole politique, militaire et économique, le besoin d'une nouvelle capitale commença à se faire sentir.

L’édit de Caracalla en 212 fit de tous les hommes libres de l’Empire romain des citoyens romains, sans distinction d’ordre ou d’appartenance géographique[13]. Jusque-là, seuls les habitants duLatium et plus tard de l’Italie pouvaient prétendre à la citoyenneté sans condition. À cette date cependant, certaines provinces, comme laGrèce ou l’Afrique proconsulaire, étaient plus avancées que d’autres (telles l’Égypte, laBretagne ou laPalestine, plus pauvres et plus éloignées de Rome) dans le processus, déjà largement commencé, de diffusion de la citoyenneté romaine à l’ensemble de l’Empire.

L’Empire romain d’Orient (fin duIIIe siècle-518)

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Chronologie de l'Empire romain d'Orient.

Origine

[modifier |modifier le code]
Articles détaillés :Antiquité tardive etCrise du troisième siècle.
En instaurant latétrarchie, Dioclétien est à l'origine du principe d'une division de l'Empire romain.

Ladivision de l’Empire commença avec l’instauration de latétrarchie (en latin :quadrumvirate), dès la fin duIIIe siècle, par l’empereurDioclétien et ce afin de contrôler plus efficacement le vaste empire romain. Ce dernier divisa l’Empire en deux, avec deux empereurs (lesAugusti) régnant depuis l’Italie et la Grèce, chacun ayant comme coempereur un collègue plus jeune (unCaesar), destiné à lui succéder[14]. Après le volontaire renoncement au trône de Dioclétien, le système tétrarchique commença bientôt à s’enliser ; les rivalités s’installèrent entre Augustes et Césars et la répartition théorique des dignités continua d’exister jusqu’en 324, date à laquelleConstantin le Grand tua son dernier rival et resta seul empereur[15]. Comme pour l’Empire Romain, le manque de règles de succession claires et respectées resta une donnée constante de l’empire byzantin.

Constantin donnant la ville au monde, vestibule sud deSainte-Sophie.

Constantin prit alors la décision essentielle — une des deux décisions essentielles de son règne, l’autre étant l’acceptation duchristianisme — de fonder une nouvelle capitale ; il choisitByzance[16].Rome avait depuis longtemps cessé d’être la capitale politique effective de l’Empire : trop éloignée des frontières septentrionales en danger et des riches provinces orientales, elle n’avait plus eu d’empereur à demeure depuis le milieu duIIIe siècle. Byzance était quant à elle bien placée : à la croisée de deux continents et de deux mers, à l'une des extrémités occidentales de laRoute de la soie, ouverte aussi sur la Route des Épices menant à l'Afrique et aux Indes, c’était une très bonne base pour garder la frontière danubienne absolument cruciale, et elle était raisonnablement proche des frontières orientales. Byzance éprouva sa valeur en tant que forteresse en 324 pendant labataille d'Andrinople, quand elle fut le centre de la dernière poche de résistance dans la guerre menée par l'empereurLicinius contre Constantin et qu’elle résista.

En 330, laNova Roma fut officiellement fondée sur l’emplacement de Byzance. Cependant, la population appela communément la villeConstantinople (en grec :Κωνσταντινούπολις,Constantinoúpolis, signifiant « la cité de Constantin »). La nouvelle capitale devint le centre de la nouvelle administration réformée par Constantin. Ce dernier retira les fonctions civiles dupréfet du prétoire pour les mettre entre les mains de préfets régionaux[17]. AuIVe siècle, quatre grandes préfectures régionales furent ainsi créées. Constantin est généralement considéré comme le premier empereurchrétien[18] et, bien que l’Empire ne puisse pas encore être qualifié de « byzantin », le christianisme devint une caractéristique essentielle de l’Empire byzantin, contrairement à l’Empire romain classique, à l'origine polythéiste. L'empereur Constantin entreprit la construction degrands murs fortifiés qui sont sans doute l’ouvrage le plus saisissant de la ville. Ces murs, qui furent étendus et reconstruits, combinés avec un port fortifié et une flotte, firent de Constantinople uneplace forte virtuellement imprenable et certainement la plus importante du haut Moyen Âge[19]. Constantin introduisit aussi une monnaie d’or stable, lesolidus, qui devint la monnaie standard pour des siècles, et fut utilisé bien au-delà des frontières de l'empire[20].

Un autre événement essentiel dans l’histoire de l’empire romain et byzantin fut labataille d’Andrinople en 378, dans laquelle l’empereurValens fut tué et les meilleures deslégions romaines furent vaincues par lesWisigoths[21]. L’Empire romain fut à nouveau divisé par le successeur de Valens,ThéodoseIer (surnommé « le Grand ») qui régna sur les deux parties depuis 392 : suivant les principes dynastiques bien établis par Constantin, en 395 Théodose donna les deux moitiés de l’Empire à ses deux fils,Arcadius (377-408) etHonorius (384-423) ; Arcadius devint le dirigeant de la partie orientale, avec sa capitale à Constantinople, et Honorius le dirigeant de la partie occidentale, avecRavenne pour capitale. Théodose fut le dernier empereur dont l’autorité couvrait entièrement les étendues traditionnelles de l’Empire romain[22].

Les invasions

[modifier |modifier le code]
Division de l'Empire romain de 395.

La fin de l'Empire romain d'Occident

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Invasions barbares.

Lesgrandes invasions eurent lieu à un moment de grande faiblesse tant pour l'Empire romain d'Occident (395-476) que pour l'Empire romain d'Orient. Il devait en résulter, à l'Ouest la disparition de l'Empire romain d'Occident et son remplacement par desroyaumes germaniques (vers 400-700), alors qu'à l'Est les empereurs parvinrent à acheter la paix et à assurer ainsi la survie de l'empire. Dans l'un et l'autre cas, on assista à la transformation des grandes traditions politiques, économiques et culturelles qui avaient assuré l'unité de l'empire[23].

Rome réussit tant bien que mal à faire face aux invasions de ces diverses tribus tant et aussi longtemps que celles-ci constituèrent de petits groupes isolés. Mais lorsque ceux-ci commencèrent à créer des coalitions sous la conduite de chefs puissants commeAlaricIer, les armées romaines qui comptaient déjà nombre de barbares dans leurs rangs ne furent plus en mesure de résister[24]. C'est ainsi que lesVandales et lesAlains se virent reconnaître le droit de s'installer en Afrique du Nord en 442 sous la conduite de leur chef,Genséric[25]. De la même façon, lesFrancs fondèrent divers petits royaumes enGaule jusqu'à ce que l'un des leurs,Clovis, parvienne à assurer leur unité et soit reconnu par l'empereur de Constantinople comme consul et chef d'un territoire dont les limites correspondaient à peu près à la France d'aujourd'hui[26].

Lesgrandes invasions duIVe au Ve siècle (voir lachronologie associée).

Or, la plupart des chefs francs, déjà convertis auchristianisme, appartenaient à l'hérésiearienne[27]. Clovis, sous l'influence de safemme, fut l'un des rares qui, lorsqu'il se convertit au christianisme, adopta sa forme catholique plutôt qu'arienne. Par ailleurs, les barbares, à tout le moins ceux de la première vague, manifestèrent un grand respect pour Rome et ses traditions.Athaulf, le beau-frère du célèbreAlaric, dit ainsi :« J'espère passer à la postérité comme le restaurateur de Rome, puisqu'il m'est impossible de la supplanter »[28]. LesWisigoths, après avoir conquis l'Italie, maintinrent en effet l'empereur romain comme chef honoraire de l'État jusqu'à ce qu'Odoacre dépose le jeuneRomulus Augustule en 476 et renvoie les insignes du pouvoir impérial à Constantinople, mettant ainsi fin au système de la double monarchie. Désireux de maintenir l'unité du moins théorique de l'empire, les empereurs affectèrent de considérer ces peuples comme desfoederati ou peuples fédérés alliés de Rome et leurs chefs comme des généraux de l'empire. Odoacre lui-même fut reconnu commepatrice par l'empereurZénon alors que Clovis fut faitconsul[29]. Du reste, aussitôt que ces peuples se sédentarisèrent et durent régir leurs communautés par des lois, ils durent le faire en latin puisque leur propre langage ne connaissait pas l'écriture. Les structures qu'ils donnèrent à leur administration reprirent les structures romaines avec des titres commequestores palatii oudomestici. Leurs lois se modelèrent souvent sur les lois romaines et permirent ainsi audroit romain de survivre en Occident[30].

Survie de l'Empire romain d'Orient

[modifier |modifier le code]
Théodose II parvint à faire partirAttila en lui versant un lourd tribut. Pour la première fois, l'Empire byzantin utilisa ses richesses pour parer aux menaces pesant à ses frontières. Cette pratique devint une constante de la diplomatie byzantine.

À l'Est, l'Empire romain d'Orient fut confronté aux migrations de nombreux peuples venus d'Asie et d'Europe du Nord. Toutefois, la partie orientale de l'empire n'avait pas connu l'exode qui avait dépeuplé les villes de la partie occidentale et sa prospérité économique lui permit d'acheter la paix.Théodose II (401-450) fortifia lesmurailles de Constantinople. Elles résistèrent à tous les assauts jusqu'en 1204. Pour éviter que l'Orient ne soit envahi par les hordes d'Attila comme l'Occident, Théodose se résolut à verser un lourd tribut auxHuns et à encourager les marchands de Constantinople à commercer avec les envahisseurs. Ce commerce devait s'avérer fort lucratif et continuer après qu'Attila eut tourné ses ambitions vers l'Ouest. Bientôt, on retrouva même des groupes de Huns servant commemercenaires dans l'armée byzantine[31].

L'Empire romain d'Orient en l'an 400.

Administrateur prudent, son successeur,Marcien (392-457), refusa de continuer à versertribut et détourna plutôt l'attention d'Attila vers l'Ouest. Après la mort de ce dernier, les généraux de l'armée impériale réussirent à défaire les troupes de Huns qui restaient et à relocaliser certains peuples conquis par ceux-ci sur la frontière nord de l'empire[32]. Les Huns n'étaient toutefois pas les seuls sujets de préoccupation. AuVe siècle, les Goths et lesAlains s'étaient déjà établis dans l'empire, enThrace. Leur influence était telle que l'un de leurs chefs,Aspar[33], qui avait rang demagister militium et depatricien, réussit à faire élire l'un de ses protégés, sous-officier commandant la garnison deSelymbria, comme empereur pour succéder à Marcien en 457.LéonIer (400-474) fut le premier empereur à recevoir la couronne impériale non pas des mains des généraux mais du patriarche, coutume qui allait se perpétuer jusqu'à la fin de l'empire contribuant ainsi au caractère sacré de tout ce qui touchait l'empereur. Mais siAspar réussit à vaincre les Huns en 468, Léon échoua dans sa tentative de reprendre l'Afrique du Nord la même année. Sans doute jaloux des succès d'Aspar, Léon le fit assassiner en 471, recevant ainsi le surnom de « boucher »[34]. Ce geste affaiblit les Alains sans mettre un terme à leur pouvoir puisqu'en 478, leur chef,Theodoric, dont le surnom était Strabo (« celui qui louche ») réussit à se faire payer la solde et les rations des 13 000 hommes de son armée. Pour se libérer de la tutelle des Alains, LéonIer s'était allié au commandant du régiment desIsauriens de Constantinople, Tarassis qui prit plus tard le nom deZénon[35]. En 466, pour renforcer l'alliance avec les Isauriens, Léon donna sa fille en mariage à celui-ci.

Lorsque Léon mourut en 474, Zénon (?-491) accéda au trône avec le fils de Léon,Léon II, lequel décéda la même année, laissant Zénon seul empereur régnant aussi bien en Orient qu'en Occident puisque Odoacre lui avait renvoyé les insignes impériaux après la destitution deRomulus Augustule. Il s'allia à certains chefs barbares comme Théodoric pour tenter de reconquérir l'Italie et en combattit d'autres comme Genséric avec qui il négocia la paix en Afrique du Nord. Déposé en 475, puis revenu sur le trône vingt mois plus tard, il mourut en 491.

Sa veuve, Adriadna (ou Ariane), choisit alors un modeste décurion,Anastase (430-518)[36], pour lui succéder. Après avoir réprimé l'influence des Isauriens tant à Constantinople qu'en Isaurie,Anastase dut intervenir militairement à l'Est contre lesSassanides. Face au refus d'Anastase de lui fournir une aide financière pour régler ses dettes[37], le Chah de PerseKavadh Ier avait en effet déclenché les hostilités en 502 et s'était emparé de la ville fortifiée d'Amida[38]. Ce conflit nomméguerre d'Anastase (502-506) fut la première guerre d'unelongue série de conflits destructeurs entre les deux puissances. En parallèle, Anastase dut faire face à la fois aux tentatives d'invasion des Bulgares qu'il contra par la construction de lalongue muraille de Thrace (503-504) et aux prétentions de Théodoric que Zénon avait envoyé en Italie où, après avoir conquis des territoires correspondant à peu près au tiers de l'ancien empire d'Occident, il prétendait au titre d'augustus, se faisant pratiquement l'égal de l'empereur de Constantinople[39]. Excellent administrateur, Anastase réforma le système monétaire de Constantin en définissant de manière définitive le poids dufollis decuivre, la pièce utilisée pour les transactions quotidiennes. En créant la« comitiva sacri patrimonii », il transféra une partie de la propriété de l'État à son domaine privé. Mais son administration frugale permit au Trésor impérial de se reconstituer, si bien qu'à sa mort il contenait320 000 livres d'or malgré les activités de fortification onéreuses déployées pour protéger lesfrontières.

Son successeur,JustinIer (450-527)[40] naquit dans une humble famille paysanne de Bederiana enDardanie (Macédoine). Après s'être enrôlé dans l'armée, il combattit lesIsauriens et lesPerses et contribua à réprimer la révolte deVitalien. Si son prédécesseur, Anastase, avait été partisan dumonophysisme, Justin revint à l'orthodoxie religieuse et fit bon accueil au papeJeanIer qui visita Constantinople. Toutefois, ses tentatives pour affirmer son autorité politique à l'Ouest conduisirent à des frictions avec le roiostrogothThéodoric. À l'Est, Justin chercha à maintenir des relations cordiales avec l'empire perse tout en l'encerclant d'alliés de Constantinople comme lesCartvèles, lesAlbains, lesArabes et lesÉthiopiens. Cette politique ne fut pas toujours couronnée de succès et la guerre qu'il mena contre les Perses en 526 tourna à son désavantage[41].

L'Empire romain universel partiellement retrouvé (527-début duVIIIe siècle)

[modifier |modifier le code]
L'Empire romain d'Orient à son apogée territoriale sousJustinien Ier en 550.

Jusqu'à l'avènement d'Héraclius en 610, l'Empire romain d'Orient est la continuation directe de l'Empire romain qu'il tente de reconstituer, guidé dans cette politique par la volonté de retrouver sonimperium (« emprise, contrôle, souveraineté ») sur l’Orbis romana (« monde romain »). Toutefois, le fait que l'Empire romain d'Orient règne principalement sur des régions où c'est legrec qui sert delangue commune et qui sont profondémentchristianisées, en fait un État original combinant structure romaine de l'État, culture hellénique et foi chrétienne[42]. Cette évolution s'accentue après la perte des territoires orientaux (Syrie, Égypte…) conquis d'abord par lesPerses, puis par lesArabes désormaismusulmans à partir du milieu duVIIe siècle. Les empereurs tentent alors de refondre l'empire sur de nouvelles bases.

Règne de Justinien

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Justinien Ier.
L'Empire byzantin en 527 (en rouge) et les conquêtes de Justinien (rouge pâle).

Tout comme son oncleJustin Ier,Justinien (482-565) naquit dans une famille paysanne de Bederiana. Justin l'adopta et l'associa au pouvoir dès son avènement avant d'en faire le coempereur, le[43], peu avant sa mort. De là vient peut-être que Justinien fut presque constamment en lutte contre l'aristocratie et s'entoura de personnes n'appartenant pas aux hautes classes de la société comme sa femmeThéodora, ancienne actrice, les générauxBélisaire etNarsès, ou les hauts-fonctionnaires commeJean de Cappadoce etTribonien[44]. Son rêve fut de recréer un empire unifié autour de laMéditerranée, doté d'un système juridique moderne et d'une foi unique[45].

Œuvre militaire de Justinien

[modifier |modifier le code]
Articles détaillés :Guerre des Goths (535-553),Italie byzantine,Guerre d'Ibérie,Espagne byzantine,Guerre des Vandales etExarchat de Carthage.

Justinien voulut d'abord reconquérir les anciens territoires de l'Empire d'Occident[46]. Dans ce but, il rappela à l'automne 531 le général en chef des armées d'Orient,Bélisaire, à qui il confia la tâche de reconquérir l'Afrique du Nord[47]. En moins d'une année, Bélisaire, avec une armée d'à peine 18 000 hommes, parvint à défaireGélimer, le roi desVandales, d'abord à labataille de l'Ad Decimum puis deTricaméron, et s'empara de Carthage. Il rentra ensuite à Constantinople en 534 avec les honneurs du triomphe.

Mosaïque représentant Justinien et sa cour,basilique Saint-Vital de Ravenne.
LaBataille du Vésuve (552) permet à l'Empire de vaincre lesOstrogoths et de reprendre le contrôle de l'Italie.

L'année suivante, commença la campagne pour reconquérir l'Italie, laquelle, comme la côte dalmate, était aux mains desOstrogoths. Après s'être rapidement emparé de laSicile et deNaples, Bélisaire dut mettre le siège devant la ville de Rome dont le pape lui ouvrit les portes en décembre 536. Toutefois, les Goths, après avoir déposé le roiThéodat et l'avoir remplacé par le généralVitigès, se regroupèrent et parvinrent à leur tour à assiéger Rome pendant une année[48]. Grâce à des renforts conduits par le généralNarsès, Bélisaire put quitter Rome et reprendre sa marche vers Milan avant de se diriger versRavenne, la capitale des Goths, qu'il prit en mai 540, emmenant le roi Vitigès prisonnier à Constantinople. Après le départ de Bélisaire, les Goths se regroupèrent à nouveau sous la conduite cette fois deTotila, et arrivèrent bientôt auxportes de Rome. Justinien, qui avait commencé à perdre confiance en Bélisaire, fut forcé de le renvoyer en Italie où celui-ci réussit à reprendre Rome en avril 547. Toutefois, en raison de la situation précaire à l'Est, il fut à nouveau rappelé àConstantinople. Après que Totila eut réussi une seconde fois à se rendre maître de Rome, ce ne fut pas Bélisaire mais Narsès qui fut dépêché en Italie en 551. Celui-ci, amplement pourvu en hommes et en fonds, parvint rapidement à se rendre maître de la situation grâce à lavictoire décisive remportée à Busta Gallorum où Totila fut tué[49]. Narsès put alors se diriger vers le nord et s'emparer deVérone, le dernier bastion goth, en juillet 561. Pendant ce temps, Justinien s'était tourné vers l'Espagne, toujours aux mains des Wisigoths. Saisissant l'occasion que lui offraient des guerres intestines entre familles rivales, Justinien envoya ses troupes s'emparer des territoires situés dans l'angle sud-est de la péninsule ibérique. L'Italie, la plus grande partie de l'Afrique du Nord, une partie de l'Espagne ainsi que les îles de laMéditerranée dépendaient à nouveau de l'empereur romain à Constantinople. La Méditerranée était redevenue, pour un court instant, un « lac romain »[50].

Si Justinien avait mené une politique militaire offensive à l'Ouest, il dut pendant des années mener une politique défensive à l'Est où le roiKhosroIer (531-579) s'était déjà emparé de plusieurs villes pour étendre l'empire perse. Une première guerre, diteguerre d'Ibérie, se termina par la « paix éternelle » de532, au terme de laquelle les Romains gardaient le contrôle de laLazique (rive orientale de lamer Noire dans laGéorgie d'aujourd'hui), coupant ainsi l'accès des Perses à la mer Noire, mais acceptant de verser à ceux-ci la somme de 11 000 solidi d'or par an[51]. La paix devait durer huit ans, jusqu'à ce que Khosro envahisse laMésopotamie romaine, s'empare d'Antioche et reprenne la Lazique l'année suivante. S'ensuivit unelongue guerre larvée pendant laquelle Khosro s'empara de plusieurs places fortes pour les abandonner aussi rapidement après versement de tributs. Un traité fut signé en 545, d'une durée de cinq ans. Justinien s'engageait à payer un tribut de 400 solidi d'or par an[52]. En 556, un nouvel accord fut signé àDaras, cette fois pour une durée de cinquante ans. Cet accord rendait la Lazique à Constantinople en retour d'une somme de 30 000 solidi d'or[53].

En rose plus foncé, les exarchats deRavenne et deCarthage en 560, avec les langues vernaculaires.

Pendant qu'il menait la guerre contre les Perses, Justinien dut aussi protéger la frontière nord de l'empire contre lesBulgares de la mer Noire. En 514, ceux-ci, accompagnés d'Avars et deSlaves, franchirent lelimes duDanube et pillèrent lesBalkans, atteignant l'isthme deCorinthe, pendant qu'une deuxième menaçait lapéninsule de Gallipoli et qu'une troisième marchait sur Constantinople même[54]. À peine celle-ci s'était elle retirée qu'une nouvelle invasion slave conduite par les Bulgares permit à ceux-ci de s'avancer jusqu'à une quarantaine de kilomètres de Constantinople. Mais, incapables de franchir les murailles édifiées par Anastase, ils se tournèrent versRhodope à l'ouest, brûlant et détruisant tout sur leur passage. Une autre colonne slave se dirigea versNaissos mais fut arrêtée par Germanus en route pour l'Italie. En 551, ce fut au tour desKoutrigoures, un peuple turcophone proche des Avars et des Bulgares, de passer le Danube près deBelgrade et d'avancer jusqu'àPhilippopolis en Thrace. Incapable de faire revenir ses meilleures troupes d'Italie, Justinien dépêcha une ambassade aux Outrigoures, autres turcophones installés entre leDon et laVolga, et moyennant finances, les invita à attaquer les Koutrigoures, lesquels durent repasser lelimes. Les deux tribus continuèrent à se harceler jusqu'à ce qu'elles fassent la paix et décident d'un commun accord en 559 d'envahir laThrace. Une colonne parvint même à la rivière Athyras à une vingtaine de kilomètres de Constantinople. Justinien dut faire appel une nouvelle fois à Bélisaire qui parvint à attirer le chef des Koutrigoures,Zabergan, dans une embuscade et à le battre lors de labataille de Mélantias[55]. Les Koutrigoures durent demander la paix et, moyennant la promesse de subsides, retournèrent dans leurs foyers.

Œuvre juridique de Justinien

[modifier |modifier le code]
LeCorpus juris civilis.

Comme il s'était appuyé sur les brillants généraux Bélisaire et Narsès dans la conduite de ses guerres, Justinien s'appuya sur un juriste de génie,Tribonien[56], dans ce qui reste l'une des œuvres majeures de son temps, la réforme du droit. Cette réforme était contenue dans quatre ouvrages principaux, leCodex Justinianus, lesDigestes, lesInstitutes et lesNovelles, rassemblés dans leCorpus juris civilis[57].

LeCodex fut achevé en moins d'une année (du au). Il ne s'agissait pas d'une simple compilation des constitutions impériales en vigueur depuis le temps d'Hadrien. Les répétitions et contradictions étaient retirées ; divers décrets touchant un même sujet furent réunis en un seul ; certains décrets furent abrogés, d'autres explicités ; le langage fut simplifié. À partir de ce jour, seules demeuraient valides les promulgations impériales contenues dans ce codex. L'année suivante (en 530), les rédacteurs s'attaquèrent auxDigestes qui résumaient quelque deux mille livres écrits par vingt-neuf auteurs à qui les empereurs des siècles passés avaient demandé d'interpréter le droit. Le nouveau recueil fut présenté le, il condensait en cent cinquante lignes quelque trois millions de lignes écrites au cours des siècles. La tâche suivante était de s'assurer que les juristes puissent utiliser ces nouveaux instruments. Ce nouveau manuel, lesInstitutes, fut publié presque en même temps que lesDigestes, en novembre 533 ; il devait demeurer en vigueur dans plusieurs pays européens jusqu'au vingtième siècle[58]. Si les trois premiers recueils furent publiés enlatin, lesNovelles, où furent rassemblées les ordonnances promulguées après la parution duCodex, le furent engrec.

À plusieurs égards, il s'agissait d'une œuvre novatrice, réglant la vie de l'État, celle de ses citoyens, de leurs familles et les relations entre les citoyens eux-mêmes. L'anciendroit romain fut mis en accord avec les principes de la morale chrétienne et dudroit coutumier de l'Orient hellénisé. De plus, les canons ou lois des cinq premiersconciles de l'Église recevaient force de loi[59].

Œuvre religieuse de Justinien

[modifier |modifier le code]

Pas plus que les hommes de son temps, Justinien ne pouvait concevoir de séparation entre l'Église et l'État. Il gouverna donc aussi bien l'une que l'autre à une époque où questions politiques et théologiques ne pouvaient être dissociées.

Lemonophysisme était un mouvement religieux né au début duVe siècle en réaction aunestorianisme. Selon les tenants de cette doctrine, la nature divine du Christ prenait le pas sur sa nature humaine. Cette doctrine s'était rapidement propagée dans l'empire où l'Égypte, la Syrie et la Palestine avaient adhéré rapidement à l'hérésie. L'Égypte occupait une position économique importante mais non stratégique dans l'empire. Pourvu qu'elle fournisse le blé dont avait besoin la capitale, les croyances religieuses de ses habitants importaient peu. Il n'en allait pas de même de laSyrie, laquelle longeant la frontière avec laPerse, occupait une position stratégique importante. À l'Ouest, le monde romain (où la papauté jouait un rôle de plus en plus important face aux conquérants barbares en majorité ariens) était partisan du concile deChalcédoine qui avait promulgué la doctrine de la séparation des deux natures en Jésus-Christ. Tenter de plaire à l'un équivalait automatiquement à s’aliéner l'autre[60].

Dans les premières années de son règne, Justinien adopta une politique strictement orthodoxe alors que son épouse,Théodora, ne cachait pas ses sympathies pour le monophysisme[61]. Or, celui-ci gagnait en importance à l'Est alors même que les armées impériales étaient en mauvaise posture en Italie. Le dilemme qui se posait donc à Justinien au début des années 540 était de savoir comment se réconcilier les monophysites à l'Est sans s'aliéner les chalcédoniens à l'Ouest. Il tenta d'abord de se faire un allié du papeVigile dans sa lutte contreTotila, puis décida de faire arrêter le pape et de le mener en captivité, en Sicile d'abord, puis à Constantinople ensuite pour obtenir de lui une condamnation desTrois Chapitres (les écrits de trois théologiens suspects de tendances nestoriennes). Pendant plusieurs années, le pape et l'empereur jouèrent au chat et à la souris jusqu'à ce que Justinien publie lui-même un traité théologique sous forme d'édit impérial condamnant lesTrois chapitres. Cette intervention eut pour effet de donner l'avantage à Totila, la population italienne voyant de plus grandes chances d'indépendance sous les Goths que sous la tutelle de Constantinople. La querelle entre le pape et l'empereur s'envenima jusqu'à ce que ce dernier envoie Bélisaire arrêter le pape dans l'église où il s'était réfugié. Après une période d'accalmie, Justinien décida en 553 de convoquer unconcile, le cinquième de l'Église, pour régler la question. À ce moment,Narsès s'était assuré de la victoire en Italie et le royaume des Goths était pratiquement annihilé. Justinien utilisa tout son pouvoir pour faire céder les évêques réunis et, finalement, le pape lui-même capitula puis, en février 555, il condamna formellement lesTrois chapitres. La partie n'était toutefois pas gagnée puisque, à l'Est, les monophysites d'Égypte et de Syrie se sentirent encore plus isolés ce qui fragilisa sensiblement l'empire[62].

Œuvre urbanistique et monumentale de Justinien

[modifier |modifier le code]
LaBasilique Sainte-Sophie est l'œuvre la plus remarquable construite lors du règne de Justinien.

Les guerres à l'Ouest et les paiements annuels servant à assurer la paix à l'Est vinrent rapidement à bout des réserves accumulées par Anastase. D'autant plus que Justinien, de caractère ostentatoire, voulait montrer à ses sujets que son règne inaugurait une ère nouvelle. Pour mettre un terme à l'évasion fiscale d'une part, pour obtenir de nouvelles sources de revenus d'autre part, Justinien nommaJean de Cappadoce commepréfet du prétoire. Ce dernier se mit à l’œuvre avec un tel zèle qu'en quelques mois à peine, il réussit à unir la population contre lui, en particulier les deux factions qui assuraient les courses de chevaux dans l'hippodrome, les Bleus et les Verts. En janvier 532, en plein cœur de l'hiver, une manifestation à l'hippodrome dégénéra en émeute, puis en révolte ouverte. Au cri de « Nika » (« Qu'il vainque ! »), la foule prise de folie se mit à détruire les églises et à saccager les édifices publics. Justinien fut sur le point d’abandonner et de s'enfuir mais, à la suite des exhortations de son épouse Théodora, il envoyaBélisaire etNarsès étouffer la révolte qui s'acheva dans un bain de sang où périrent 30 000 personnes[63].

L'une des églises rasées était celle de la Sainte Sagesse ou « Hagia Sophia ». Érigée sous Constantin, elle était le symbole de la place de l'empire dans l'ordre divin de la création. Justinien décida qu'une nouvelle construction devait être érigée qui surpasserait tout ce que l'on avait vu jusqu'alors et proclamerait sa gloire. Plutôt que d'employer des architectes-constructeurs comme c'était la coutume, il fit appel à un ingénieur et à un mathématicien,Anthémius de Tralles etIsidore de Milet. Cette nouvelle merveille coûta plus de23 millions de solidi et put être consacrée à la fin de l'année 537. Lors de sa dernière inspection, Justinien, après être demeuré muet plusieurs minutes, se serait exclamé :« Salomon, je t'ai surpassé ! »[64].

Justinien ne bâtit pas moins de trente églises à Constantinople, en plus des églises et des palais qu'il fit construire un peu partout dans l'empire. Pour assurer la sécurité de l'empire, Justinien fit aussi construire sur les frontières d'Europe comme d'Asie un puissant réseau defortifications. Pour prévenir les invasions dans les Balkans, une ceinture de fortifications vint bientôt doubler celle qui s'étalait le long duDanube[50].

Œuvre économique de Justinien

[modifier |modifier le code]

Une fois reconquise, la Méditerranée occidentale ne reprit pas l'importance économique dont elle avait joui sous les premiers empereurs. Le commerce de Constantinople était maintenant tourné vers l'Orient, notamment vers l'Inde, l'Indonésie,Ceylan et laChine d'où Constantinople importait les épices, en particulier lepoivre, nécessaires pour rehausser (ou masquer) le goût des aliments et la soie qui entrait dans la fabrication des vêtements de luxe portés par les hauts dignitaires de l'empire ou offerts aux dignitaires étrangers. Mais l'Empire perse pouvait à son gré entraver ce commerce qui transitait obligatoirement par legolfe Persique pour celui qui provenait de l'Inde et de l'Indonésie ou en traversant l'Empire perse par voie de terre pour la Chine. En temps de paix, les intermédiaires perses prenaient un pourcentage sur les marchandises ce qui en faisait monter le prix, alors qu'en temps de guerre les Sassanides bloquaient simplement les arrivages de soie, réduisant ainsi au chômage les ateliers de transformation deBeyrouth et deTyr[65].

Justinien tenta dans un premier temps de circonvenir le problème dans le cas de la Chine en se servant d'une route détournée passant par laCrimée et leCaucase (d'où l'importance de la Lazique pour Constantinople). Une nouvelle solution se présenta en 552 lorsque des moines, probablement nestoriens, informèrent l'empereur qu'ils pourraient se procurer à Soghdhiana (Ouzbékistan) alors sous contrôle chinois, des œufs de vers à soie, permettant ainsi à l'empire de lancer sa propre industrie. L'empereur accepta de les aider et, effectivement, ceux-ci revinrent une ou deux années plus tard avec des vers à soie et une connaissance suffisante des techniques de transformation pour lancer la production. Celle-ci ne fut jamais suffisante pour remplacer les importations de Chine, mais parvint au moins à réduire le pouvoir de marchandage des Perses tout en ouvrant une nouvelle route par le nord de la merCaspienne vers les ports byzantins de la mer Noire[66].

Successeurs de Justinien

[modifier |modifier le code]
L'Empire byzantin en 600.

L'œuvre de Justinien ne lui survécut pas longtemps car il laissa un empire économiquement ruiné[67]. En outre, ses conquêtes territoriales étaient dispersées sur le pourtour méditerranéen tandis que les frontières danubiennes et orientales de l'empire furent délaissées ; c'était pourtant dans ces régions que pesaient les principales menaces sur la survie de l'empire. Peu après la mort de Justinien, lesLombards, une ancienne tribu defoederati, envahit l'Italie en 568 et conquit les deux tiers du territoire. En Espagne, lesWisigoths conquirentCordoue, la principale cité byzantine, en 584, et bientôt toute l'Espagne fut perdue. Les premiers turcophones arrivèrent enCrimée et, en 577, une horde de 100 000Slaves envahit laThrace et l'Illyrie.Sirmium (actuelle Sremska Mitrovica), la cité byzantine la plus importante sur le Danube, fut perdue en 582[68].

Avec la perte des conquêtes occidentales de Justinien, delangue, de tradition et derite latin, le centre de gravité de l'empire revint en Orient, delangue héllenique, de tradition et derite grec. Rompant le traité que Justinien avait conclu avec l'empire sassanide, son neveu et successeur,Justin II (vers 520-578) refusa de payer le tribut échu[69]. Il s'ensuivit une longue guerre qui ne s'acheva que lorsque l'empereurMaurice (539-602) réussit à signer un traité (en 591) avec le jeune empereurKhosro II qui donnait à Constantinople une grande partie de l'Arménie perse où se recrutaient quantité de mercenaires de l'armée impériale. Si Maurice parvint à sauver certaines possessions occidentales en créant lesexarchats deRavenne et deCarthage, il dut faire face aux invasions des slaves dans les Balkans, lesquels ne se contentaient plus d'incursions pour piller le territoire, mais commençaient à s'installer à demeure avant de former, des décennies plus tard, leurs propres royaumes[70].

Commencée en 592, cette guerre d'usure continua jusqu'en 602, lorsque la révolte éclata dans l'armée et qu'un officier subalterne,Phocas (547-610), marcha sur Constantinople et renversa Maurice qu'il fit exécuter avec ses enfants[71]. Saisissant l'occasion, Khosro II s'empara de la province deMésopotamie pendant que lesAvars et lesSlaves se répandirent dans lesBalkans. AuxVIIe et IXe siècles, les Slaves ne cessèrent de multiplier leurs « sklavinies » (en grec :σκλαβινίαι, en latin :Sclaviniae, c'est-à-dire les « communautés rurales » slaves) entre les « valachies » des Balkans (en grec :βαλαχίαι, en latin :Valachiae, ou « communautés rurales »romanophones), au point d'y devenir finalement majoritaires, tandis que les Grecs n'occupèrent plus que les côtes de la péninsule balkanique[72].

Dynastie héraclide et transformation de l'empire (610-711)

[modifier |modifier le code]
Articles détaillés :Guerres perso-byzantines,Guerres byzantino-avares etGuerres arabo-byzantines.

Confronté aux dangersperses etarabes, l'Empire byzantin fit face à la perte de nombreux territoires et dut se refonder sur de nouvelles bases. SelonGeorg Ostrogorsky, leVIIe siècle correspond au point de départ de l'histoire byzantine proprement dite. Quant àCharles Diehl, il qualifie leVIIe siècle comme« l'une des périodes les plus sombres de l'histoire byzantin. C'est une époque de crise grave, un moment décisif où l'existence même de l'empire semble être en jeu »[73].

Héraclius et la survie de l'État

[modifier |modifier le code]
Fresque dePiero della Francesca dépeignant la guerre entre les Sassanides et les Byzantins. SiHéraclius parvint à l'emporter, la guerre fut longue et coûteuse et elle fragilisa considérablement les provinces orientales de l'empire. Dès lors, la conquête musulmane de ces territoires en fut grandement facilitée.
Monnaie à l'effigie d'Héraclius et de ses filsConstantin III Héraclius etHéraclonas.

La terreur que faisait régner Phocas prit fin lorsque l'exarque d'Afrique,Héraclius, se rebella et mit fin aux livraisons de blé destinées à la capitale. Son fils, aussi nomméHéraclius, prit alors la tête d'une escadre qui se dirigea vers Constantinople, s'empara de la ville et fit exécuter Phocas[74].

Si Justinien avait été le dernier grand empereur de ce que les historiens modernes peuvent encore appeler l'« Empire romain », avec Héraclius (575-641) commença véritablement ce que l'historiographie moderne nomme l'« Empire byzantin ». En effet, ce fut sous son règne que le latin fut définitivement abandonné au profit du grec et que l'empereur remplaça le titre d'Augustus par celui debasileus (βασιλεύς). En faisant couronner coempereurs ses deux fils,Héraclius-Constantin etHéraclonas, Héraclius instaura le système de la corégence qui permit de constituer desdynasties et de régler, en théorie du moins, le problème de la succession[75].

Le régime desthèmes, ou organisation militaire des provinces, fut formellement l'œuvre de ses successeurs ; mais lui-même remodela l'armée en profondeur, remplaçant les mercenaires étrangers par des soldats professionnels venant principalement d'Arménie et commandés par des membres de la noblesse locale. Pour la première fois depuis Maurice, l'empereur prit lui-même le commandement des armées et sut leur insuffler un sens de la mission providentielle qui n'est pas sans anticiper la notion decroisade[76]. Commence également sous cet empereur une période où l'Église soutint l'empire aussi bien financièrement que politiquement. D'une part, celle-ci mit ses richesses à la disposition de l'empereur dans ses guerres contre les Perses ; d'autre part, lorsque celui-ci partit en guerre, ce fut aupatriarcheSerge qu'il confia la régence et la protection de ses enfants. Héraclius lui-même fut amené à se mêler de questions religieuses. En Arménie, l'attachement à l'hérésie « monophysite » constituait un obstacle à la loyauté à l'empire. Sous l'influence du patriarche Serge, Héraclius fit proclamer, en 638, l'Ekthésis, édit qui, en proposant une solution de compromis, lemonothélisme, non seulement ne régla pas la question mais devait aussi provoquer un nouveau conflit avecRome[77].

Sur le plan extérieur, Héraclius dut mener deux séries de guerres, la première contre lesPerses, la seconde contre lesArabes, tout en faisant face aux invasions des Avars et des Slaves qui menaçaient Constantinople. Commencée en 613, laguerre contre les Perses se poursuivit jusqu'en 628 lorsque le roiKhosro II fut renversé. Son fils,Kovrad-Schiroé, conclut alors un traité de paix qui restituait à Constantinople l'Arménie, laMésopotamie romaine, laSyrie, laPalestine et l'Égypte. Mais ces reconquêtes devaient être perdues à nouveau quelques années plus tard au profit cette fois des Arabes. Affaiblie, la Perse céda rapidement aux premiers assauts de l'Hégire. Et avec la défaite deYarmouk en 636, alors aux mains des Arabes, Héraclius voyait détruite l'œuvre de sa vie[78]. En dix ans, la Syrie, la Palestine, l'Égypte et la Mésopotamie romaine tombèrent aux mains des Arabes. Cette invasion aussi rapide s'explique par diverses raisons. Si l'armée byzantine était souvent plus nombreuse et mieux équipée, elle était avant tout composée de mercenaires dont la motivation était faible par rapport à celle des soldats arabes motivés par le principe de la « guerre sainte ». De plus, les provinces conquises avaient été profondément fragilisées par lesguerres entre empires perse et byzantin. Enfin, elles furent souvent le lieu de contestations du pouvoir impérial car les populations étaient adeptes dumonophysisme et non de la doctrinechalcédonienne de Constantinople. Cette loyauté douteuse explique le fait que de nombreuses villes ouvrirent leurs portes aux Arabes en échange d'un traité relativement indulgent[79].

Lesthèmes d'Anatolie en 750.

Sur le plan intérieur, même le principe de la corégence ne réussit qu'à moitié et ce fut un petit-fils,Constant II Héraclius (630-668), alors âgé de onze ans, que les généraux choisirent comme empereur. Celui-ci héritait d'un empire réduit à l'Anatolie, l'Arménie, l'Afrique du Nord et une partie de l'Italie, tous menacés. Son règne se passa à lutter contre les Arabes et leur calife,MuʿawiyaIer (661-680). C'est sous le règne de Constant que débuta la réorganisation de l'armée suivant lesystème des thèmes qui devait subsister pendant trois cents ans[80]. Les armées mobiles des siècles précédents furent relocalisées dans des districts spécifiques (ou « thèmes ») commandés par unstratège. Les soldats avaient la mission de protéger et reçurent des terres qu'ils devaient cultiver lorsqu'ils n'étaient pas en campagne. Ces soldats paysans furent le symbole de l'évolution profonde de la structure de l'Empire byzantin anciennement fondé sur le modèle des cités de l'Antiquité. Dorénavant, ce furent les campagnes qui assurèrent sa survie[81]. Ce modèle des thèmes qui n'en était qu'à ses balbutiements subsista durant plusieurs siècles et devint le modèle administratif commandant l'organisation régionale de l'Empire byzantin. Du fait du cumul de l'autorité civile et militaire par le stratège, ce système dérogeait au principe romain de séparation des deux pouvoirs. Il fut l'un des meilleurs exemples des transformations profondes que connut l'empire à cette période[82].

Réformes de l'empire

[modifier |modifier le code]
Une section restaurée des fortifications médiévales qui entouraientConstantinople.

Dès que Muʿawiya eut réussi à restaurer la dynastie desOmeyyades, la lutte reprit, le calife concentrant ses efforts sur Constantinople. Une trêve, conclue en 659, permit à Constant II de porter son action en Occident où les querelles religieuses avaient eu des conséquences politiques désastreuses. Après avoir tenté de libérer l'Italie du Nord des Lombards, Constant se dirigea versRome où il se réconcilia avec le pape avant de s'installer àSyracuse, position clé entre l'Italie du Nord menacée par les Lombards et l'Afrique menacée par les Arabes[83]. C'est là qu'il fut assassiné en 668.

Utilisé dans les conditions réquises, lefeu grégeois fut d'une efficacité redoutable et constitua un puissant atout stratégique pour les Byzantins qui purent ainsi repousser les Arabes lors dupremier siège de Constantinople par les Arabes (674–678).

Tout comme son père,Constantin IV (650-685) dut lutter contre Muʿawiya qui vint mettre lesiège devant Constantinople dont on avait restauré les murailles et rebâti la flotte. Ce fut sans doute au cours de ce siège, qui dura de 674 à 678, que l'on fit usage pour la première fois du « feu marin » (πύρ ύγόν) oufeu grégeois que leur avait vendu un architecte syrien,Callinicus[84]. Muʿawiya ne put s'emparer de Constantinople et dut signer un accord de paix de trente ans. Cette accalmie permit à Constantin de se tourner vers l'Italie où il signa un traité avec les Lombards. Il eutmoins de succès dans les Balkans où il dut reconnaitre aux Bulgares conduits parAsparoukh le droit de s'installer au sud du Danube[85].

Constantin IV n'avait que trente-trois ans lorsqu'il mourut en 685. Son fils,Justinien II (668-711) devint empereur à l'âge de seize ans dans un empire considérablement diminué. Son rêve, comme celui de son prédécesseur du même nom, fut de redonner à l'empire le lustre qu'il avait déjà eu. En 686, il commença par réaffirmer la suzeraineté de Constantinople sur l'Arménie et l'Ibérie. Puis, il se dirigea vers les régions devenues slaves des Balkans dont il transféra près de 30 000 colons[86] vers les territoires ravagés par les Arabes. Mais ces nouvelles troupes passèrent à l'ennemi et, à la suite de labataille de Sébastopolis, l'Arménie retourna six ans plus tard au califat. Justinien fit de même avec les citoyens deChypre, devenu une sorte decondominium byzantino-arabe, et envoya ces marins réputés enCyzique qui en manquait cruellement depuis les guerres navales menées par Muʿawiya contre Constantinople.

Profondément croyant, Justinien convoqua le sixième concile œcuménique ouQuinisexte qui confirma le rejet dumonothélisme. Mais les conclusions du concile laissaient percevoir le fossé qui se creusait entre les Églises d'Orient et d'Occident sur diverses questions dont le mariage des prêtres. Dix ans plus tard, Justinien tenta de faire arrêter le pape comme l'avait fait Constant II. Mais la position du pape s'était affermie et les milices de Rome et deRavenne empêchèrent le délégué impérial de mener à bien sa mission[87].

Cet échec couplé aux défaites militaires et aux violences que faisaient subir les collecteurs d'impôts à la population attisèrent la colère populaire contre Justinien. Aussi, quand il fit libérer le généralLéonce qu'il avait fait emprisonner après le désastre de Sébastopolis, ce dernier prit la tête d'une sédition, renversa Justinien et se fit proclamer empereur en 695. Déchu, le nez coupé et dès lors incapable en théorie de régner, Justinien alla trouver refuge auprès dukhan des Bulgares,Tervel, avec l'aide duquel il put reconquérir Constantinople en 705. Dans le même temps, Les Romains furent définitivement chassés d'Afrique avec la prise deCarthage par les Arabes en 698. En 711, Justinien II lança une expédition contreCherson en Crimée, sans doute pour arrêter l'avancée desKhazars. Toutefois lamarine impériale se révolta et vint assiéger Constantinople qui lui ouvrit ses portes. Abandonné de tous, Justinien fut une seconde fois déchu et, cette fois, assassiné par l'un de ses officiers[88]. Ainsi prenait fin la première dynastie proprement byzantine à avoir dirigé l'empire pendant une centaine d'années.

Un empire romain hellénisé (711-1204)

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Langues de l'Empire byzantin.
L'Empire byzantin en 717.

Cette période s’étend du début duVIIIe siècle jusqu’ausac de Constantinople par les croisés en 1204 lors de laquatrième croisade. Elle vit une succession de reculs et d’expansions de l’Empire sous cinq dynasties : lesIsauriens, lesAmoriens,Macédoniens, lesComnènes et lesAnges. Durant cette période, seuls leshellénophones des côtes, des grandes villes, de l'Hellade et d'Asie mineure occidentale (Grecs), lesromanophones desBalkans (Dalmates,Valaques) et lesarménophones d'Asie mineure orientale (Arméniens) se considérèrent encore comme des Romains (en grecΡωμαίoί ou « Romées »). L'étatempire multinational se transforma ainsi en un empire plus homogène ethniquement, tandis que les institutions subirent de profondes transformations pour faire face aux diverses menaces.

Dynastie isaurienne et iconoclasme (717-802)

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Période iconoclaste de l'Empire byzantin.

L'assassinat de Justinien II fut suivi d'une période de flottement à la suite de laquelle un soldat, fils de paysans immigrés de Thrace[89], fut proclamé empereur sous le nom deLéon III (685-747). Il passa une partie de son règne à lutter contre les Arabes qui vinrent à nouveauassiéger Constantinople. Grâce à une alliance avec les Bulgares deTervel, Léon parvint à faire lever le blocus en 718. De nouvelles invasions arabes en Asie mineure furent également repoussées grâce à une alliance avec lesKhazars. La victoire de Léon àAmorium en 740 devait mettre fin à ces incursions en Orient. En plus de réaménager les thèmes, Léon publia un nouveau code juridique, l’Éclogue, qui, tout en réduisant le nombre de cas punissables de la peine de mort, multipliait les châtiments inconnus du droit de Justinien comme l'amputation, l'aveuglement, etc[90].

Le règne de Léon III fut surtout marqué par le début de l'iconoclasme[91]. Objets ayant au départ valeur d'enseignement, lesicônes se virent au cours des siècles attribuer des propriétés miraculeuses, voire magiques. Certaines furent même qualifiées d'« acheiropoïètes », c'est-à-dire non faites de main d'homme[92]. Léon, tout comme certains évêques de l'époque, semble avoir vu dans ces exagérations la cause de la colère divine ayant entraîné les défaites de l'empire au cours des siècles précédents, ce que confirma l'apparition d'une nouvelle île près deSantorin à la suite d'une éruption volcanique. Le premier geste public de Léon dans cette direction fut de retirer l'icône d'or du Christ qui surmontait les portes de bronze à l'entrée du Grand Palais. La réaction de la foule fut vive et plusieurs soldats, venus accomplir l'ordre de l'empereur, furent massacrés sur place. Sans consulter l'Église, Léon promulgua un édit qui faisait de l'iconoclasme la politique officielle de l'empire ce qui provoqua la démission du patriarche Germanicus et la colère du papeGrégoire II, affaiblissant du même coup l'autorité de l'empereur en Italie. Le successeur de Grégoire II,Grégoire III, convoqua un synode qui condamna l'iconoclasme en 731[93].

Pièces de monnaie représentantLéon III (à gauche) etConstantin V (à droite) ; tous deux menèrent une politique en faveur de l'iconoclasme.

Son fils et successeur,Constantin V (718-775), non seulement continua la politique de son père, mais encore persécuta les iconodules ou partisans desicônes. Ses attaques contre les moines se transformèrent en attaques contre l'institution monastique elle-même. Il rejeta non seulement les icônes, mais aussi le culte des saints et la vénération des reliques[94]. Entièrement préoccupé par ses guerres contre les Arabes et les Bulgares, Constantin ne porta aucune attention à l'Italie où le pape dut se décider à chercher un autre allié contre les Lombards. En janvier 754, le papeÉtienne II franchit lesAlpes pour rencontrer le roi des Francs,Pépin le Bref, àPonthion, préparant ainsi la fondation d'un État ecclésiastique romain[95]. Toutefois, les campagnes menées par Constantin V contre les Arabes furent des succès et permirent à l'Empire byzantin de consolider sa frontière orientale tout en éloignant la menace arabe[96].

En se faisant couronner empereur,Charlemagne se pose en héritier de l'Empire romain d'Occident, ce qui crée, enItalie, une rivalité avec lesautorités romaines d'Orient, dites (bien plus tard) « byzantines ».

Le court règne deLéon IV (750-780) marque la transition entre la détestation de Constantin V pour lesicônes et l'attachement manifesté par son épouse,Irène, qui en rétablit le culte[97]. Toutefois, il mourut prématurément et laissa le trône à son filsConstantin VI (771-797) seulement âgé de dix ans. La mort de Constantin VI entraîna quasiment la fin de la dynastieisaurienne qui, malgré la naissance de controverses religieuses majeures qui menacèrent l'unité et la stabilité de l'empire, réussit le tour de force de consolider les frontières de l'empire et d'écarter les nombreuses menaces qui pesaient sur son existence plus d'un demi-siècle plus tôt. En outre, le profond mouvement de réforme de l'organisation interne de l'empire se prolongea, rendant celui-ci plus en harmonie avec le nouveau contexte intérieur et extérieur[98]. Cependant, comme souvent dans l'histoire, la période de régence fut à l'origine d'une ère d'instabilité. La mère de Constantin VI, Irène (752-803), se hâta de saisir le pouvoir à la faveur d'un coup d'État manqué et de nommer des évêques iconodoules comme le patriarcheTarasios qui présida ledeuxième concile de Nicée, lequel condamna l'iconoclasme comme une hérésie et rétablit la vénération des images[99]. Toutefois, Constantin, lorsqu'il fut en âge de régner, supporta de plus en plus mal la tutelle de sa mère. Aussi, lorsque celle-ci exigea que les armées lui prêtent serment, la nommant en premier lieu et Constantin ne venant qu'au second rang en tant que coempereur, celles-ci se rebellèrent et acclamèrent Constantin comme unique souverain, en octobre 790[100]. De caractère faible, Constantin finit par s'aliéner ceux-là mêmes qui lui avaient redonné le pouvoir, lesquels finirent par se ranger du côté d'Irène. Celle-ci reprit le pouvoir, déposant son fils qui fut aveuglé par les conspirateurs et mourut peu après. Pour bien marquer qu'elle était seule maître de l'empire, Irène porta pendant cette période, le titre debasileus et non debasilissa[101].

Pendant ce temps, le pape avait couronnéCharlemagne empereur en 800, alléguant qu'une femme ne pouvait remplir cette fonction. Charlemagne, quant à lui, avait reconnu Irène comme souverain de l'empire romain et, en geste d'apaisement, avait offert de l'épouser, ce qui aurait réuni à nouveau les empires romains d'Orient et d'Occident. Il semble qu'Irène eût été disposée à accepter l'offre, mais que les hauts-fonctionnaires qui pouvaient prétendre lui succéder puisqu'elle n'avait pas d'enfant ne l'entendaient pas ainsi. Pendant que les ambassadeurs de Charlemagne étaient encore àConstantinople, un complot ourdi par l'un d'eux réussit ; Irène fut déposée et le général Nicéphore fut proclamé empereur[102].

Dynastie amorienne et retour de l'iconoclasme (820-867)

[modifier |modifier le code]
Icône célébrant le triomphe de l'orthodoxie sur l'iconoclasme. Cet événement est encore célébré aujourd'hui lors duDimanche de l'Orthodoxie.

Lorsqu'Irène fut déposée, les hauts fonctionnaires proclamèrent empereur le sénateurNicéphoreIer (760-811). Celui-ci eut à lutter contre les Bulgares dirigés par un chef audacieux et entreprenant :Kroum[103], allié de Charlemagne contre les Avars[104]. Pour avoir la paix à l'Ouest, Nicéphore se résolut à négocier un traité avec Charlemagne. Aux termes de celui-ci, Charlemagne se voyait reconnaître son titre d'empereur par Constantinople. En échange, il renonçait à ses prétentions sur les possessions byzantines d'Italie (essentiellement la province deVenise)[105] et de la côtedalmate. Tout espoir de voir réunies les deux parties de l'empire disparut à jamais.

Lors d'un engagement avec Kroum, Nicéphore fut tué et son fils,Stavrakios, grièvement blessé. Son beau-frère,Michel Rhangabé monta sur le trône[106]. Il maintint la politique de son prédécesseur à l'endroit de Charlemagne à qui il reconnut officiellement le titre debasileus tout en demandant la main d'une fille de Charlemagne pour son propre fils. Partisan de l'orthodoxie, il fit revenir lesstudites, adversaires du parti iconoclaste. Sur leur conseil, il reprit la guerre contre Kroum et fut défait lors de labataille de Versinikia. L'armée se révolta et Michel fut forcé d'abdiquer en faveur dustratège duthème des Arméniaques,Léon V[107].

La mort subite de Kroum venu à nouveau assiéger Constantinople permit à Léon V (décédé en 820) de tourner son attention vers les questions religieuses, d'attribuer les défaites de Nicéphore au retour des images et de convoquer un concile (en815) qui revint aux thèses iconoclastes mais de façon plus modérée que sous Constantin V[108]. Il fut assassiné en 820 pendant un office liturgique dans lacathédrale de Sainte-Sophie par les partisans d'un autre général,Michel (r. 820-829)[109].

Avec Michel II, commence ladynastie amorienne qui mit fin à cette succession de généraux venus des thèmes d'Asie. La révolte deThomas le Slave qui s'était déclaré partisan des images mêla à nouveau questions politiques, sociales et religieuses[110]. Quoiqu'iconoclaste lui-même, Michel chercha un terrain d'entente avec les iconodoules et y serait sans doute parvenu sans l'opposition du papePascalIer. En 827, les Arabescommencèrent à envahir systématiquement laSicile, réduisant encore davantage l'influence byzantine dans l'Adriatique.

Icône de Cyrille et Méthode. En évangélisant les peuples slaves, les deux frères accroissent considérablement la sphère d'influence culturelle de Byzance.

On assista sous son successeur,Théophile[111] (812/813-842), à la dernière persécution contre les iconodoules, d'autant plus vive qu'il s'agissait du dernier sursaut de l'iconoclasme moribond. Théophile laissa les Arabes continuer leur conquête de la Sicile et de l'Italie du Sud pour se concentrer sur l'Asie où il créa les thèmes dePaphlagonie et deChaldée, consolidant ainsi la présence de Byzance dans lePont et sur lamer Noire où les territoires byzantins furent regroupés dans un thème (Crimée byzantine) ayant comme capitaleCherson[112]. Toutefois, lesac d'Amorium, la ville d'origine de la dynastie régnante par les Arabes eut un grand retentissement au sein de l'Empire byzantin et contribua à désavouer l'iconoclasme dont la légitimité reposait en partie sur les victoires militaires[113].

Théophile mourut peu avant d'avoir atteint sa vingt-neuvième année. Son fils,Michel III (840-867) n'avait que deux ans à son avènement. La régence fut confiée à sa mère,Théodora et à son conseiller, le logothète du drome,Theoktistos[114]. Continuant celui de son père, le règne de Michel III marqua la fin du déclin de l'empire et le début du raffermissement qui devait se poursuivre sous ladynastie macédonienne[115]. En 843, Theodora et Theoktistos rétablirent l'orthodoxie à la suite d'une réunion de dignitaires civils et religieux où furent reconnues les conclusions du second concile de Nicée (787)[116]. La régence dura quatorze ans au terme desquels Michel, en âge de régner, força sa mère à se retirer dans un couvent.

C'est pendant son règne que le prince deMoravie, en butte aux attaques desFrancs, demanda des missionnaires à Constantinople en 862 pour combattre l'influence des missionnaires francs. Michel y répondit obligeamment en envoyant lesfrères Constantin (plus tard connu sous le nom de Cyrille) et Méthode. La Moravie et, peu après, laBulgarie devinrent ainsi un terrain de compétition tant politique que religieuse entre l'Est et l'Ouest[117]. Tournée depuis des années vers l'Asie, la politique byzantine devait dorénavant porter une plus grande attention à ce qui se passait au nord de ses frontières et commencer des relations fructueuses avec laRus'.

Pour se défaire de sa mère, Michel s'était appuyé sur le frère de Théodora,Bardas[118]. Celui-ci réussit à s'imposer en peu de temps et à être couronnéCésar en 862. Excellent administrateur, il contribua à la fondation de l'université de la Magnaure d'où rayonna bientôt la civilisation byzantine sous la conduite deLéon le Mathématicien (ouLéon le Philosophe, vers 790-870). Excellent soldat, on lui doit aussi lavictoire de Petronas en 863, qui marqua un tournant dans la guerre avec les Arabes. De défensive qu'elle avait été jusqu'à ce moment, la guerre devint offensive et les Byzantins poussèrent leur avantage en Asie. Toutefois, un conflit ouvert devait éclater entre lui et le favori de Michel III,Basile Ier le Macédonien (r. 867-886). Au cours d'une expédition en Crète, Basile, avec la complicité de l'empereur, assassina Bardas et fut, en récompense, couronné coempereur. N'ayant plus besoin de Michel, Basile fit assassiner ce dernier au sortir d'un banquet en septembre 867[119].

Dynastie macédonienne et redressement de l'empire (867–1057)

[modifier |modifier le code]
Articles détaillés :Empire byzantin sous les Macédoniens etRenaissance macédonienne.

Premiers empereurs macédoniens et premières réussites (867–912)

[modifier |modifier le code]
En fondant ladynastie macédonienne, BasileIer est à l'origine de l'ère glorieuse de l'Empire byzantin sous sa forme médiévale.

Ancienécuyer, Basile (835-886) devait se révéler un excellent administrateur, un réformateur enthousiaste et un général clairvoyant[120]. Sur le plan intérieur, il dut faire face aux dissensions que traversait l'Église d'Orient au sortir de la crise iconoclaste, crise qui le fit d'abord renvoyer puis rappeler le patriarchePhotius[121]. Il renforça le contrôle de l'État sur la vie économique et réforma le droit par la publication de deux recueils, leProcheiron et l'Épanagoguè. Le premier était un code à l'intention d'un large public à l'instar de l’Éclogue de Léon III. Traduit en slavon, il contribua au rayonnement de la pensée byzantine chez lesBulgares, lesSerbes et lesRusses. Le deuxième définissait les droits et les devoirs de l'empereur, du patriarche et des hauts fonctionnaires de l'empire, présentant l'image d'unécoumène régi conjointement par l'empereur et le patriarche, chacun d'eux agissant dans sa sphère propre, mais collaborant au bien-être de l'humanité[122].

Durant sa lutte contre les Arabes, Basile reprit le contrôle de lacôte dalmate et d'une bonne partie de l'Italie méridionale ; Rome elle-même, que la fin de la dynastie carolingienne privait de ses alliés francs, dut faire appel à lui. Dans les Balkans, le prosélytisme religieux de l'Église orthodoxe en réponse aubogomilisme, doublé d'un habile jeu diplomatique, contribua plus que l'armée à augmenter le prestige de l'Empire, d'autant plus que, contrairement à l'Église d'Occident, saprédication se faisait toujours dans la langue du peuple concerné, lui laissant une certaine autonomie dans l'organisation de son Église[123]. Ayant à choisir entre Rome et Constantinople, le tsar bulgare,Boris Ier (r. 852-889), après avoir tergiversé, opta en faveur de Constantinople. En 867, le patriarche Photius annonçait que lesRusses, après avoir tenté d'attaquer Constantinople, acceptaient maintenant qu'on leur envoie un évêque chrétien. Quelques années plus tard, le « baptême de la Russie » signifia son entrée dans la « communion orthodoxe »[124].

Léon VI (866-912) poursuivit la refonte du droit entreprise par son père. LesBasiliques constituent un ensemble de 60 livres divisés en six tomes. Recueil de lois canoniques aussi bien que civiles et criminelles, ce fut sans doute l'ouvrage le plus considérable de l'Empire byzantin médiéval[125]. À cela s'ajoute une collection des 113 édits de Léon lui-même lesquels, publiés sous le titre deNovelles, qui traduisaient à la fois la continuité avec le système romain, l'absolutisme impérial et la montée de la noblesse civile byzantine qui, à partir deRomain Lécapène, menaça cet absolutisme[126]. En plus d'avoir à faire face aux Arabes en Orient, Léon dut affronter le nouveau khan bulgare,Siméon Ier le Grand (r. 883-927), fils de Boris, qui ambitionnait de devenir lui-mêmebasileus. Pour lutter contre lui, Léon s'allia à un nouveau peupleapparu vers 880 sur leDanube et qui allait bientôt poser de nombreux problèmes : lesMagyars, dirigés parÁrpád de Hongrie[127].

RomainIer et Constantin VII : la renaissance macédonienne (912–959)

[modifier |modifier le code]
Christ couronnant Constantin VII (945). SiConstantin VII Porphyrogénète gouverna peu, ses œuvres littéraires sont d'une grande importance historique pour la compréhension de l'Empire byzantin.

À la mort de Léon VI, le trône échut à son frère et coempereur,Alexandre (870-913) qui mourut un an plus tard. La dynastie macédonienne n'était plus représentée que par un enfant de 7 ans,Constantin VII Porphyrogénète (905-959, r. 913-959) né du quatrième mariage de Léon VI avecZoé Carbonopsina, mariage dont la validité n'était pas reconnue par l'Église[128]. La régence incomba d'abord au patriarcheNicolas Ier Mystikos, puis à la mère de Constantin, Zoé, laquelle dut faire face aux attaques de Syméon de Bulgarie et à celles des Arabes d'Asie et d'Afrique. Devant un désastre imminent, on fit appel en 919 au commandant de la flotte impériale, RomainIer Lécapène (870-948). Homme d'une grande ambition, il réussit à éloigner l'impératrice mère et ses courtisans de façon à établir son pouvoir personnel. Après avoir fait épouser sa fille par Constantin VII, il reçut le titre debasiléopator[129], puis de césar avant de devenir coempereur en 920, et finalement d'empereur en titre, Constantin ne faisant plus figure que de coempereur.

Sa première tâche fut de continuer la lutte contreSyméon de Bulgarie qui n'avait pas abandonné l'idée de devenir empereur des Romains. Il parvint toutefois à neutraliser Syméon qui se tourna alors vers la Serbie et laCroatie. Après le décès de Syméon en 927, son filsPierre épousa la petite fille de Romain ; on lui reconnut le titre debasileus des Bulgares et l'Église bulgare reçut son propre patriarche[130]. La paix avec la Bulgarie permit à Romain de concentrer ses efforts sur la lutte contre les Arabes. Deux guerres devaient s'ensuivre avec comme objectif de progresser enCilicie et en Haute Mésopotamie avec l'appui de l'Arménie. La première dura onze ans et fut conduite par le généralJean Kourkouas ou Ioannis Kourkouas. Elle se termina en 938 par une trêve avec échange de prisonniers. La deuxième commença l'année suivante et se poursuivit jusqu'en 944, lorsque les Byzantins parvinrent à reprendreÉdesse et à rapporter à Constantinople le fameuxMandylion, linge portant l'empreinte de la figure duChrist[131]. L'Empire byzantin était favorisé dans sa lutte contre les Arabes par la division de ceux-ci en plusieurs émirats indépendants. Jean Kourkouas dut également défendre Constantinople contre les forces russes du princeIgor de Kiev qui, en 941 et en 944, voulait contraindre l'empire à accorder des conditions commerciales avantageuses aux marchands russes maintenant présents dans toute la Méditerranée. Une trêve (traité de Constantinople) fut conclue donnant effectivement un statut avantageux aux marchands russes contre la promesse de ne pas attaquerCherson et les autresvilles byzantines de la Crimée[132].

Pendant son règne, Romain mena une lutte constante contre lanoblesse civile qui achetait les terres des paysans pauvres ou des communautés rurales (les paroisses) sur lesquelles reposait le paiement des impôts et la prestation du service militaire. La diminution du nombre de ces petites propriétés avait pour conséquence la diminution de la richesse de l'État, car la noblesse était exempte d'impôt[133]. Déjà âgé, Romain fut victime de la soif de puissance de ses fils, qui, craignant de ne pouvoir succéder à leur père, firent arrêter celui-ci le et l'exilèrent dans l'île de Proti (aujourd'huiKınalıada) où il devait finir ses jours quatre ans plus tard. Leurs plans échouèrent toutefois puisqu'en janvier 945, ils furent eux-mêmes arrêtés et envoyés en exil, laissant ainsiConstantin VII Porphyrogénète (905-959) seul sur le trône. Tenu depuis vingt-cinq ans à l'écart des décisions de l'empire, Constantin continua sa vie studieuse de penseur et d'historien. Son legs intellectuel fut néanmoins aussi important que l'héritage militaire ou politique de ses prédécesseurs. Non seulement il réforma l'université impériale (il en releva le statut de ses professeurs dans la société), mais il composa aussi plusieurs ouvrages comme leDe ceremoniis décrivant méthodiquement le rituel de la cour byzantine ou leDe administrando Imperio dans lequel il fit part à son fils de ses propres réflexions et de celles de ses prédécesseurs sur la façon d'administrer l'empire[134]. Ce fut durant cette période que se déroula le voyage que fit à Constantinople la princesseOlga de Kiev, veuve du prince Igor et régente pour son fils. Sa conversion au christianisme et sa réception par Constantin VII créèrent des liens qui se consolidèrent durant les règnes de Svyatoslav et deBasile II.

Conquêtes des années 959–976

[modifier |modifier le code]
Contesté sur le plan intérieur, l'empereurNicéphore II Phocas remporte de nombreux succès sur le plan extérieur.
Les thèmes byzantins en Asie Mineure vers950 peu avant les conquêtes de Nicéphore II Phocas et Jean Tzimiskès.

AvecRomain II (939-963) commença une période d'expansion qui devait se poursuivre pendant de nombreuses années. Son principal mérite fut de garder certains collaborateurs de son père comme le généralNicéphore II Phocas (912 -969). Nommé chef des armées en 954, il avait déjà mené de glorieuses campagnes enSyrie, enMésopotamie et enCrète, avant de conquérirAlep, la capitale deSaïf-ad-Daoulah, ennemi juré de l'empire. Lorsque Romain mourut en 963, sa veuve,Théophano, assura la régence au nom de ses deux fils, Basile II etConstantin VIII puis elle épousa Nicéphore Phocas déjà proclamé empereur par ses troupes.Jean Tzimiscès, deuxième général en importance de l'empire, prit sa place comme commandant en chef des troupes d'Orient[135].

Venant de la noblesse foncière, Nicéphore annula certaines dispositions des lois de Romain II qui interdisaient aux puissants de s'approprier les terres des pauvres. Il dirigea plutôt ses attaques contre les monastères qui non seulement accumulaient terres et richesses, mais privaient ainsi l'armée de précieuses recrues[136]. Militaire adoré de ses soldats, Nicéphore le demeura tout au long de son règne. Il combattit d'abord les Arabes auxquels il pritChypre,Tarse etMopsueste en 965 ; quatre ans plus tard,Antioche tombait, suivie d'Alep. Nicéphore s'allia au prince deKiev, Sviatoslav, contre les Bulgares. Mais il se rendit compte de son erreur lorsque Sviatoslav, après avoir agrandi son territoire du côté desbouches du Danube et fait prisonnier le tsar bulgareBoris II (r. 969-977), se rendit maître de la Bulgarie, devenant ainsi un danger mortel pour l'empire. Nicéphore dut alors inverser ses alliances et aider les Bulgares contre Sviatoslav. Complètement pris par ses conquêtes en Asie et les campagnes des Balkans, il n'avait porté que fort peu d'attention à l'Ouest oùOttonIer, après s'être fait couronner à Rome et avoir réduit l'Italie byzantine à quelquesthèmes et catépanats, ressuscitait l'idée d'un empire d'Occident égal à l'empire d'Orient. Dans ce but, Otton envoya son ambassadeur,Liutprand évêque de Crémone, proposer aubasileus une alliance matrimoniale entre le fils d'Otton et la sœur des deux jeunes coempereurs. Cette proposition fut considérée à Constantinople comme une offense venant d'un roi barbare qui n'était ni empereur, ni romain[137].

SviatoslavIer rencontrantJeanIer auxbouches du Danube. En repoussant lesRusses, Jean Tzimiskès éloigna une importante menace.

Pendant que Nicéphore guerroyait, son épouse Théophano s'était éprise du jeune et brillant général Ioannis Tsimiskès, (925-976), espérant peut-être en faire son époux. De concert, ils complotèrent le meurtre de Nicéphore, assassiné dans son lit le 10 décembre 969. Toutefois, Tsimiskès n'avait nullement l'intention d'épouser l'impériale veuve. Au contraire, cédant aux pressions du patriarchePolyeucte de Constantinople, il exila Théophano et épousaThéodora, fille de Constantin VII et cousine des empereurs légitimes Basile II et Constantin VIII, entrant ainsi dans la famille impériale[138]. Devenant très dévot après la façon peu orthodoxe dont il avait accédé au trône, Tsimiskès révoqua les décrets antimonastiques de son prédécesseur, fut le premier empereur à faire figurer la figure du Christ sur ses monnaies et se constitua le protecteur de laGrande Laure duMont Athos ; on considère sachrysobulle de 970 comme l'acte constitutif de lacommunauté monastique du mont Athos[139].

Saïf-ad-Daoulah, l'émir hamdanide qui avait été le principal ennemi de Byzance pendant des décennies, mourut en 967. Toutefois, si lecalifat de Bagdad ne représentait plus de danger, un nouvel ennemi s'annonçait : lescalifes fatimides avaient reconquis l'Égypte en 969 et 970 et voulaient étendre leur puissance enAsie mineure. Tzimiscès dut reprendre la guerre en Orient. Au nord, il signa un traité d'alliance avec le roiAshod d'Arménie, au sud l'émir hamdanide deMossoul se reconnut son vassal. En 975, s'étant donné laPalestine comme objectif, Tzimiscès s'empara des principales villes liées à l'épopée du Christ, puis des villes de la côte commeSidon etBeyrouth. Dans les Balkans, Sviatoslav qui avait conquis la Bulgarie, menaçait en 969 de marcher sur Constantinople. Après unepremière victoire du généralBardas Sklèros qui le força à se réfugier àPhilippopoli (970), Tzimiscès entreprit une vaste offensive qui se termina en 971 par ladéroute complète des Russes. Sviatoslav dut repasser le Danube et leDniestr pendant que Byzance occupait la Bulgarie occidentale : le Danube redevenait ainsi la frontière de l'empire. L'année suivante, Tzimiscès conclut une alliance avec OttonIer aux termes de laquelle ce dernier évacuait les possessions byzantines mais obtenait la main de Théophano, fille de Romain II et sœur des deux jeunes empereurs légitimes[140].

Basile II : apogée de l'Empire (976–1025)

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Basile II.
Psautier de Basile II, représentant l'empereur triomphant de ses ennemis.

Tzimiscès contracta une maladie mortelle pendant la campagne de Palestine et s'éteignit en 976 bien que la thèse d'un empoisonnement puisse aussi expliquer cette mort rapide[141].Basile II (958-1025) etConstantin VIII (960-1028) devinrent donc empereurs en fait autant qu'en droit, mais Basile II s'imposa rapidement comme le seul empereur effectif. Pour y parvenir, il dut cependant mettre fin à la révolte deBardas Sklèros, éparque de l'Est, et deBardas Phocas. Ce dernier commandait l'armée qui devait capturer Bardas Skléros mais il finit par se joindre à lui[142]. Basile vint à bout de cette révolte en s'alliant avec le princeVladimir deKiev grâce à un marché en fonction duquel le prince épouserait lasœur du basileus en échange de la conversion de son peuple au christianisme. C'était la première fois qu'une princesseporphyrogénète était donnée en mariage à un « barbare »[143]. Cet accord permit à l'Empire byzantin d'accroître grandement son influence culturelle. La révolte de ses puissants conseillers devait marquer Basile II. L'adolescent insouciant fit place à l'autocrate austère qui décida de soumettre les grands propriétaires terriens et d'empêcher les monastères d'accroître leurs terres.

L'Empire byzantin en 1025.

Basile est très connu pour les campagnes qu'il mena pour détruire l'Empire bulgare et qui lui valurent le titre deBulgarochtone (ouBulgaroktonos : « le tueur de Bulgares »). La première campagne qu'il mena dès son arrivée au pouvoir se termina par ledésastre de la Porte Trajane. Puis, après une campagne contre lesFatimides en Syrie et une dans leCaucase pour régler le cas de l'Arménie et de l'Ibérie, il reprit la lutte contre le tsarSamuel en 1001. Le tournant de la guerre eut lieu 1014 lorsque l'armée de Samuelfut encerclée dans la région du fleuveStrymon. Basile y aurait fait 14 000 prisonniers qu'il fit aveugler, ne laissant qu'un œil à un homme sur cent pour guider les autres dans leur retraite. À la vue de ce qui restait de son armée, le tsar qui avait perdu pratiquement tout son empire, eut une attaque d'apoplexie et mourut le[144]. Toutefois, les études récentes nuancent cette histoire probablement romancée par les sources de l'époque[145]. En 1018, Basile acheva la conquête de la Bulgarie. Cette victoire permit à l'Empire byzantin de se libérer d'un ennemi qui avait menacé sa survie à plusieurs reprises.

Occupé par la question bulgare et celle de l'empire fatimide, Basile préféra régler les problèmes de l'Italie byzantine et de l'Adriatique par la diplomatie. À cette fin, il s'allia avec la jeune puissance maritime que devenait larépublique de Venise et dont il était toujours en théorie le suzerain, lui accordant divers privilèges commerciaux que les Vénitiens durent défendre par la force, notamment en Dalmatie (en 1001). En contrepartie, Venise mit une flotte au service de Byzance pour défendreBari, la capitale du thème byzantin d'Italie contre lesSarrasins. Ce fut du reste alors qu'il préparait une offensive contre ceux-ci en Sicile qu'il mourut en décembre 1025[146]. Il laissa à ses successeurs un empire dont la superficie n'avait jamais été aussi grande depuis le temps d'Héraclius ainsi qu'un trésor impérial rempli par les gains des conquêtes. Toutefois, l'ampleur des conquêtes de Basile ont parfois été critiquées car les frontières n'en furent que plus difficiles à défendre[147].

Prémices du délitement de l'Empire (1025–1057)

[modifier |modifier le code]

À sa mort, le trône revint à son frèreConstantin VIII (960/961-1028)[148]. Mais, pendant les 32 ans qui précèdent l'avènement de la dynastie desComnène, le pouvoir fut assumé par des princes-époux ou des princes-adoptés et le gouvernement par des intellectuels (Jean Xiphilin,Michel Psellos) ou des personnages issus de milieux modestes (commeNiképhoritzès).Paul Lemerle qualifie ainsi cette période de« gouvernement des philosophes »[149].

Constantin VIII eut trois filles dont la plus âgée, Eudoxie, se fit religieuse, la deuxième,Théodora Porphyrogénète se récusa à la mort de son père, laissant àZoé la charge d'assurer la pérennité de l'empire. Sur son lit de mort, Constantin força celle-ci à épouser l'éparque de la cité,Romain Argyros dont l'épouse légitime fut envoyée dans un couvent. Romain III (968-1034) se hâta d'abolir l'Allèlengyon de Basile II, destiné à empêcher les abus des puissants, leur donnant ainsi le pouvoir de s'approprier les terres des paysans-soldats. Il compromettait du même coup l'existence des biens militaires qui, depuis la création des thèmes, étaient la source principale du recrutement de l'armée[150]. Toutefois, l'Empire byzantin parvint encore à s'emparer de quelques territoires (Édesse, la côte orientale de laSicile) mais ces succès devaient plus aux divisions de leurs adversaires arabes qu'aux talents personnels des empereurs à l'image de l'échec de la campagne de Romain III contre l'émirat d'Alep en 1030[151].

Le Christ entre Constantin IX Monomaque et Zoé. Mosaïque deSainte-Sophie. Du fait de ses pratiques dispendieuses qui ruinèrent le trésor impérial, l'empereur Constantin IX représenta le début de l'Empire byzantin à partir de 1050.

Ce mariage forcé entre Zoé et Romain ne dura guère et, bientôt, l'impératrice Zoé s'éprit du frère deJean l'Orphanotrophe, moine et favori de Romain Argyre. Michel lePaphlagonien répondit aux avances de Zoé qui fit noyer Romain dans son bain avant d'épouser Michel quelques heures plus tard. Son but atteint,Michel IV le Paphlagonien (?-1041, r. 1034-1041)[152] relégua l'impératrice au palais et dirigea les affaires de l'État avec son frère. Michel IV n'ayant pas d'enfant, il avait fait adopter en 1035 par l'impératrice Zoé son neveu,Michel Kalaphates, qui monta sur le trône sous le nom de Michel V (?-1042)[153]. Après avoir feint le plus grand respect pour Zoé, Michel tenta de se débarrasser d'elle définitivement, mais il se heurta à la colère de la population pour qui l'impératrice représentait la légitimité de ladynastie macédonienne. Le, la révolution éclatait et la foule fit revenir Zoé et Théodora qui, bien que se détestant, régnèrent quelques mois de concert.

Deux mois plus tard, Zoé se mariait pour la troisième fois et prenait pour épouxConstantin IX Monomaque qu'elle fit couronner le jour suivant. Le règne de Constantin IX (de 1042 à 1055) marqua la fin de la politique d'expansion de l'empire. À la désintégration de l'ordre politique correspondit celle de l'armée[154]. Les soldats-paysans des thèmes se transformant en contribuables, non seulement les effectifs se réduisirent mais les empereurs durent se tourner vers des mercenaires. AuxVarègues et auxSlaves orientaux de laGarde varangienne s'ajoutèrent des aventuriers venus deCatalogne, d'Italie et d'Angleterre[155]. En même temps, de nouveaux ennemis succédèrent aux précédents : lesTurcs Seldjoukides prennent la place des Arabes en Orient, où les conquêtes byzantines avaient fait disparaître lesÉtats tampons qui séparaient l'Empire byzantin des Arabes. Les empereurs y avaient créé des thèmes, mais mal administrés, et les territoires concernés furent ravagés par plusieurs décennies de guerres. Cela favorisa la réussite des premiers raidsturcs. Simultanément, lesNormands apparurent en Occident pendant qu'au Nord, lesPetchénègues et lesCoumans remplacèrent les Bulgares et les Russes, ces derniers lançant leurdernière attaque contre Constantinople en 1043. Néanmoins, si Constantin IX resta toujours sur la défensive, il sut faire preuve de dynamisme et d'énergie dans la lutte contre les adversaires extérieurs. Ainsi, le règne de cet empereur controversé ne fut pas aussi désastreux que la description qui en a été faite par ses contemporains[156]. Zoé meurt en 1050 : son dernier mari reste sur le trône comme seul empereur.

En 1054 laséparation des Églises d'Orient et d'Occident traduit le refus de laPentarchie par l'église de Rome, équivalent religieux de l'éloignement politique, économique et culturel des deux parties de l'empire au cours des derniers siècles[157]. À la mort de Constantin IX en janvier 1055, la dernière survivante de la dynastie macédonienne, en la figure de Théodora (980-1056), monta sur le trône en son nom propre cette fois. Son règne confirma encore une fois le régime de la noblesse civile et Théodora se conforma aux souhaits de celle-ci en nommant pour lui succéderMichel VI Bringasle Stratiotique (?-1057). Après quelques mois, la noblesse civile, comblée d'honneurs, dut faire face à la noblesse militaire. Voyant leurs revendications refusées, les généraux proclamèrent bientôt l'un des leurs,Isaac Ier Comnène, empereur le[158]. Et, lorsque trois mois plus tard, l'Église se rangea du côté de celui-ci, Michel VI n'eut d'autre choix que d'abdiquer et de se retirer dans un monastère.

Luttes de pouvoir des années 1057–1081

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Guerres turco-byzantines.
La défaite de Mantzikert plonge l'Empire byzantin dans laguerre civile, ce qui facilite laconquête de l'Anatolie par lesSeldjoukides.

Isaac Ier Comnène (1007-1060 ou 1061) ne conserva le pouvoir que deux ans et trois mois avant d'être forcé d'abdiquer. Son avènement marquait la victoire de la noblesse militaire sur la noblesse civile. Les largesses deConstantin IX Monomaque ayant ruiné le trésor public, Isaac se mit à taxer sans pitié le peuple, lesénat, les monastères et même l'armée. Il fut particulièrement intransigeant envers l'Église en faisant déposer le patriarcheMichel Cérulaire[159]. Celle-ci, qui s'était rangée du côté des militaires au temps de Michel VI, se rangea cette fois dans le camp de lanoblesse civile. Malade et découragé, Isaac abdiqua, cédant le trône à un autre général,Constantin X Doukas (1006-1067)[160].

Bien que militaire de carrière, celui-ci appartenait à l'aristocratie civile (la distinction entre les deux aristocraties mise en évidence parGeorg Ostrogorsky est à relativiser)[161]. Il se hâta d'annuler taxes et impôts décrétés par Isaac Comnène et de rappeler les bureaucrates et les lettrés écartés du pouvoir, leur ouvrant largement les portes du Sénat. On vit même des soldats quitter l'armée pour entrer dans l'administration civile[162]. À sa mort, l'impératriceEudocie Makrembolitissa devint régente au nom de ses trois fils et épousa un représentant de la noblesse militaire,Romain Diogène,stratège de Triaditza qui devint empereur sous le nom de Romain IV (?-1071)[163]. C'était un retour au régime des princes-époux, les héritiers du trône n'étant plus que coempereurs. Le mariage ne dura que deux mois après quoi Romain alla s'installer au-delà duBosphore, craignant continuellement les complots de la famille Doukas qui voulait protéger les droits des héritiers légitimes. Il décida alors de mener une campagne contre lesSeldjoukides qui multipliaient les raids enAsie mineure. Toutefois, il fut défait et capturé lors de labataille de Manzikert en 1071. Il fut cependant relâché et obtint un traité de paix indulgent des Turcs mais il fut déposé à son retour par les Doukas avant d'être aveuglé et obligé de se retirer dans un monastère[164].

L'Empire en 1076, sousMichel VII Doukas, la veille de la prise de Nicée par les Seldjoukides (elle leur appartînt de 1077 à 1097).

Fils aîné de Constantin X, grand intellectuel mais sans envergure,Michel VII Doukas (ca 1050 - empereur 1071 - déposé 1078 - ca 1090)[165] abandonna la direction de l'empire au césarJean, puis au courtisan Nicéphoritsès dont les taxations firent monter le prix du blé, déclenchant famines et émeutes (cependantJean-Claude Cheynet nuance les critiques contre Nicéphoritsès qu'il présente comme un administrateur ayant essayé d'atténuer les crises de l'empire par différentes politiques parfois audacieuses, et récuse la qualification systématique d'« eunuque » pour les courtisans byzantins, dont celui-ci[166]). Les armées d'Europe et d'Asie se révoltèrent et proclamèrent empereurs leurs commandants respectifs :Nicéphore Bryenne etNicéphore Botaniatès. Avec l'aide des Turcs, ce fut le commandant de l'armée d'Asie qui l'emporta et força Michel VII à abdiquer. Appartenant à la famille desPhocas, Nicéphore III Botaniatès (1001/1012 - 1081)[167] avait derrière lui une brillante carrière militaire. Toutefois, il ne put réorganiser l'armée alors composée de soldats de toutes nationalités. S'ensuivit une série de révoltes militaires et de guerres civiles jusqu'à ce qu'Alexis Comnène s'empare de Constantinople et force Nicéphore à se retirer dans un monastère[168].

Toutefois, ce furent moins les guerres civiles qui marquèrent cette période que la perte de presque tous les territoires emportés de haute lutte sous la dynastie macédonienne. À l'Ouest, les Normands conquirent peu à peu l'Italie et le pape Nicolas s'allia à eux pour assurer sa défense. La prise deBari parRobert Guiscard en 1071 mit définitivement fin à la présence byzantine en Italie[169]. Au Nord-Ouest, les Hongrois passèrent le Danube pour s'emparer de Belgrade pendant que lesOghouzes envahissaient une partie des Balkans, que la Croatie se déclarait indépendante et faisait allégeance à Rome, et que Constantin X installait lesPetchénègues en Macédoine. À l'Est, lesSeldjoukides reprirent l'Arménie et la Mésopotamie avant de profiter des troubles internes frappant l'Empire byzantin pour occuper l'ensemble de l'Asie mineure, parfois après avoir soutenu un prétendant byzantin comme Nicéphore Botaniatès. En plus de ces pertes territoriales, lanomisma fut fortement dévaluée. Si ce mouvement commença dès le règne de Constantin VII, il s'accéléra sous Constantin IX et Romain IV au point qu'à partir de 1071, une véritable crise financière frappa l'empire[170]. Enfin, un autre événement extérieur devait avoir des répercussions considérables pour l'empire : en 1074, le papeGrégoire VII forma le projet d'une grande mobilisation des chrétiens d'Europe contre les musulmans. L'ère desCroisades commençait[171].

Dynastie des Comnènes et redressement de l'empire (1081–1185)

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Dynastie des Comnènes.
L'Empire byzantin en 1081.

AlexisIer Comnène : retour de la puissance impériale

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Alexis Ier Comnène.

Pendant près d'un siècle, lesComnènes tentèrent de redresser l'empire et de lui redonner un peu de son lustre passé. À son arrivée au pouvoir, AlexisIer Comnène (1057-1118) trouva un empire exsangue. La noblesse civile s'était multipliée, perdant toute autorité alors que la monnaie était dévaluée et l'économie ruinée. Le système des thèmes qui avait assuré la protection de l'empire grâce aux soldats-paysans ne fonctionnait plus parce que l'armée était dorénavant composée essentiellement de mercenaires occidentaux (Français, Normands d'Italie, Anglo-Saxons) qu'on ne pouvait payer en leur donnant des terres. Même l'Église était en proie à toutes sortes de difficultés, allant des désordres dans les monastères du Mont Athos, au mouvement hérétique desBogomiles qui, partis de Bulgarie, s'étaient répandus jusqu'à Constantinople[172].

Europe 1097

Alexis s'employa d'abord à restreindre le pouvoir des sénateurs et des courtisans du Palais en s'appuyant sur les membres de sa propre famille et sur quelques autres familles de la noblesse militaire. Il créa à cet effet une nouvelle hiérarchie aux titres aussi pompeux que vides de substance et en s'entourant de conseillers venus de milieux modestes, voire d'étrangers[173]. Ce fut surtout en politique étrangère qu'il montra son génie diplomatique. Le trésor étant vide et l'armée à court d'effectifs, il tenta d'endiguer les dangers extérieurs par un habile jeu d'alliances. ContreRobert Guiscard et les Normands, il s'allia àVenise, fraîchement émancipée de latutelle byzantine, qui voulait maintenir sa liberté de mouvement enMer Adriatique et empêcher qu'une puissance quelconque n'en contrôle les deux rives. Ainsi Venise obtint laDalmatie avec ses îles et des privilèges pour ses marchands, comme des exemptions de taxes qui leur donnaient l'avantage sur les commerçants byzantins[174],[175].

AlexisIer recevant les chefs croisés. S'il a effectivement fait appel à l'Occident pour que celui-ci lui envoie des troupes, il s'attendait à voir arriver des mercenaires et non des armées entières dont l'objectif est de se tailler des principautés indépendantes.

La mort de Robert Guiscard en 1085 permit à Alexis de se tourner vers les Petchenègues installés enMésie, entre le Danube et les Balkans. Ceux-ci envahirent d'abord laThrace en 1086 avec leurs alliés lesCoumans. Mais, bien vite, Petchenègues et Coumans en vinrent aux mains après la bataille deDristra. Aussi, lorsque les Turcs s'allièrent aux Petchenègues et vinrent mettre le siège devant Constantinople, Alexis eut l'idée de s'allier aux Coumans. Cette stratégie devait libérer l'empire des Petchenègues, qui furent pratiquement annihilés lors de labataille de la colline de Lebounion, le[176]. Restaient toutefois à affronter les Turcs conduits par l'émir deSmyrne,Tzachas (ou Çaka). L'échec du Mont Lebounion n'avait pas découragé Tzachas qui préparait une nouvelle campagne pour attaquerAbydos et, de là, Constantinople. Contre lui, Alexis fit alliance avec le fils deSoliman,Qilidj (ou Kilic) Arslan que le nouveau sultan de Perse avait établi comme vassal àNicée. Tzachas n'était plus de taille à lutter contre les forces des deux alliés et en appela au sultan qui s'en débarrassa en le faisant égorger. En 1095, Constantinople était ainsi délivrée des dangers que représentaient ses voisins immédiats[177].

La prise deJérusalem par les croisés.

Alexis fit preuve de la même clairvoyance devant le nouveau danger que représentaient lescroisades. Pour lutter contre ses turbulents voisins, il avait au moins à deux reprises demandé au pape d'encourager les chevaliers d'Occident à venir lui prêter main-forte. Dans son esprit, il s'agissait de lutter contre les Turcs et les Petchenègues, non de délivrer le tombeau du Christ. Aussi, l'allure que prit lapremière croisade (1095–1099) le surprit-il, tout comme l'enthousiasme qu'elle généra en Europe surprit le pape. Si Alexis put se débarrasser assez aisément des bandes indisciplinées dePierre l'Ermite en les cantonnant de l'autre côté du Bosphore pour éviter tout pillage de Constantinople, il crut pouvoir utiliser les chevaliers croisés comme il l'avait fait avec d'autres mercenaires pour reconquérir la côte d'Asie mineure. Pour arriver à ses fins, il crut bon d'adopter une coutume qui s'installait dans l'Europe féodale, celle du serment d'allégeance, faisant des barons ses vassaux, les obligeant à rendre à l'empire les terres qu'ils pourraient conquérir et à se conduire à l'égard de leur nouveau suzerain« en toute soumission et avec pures intentions »[178]. Si certains commeHugues de France, le premier arrivé, se prêtèrent sans difficulté à cette formalité, d'autres s'y refusèrent commeTancrède de Hauteville qui passa en Asie sans venir à Constantinople ouRaymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse, pour qui les croisades étaient une question de conquête spirituelle et non temporelle[179]. Ainsi, et malgré sa prudence, Alexis se révéla-t-il impuissant à empêcher la création deroyaumes latins en Syrie et en Palestine. Il profita toutefois de l'avancée des croisés pour reconquérir les côtes de l'Asie mineure ainsi que la ville deNicée maisAntioche échappa à son contrôle et devint le siège d'uneprincipauté latine tentant de préserver son indépendance face aux revendications byzantines[180].

Jean II Comnène : continuation de l'œuvre de relèvement

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Jean II Comnène.
Jean II Comnène représenté sur un panneau de mosaïque deSainte-Sophie.

À sa mort en 1118, Alexis avait mis un terme aux tiraillements entre les noblesses civile et militaire, avait reconstitué une armée et une marine puissantes, avait écarté les dangers d'invasion venant de ses voisins tout en regagnant plusieurs provinces perdues par ses prédécesseurs immédiats. Son fils,Jean II Comnène (1087-1143) parfois appelé« le plus grand des Comnènes »[181] devint empereur en dépit du complot d'Anne, sa sœur ainée, pour le faire assassiner et s'emparer du trône avec son mari, le césarNicéphore Bryenne. Jean dut aussi faire face à son frèreIsaac qui tenta de le détrôner en 1130. On sait assez peu de choses sur sa politique intérieure, hormis qu'il continua la réorganisation de l'armée en augmentant le recrutement indigène et qu'il se distingua par ses fondations religieuses dont le monastère duPantocreator ; on retient surtout de lui que son règne fut une« campagne perpétuelle »[182].

Dans les Balkans, Jean termina l'œuvre entreprise par son père enmettant définitivement hors d'état de nuire lesPetchénègues qui, après leur défaite de 1091, s'étaient regroupés enValachie, avaient traversé le Danube en 1122 et pillaient laThrace et laMacédoine. Il en profita pour soumettre lesboyardsserbes en continuelles rivalités, et pour intervenir dans les querelles de succession en Hongrie, qui, avec sesbanatscroates,serbes etdalmates, devenait une puissance balkanique et adriatique importante[183],[184]. Ce ne fut qu'en 1130 qu'il put se tourner vers l'Orient où il tenta d'expulser les Turcs d'Anatolie, de rétablir l'autorité de Byzance sur l'Arménie et laCilicie et d'imposer son autorité aux princes francs installés en Orient[185]. Après avoir vaincu l'émirat desDanichmendides deMélitène en 1135, il se lança dans la conquête de laCilicie (achevée en 1137), ce qui lui permit de s'emparer d'Antioche dont le prince,Raymond de Poitiers, dut jurer fidélité à l'empereur et hisser la bannière romaine d'Orient sur les murs de la ville[186].

Les relations avec lesÉtats francs se détérioraient. En Occident, Jean Comnène craignait une intervention deRoger II de Sicile, qui venait de conquérir lesPouilles et laCampanie, dans les affaires d'Antioche. Il accéda donc à la coalition formée parLothaire II, le papeInnocent II, les vassaux révoltés des Pouilles et Venise contre le roi de Sicile et l'antipapeAnaclet[185]. Les tentatives de Jean II pour se libérer des liens contractés avec Venise et qui paralysaient le commerce byzantin furent vaines. Bien plus, après que la flotte vénitienne eut attaqué les îles byzantines de lamer Égée, Constantinople fut forcée de signer un nouveau traité en 1126 qui confirmait tous les privilèges de Venise[187]. Il préparait une nouvelle expédition contre Antioche, prélude à une expédition plus large contre la Palestine, lorsqu'il mourut en 1143 des suites d'un accident de chasse.

ManuelIer : entre poursuite des succès et premiers revers

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Manuel Ier Comnène.

Jean Comnène avait désigné comme successeur son quatrième fils,ManuelIer Comnène (1118-1180). Le règne de celui-ci marqua à la fois l'apogée du rayonnement de Byzance tant en Orient qu'en Occident et le début du déclin qui conduisit à sa première chute en1204. Il se caractérise par la politique étrangère très ambitieuse de Manuel et parfois en décalage par rapport aux véritables ressources de l'Empire byzantin[188]. De nombreux changements s'étaient produits dans la société byzantine depuis l'avènement des Comnènes. L'un des plus importants était le rôle que jouait maintenant la famille impériale dans l'administration de l'État. Rarement, auparavant, l'empereur partageait-il le pouvoir avec d'autres membres de sa famille hormis son successeur présomptif. Avec les Comnènes, les membres de la famille impériale se retrouvaient au sommet de la hiérarchie et exerçaient les plus hauts emplois civils et militaires. D'où l'importance des alliances matrimoniales qui permirent d'ajouter progressivement aux grandes familles traditionnelles comme lesKontostéphanos et lesPaléologues des familles de moins haute extraction comme lesAnges, lesCantacuzènes et lesVatatzès qui jouèrent un rôle important dans les siècles suivants[189].

Absorbé par des projets ambitieux et lointains,ManuelIer Comnène en oublia parfois les menaces plus urgentes.

Par ailleurs, les contacts de plus en plus nombreux avec l'Occident commençaient à transformer les structures et les mentalités. Les étrangers n'étaient en effet plus seulement mercenaires dans l'armée. Manuel, qui était véritablement fasciné par le monde des chevaliers et ses coutumes, nomma nombre d'entre eux dans son administration, ce qui, joint aux privilèges dont jouissaient les marchands deVenise,Gênes etPise, provoquait un mécontentement croissant dans la population[190]. Mais, tout comme le règne de Jean II, celui de ManuelIer fut davantage occupé par les questions de politique étrangère. La question normande demeura au centre des préoccupations mais, contrairement à ce qui s'était passé sous Jean II, ce fut cette fois la question de l'Italie qui prit les devants. La collaboration avec le Saint-Empire deConrad III continua jusqu'à ladeuxième croisade (1147–1149) à laquelle ce dernier participa avec le roi de France,Louis VII, ami de Roger II. L'échec de cette croisade ne devait profiter qu'aux Turcs et aux Normands[191]. Une nouvelle croisade se dessinait, dirigée spécifiquement cette fois contre l'empire byzantin. Elle aurait regroupé d'un côté les Normands, lesGuelfes, laFrance, laHongrie et la Serbie, de l'autre Byzance, leSaint-Empire romain germanique et Venise. La mort de Conrad III et l'arrivée au pouvoir deFrédéric Barberousse mit un terme à l'alliance entre le Saint-Empire et Byzance, Frédéric Barberousse rejetant les prétentions de Byzance sur l'Italie et aspirant lui-même à être le seul héritier de l'empire romain universel[192]. La mort de Roger II en 1154 et l'avènement de son filsGuillaumeIer permit de croire à un apaisement, voire à un renversement des alliances. Il n'en fut rien cependant et les efforts de Manuel pour pousser son avantage en Italie n'eurent pas de succès, le forçant à négocier un arrangement avec GuillaumeIer.

Manuel réussit à rétablir l'autorité impériale sur lescôtes des Balkans, notamment enDalmatie. En 1161, il intervient chez les Serbes, déposant le grandjoupan Pervoslav Uroš et le remplaçant par celui qui devint après plusieurs autres épisodes le libérateur de la Serbie,Étienne Némanja. En Hongrie aussi, il intervint de 1161 à 1173 dans les affaires de succession, soutenant un candidat puis l'autre jusqu'à ce qu'il installeBéla III sur le trône. À ce moment, Manuel est au faîte de sa puissance. Le déclin commença lorsqu'il échoua à rétablir l'unité de l'Église et celle de l'Empire en amenant le pape à le couronner empereur d'Occident. Ce qui était encore possible sous Justinien ne l'était plus dans une Europe où un système complexe d'États ne permettait plus la création d'un empire universel. La coalition qui se forma immédiatement contre lui et le traité de paix qu'il dut signer avec les Normands mirent fin à ce mirage et amenèrent le départ définitif des troupes byzantines d'Italie en 1158[193].

Il connut toutefois un certain succès dans ses relations avec les États latins d'Orient. Menacés par les Turcs, ceux-ci furent réduits, l'un après l'autre, à reconnaître l'empereur comme leur protecteur. Les choses tournèrent mal lorsque, à la suggestion du roi de Jérusalem,AmauryIer, il conçut le projet d'une expédition contre l'Égypte, sorte de croisade qui aurait été dirigée par Byzance avec comme alliés les royaumes latins. Cependant, Amaury n'attendit pas l'empereur pour attaquer et fut défait parNur ad-Din et son serviteur,Saladin, qui devint l'ennemi le plus implacable des États chrétiens. Une deuxième tentative n'eut pas plus de succès et l'appel lancé par Amaury en Occident en faveur d'une nouvelle croisade resta lettre morte. Une dernière tentative venant de Manuel, cette fois auprès du successeur d'Amaury, n'eut pas plus de résultats et l'alliance entre Byzance et les États latins fut abandonnée[194]. À sa mort en1180, Manuel laissait un empire renforcé sans pour autant avoir réussi à éliminer les menaces intérieures et extérieures fragilisant l'empire. Ainsi, sa défaite àMyrioképhalon contre les Seldjoukides permit à ces derniers de rester une puissance menaçante sur un territoire qui, un siècle plus tôt, était encore byzantin.

Derniers Comnènes et prémices du déclin

[modifier |modifier le code]
L'Empire byzantin en 1180.

Son héritier,Alexis II Comnène (1169-1183) était un garçon de treize ans. La régence échut à sa mère,Marie d'Antioche, qui dirigea le pays avec leprotosébasteAlexis Comnène. Le choix de ce dernier engendra un grand ressentiment dans la famille Comnène, pendant que la partialité de la reine-mère, elle-même une latine, en faveur des marchands italiens, dressait le peuple contre le régime. La puissance des empereurs Comnène reposait sur leur capacité à se faire obéir, or celle-ci fit défaut aux régents d'Alexis[195]. Plusieurs coups d'État furent tentés, en vain, jusqu'à ce qu'apparaisseAndronic Comnène, un aventurier qui avait été le seul à s'opposer publiquement à l'empereur Manuel. Ennemi de l'aristocratie féodale et de ce qui était latin en général, il n'eut aucune difficulté à rentrer à Constantinople où la population laissa éclater sa rage contre les Latins au cours d'émeutes dans lesquelles ceux qui n'arrivèrent pas à fuir à temps furent massacrés[196].

L'humiliation d'Andronic symbolisa l'impopularité de celui-ci au moment où l'Empire byzantin faisait face à des menaces de plus en plus pressantes et dangereuses. Lemassacre des Latins de Constantinople au début de son règne contribua ainsi à accroître le fossé entre l'Empire byzantin et la chrétienté occidentale derite latin.

Après avoir feint de protéger le jeune empereur, Andronic Comnène (1118-1185) se fit lui-même couronner empereur et, deux mois plus tard, faisait étrangler Alexis dont le corps fut jeté à la mer. Se présentant comme résolu à extirper le vice par tous les moyens, Andronic s'attaqua à la vénalité des charges à Constantinople et aux extorsions pratiquées par les agents dufisc dans les provinces. La corruption fut traquée sans pitié ; les fonctionnaires devaient choisir : ou bien cesser d'être injustes ou bien cesser de vivre[197]. Andronic cherchait à réduire le poids de l'aristocratie. En effet, celle-ci affaiblissait l'autorité impériale tout en rachetant les terres des paysans-soldats formant la base de l'armée byzantine. Dès lors, l'Empire byzantin devait faire constamment appel à des mercenaires dont la fiabilité restait faible. Très vite cependant, ce régime vertueux se transforma en régime de terreur. Les révoltes se multiplièrent et laguerre civile menaçait. Sur le plan extérieur, le déclin amorcé sous Manuel s'accéléra.Béla III de Hongrie s'empara de la Dalmatie, de la Croatie et de la région deSirmium. Étienne Némanja, après avoir rattachéZéta à laRascie originelle, proclama l'indépendance de ce qui devint l'État serbe.Chypre, dont la position stratégique était d'une importance capitale se sépara de l'empire. Le coup fatal devait toutefois venir desNormands qui, après s'être emparésDyrrachium (en juin 1185), se dirigèrent contre Thessalonique qui tomba en août. Les Normands infligèrent alors aux Grecs le sort que ces derniers avaient réservé aux Latins trois ans plus tôt. Ensuite, une partie de l'armée normande se dirigea vers Constantinople où régnaient la terreur du régime, la crainte de l'ennemi et la colère. La révolution éclata et, le, les émeutiers s'emparèrent d'Andronic et le mirent à mort[198].

Dynastie des Anges et effondrement de l'empire (1185-1204)

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Dynastie des Anges.

Déjà, sous les deux derniers empereurs Comnène, le déclin de l'empire devint une réalité et le règne prestigieux de Manuel paraissait lointain. Sous la courte dynastie desAnge, l'Empire byzantin vit sa situation s'aggraver tant sur le plan interne (multiplication des soulèvements ou des mouvements séparatistes) que sur le plan extérieur (menace latine de plus en plus pressante) jusqu'à laprise de Constantinople en 1204 qui entraîna le monde byzantin dans une crise sans précédent[199].

Début du déclin

[modifier |modifier le code]

AvecIsaac II Ange (1185-1195) commença un processus de dissolution intérieure et extérieure qui aboutit en moins de vingt ans à la disparition de l'empire. Les Anges, famille relativement obscure, originaire de Philadelphie (aujourd'huiAlaşehir), étaient entrés dans l'aristocratie impériale grâce au mariage de la plus jeune fille d'Alexis I avec Constantin Ange. Lorsqu'il devint empereur à la faveur du soulèvement populaire qui renversa Andronic, Isaac dut faire face à la jalousie des familles plus anciennes et plus titrées qui pouvaient également aspirer au trône[200]. Il choisit alors de s'appuyer sur la bureaucratie, prenant le contrepied de la politique d'Andronic. Lesmagistratures furent vendues « comme des légumes au marché »[201], la monnaie fut dévaluée pour payer les fonctionnaires, les impôts furent augmentés et les grands propriétaires terriens prirent la place de l'administration civile des thèmes devenus inopérants. Le symptôme principal du déclin de l'État byzantin, c'est-à-dire le poids sans cesse grandissant de l'aristocratie terrienne au détriment de l'autorité impériale continua de s'aggraver sous la dynastie des Anges.

C'est du reste l'un de ces nouveaux impôts qui devait amorcer le processus mettant fin à la maîtrise de Byzance sur les Balkans. Prenant prétexte de l'usurpation du trône par Andronic, leroi de Hongrie avait envahi les Balkans et était parvenu jusqu'à Sofia. Ne pouvant faire face à la fois à ce danger et à celui des Normands qui avaient envahi Thessalonique et avançaient vers Constantinople, Isaac se résolut à traiter avec Béla III, alliance scellée par le mariage d'Isaac avec la fille de Béla. Pour payer les frais de ce mariage, il imposa une taxe spéciale sur les troupeaux. LesValaques qui habitaient les régions montagneuses entre le Danube et laThessalie[202] refusèrent de payer et deux frères,Pierre Deleanu etPierre Asen, prirent la tête d'une insurrection qui s'étendit bientôt à l'ensemble de laMacédoine et de la Bulgarie (en 1186). Ils s'allièrent avec les Bulgares vivant dans les plaines, avec lesValaques et lesCoumans vassaux de la Hongrie vivant au nord du Danube et avecÉtienne Némanja de Serbie également. Pierre Deleanu prit le titre de « tsar » pendant qu'Étienne Némanja accroissait ses territoires aux dépens de l'empire. Les Balkans se divisaient ainsi en deux États sur lesquels Byzance n'exerçait plus aucun contrôle. Affaibli par les deux tentatives de coup d'État du généralAlexis Branas, membre d'une famille prétendant avoir droit au trône, Isaac dut traiter avec Deleanu et Asan. Constantinople abandonnait la région comprise entre la chaîne des Balkans et le Danube : unSecond Empire bulgare était né, qui s'agrandit bientôt de laMacédoine, desRhodopes et de laValachie[203].

Les tensions liées au passage de latroisième croisade menée parFrédéric Barberousse sur le territoire de l'Empire byzantin constituèrent le prélude de la catastrophe de1204.

La situation n'était guère meilleure du côté de l'Asie mineure. Parti d'Égypte,Saladin avait conquis la Syrie et était entré dans Jérusalem le 2 octobre 1187. Débuta alors latroisième croisade (1189-1192) conduite parFrédéricIer Barberousse,Philippe Auguste etRichard Cœur de Lion. Si Richard Cœur de Lion avait décidé de se rendre en Palestine par voie maritime (conquérantChypre en 1191, laquelle resta pendant des siècles aux mains des Occidentaux), Frédéric Barberousse choisit de s'y rendre par voie terrestre, via la Hongrie et les Balkans. Pour ce faire, il fit alliance avec les Bulgares, les Serbes et les Valaques, trop heureux d'avoir ainsi un puissant allié contre Byzance. Après avoir, dans un premier temps, accordé libre passage aux armées de Frédéric, Isaac se mit en rapport avec Saladin avec qui il conclut un traité visant à détruire l'armée allemande. Après avoir employé la force pour traverser les Balkans, Frédéric se mit à ravager laThrace et se dirigea vers Constantinople, qu'il atteignit en1190. Vaincu, Isaac dut conclure un accord avec Frédéric s'engageant à laisser passer l'armée sur son territoire. Pendant sa longue marche, l'armée fut continuellement harcelée par les Turcs tenus informés des progrès de l'expédition par Isaac, jusqu'à ce que Frédéric se noie le 10 juin et que son armée se disperse[204].

La politique de collaboration menée par Manuel avec les États latins laissait place à une méfiance grandissante de l'Occident à l'endroit de Constantinople soupçonnée avec raison de connivence avec l'ennemi, pendant que lapapauté, pour sa part, s'impatientait des atermoiements de Constantinople sur la question de la réunification des Églises d'Orient et d'Occident[205]. Les années qui suivirent furent marquées par la reprise des combats dans les Balkans jusqu'à ce qu'un complot ourdi par le propre frère de l'empereur,Alexis, ne renverse Isaac qui eut les yeux crevés et fut exilé dans un monastère.Alexis III Ange (1195-1203) était le frère aîné d'Isaac. Il avait passé la totalité du règne d'Andronic exilé en Syrie et avait été emprisonné à Tripoli. La conspiration avait été menée par un groupe d'aristocrates représentant les famillesBranas,Paléologue,Petraliphas etCantacuzène qui espéraient qu'Alexis remettrait la grande aristocratie au pouvoir[206]. Durant les neuf années que dura son règne, la bureaucratie qui commandait de généreux salaires se multiplia, obligeant la levée de nouvelles taxes au détriment généralement des provinces. À l'extérieur, le démembrement de l'empire se poursuivit. Les Turcs continuaient leur progression en Asie mineure pendant que les Coumans ravageaient la Thrace. Dans les Balkans, une querelle entre les deux fils d'Étienne Némanja, qui avait abdiqué et s'était retiré dans un monastère, devait porter au pouvoir l'ainé,Voukan, qui reconnut la suzeraineté politique de la Hongrie et la suprématie religieuse de la papauté. En Bulgarie, le nouveau tzar,Kaloiannis (enbulgare :Калоян, envalaque :Ioniţă Caloian) le plus jeune des frères Deleanu et Asen, qui avait été envoyé en otage à Constantinople et en était revenu avec une haine implacable des Byzantins, fit de même et demanda la reconnaissance officielle du pape Innocent III[207]. On passait ainsi d'une Église orthodoxe autocéphale maintenant des relations avec Constantinople, à uneéglise uniate alliée à Rome.

En Occident, privée de lapuissance maritime qui avait fait sa force, Byzance était incapable de faire régner l'ordre en Méditerranée où les pirates desrépubliques maritimes deGênes et dePise imposaient leur loi. L'empereur en vint même à s'entendre avec certains corsaires génois pour qu'ils épargnent les navires de commerce byzantins et viennent vendre le fruit de leurs larcins à Constantinople, ce qui eut pour effet de brouiller Constantinople et Venise où le nouveau doge,Enrico Dandolo, avait tenté de renouveler les traités traditionnels existant avec Byzance[208]. De son côté, par suite de son mariage avec l'héritière normande Constance, l'empereur du Saint-Empire romain,Henri VI, était devenuroi de Sicile et ambitionnait ouvertement de conquérir l'Empire byzantin[209]. Se posant en vengeur de l'empereur détrôné, il obligea Alexis à négocier le versement d'un énorme tribut que Byzance était bien incapable de payer. Si Henri en vint à réduire ses exigences, ce fut moins parmagnanimité que pour répondre à l'appel du pape qui insista pour que Henri tourne son attention versJérusalem. Une trop grande puissance duSaint-Empire romain germanique aurait constitué une menace pour la papauté, dont le pouvoir s'affirmait en Europe occidentale et centrale[210].

Quatrième croisade et sac de Constantinople

[modifier |modifier le code]
L'entrée des croisés àConstantinople, huile d'Eugène Delacroix (1840).
Articles détaillés :Siège de Constantinople (1203) etQuatrième croisade.

La mort d'Henri VI en 1197 et l'avènement d'un nouveau pape en 1198 semblaient devoir éloigner la perspective d'une nouvelle croisade contre Constantinople. Dès son élection au trône pontifical,Innocent III avait lancé un appel à une nouvelle croisade ayant comme but Jérusalem. Mais, contrairement aux premières croisades, la réponse ne vint pas des souverains, trop préoccupés par leurs querelles en Europe, mais plutôt de comtes français commeThibaut de Champagne etLouis de Blois qui prirent la croix au sortir d'un tournoi en novembre 1199[211].

Dès le départ le pape demanda l'aide de Venise pour transporter les croisés vers l'Égypte d'où ils se rendraient vers laTerre sainte par voie de terre.Venise accepta de transporter 4 500 chevaliers et leurs chevaux, 9 000 servants et 20 000 fantassins moyennant une somme de 94 000 marks. De plus, elle s'engageait à fournir elle-même 50 galions et leur équipage pourvu que le butin de guerre soit partagé à parts égales[212]. Cette estimation était exagérée et les Français, après une longue attente, furent incapables de payer la somme prévue alors que les Vénitiens avaient scrupuleusement respecté leur part du contrat[213]. Pour leur permettre de s'acquitter de leur dette, les Vénitiens proposèrent alors aux croisés de les aider à capturer Zara (maintenantZadar enCroatie), ancienne ville indépendante de l'Empire byzantin et dont Venise réclamait la possession, mais qui s'était mise sous la protection de la Hongrie dont le roi faisait lui-même partie de lacroisade[214]. L'expédition aurait dû en principe reprendre le chemin de l'Égypte après la prise de Zara, mais tout indique que l'on visait déjà Constantinople. En effet,Alexis, le fils de l'empereur détrôné, s'était échappé de sa captivité et avait fait appel aux croisés par l'intermédiaire du chef de la croisade,Boniface de Montferrat, promettant d'une part de ramener l'Église orthodoxe dans le giron de Rome, d'autre part de défrayer les dépenses des croisés, de les aider à prendre Jérusalem et d'entretenir par la suite à ses frais 500 chevaliers en Palestine[215]. En avril 1203, Alexis se joignait aux forces des croisés à Zara qui fut conquise. Ensuite, les croisés firent voile vers Constantinople qu'ilsattaquèrent le malgré l'interdiction formelle du pape.

Alexis III ne put tenir le siège qu'un mois et, le 17 juillet, il s'enfuit pour se réfugier en Thrace en emportant avec lui le trésor et les joyaux de la couronne, pendant que les provinces faisaient sécession[216]. L'empereur Isaac II fut sorti de son monastère et celui-ci reprit sa place au côté de son fils couronné sous le nom d'Alexis IV Ange (1203-1204). Si les deux empereurs firent soumission au pape, ils furent bien incapables de tenir leurs engagements à l'égard des croisés. Sans armée, Alexis se joignit à celle des croisés dans leur expédition en Thrace, mais ne put à son retour remplir ses engagements financiers[217]. À la fin de janvier,Alexis Doukas, beau-fils d'Alexis III, prit la tête d'une révolte anti-latine au cours de laquelle Alexis IV fut tué pendant que son père prenait le chemin de la prison où il devait mourir peu après. Devenu empereur, Alexis V Doukas (1204) se hâta de relever les fortifications de Constantinople. Vénitiens et croisés s'entendirent alors sur une nouvelle offensive visant cette fois à prendre eux-mêmes le contrôle de l'empire et à se diviser les dépouilles. Le, Constantinople tombait entre leurs mains. Pendant les trois jours qui suivirent, la ville fut pillée et incendiée. Le chroniqueur des croisés,Geoffroi de Villehardouin, écrivit :« Depuis la création du monde, jamais un tel butin n'avait été fait dans une ville », alors que le chroniqueur byzantinNicétas Choniatès écrivit pour sa part :« Les Sarrasins eux-mêmes sont bons et compatissants en comparaison de ces gens qui portent la croix du Christ sur l'épaule »[218].

Domination latine et dynastie des Lascarides de Nicée (1204-1261)

[modifier |modifier le code]

Division du territoire impérial

[modifier |modifier le code]
L'Empire byzantin divisé après laquatrième croisade, en 1204.
Articles détaillés :États successeurs de l'Empire byzantin,Empire de Nicée,Empire de Trébizonde,Despotat de Morée etÉtats latins d'Orient.

Conformément au traité conclu en mars, croisés et Vénitiens se partagèrent l'empire selon une formule s'apparentant à celle d'uncondominium. Venise occuperait les trois-huitièmes de Constantinople incluantSainte-Sophie. Il lui appartiendrait donc d'en nommer le patriarche en dépit de l'opposition du pape qui, après avoir dénoncé la prise de Constantinople, avait fini par s'en accommoder. En fonction de ses intérêts,Venise s'était approprié une série d'îles qui reliaient l'Adriatique à Constantinople, occupant également laDalmatie et plusieurs îles de lamer Égée dont l'Eubée et une partie desCyclades. Elle chassa les Génois des possessions qu'ils avaient occupées sous l'empire et acheta l'île deCrète àBoniface de Montferrat[219]. Pour leur part, les croisés établirent unEmpire latin de Constantinople dont le premier empereur fut le comteBaudouin de Flandres (1204-1205). Ce nouvel empire comprenait les cinq-huitièmes de Constantinople non administrés par les Vénitiens, la partie côtière de laThrace et de l'Anatolie ainsi que les îles deChios,Lesbos etSámos ; mais, à partir de 1205, ce territoire se réduisit progressivement jusqu'à n'inclure que Constantinople et ses abords immédiats[220]. Aux termes du traité, l'empereur latin devait recevoir le quart de l'empire byzantin, Venise la moitié des trois-quarts restants alors que les chevaliers se partageraient l'autre moitié. C'est pourquoi, à côté de cet empire, fut créé leroyaume de Thessalonique, pourBoniface de Montferrat dont le territoire s'étendait sur les régions deMacédoine et deThessalie adjacentes à Thessalonique. Celui-ci se perpétua jusqu'en 1224, date à laquelle il fut conquis par ledespote d'Épire[221]. Laprincipauté d'Achaïe, fut créée pourGuillaume de Champlitte etGeoffroy Villehardouin. Située dans le nord-ouest duPéloponnèse, elle avait comme centreAndravida et se maintint sous une forme de plus en plus réduite jusqu'en 1430 alors qu'elle fut conquise par les Grecs deMistra. Leduché d'Athènes, qui comprenait l'Attique et laBéotie, fut rapidement cédé par Boniface de Montferrat àOthon de la Roche. Centre industriel important, il futconquis en 1311 par desmercenaires catalans[220].

Toutefois, la création deroyaumes latins ne signifiait pas la fin d'une tradition millénaire. Les « Romées » se replièrent verstrois centres qui perpétuèrent laRomania : ledespotat d'Épire, l'empire de Trébizonde et l'empire de Nicée. Ce fut grâce à ce dernier État que Byzance devait renaître en 1261. Près de la moitié de la population avait pu fuir Constantinople avant la chute. Elle se regroupa dans le nord-ouest de la Grèce sur les hauts-plateaux de l'Épire où se constitua une petite principauté autour deMichel Ier Comnène Doukas, généralement connue sous le nom de « despotat d'Épire », même si Michel n'utilisa jamais ce titre. En plus de demeurer un centre de diffusion de la culture byzantine, elle devint un centre stratégique pour empêcher l'extension de la colonisation latine. Les successeurs de Michel devaient se maintenir au pouvoir jusqu'à la conquête ottomane en 1479. L'empire de Trébizonde, au sud-est de la mer Noire, fut fondé non pas en réponse à l'invasion des croisés, mais plutôt à la chute de la dynastie des Comnènes. Il servit de refuge aux petits-fils d'AndronicIer Comnène,Alexis etDavid Comnène, et fut créé quelques mois avant la prise de Constantinople. Réduit progressivement à une mince bande de terre le long de la côte, il devait se maintenir en dépit de menaces constantes pendant 250 ans jusqu'à sa conquête en 1461 par les Ottomans. Après la chute de Constantinople, Nicée, située au sud-est de Constantinople en Anatolie, fut conquise en 1206 parThéodore Lascaris, beau-fils d'Alexis III Ange qui y créa l'empire de Nicée en 1208. Jusqu'en 1261, l'empire de Nicée et le despotat d'Épire prétendirent détenir la légitimité d'un gouvernement en exil[222]. Toutefois, les États grecs furent aussi concurrencés par les Bulgares et les Serbes qui cherchèrent également à recréer un empire orthodoxe dont ils assumeraient la direction. L'empire de Nicée sortant vainqueur de cette confrontation, il est considéré comme le successeur de l'Empire byzantin.

Premières années de l'empire de Nicée

[modifier |modifier le code]
En combattant victorieusement l'Empire latin et les Seldjoukides, Théodore Lascaris permet à l'empire de Nicée de devenir une puissance régionale durable susceptible de repartir à l'assaut de Constantinople.

Après avoir épousé la fille d'Alexis III et reçu le titre de despote, Théodore Lascaris (1174-1221) s'était enfui en Asie mineure à la chute de son beau-père. C'est là qu'après la chute de Constantinople, il commença à organiser la résistance à l'empire latin. En avril 1205, les troupes de l'empereur latin Baudouin furent anéanties au cours d'uncombat à Andrinople par les troupes bulgaro-coumanes deJean Kalojan et durent se retirer d'Asie mineure. Après avoir fixé sa capitale à Nicée, Théodore s'appliqua à constituer un empire copié exactement sur les traditions qui avaient eu cours à Constantinople. Un nouveau patriarche fut élu en la personne deMichel Autoreianos, qui porta le titre de patriarche œcuménique de Constantinople même s'il résidait à Nicée. Une assemblée élut Théodore empereur ; il fut couronné en 1208 du titre de « basileus etautocrator des Romains », se posant ainsi comme successeur légitime des empereurs byzantins[223].

Peu après, il dut faire face à une invasion desSeldjoukides dusultanat de Roum situé entre l'empire de Nicée et celui de Trébizonde. La victoire lors de labataille d'Antioche du Méandre, qu'il remporta contre les Turcs, effraya tellement le nouvel empereur latinHenri de Hainaut que celui-ci voulut envahir l'empire de Nicée pour éviter une attaque contre Constantinople. Mais, avec des forces modestes, les deux camps s'épuisèrent rapidement et durent conclure une entente en 1214 aux termes de laquelle les Latins gardaient l'angle nord-ouest de l'Asie mineure, le reste s'étendant jusqu'à l'empire seldjoukide demeurant possession de l'empire de Nicée[224] : les deux empires reconnaissaient réciproquement leur existence. Théodore compléta cette entente par un autre accord avec le podestat vénitien de Constantinople reconnaissant à Venise les mêmes libertés de commerce dont elle avait joui dans l'empire byzantin. Une première victoire diplomatique fut remportée lorsqueStefanIer Nemanjić, le fils d'Étienne Némanja qui avait reçu sa couronne de Rome, tournant le dos à l'archevêché catholique romain d'Ohrid, sollicita l'investiture du patriarche de Nicée et devint, en 1219, le premier archevêque de l'Église autocéphale de Serbie. Pendant ce temps, dans le despotat d'Épire,Théodore Ange avait succédé à son demi-frèreMichel et avait pris le nom symbolique de Théodore Ange Doukas Comnène, faisant ainsi valoir ses droits dynastiques. En 1224, il réussit à conquérir leroyaume de Thessalonique considérablement affaibli par le départ de beaucoup de ses chevaliers vers l'Occident. Le despotat d'Épire s'étendait ainsi de l'Adriatique à la mer Égée[225]. À la suite de quoi, il revendiqua la couronne impériale qu'il reçut de l'archevêque catholique d'Ohrid trop heureux de se venger ainsi de l'onction donnée par son concurrent de Nicée au nouveau patriarche serbe.

Jean III Doukas Vatatzès : l'ère des reconquêtes

[modifier |modifier le code]
Hyperpérion représentant Jean III dont la politique extérieure victorieuse permet à l'empire de Nicée de s'implanter solidement en Europe et de préparer la reconquête de Constantinople.

L'empire de Nicée était dorénavant reconnu comme une puissance bien établie. Le beau-frère et successeur de Théodore Lascaris,Jean III Doukas Vatatzès (1192-1254), devait en faire la plus forte puissance de la région, avec un territoire s'étendant de la Turquie moderne à l'Albanie[226]. Ce fut sous son règne que la rivalité entre le despotat d'Épire et l'empire de Nicée pour la reconquête de Constantinople atteignit son apogée. Après avoir ajouté à son propre royaume de Thessalonique une partie de la Thrace et Andrinople,Théodore Ange semblait prêt d'atteindre son but. C'était toutefois compter sansJean Assan II, nouveauroi des Bulgares et des Valaques (1218-1241) qui ambitionnait aussi de conquérir Constantinople et de créer un empire byzantino-bulgare. Les deux empereurs ouvrirent les hostilités et l'armée de Théodore futanéantie àKlokotnitsa[227]. Rapidement, Jean Asên reprit la Thrace et la Macédoine conquises par Théodore de même qu'une partie de l'Albanie. Ensuite, le nouveau roi serbe,Stefan Vladislav, épousa une fille de Jean Asên lequel étendait ainsi l'influence bulgare sur la quasi-totalité des Balkans.

Jean Assen conclut alors une alliance avec Jean Vatatzès contre l'Empire latin. Cette union contre un royaume fidèle à Rome exigea cependant que, rompant avec l'union scellée par Kalojan avec l'Église romaine, Jean puisse établir un patriarcat orthodoxe àTirnovo. En 1235, un traité d'alliance fut conclu qui unissait les deux maisons impériales par le mariage du fils de Jean Vatatzès avec la fille de Jean Asên. Parallèlement était proclamé lepatriarcat autocéphale de Bulgarie qui reconnaissait la suprématie du patriarche de Nicée officiellement mentionné en premier lieu dans les prières de l'Église[228]. Jean Asên ne put réaliser son rêve et mourut en 1241 peu avant qu'une invasion mongole ne vienne mettre fin à la puissance bulgare. L'année suivante, Jean Vatatzès lançait une expédition contre le nouvelempire de Thessalonique. Il parvint non seulement à conquérir les régions jadis prises par Jean Asên mais la ville deThessalonique devint le lieu de résidence du gouverneur général chargé de gouverner les possessions européennes de l'empire de Nicée[229]. À sa mort, en 1254, Jean III Vatatzès laissait un empire dont la superficie avait plus que doublé et s'étendait non seulement en Asie mineure mais aussi sur une grande partie des Balkans. L'empire était politiquement stable, débarrassé de ses principaux concurrents bulgare, thessalonicien et même latin puisqueBaudouin II avait dû remettre en gage son propre fils aux marchands vénitiens pour obtenir un prêt permettant la survie de l'empire latin[230]. L'économie était florissante, l'invasion mongole forçant les Turcs à venir se ravitailler dans l'empire. L'armée réorganisée pouvait assurer la défense des frontières.

Arrivée des Paléologue et reprise de Constantinople

[modifier |modifier le code]
L'empire byzantin (rouge) en 1265.

Son successeur,Théodore II Lascaris (1221-1258), compléta son œuvre sur le plan intellectuel. Surnommé le« roi philosophe », il fit de Nicée un centre scientifique et intellectuel qui attira les plus grands noms de l'époque. Homme d'action en même temps qu'homme de lettres, il mena en 1254 et 1255 une vigoureuse campagne contre les Bulgares qui menaçaient les territoires de l'empire en Europe ; le mariage de sa fille avec l'héritier dudespotat d'Épire vint consolider son influence en Europe. Mais son attitude hautaine à l'endroit de l'aristocratie lui valut de nombreux ennemis dontMichel Paléologue, le futur Michel VIII, qu'il força à l'exil[231].

Mort encore jeune, Théodore II laissait la couronne à son filsJean IV Lascaris (1250-1305) alors âgé de sept ans. La régence devait être assurée par le confident et seul véritable ami de Théodore,Georges Muzalon, profondément détesté par l'aristocratie. Neuf jours plus tard, il était assassiné au cours d'une messe pour le souverain défunt. La régence passa alors àMichel VIII Paléologue (1224 ou 1225-1282) qui était entretemps revenu d'exil. Membre de l'une des plus vieilles familles de l'aristocratie byzantine, c'était également un général adulé par ses troupes. Promumégaduc (chef de lamarine), puisdespote, il devint coempereur avec Jean IV en 1259[232]. Il eut l'honneur de rétablir l'empire byzantin de Constantinople grâce à un concours de circonstances relevant plus de la chance que de l'exploit militaire. Le généralAlexis Strategopoulos envoyé en Thrace pour surveiller la frontière avec la Bulgarie passa avec une modeste armée tout près de Constantinople. Il put constater que la ville n'était pratiquement pas défendue, la flotte vénitienne et la garnison latine étant parties mener une opération enmer Noire. Il profita de l'occasion et fondit sur la ville, faisant fuir Baudouin II et son entourage[233]. Le 15 aout 1261, Michel VIII pouvait faire son entrée dans la ville et se diriger vers Sainte-Sophie rendue au culte orthodoxe. En septembre, l'empereur et sa femme y étaient couronnés, leur fils et héritier présomptif,Andronic, devenant coempereur en lieu et place de Jean IV qui fut aveuglé trois mois plus tard. Ainsi était fondée une nouvelle dynastie, la plus longue à régner sur l'empire byzantin[234].

Chute finale et dynastie des Paléologues (1261-1453)

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Dynastie des Paléologues.
Monnaie figurant la Vierge Marie
Hyperpère deMichel VIII, conservée auMetropolitan Museum of Art.

La reconquête de Constantinople permit la renaissance de l'Empire byzantin qui devenait à nouveau une puissance influente. Toutefois, il perdit rapidement ce rôle car une grande partie du territoire impérial était toujours occupée par d'autres forces tandis que l'établissement deGênes et deVenise enmer Égée privait l'Empire byzantin d'une grande partie de ses revenus. En outre, la menace turque grandit progressivement et lorsque les Byzantins s'aperçurent de la gravité de la menace, il était déjà trop tard. Sur le plan intérieur, le poids de l'aristocratie se fit sans cesse grandissant au détriment de l'autorité impériale tandis que le devoir militaire résultant de l'obtention d'un fief devint de plus en plus théorique[235]. Les guerres civiles qui frappèrent sporadiquement l'empire ne firent qu'accroître le déclin. Dès lors, au fil des décennies, l'empire s'enfonça dans une crise de plus en plus profonde qui le conduisit à sachute en 1453.

Les premières tentatives de reconstruction : le règne de Michel VIII (1261-1282)

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Michel VIII Paléologue.
En rose l’Empire byzantin sous MichelVIII en1265 (en haut), et sousJean VI etMathieu Cantacuzène en1355 (en bas).

LorsqueMichel VIII Paléologue entra à Constantinople, l'Empire byzantin était réduit aux côtes de l'Asie mineure, aux îles avoisinantes de lamer Égée et à une partie de la Thrace et de laMacédoine, y compris Thessalonique[236]. Il s'employa d'abord à reconstruire la ville dévastée et à la repeupler. Pour en assurer la défense il dut reconstruire les fortifications et recréer une flotte, ce qui coûta très cher et obligea à dévaluer à nouveau l'hyperpyron. D'autre part, les concessions accordées aux Génois le privaient de sources de revenu considérables[237].

Miniature de l'époque représentant Michel VIII Paléologue. Même s'il parvint à restaurer l'Empire byzantin, il laissa celui-ci ruiné financièrement à la fin de son règne.

Sur le plan extérieur, Michel VIII et ses compatriotes étaient convaincus, non sans raison, que l'Occident tenterait de lancer une nouvelle croisade pour reprendre Constantinople. Il lui fallait donc neutraliser le pape et le roi de Sicile,Manfred, auprès duquel s'était réfugié le dernier empereur latin,Baudouin II de Courtenay. La situation devint encore plus périlleuse lorsque Manfred fut remplacé parCharles d'Anjou. Si Manfred avait été l'ennemi du pape, Charles en devint le protecteur. Letraité de Viterbe de 1267 réunissait contre Constantinople la papauté, le royaume de Sicile, le prétendant latin et le prince d'Achaïe ; il laissait présager une nouvelle croisade dans les sept années suivantes. Michel se lança donc dans une négociation prolongée avec la papauté en vue de la réunification des cultes chrétiens, tentant d'y amener sa propre Église[238]. Mais il avait eu maille à partir avec celle-ci. Michel avait démis le patriarcheArsène de ses fonctions après que ce dernier l'eut excommunié pour avoir porté la main sur Jean IV ; son remplaçant,Germain III, ne se laissa pas non plus intimider, si bien qu'il fut déposé à son tour et remplacé par un obscur moine,Joseph de Constantinople, qui accepta de réintégrer l'empereur au sein de l'Église. Mais de nombreux évêques prirent fait et cause pour Arsène et les relations entre l'Église et l'État demeurèrent tendues de nombreuses années.

De son côté, le papeClément IV (tout comme son successeurGrégoire X) ne voulait pas d'un concile où seraient discutés les différends théologiques. Il exigeait simplement un acte de reddition complète et une profession de foi détaillée dans laquelle Michel VIII ferait acte de soumission au pape. Michel dut céder et un concile se tint effectivement àLyon de mai à juillet 1274. Y fut scellée la réunion des Églises de Rome et de Constantinople. Mais si la réunification s'avérait une victoire diplomatique pour Michel, en ce sens qu'elle éloignait les dangers d'une nouvelle croisade, elle s'avérait un grave échec sur le plan intérieur en éloignant l'empereur de son Église et de son peuple qui voyaient dans la restauration de Constantinople le signe de la protection divine pour la foiorthodoxe[239].

Cela ne suffisait pas cependant pour neutraliser Charles d'Anjou bien résolu à s'emparer de Constantinople. Dans une première tentative, il fit alliance avec le despote d'Épire devenu le défenseur de la foi orthodoxe et le refuge des ennemis de Byzance ainsi qu'avecJean de Thessalie. Celle-ci se termina par unehumiliante défaite pour Charles d'Anjou. Une deuxième tentative, par voie maritime celle-ci, lui donna l'occasion de s'allier avec Venise, le papeMartin IV (un Français sympathique à la maison d'Anjou) etPhilippe de Courtenay, nouvel empereur latin en titre. S'y ajoutaient les souverains deBulgarie et de Serbie. La situation était dramatique lorsque lesVêpres siciliennes, survenues le et auxquelles furent étroitement associés Michel VIII et le roiPierre III d'Aragon firent éclater l'empire de Charles d'Anjou[240].

Si Constantinople était délivrée d'un péril mortel, les « Romées » étaient divisés sur la question de la foi si bien qu'à sa mort les rites de l'Église orthodoxe furent refusés à Michel VIII ; l'économie était si affaiblie que l'hyperpyron avait encore dû être dévalué. Ces difficultés financières trouvaient leurs sources dans l'impitoyable concurrence économique que se livraient Gênes et Venise au détriment de l'Empire byzantin qui ne contrôlait plus les routes commerciales de la région, celles qui avaient fait sa richesse lors des siècles précédents. En outre, ledespotat d'Épire, les États latins de Grèce et l'empire de Trébizonde maintenaient jalousement leur indépendance pendant que les Turcs augmentaient leur pression enAnatolie[241].

Byzance, puissance de second ordre : le règne d'Andronic II (1282-1321)

[modifier |modifier le code]
Loin d'être l'empereur incapable que l'on a parfois décrit,Andronic II Paléologue dut faire face à de trop nombreux défis pour les ressources diminuées de l'empire.
Article détaillé :Andronic II Paléologue.

Si Michel VIII avait réussi à rétablir Byzance comme puissance de premier ordre en Europe et en Asie mineure, cette politique avait épuisé les finances de l'État qui n'avait plus les moyens de ses ambitions. Aussi, son successeur,Andronic II Paléologue (1259-1332), qui n'avait hérité ni de la personnalité ni des ressources dont avait disposé son père, ne put mener une politique autonome et dut se résoudre après 1302 à réagir aux crises domestiques et extérieures qui se multiplièrent sous son règne, le troisième plus long de l'histoire byzantine[242].

Monté sur le trône encore jeune et marié deux fois, il dut faire face aux tentatives de sa deuxième épouse de réclamer la succession pour ses propres fils. Afin de mettre fin à ces prétentions, il associa au trône son fils aîné né du premier mariage. Il fut couronné sous le nom deMichel IX Paléologue (1277-1320) mais mourut avant d'avoir pu régner seul[243]. Face à l'opposition qu'avaient provoquée plusieurs politiques de son père, il tenta au début de son règne de prendre le contre-pied de celles-ci. Un de ses premiers gestes fut de répudier l'Union des deux Églises et de reporter à la tête de l'Église les clercs qui y étaient opposés. Non seulement cette mesure devait aliéner encore plus la papauté, mais elle ne résolvait pas leschisme interne de l'Église orthodoxe où le parti des arsénites continuait à réclamer, malgré la mort du patriarche Arsène, la condamnation de l'ex-patriarche Joseph. Ce désordre dans l'Église ne faisait qu'accroître le désordre social causé par les difficultés économiques[244].

Il tenta également de restaurer les finances publiques, mais les mesures qu'il prit, visant à réduire le déficit, telles les taxes spéciales destinées à financer les campagnes militaires, la diminution des salaires des hauts fonctionnaires de l'État, de nouvelles dévaluations de l'hyperpyron et les hausses des prix qui s'ensuivirent s'avérèrent des économies à courte vue. Le démantèlement de la force navale en 1285 devait avoir des répercussions plus graves encore puisque l'empereur fut réduit pour assurer la défense à se fier à la flotte génoise et à engager des corsaires qui préféraient poursuivre leurs propres intérêts que d'assurer la défense de l'empire[245]. L'armée connut les mêmes réductions d'effectifs au moment même où la pression turque devenait de plus en plus intense sur les derniers territoires asiatiques encore possédés par Byzance. Après l'échec de plusieurs campagnes, Andronic dut se résoudre à faire appel à des mercenaires dont laCompagnie catalane en 1304. Après plusieurs succès, les Catalans se brouillèrent avec Andronic et s'installèrent àGallipoli d'où ils pillèrent la Thrace avant de prendre le contrôle duduché d'Athènes. Cet épisode désastreux ruina profondément les faibles ressources de l'empire sans entraver la progression turque[246].

Le règne d'Andronic II fut aussi celui qui relança le rayonnement de Byzance dans le domaine des lettres et des sciences (voirinfra). Grâce à de brillants intellectuels commeThéodore Métochitès etNicéphore Choumnos, une nouvelle académie fut créée, qui préfigure celles de laRenaissance italienne[247]. Par ailleurs, une des caractéristiques de la politique étrangère de Byzance, particulièrement évidente durant cette période, est qu'elle fut toujours obligée de se défendre sur deux fronts à la fois, l'un prenant immanquablement le pas sur l'autre. Dans le cas d'Andronic II, le premier front fut celui des Balkans où le roi serbeÉtienne Uroṧ II Milutin (1282-1321) ne cessait de pénétrer plus avant en territoire byzantin. Incapable de résister à ces attaques, Andronic négocia une alliance par laquelle il donna sa fille,Simonis, alors âgée de cinq ans en mariage à Milutin à qui il concéda de plus une partie des conquêtes que ce dernier avait déjà faites. Toutefois, cet échec politique contribua à répandre les mœurs et la culture byzantine dans le royaume serbe qui devait atteindre son apogée sousÉtienne Uroṧ IV Duṧan (?-1355) lequel, imitant la titulature byzantine, se proclama « basileus etautocrator des Serbes et des Romains » en 1345[248].

L'Empire byzantin à la fin du règne d'Andronic II.

La guerre des Balkans empêcha Andronic de se préoccuper du territoire anatolien avant les années 1290. Même si le sultanat seldjoukide était en voie d'effritement, les émirs faisaient des razzias sur de nombreuses villes que les expéditions envoyées par Andronic ne réussissaient à freiner que de façon temporaire. Pour les contenir, l'empereur tenta de faire alliance avec lesMongols deGhazan Khan, espérant que ceux-ci, maîtres de l'Anatolie centrale et orientale depuis leur victoire deKösedagh (en 1243), freineraient les ardeurs des émirs frontaliers. Ce fut du reste au cours de cette période que commença à se distinguer un nouveaubey,Osman, qui fut l'ancêtre desOttomans appelés à remplacer les Turcs seldjoukides et, ultimement, à s'emparer de Constantinople[249].

Les difficultés familiales qui avaient marqué le début du règne d'Andronic vinrent aussi en assombrir la fin. Le futurAndronic III, le fils de Michel IX, était un adolescent ambitieux dont le style de vie flamboyant et dissolu heurtait les convictions religieuses profondes d'Andronic II. Au cours d'un tragique incident, Manuel, le frère du prince fut tué par des mercenaires aux ordres du jeune Andronic, causant un tel chagrin à Michel IX qu'il en mourut. L'empereur décida de déshériter le prince héritier qui prit immédiatement les armes contre son grand-père. En 1321, il marcha sur Constantinople à la tête d'une armée. Son grand-père fut contraint de lui donner la Thrace en apanage. L'année suivante, le jeune prince revint à la charge et réussit cette fois à être couronné coempereur, à se voir confier une armée personnelle et à élire domicile àDidymotika. En 1327 et 1328, le conflit dégénéra en guerre ouverte entre celui qui était devenu Andronic III appuyé par les Bulgares et Andronic II appuyé par les Serbes. Andronic III réussit à s'emparer de Constantinople le et à forcer son grand-père à se retirer dans un couvent où il devait mourir en 1332[245].

Guerres civiles : les règnes d'Andronic III, Jean VI et Jean V (1321-1354)

[modifier |modifier le code]

Andronic III et les tentatives de redressement de l'empire

[modifier |modifier le code]
Malgré ses efforts, Andronic III ne put enrayer le profond déclin de l'Empire byzantin.
Article détaillé :Andronic III Paléologue.

Commencée en 1321, la première guerre civile entre les deux Andronic dura sept ans. Au moment où Andronic III (1297-1341) s'emparait du trône, Byzance n'était plus qu'un petit État européen menacé par de puissants voisins au Nord (principalement la Serbie) et lesbeyliks qui se multipliaient au Sud dans le nord-ouest de l'Anatolie[245]. Andronic III fut surtout un militaire qui laissa l'administration de l'empire àJean Cantacuzène. Appartenant à une riche famille de l'aristocratie terrienne, possédant des terres en Macédoine, en Thrace et enThessalie, Cantacuzène demeura toujours fidèle à Andronic qu'il servit commegrand domestique, c'est-à-dire chef des armées et, pendant quelque temps, comme grand logothète, c'est-à-dire premier ministre[250],[251].

Sur le plan intérieur, on doit à Andronic III une réforme importante du système judiciaire et la création d'une cour suprême composée de quatre juges, deux clercs et deux laïques, appelés « Juges généraux des Romains » et chargés de mettre un terme à la vénalité qui discréditait l'administration de la justice dans tout l'empire[252]. En politique étrangère, il déploya une activité considérable en dépit d'une situation déplorable. S'il réussit à faire revenir brièvement la Thessalie et l'Épire dans le giron de l'empire, ces succès furent effacés par l'expansion serbe en Macédoine sousÉtienne Uroṧ IV Duṧan, l'échec de l'invasion de laThrace à la suite de la défaite deRusokastro contre les Bulgares[253], et l'avance desOttomans qui commençaient à s'installer enBithynie (partie de l'Anatolie faisant face à Constantinople). Déjà en 1302,Osman s'était installé àYenişehir (ou Melangeia) située entreBrousse etNicée et contrôlait de ce fait la route entre Constantinople et la Bithynie. En 1326, le fils d'Osman,Orkhan, s'empara de Brousse qui devint la nouvelle capitale de l'émirat ottoman. Et lorsqueNicomédie tomba en 1337, toute la Bithynie fut occupée[254],[255].

Andronic III mourut à l'âge de 45 ans, laissant le trône àJean V Paléologue (1332-1391), né d'un second mariage avec Anne de Savoie. Jean Cantacuzène qui dirigeait la politique intérieure de l'empire depuis de nombreuses années s'attendait à être nommé régent. Toutefois, le patriarcheJean Kalékas convainquit l'impératrice-mère que lui-même ayant déjà été nommé régent à deux reprises durant l'absence d'Andronic III, cette charge devait lui revenir. La mort d'Andronic III ayant réveillé les désirs d'expansion des Serbes, des Bulgares et des Turcs, Cantacuzène, en sa qualité de grand domestique, dut partir pour la Thrace. En son absence, lemégaduc (chef de la flotte)Alexis Apokaukos fit circuler la rumeur que Cantacuzène tentait d'usurper les droits de Jean V, à la suite de quoi le patriarche se proclama régent, les partisans des Cantacuzènes furent pourchassés et l'impératrice-mère démit Jean Cantacuzène de son commandement[256].

Deuxième guerre civile

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Guerre civile de Byzance (1341-1347).
Engagé dans la deuxième guerre civile de l'ère Paléologue, Jean VI décrit celle-ci comme« la pire des guerres civiles dont les Romains eussent fait l'expérience, un conflit qui détruisit pratiquement tout, condamnant le grand empire romain à n'être plus que l'ombre de lui-même. » En effet, les voisins de l'empire profitent de cette guerre pour s'étendre à ses dépens.Traités théologiques de Jean VI Cantacuzène, BNF Gr.1242.

Établi àDidymotique, Cantacuzène fut proclamé empereur par ses partisans le 26 octobre 1341 pendant qu'à Constantinople, le patriarche couronnait Jean V le 19 novembre 1341. La deuxième guerre civile commençait. Ce fut moins une guerre entre deux prétendants (Jean Cantacuzène demeura loyal à Jean Paléologue, prit le nom de Jean VI comme coempereur pour confirmer la prééminence du premier et fit passer le nom de celui-ci avant le sien) qu'une guerre entre un parti populaire composé de petits artisans, marchands et paysans auquel se joignirent quelques ambitieux comme Alexis Apokaukos et celui de la grande noblesse terrienne que représentait Jean Cantacuzène[257]. S'y ajoutait l'antagonisme entre les provinces grecques de l'empire conquises et reconquises comme l'Épire et laThessalie et les vieilles provinces impériales qui avaient toujours été dirigées par Constantinople comme la Macédoine et la Thrace[258].

La première partie de cette guerre (hiver 1341 à fin 1344) ne fut qu'une longue suite d'échecs pour Cantacuzène. Le vent commença à tourner vers la fin de 1344 lorsque Cantacuzène qui s'était allié aux Turcs d'Umur Bey réussit à repousser le SerbeÉtienne Duṧan et le Bulgare Jean Alexandre qu'Anne de Savoie avait incités à envahir la Thrace. Progressivement et avec l'aide de l'OttomanOrkhan, il se rapprocha de Constantinople dont ses partisans lui ouvrirent les portes le 3 février 1347[259].

Les huit années que durèrent son règne allaient se révéler difficiles tant sur le plan intérieur qu'à l'étranger. À l'intérieur, partisans des Paléologues et des Cantacuzènes ne désarmaient pas en dépit de l'amnistie générale proclamée par Jean VI, du serment de fidélité que tous devaient prêter aux deux empereurs et du fait que Jean VI avait uni les deux maisons en mariant sa fille, Hélène, à Jean V. Les coffres de l'État étaient vides et on ne put célébrer dignement les fêtes du couronnement de Jean VI et de l'impératrice Irène le 12 mai 1347. La misère matérielle du peuple fut aggravée par une épidémie depeste bubonique qui frappa les villes côtières en 1348. En 1354, un tremblement de terre d'une intensité exceptionnelle frappa toute la côte de la Thrace et des localités entières furent anéanties. La querelle entre partisans et adversaires de l'hésychasme (voir dernier chapitre) continuait de semer la zizanie au sein de l'Église. La sécurité des provinces était compromise par les ravages de bandes turques et, jusqu'en 1350,Thessalonique aux mains du parti desZélotes se refusa à reconnaître l'autorité de l'empereur[260].

La création d'une nouvellemarine impériale par Jean Cantacuzène fit craindre aux Génois installés àGalata la perte du monopole qui leur permettait d'interdire l'accès de la mer Noire aux Vénitiens. En aout 1348, les Génois coulèrent tous les navires grecs en vue, incendièrent les banlieues de Constantinople et empêchèrent l'approvisionnement de la ville. Constantinople fut rapidement réduite à la famine. Seule l'intervention en mars 1349 du sénat de Gênes qui s'apprêtait à déclarer la guerre à Venise et ne voulait pas s'aliéner l'empereur permit de rétablir la situation[261].

À la même époque Jean V, devenu majeur et ambitionnant de mettre fin à la tutelle de son protecteur, relança avec l'aide des Serbes et des Bulgares la guerre civile contre Jean VI et ses alliés ottomans. La rupture définitive se produisit lorsque Jean Cantacuzène consentit à laisser nommer coempereur son filsMathieu, justifiant ainsi les craintes de ceux qui l'accusaient de vouloir fonder sa propre dynastie[262].

La fortune tourna lorsque le tremblement de terre de 1354 fit s'écrouler les murailles deGallipoli dont s'emparaSoliman, le fils aîné d'Orkhan. Son refus de rendre la ville mit un terme à l'alliance entre Jean VI et les Ottomans. Celui-ci ne put empêcher le retour de Jean V à Constantinople. Après un éphémère partage du pouvoir, Jean VI finit par abdiquer pour se retirer d'abord dans un monastère, puis auprès de son filsManuel Cantacuzène,despote deMistra, où il mourut en 1383[263].

Byzance, vassale des Ottomans : de Jean V à Constantin XI (1354-1453)

[modifier |modifier le code]
En 1355 l'Empire byzantin se réduit à laThrace, laChalcidique,Mistra, quelquesîles Égéennes, le sud de laCrimée etPhiladelphie en Asie Mineure.

Lachute de Gallipoli en 1354 marqua le début de la conquête finale de l'empire byzantin par les Ottomans. Située sur la rive européenne de lamer de Marmara, elle constituait le point de passage le plus aisé de l'Asie mineure vers laThrace que les Ottomans envahissaient de plus en plus régulièrement.

Inéluctable décadence de l'empire (1354-1385)

[modifier |modifier le code]

Jean V, maintenant seul empereur, se rendit rapidement compte du danger et se décida à faire le voyage versBudapest en 1366, puis versRome en 1369. Comme son prédécesseur Michel VIII, le prix de l'aide pontificale devait être l'abjuration de la foi orthodoxe et la soumission totale au pape, ce qu'il fit le[264]. En dépit de ce geste humiliant, aucune aide ne se matérialisa. Peu avant son retour, en septembre 1371, les Serbes tentèrent eux aussi de se libérer des Turcs mais leurs forces furentécrasées près du fleuveMaritsa. Jean V en tira la conclusion qu'il n'avait dorénavant d'autre choix que de passer un traité avec le nouveau sultan,MouradIer, à qui il dut acquitter un tribut régulier (lekharadj) et fournir des troupes. De fait, dès le printemps 1373, Jean V accompagna le sultan en Asie mineure conformément à sa promesse[265].

Carte du Moyen-Orient vers 1389. L'Empire byzantin (en marron) se réduit à quelques territoires autour de Constantinople. À la suite de l'occupation de Gallipoli, les Ottomans (vert foncé) ont rapidement étendu leur suprématie sur lapéninsule balkanique en soumettant la Serbie, ce qui leur donne un grand avantage sur les autres émirats turcs rivaux enAnatolie (en vert clair). Les États latins de la région sont illustrés en rouge.

Débuta alors une série d'imbroglios dynastiques entre Jean V, son fils et son petit-fils dont profitèrent les Ottomans qui aidèrent tantôt l'un, tantôt l'autre. En 1370,Andronic, fils de Jean V, laissé responsable de Constantinople par son père lors de son voyage à Rome, refusa de lui venir en aide lorsqu'il fut retenu à Venise. À son retour, Jean V écartait Andronic de la succession au profit de son deuxième fils,Manuel. Andronic entreprit de se venger et s'allia au fils du sultan,Saoudj, qui rêvait également de prendre la place de son père. Le complot fut découvert et Mourad fit aveugler son fils, exigeant que le même sort fût réservé par Jean V à son propre fils, Andronic, et à son petit-fils, Jean. Mais Andronic ne perdit qu'un œil et son fils ne fut qu'à demi aveuglé. Les deux princes furent ensuite envoyés en prison àLemnos où ils demeurèrent jusqu'en 1376, année où les Génois et les Ottomans les aidèrent à s'évader. Andronic revint à Constantinople dont il s'empara, emprisonnant son père, faisant arrêter tous les Vénitiens et rendant Gallipoli aux Ottomans. Le règne d'Andronic IV (1358-1385) dura près de trois ans au terme desquels les Vénitiens aidèrent cette fois Jean V et Manuel à sortir de prison et à reprendre Constantinople. Andronic échappa à la prison grâce aux Génois et demeura àGalata jusqu'en 1381 lorsque lui et son fils se réconcilièrent avec Jean V, qui les rétablit comme ses successeurs[266],[267].

Cette bataille dynastique laissait le champ libre à Mourad pour poursuivre la conquête des Balkans. Il s'était déjà emparé d'une partie de l'Albanie lorsque le princeLazar Hrebeljanović, qui avait occupé le nord de la Serbie à la mort du roi Étienne Uroṧ V, réunit une coalition formée d'Albanais, de Bosniaques, de Bulgares et deValaques. En 1389, ses forces rencontrèrent celles de Mourad lors de labataille de Kosovo Polje. Lazare et Mourad y perdirent la vie mais les forces ottomanes remportèrent la victoire, anéantissant de fait toute nouvelle tentative d'indépendance dans les Balkans[268]. Maître de laRoumélie (territoires turcs d'Europe) et de l'Anatolie occidentale, le fils de Mourad,Bajazet, qui avait succédé à son père sur le champ de bataille, demanda au calife abbasside du Caire l'investiture en tant que sultan de Rûm : les Ottomans reprenaient à leur compte l'idée de faire« revivre sous le sceptre musulman l'Empire romain universel »[269].

Entre agonie et sursaut d'espoir (1385-1420)

[modifier |modifier le code]
La défaite deNicopolis en 1396 symbolisa l'incapacité chrétienne à sauver Constantinople. Miniature deJean Colombe tirée desPassages d'outremer, vers 1474.

Andronic IV mourut en 1385 et fut remplacé par son fils,Jean VII Paléologue (1370-1408) alors âgé de 15 ans. Ce ne fut pas avant avril 1390 qu'il put revenir à Constantinople avec l'aide de forces turques où il ne régna que quelques mois pendant que son grand-père demeurait bloqué dans une forteresse près de la Porte d'Or en compagnie de son fils, Manuel. Ce dernier réussit toutefois à s'enfuir et à réunir une flotte avec laquelle il vint délivrer son père. Jean VII fut expulsé le 17 septembre 1390 et Jean V revint au pouvoir quelques mois avant de mourir, en février 1391. Manuel II (1350-1425) qui servait dans l'armée ottomane revint à Constantinople mais, vassal de Bajazet, il dut accompagner celui-ci dans sa campagne d'Anatolie la même année. Bajazet exigea également l'installation à Constantinople d'un quartier réservé aux marchands turcs et l'établissement d'uncadi, représentant du sultan qui arbitrait les différends impliquant les habitants musulmans de Constantinople. De plus, les pouvoirs de l'empereur étaient limités à l'intérieur des murs de la ville[270].

L'amitié qui unissait Manuel II et Bajazet devait prendre fin lorsque ce dernier apprit que Manuel négociait avec Jean VII une modification à l'ordre successoral. Furieux, il ordonna l'exécution de Manuel durant une assemblée de ses vassaux en 1393 mais se ravisa. Manuel rompit alors les liens avec les Ottomans au début de 1394. Ces derniers vinrentassiéger Constantinople. Ce siège qui fut levé à différentes occasions, devait se poursuivre pendant huit ans. Après une croisade sans succès entreprise parSigismond de Luxembourg qui se termina par ladéfaite de Nicopolis,Charles VI envoya un petit corps expéditionnaire sous le commandement du maréchalBoucicaut. Celui-ci parvint à convaincre Manuel d'aller demander de l'aide en Europe. Réconcilié entretemps avec Jean VII, Manuel partit pour l'Occident en décembre 1399. Son voyage devait durer trois ans et le conduire enFrance, enAngleterre, à Gênes et à Venise. À chaque endroit, il fut comblé d'honneurs et de promesses, mais il revint les mains vides à Constantinople en juin1403. Heureusement pour lui, un ennemi de taille s'était dressé devant Bajazet en la personne deTamerlan, khan des Turco-Mongols. Labataille d'Ankara, le, devait mettre en déroute l'armée de Bajazet. Constantinople disposa d'un sursis d'un demi-siècle[271].

L'Empire byzantin en 1403 après la défaite ottomane àAnkara.
L'Empire byzantin en 1450 : alors que les Ottomans ont conquis la majeure partie des Balkans et établi leur capitale àAndrinople, l'Empire (rouge) se réduit aux alentours deConstantinople, à quelques ports deThrace, à laChalcidique et à quelquesîles Égéennes, alors queMistra et lesud de la Crimée sont en autonomie.

Manuel s'empressa de supprimer les privilèges accordés aux musulmans, y compris le tribunal du cadi et les mosquées, et de mettre fin à son association avec Jean VII. Après la mort de Bajazet, ses fils se divisèrent ce qui restait de son empire. C'est ainsi queSoliman s'installa en Europe et signa avec Manuel un traité qui non seulement restituait à Manuel diverses possessions byzantines, y comprisThessalonique, mais faisait pratiquement de Soliman un vassal de Constantinople ; les rôles étaient renversés. Cependant, la querelle s'installa entre les trois fils de Bajazet et finalementMehmed élimina les deux autres. Il devint alors le seul maître d'un empire ottoman réunifié. Toutefois, jusqu'à sa mort en 1421 il entretint des relations cordiales avec Constantinople[272].

Jean VIII Paléologue et les derniers essais de résistance

[modifier |modifier le code]
Mourad II tenta sans succès de s'emparer de Constantinople en 1422.

Épuisé, Manuel II décida de se retirer des affaires publiques et de passer progressivement les rênes du pouvoir à son filsJean VIII Paléologue (1392-1448) qui devint seul empereur à sa mort en 1425. Chez les Ottomans, le pouvoir passa en 1421 deMehmed Ier au jeune sultanMourad II bien décidé à redonner à l'empire l'éclat qu'il avait eu sous son grand-père. En 1422, Jean VIII décida de soutenir unprétendant ottoman contre Mourad II. Par vengeance, le sultanassiégea Constantinople, sans résultat, avant de ravager ledespotat de Morée. Un traité signé en 1424 entre lui et Manuel fit à nouveau de Byzance le vassal des Ottomans à qui elle dut payer un tribut de 300 000aspres en plus de lui concéder les ports de la mer Noire, saufMesembria et Derkos[273].

Pendant les années qui suivirent, Mourad II sembla se désintéresser de Constantinople. Toutefois, il étendit graduellement son empire sur le continent, en plus d'humilierVenise. Conscient du danger que représentait cet encerclement, Jean VIII se tourna à nouveau vers la papauté dans l'espoir de voir se lever une nouvelle croisade. De longues négociations furent nécessaires pour aboutir auconcile qui s'ouvrit à Ferrare le. Lapeste s'étant déclarée dans la ville, le concile se transporta à Florence en janvier 1439, d'où son nom de « concile de Ferrare-Florence ». L'union fut proclamée le 6 juillet. On reconnaissait que la querelle duFilioque était due à des questions de sémantique et on acceptait l'autorité universelle du pape, sauf les droits et privilèges de l'Église d'Orient[274]. L'empereur et son patriarche retournèrent à Constantinople en, convaincus que l'Église universelle était rétablie dans le respect des traditions de l'Église d'Orient et que Constantinople jouirait dorénavant de la protection de l'Occident. Ils se trompaient sur les deux fronts. D'une part, l'opposition était telle à Constantinople qu'il fût impossible de faire proclamer l'acte d'union à Sainte-Sophie. D'autre part, la croisade qui devait suivre l'acte d'union ne se matérialisa pas non plus, permettant à Mourad II de continuer ses guerres de conquête. Toutefois, à l'ouest et dans le nord des Balkans la résistance s'organisait sous l'impulsion du roi de HongrieLadislas III Jagellon et du despote serbe Georges Brankovic. Les victoires deJean Hunyadi[275],voïvode deTransylvanie et régent de 1446 à 1453 pour le jeune roiLadislas Ier, soulevèrent quelques espoirs mais le manque de coordination entre le roi de Hongrie et Venise empêcha tout progrès sérieux. Une dernière tentative fut faite en 1448 et réunissait Jean Hunyade et l'AlbanaisSkanderbeg. Ils se heurtèrent à l'armée de Mourad dans la plaine de Kosovo. Labataille dura trois jours et se solda par la victoire de Mourad qui ne put toutefois continuer vers la Hongrie en Europe centrale et vers l'Adriatique en Albanie[276]. Il semble que cette défaite ait hâté la mort de Jean VIII le. Son frère,Constantin XI Dragasès,despote de Morée (1405-1453) et vassal de l'Empire ottoman depuis 1447 lui succéda.

Règne de Constantin XI et chute de Constantinople

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Chute de Constantinople.

Une fois de plus, la succession faillit provoquer une nouvelle guerre civile, car les anti-unionistes auraient préféré à Constantin son frère cadetDémétrius. Pragmatiste,Constantin XI accepta l'union comme un fait accompli, espérant comme ses prédécesseurs qu'elle lui apporterait des secours de l'Occident. Devant les provocations des anti-unionistes, il demanda en 1451 au papeNicolas V des renforts militaires en même temps qu'un légat pour proclamer l'acte d'union. Le pape répondit que le cardinalIsidore, ancien patriarche orthodoxe de Russie, serait son légat et que Venise enverrait des galères. Les anti-unionistes furent gravement offensés par le choix de ce patriarche condamné par le Grand DucBasile II lors de son retour àMoscou« comme un loup féroce qui décime son troupeau innocent »[277]. Ayant signé l'acte d'union, Isidore n'avait eu d'autre recours que de s'expatrier à Rome où le pape l'avait fait cardinal. L'union fut ainsi proclamée le àSainte-Sophie, désertée par ses fidèles. Alors que plus que jamais l'unité aurait été nécessaire devant l'ennemi qui campait déjà devant Constantinople, les passions religieuses continuaient à diviser la population[278].

Tableau peint en 1876 parBenjamin-Constant et représentant Mehmet II pénétrant dans Constantinople, étape marquant ainsi la fin de l'Empire byzantin.

Pendant ce temps, Mourad II était mort le, laissant le trône à un jeune homme qui n'avait qu'une idée : s'emparer de Constantinople. Prudent et méthodique,Mehmed II, dit « le Conquérant », commença par isoler diplomatiquement Constantinople en signant des traités avec les seuls susceptibles de lui venir en aide : Venise etJean Hunyadi. Puis, après avoir fait deux diversions militaires, l'une enMorée, l'autre en Albanie pour empêcher tout envoi de troupes, il entreprit letrentième siège de la ville[279] en construisant, de mars à août 1452, une forteresse sur la rive européenne, dite « deRumeli Hisarı », pour empêcher l'approvisionnement civil et militaire de la ville.

Les ambassadeurs de Constantin parcouraient encore l'Europe mais ne recevaient que des encouragements moraux. Le 15 mai 1453, soit onze jours avant l'assaut final, Venise délibérait encore pour savoir si elle devait envoyer des troupes. Mehmet II ne laissa rien au hasard et les forces en présence étaient trop inégales pour que l'issue du combat soit incertaine. L'assaut final débuta dans la nuit du 28 au 29 mai. Au moment où le soleil se levait, les Turcs entraient par une brèche dans la ville. L'empereur qui défendait la porte Saint-Romain s'élança suivi de deux ou trois fidèles et son corps ne fut jamais retrouvé. Le dernier empereur d'Orient disparaît en même temps que son empire[280].

Les derniers États byzantins, l'empire de Trébizonde et laprincipauté de Théodoros, disparaissent respectivement en 1461 et 1475[281], tandis que les restes de l'aristocratie byzantine, regroupés auPhanar à Constantinople et surnommés pour cela « phanariotes »[282], essaiment de là vers l'Italie et vers ce que l'onnomme en Occident les « États grecs »[283].

Empire byzantin et Renaissance

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Influence de Byzance en Occident.

Renaissance intellectuelle et culturelle

[modifier |modifier le code]

Paradoxalement, ce fut alors que son territoire diminuait pour ne plus comprendre que la ville de Constantinople, ses abords immédiats et quelquesîles grecques, que le rayonnement intellectuel de Byzance atteignit son apogée. La période de 1261 à 1453 (année de la chute de la ville), si désolante sur le plan politique, s’avéra si féconde sur le plan intellectuel que d'aucuns y virent les signes précurseurs de laRenaissance italienne. Laquatrième croisade, en attisant lemépris des Latins pour lesGrecs et la rancœur de ceux-ci contre l'« Occident schismatique et barbare », provoqua chez les intellectuels byzantins une prise de conscience de leur héritage culturel. On redécouvrit les auteurs grecs et on prit conscience à la fois du caractère spécifiquement grec ou hellène de la civilisation byzantine, et du fait que la culture de Rome était elle-même fondée sur l'héritage de laGrèce antique. Être Byzantin, Romain ou civilisé équivalait ainsi à être hellène.Gémiste Pléthon devint le chef de file de ce mouvement de renaissance de la conscience grecque au sein du monde byzantin[284]

L'utilisation même du mot de « renaissance », qui s'auréola d'un prestige nouveau, est symptomatique puisque dans les premiers siècles, « hellène » signifiait essentiellement êtrepaïen[285] et revêtait de fait une connotation péjorative. Par ailleurs, l'opposition grandissante entre les Églises d'Orient et d'Occident depuis le neuvième siècle (début de laquerelle du Filioque), puis les remous provoqués par les tentatives d'union des derniers empereurs, tentatives violemment repoussées par leur peuple, ne faisaient qu'ancrer dans la population l'impression que c'était Rome qui avait abandonné la véritable foi orthodoxe et que les tentatives de la papauté pour contrôler l'Église universelle étaient en opposition flagrante avec les Pères de l'Église pour qui l'évolution dudogme devait se faire en parvenant à un consensus entre les différentes communautés chrétiennes. L'Église elle-même devait être régie non par un seul homme mais par lescinq patriarches dont le siège avait été fondé par un apôtre et où l'Occident ne disposait finalement que d'une seule voix, celle de Rome (les autres étant Constantinople,Jérusalem,Antioche etAlexandrie). Orthodoxie et nationalisme culturel ne faisaient plus qu'un. C'est ainsi, selon les mots deDonald MacGillivray Nicol,« que l'empire gagna en ferveur religieuse ce qu'il avait perdu en puissance politique »[286].

Photographie du palais deMistra. Cette ville située dans lePéloponnèse est l'un des plus grands centres du renouveau hellénique du fait de l'influence deGémiste Pléthon.

Les deux siècles de ce que l'on peut appeler la « renaissance paléologienne » ont produit plus d'une centaine de grands intellectuels qui furent actifs non seulement àConstantinople, mais aussi àNicée,Thessalonique,Trébizonde etMistra. Tout en redécouvrant les anciens, ils profitèrent énormément des contacts avec lesArabes et les Perses. Ce renouveau culturel se caractérise par son caractère « pratique », encore qu'il ne faille pas nécessairement donner à ce mot le sens littéral qu'il a aujourd'hui. Ainsi, dans le domaine des arts, il n'y eut presque aucun peintre ou sculpteur, mais un nombre considérable d'architectes. La production littéraire ne s'intéressait guère au roman ou au théâtre, mais plutôt à laphilologie (retour au grec antique) et à larhétorique (art de l'éloquence). Lathéologie fut à l'honneur mais il faut se rappeler qu'elle avait un caractère pratique puisque l'œcoumène n'était que l'incarnation sur terre de l'ordre divin universel où l'empereur était le lieutenant de Dieu sur terre. On note également un nouvel intérêt pour lesmathématiques lesquelles, profitant des contacts avec les pays arabes, permirent l'adoption des chiffres dits arabes avec lezéro et l'introduction dupoint décimal. Ce sera aussi le cas de l'astronomie où, progressivement, les tables perses remplacèrent celles dePtolémée. Lamédecine profita des recherches menées par les Arabes et les Perses. LeMateria Medica du médecinNicolas Myrepsos à la cour de Nicée servit de manuel de référence pendant des siècles tant en Orient qu'en Occident[287].

Ces intellectuels jouirent non seulement du patronage de la cour impériale, notamment sousAndronic II, mais aussi des autres cours de l'empire comme celle de Thessalonique où les puissants, soucieux d'affirmer leur goût pour la culture, se targuaient d'encourager les arts et les lettres[288]. Ce fut également le cas de l'Église où patriarches et archevêques métropolitains prirent de nombreux jeunes talents sous leur aile. Ce fut par exemple le cas deNicéphore Grégoras (1290- ca 1360) qui, né en province, reçut d'abord l'appui de son oncle, le métropolitain d'Héraclée du Pont. Grâce à lui, il put aller étudier à Constantinople où il reçut l'appui et les encouragements tant de l'empereur Andronic II que du patriarcheJean XIII Glykys avant d'être adopté par le premier ministreThéodore Métochitès qui lui accorda une sinécure au monastère de Chora[289].

Jean Bessarion fut l'un des plus grands promoteurs de la culture grecque en Italie et contribua ainsi à la généralisation du mouvement de laRenaissance.

Diffusion de la Renaissance

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Renaissance.

La « byzantinologie » a longtemps été une science d'épigraphistes, depaléographistes, d'architectes et d'hellénistes travaillant surtout sur des écrits et des monuments, ce qui a évidemment conditionné la recherche dans un sens quasi exclusivement dirigé vers l'histoire événementielle,religieuse, etde l'art. L'historiographie occidentale, à l'instar d'Edward Gibbon, a longtemps été influencée par lemishellénisme, considérant l'Empire comme un « despotisme décadent et orientalisé ». Cette interprétation perdure dans la conscience collective de l'Occident, bien qu'elle soit totalement battue en brèche par les historiens contemporains et par les recherchesarchéologiques,linguistiques,toponymiques,ethnologiques,économiques, paléoclimatologiques etpaléogéographiques qui sont venues compléter les travaux existants. On ignore moins aujourd'hui le rôle considérable que l'Empire romain d'Orient (pour le désigner par son vrai nom) a joué dans l'économie et le brassage des populations et des idées de son époque, dans la transmission des valeurs culturelles et des savoirs de l'Antiquité[290] ou encore, sur le plan militaire, en tant que « bouclier » de l'Europe, d'abord face auxPersans et auxpeuples des steppes, ensuite face à l'expansion de l'Islam. C'est lepillage dévastateur de Constantinople par les Croisés en 1204 qui met définitivement fin à cette prospérité[291] et rend caduque cette fonction protectrice.

Malgré ces travaux récents qui ont partiellement fait reculer l'ignorance et les préjugés hostiles, la « Nouvelle Rome », reste méconnue, car même si l'historiographie byzantine est alimentée parProcope de Césarée à la fin de l'Antiquité ou, au Moyen Âge, parMichel Psellos,Jean Skylitzès,Anne Comnène ouNicétas Choniatès, elle reste largement lacunaire en raison des vicissitudes historiques qui se sont traduites par la perte de nombreuses sources. Pour des périodes comme celle allant duVIIe au Xe siècle, l'état des sources était trop parcellaire dès l'origine ; pour d'autres périodes, les sources ont pu être plus abondantes, mais la disparition d'unhellénisme plus que bimillénaire enAnatolie et àConstantinople après leTraité de Lausanne de 1923, s'est traduite par l'abandon auXXe siècle de nombreux fonds d'archives et d'objets, détruits ou bien passés dans le commerce d'antiquités sans avoir été étudiés. Il y a aussi des biais documentaires : le fait de ne disposer pour lesIXe et Xe siècles que de sources « ecclésiastiques » ne doit pas conduire à penser que Byzance serait devenue un État théocratique : à l'encontre de la représentation d'un « césaropapisme byzantin », dans lequel l'empereur aurait exercé une autorité quasi absolue sur l'Église, la recherche actuelle apporte l'image d'un état où, même si la religion compte fortement comme partout ailleurs, les pouvoirs impérial et religieux sont relativement indépendants l'un de l'autre et peuvent même devenir antagonistes[292]. On sait aujourd'hui, au moins parmi les historiens, que l'Empire romain d'Orient a transmis, en lui faisant traverser les âges obscurs qui ont suivi la chute de l'Empire d'Occident, l'héritage le plus universel de l'Empire romain, à savoir la codification dudroit, grâce auCorpus juris civilis ou « code de Justinien »[293].

Les incessants voyages des empereurs et de leurs cours en Occident pour obtenir un appui militaire contre les Turcs constituèrent un autre véhicule pour le rayonnement de la culture byzantine à l'Ouest en même temps qu'une source de débat théologique entre clercs orientaux et occidentaux. Les échanges, tantôt amicaux, tantôt acerbes, entre Constantinople et les républiques maritimes de Venise, de Gênes et de Pise constituèrent un autre véhicule d'échanges culturels. Enfin, l'émigration qui se fit de Constantinople vers l'Italie après la première chute de Constantinople et qui continua alors que celle-ci était de plus en plus menacée par les Ottomans fut une autre source de diffusion culturelle alors qu'en Italie même des intellectuels commeVictorin de Feltre (1378-1446) ouLaurent Valla (1407-1457), qui devait exposer la fraude qu'était ladonation de Constantin, commencèrent à s'intéresser aux anciens Grecs[294]. Établis en Italie, les réfugiés byzantins telsManuel Chrysoloras,Démétrios Kydones,François Philelphe,Giovanni Aurispa,Vassilios Bessarion,Jean Bessarion ou Jean Lascaris jouèrent un rôle particulièrement actif dans la transmission des écrits grecs, telle l’encyclopédie appeléeSouda (dugrec ancienΣοῦδα /Soũda) ou Suidas (du grec ancienΣουίδας /Souídas) constituée vers la fin duIXe siècle et imprimée parDémétrios Chalcondyle àMilan en 1499[295]. Les bibliothèques vaticane et vénitienne (Biblioteca Marciana) recèlent encore de nombreux manuscrits astronomiques de cette époque, totalement inédits ou édités récemment, comme leVaticanus Graecus 1059 ou leMarcianus Graecus 325 deNicéphore Grégoras. Ce transfert culturel et scientifique joua un rôle important l’avènement de laRenaissance duXVe siècle auXVIIe siècle[296], mais fut occulté par lemishellénisme ambiant qui domina longtemps l’inconscient collectif occidental[297].Venise regorge de trésors pris à l'Empire et son architecture est d'inspiration byzantine.

Parti de Constantinople, ce renouveau culturel allait se répandre dans plusieurs autres directions. Chez lesSlaves et lesValaques, Byzance a ainsi eu autant d'influence que Rome sur l'Europe occidentale. Les Byzantins ont en effet donné à ces peuples unalphabet cyrillique adapté à leurs langues, un modèle politique qui permet à certains d'entre eux (Rus' de Kiev) de rivaliser avec Byzance elle-même, et une forme du christianisme,conforme aux sept premiers conciles, qui est encore la leur aujourd'hui. LesRoumains, lesBulgares, lesSerbes, lesUkrainiens, lesBiélorusses, lesRusses et lesGéorgiens ont ainsi gardé la formeorthodoxe du christianisme, qui les rattache à Byzance ; à lachute de Constantinople (la « deuxième Rome ») Moscou s'auto-proclama « Troisième Rome »[296]. Les famillesphanariotes de Constantinople, qui reprennent les noms et les traditions des dynasties impériales byzantines (Cantacuzènes,Comnènes, Lascaris,Paléologues…) donnent des souverains auxprincipautés roumaines. La diffusion du christianisme orthodoxe se fit grâce auslavon, langue slave commune qui avait pris une forme écrite grâce aux moines Cyrille et Méthode et qui était devenue la troisième langue internationale de l'époque.

Deux facteurs principaux contribuèrent à ce rayonnement. D'abord, l'influence duMont Athos, où moines des pays russes etbalkaniques se croisaient et puisaient aux sources de la culture chrétiennehellénique. Contrairement à leurs collègues d'Occident, les moines orientaux voyageaient énormément d'un monastère à l'autre, leurs pérégrinations prenant le caractère d'un pèlerinage spirituel[298]. Ensuite, l'hésychasme (quiétisme), qui demeura un mouvement pro-byzantin et pan-orthodoxe. Cette pratique visait à conduire l'Homme vers une perception intérieure directe de la divinité, sans l'appui de la raison qui génère interprétations et controverses. Mais elle fut si âprement contestée, par exemple entreGrégoire Palamas, moine au Mont Athos, etBarlaam, Grec deCalabre émigré à Thessalonique, qu'un concile y fut consacré en1341, présidé par l'empereur lui-même.

LesArabes et lesTurcs ont aussi été fortement influencés sur les plans technique, intellectuel, architectural, musical et culinaire. Les Égyptiens chrétiens (Coptes), lesÉthiopiens, lesArméniens, bien que monophysites, se rattachent également à la tradition byzantine, de même que lesArabes orthodoxes deSyrie, duLiban et dePalestine. L'hostilité de l'Occident d'une part, les nombreux contacts qu'occasionnèrent lesguerres avec les Turcs dans un premier temps, plus spécifiquement avec les Ottomans dans un deuxième, contribuèrent aussi à des échanges fructueux entre Constantinople et le monde musulman, notamment dans les domaines des mathématiques et de l'astronomie. Les Byzantins, qui ont perpétué l'usage dugrec et sauvegardé une grande partie des anciennes bibliothèques grecques, les ont volontiers transmis aux Arabes : ainsi, l'empereurRomainIer Lécapène envoie bibliothèques et traducteurs enEspagne musulmane, àHasdaï ibn Shaprut (Xe siècle), ministre ducalife de Cordoue,Abd al-Rahman III. Ces contacts permirent même la découverte d'autres progrès de civilisations comme ce traité sur l'utilisation de l'astrolabe publié aux environs de 1309 à Constantinople à partir de la version latine d'un original arabe ou ce traité d'astronomie,Les Six Ailes, traduit en grec à partir d'un original hébreu[299].

En même temps qu'elle aura défendu l'Europe contre l'Orient au cours de nombreuses invasions, notamment en créant avec le monde slave ce que Dimitri Obolensky appela le« Commonwealth byzantin »,Byzance permit aussi à l'Europe de découvrir la richesse intellectuelle du monde arabe et musulman. Elle joua ainsi un rôle de pont entre l'Orient et l'Occident, rôle qui ne fut jamais aussi important que lorsque l'empire byzantin fut près de sa fin[298] (cet héritage byzantin est le plus souvent occulté dans l'historiographie occidentale moderne[N 1]).

Une partie desGrecs auXIXe siècle du temps de laGrande Idée, commeConstantin Paparrigopoulos, s'enorgueillissent d'avoir continué la civilisation byzantine sur place, sous la férule ottomane, y compris dans Constantinople même où une université grecque a fonctionné jusqu'en 1924 (ce n'est qu'en 1936 que la poste turque cesse définitivement d'acheminer les lettres portant la mention « Constantinople »). Aujourd'hui, le dernier héritier de l'Empire dans son ancienne capitale est lepatriarche de Constantinople.

Du point de vue de l'art et de l'architecture, l'héritage de Byzance peut être perçu enGrèce, enTurquie, dans lesBalkans, enItalie (notamment àRavenne etVenise), àCordoue et dans l'art néo-roman duXIXe siècle qui décore des édifices comme labasilique du Sacré-Cœur de Montmartre ou lacathédrale Sainte-Marie-Majeure de Marseille.

Du point de vue militaire, on considère laguérilla comme un héritage en partie byzantin, en raison du traité queNicéphore II Phocas laissa à ce sujet[300].

Notes et références

[modifier |modifier le code]

Notes

[modifier |modifier le code]
  1. À titre d'exemple, le périodiqueSciences et Avenir a publié en janvier2010 un numéro spécialno 114 consacré auxSciences et techniques au Moyen Âge sans la moindre référence au monde byzantin.

Références

[modifier |modifier le code]
  1. Georg Ostrogorsky (trad. J. Gouillard),Histoire de l’État byzantin, Payot, Paris 1996 (1re éd. 1940), 647 p.(ISBN 9782228890410), p. 27.
  2. John H. Rosser,Historical Dictionary of Byzantium, 2012,p. 2 :« « Byzantium » andByzantine Empire, became more widespread in England and elsewhere in Europe and America only in the second half of the 19th Century. George Finlay’sHistory of the Byzantine Empire from 716 to 1057, published in 1857, was the first occasion of « Byzantine Empire » being used in a modern historical narrative in English ».
  3. John H. Rosser,Historical Dictionary of Byzantium, 2012,p. 2
  4. (en)AlexanderKazhdan (dir.),Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford,Oxford University Press,,1re éd., 3 tom.(ISBN 978-0-19-504652-6 et0-19-504652-8,LCCN 90023208) p. 1805.
  5. Alexander Kazhdan, vol. 3, « Romania, Assizes of », 1991,pp. 1805-1806.
  6. Michael Grant, 1969,p. 259
  7. Michael Grant, 1969,p. 264
  8. Michael Grant, 1969,p. 267
  9. Michael Grant, 1969,p. 276
  10. Michael Grant, 1969,p. 292
  11. (en) Matthew Bunson,Encyclopedia of the Roman Empire, Facts on File, New York,Oxford University Press,,p. 260-261
  12. Michael Grant, 1969,p. 303-309
  13. Michael Grant, 1969,p. 298
  14. Paul Petit, 1974,p. 17-18
  15. Paul Petit, 1974,p. 51-54
  16. Paul Petit, 1974,p. 81-84
  17. Paul Petit, 1974,p. 70-74
  18. Paul Petit, 1974,p. 58-67
  19. (en) « The Fall of Constantinople », surThe Economist,(consulté le)
  20. Paul Petit, 1974,p. 75-76
  21. Paul Petit, 1974,p. 119-120
  22. Paul Petit, 1974,p. 120-121
  23. Peter Heater, 2009,p. 153
  24. Peter Heater, 2009,p. 203-205
  25. Kazhdan 1991,p. 814, entrée « Gaiseric »
  26. Peter Heater, 2009,p. 308-310
  27. Paul Petit, 1974,p. 95-100
  28. James Bryce, 2010,p. 17
  29. James Bryce, 2010,p. 24
  30. James Bryce, 2010,p. 14-18
  31. Peter Heater, 2009,p. 208-221
  32. Kazhdan 1991,p. 1296, entrée « Marcian »
  33. Kazhdan 1991,p. 210, entrée « Aspar »
  34. Peter Heater, 2009,p. 249
  35. Kazhdan 1991,p. 2223, entrée « Zeno »
  36. Kazhdan 1991,p. 86, entrée « Anastasios I »
  37. Procope, Histoire de la guerre contre les Perses, I.7.1-2; Greatrex & Lieu 2002, p. 62.
  38. Procope, Histoire de la guerre contre les Perses, I.7.1-2; Greatrex & Lieu 2002, p. 63.
  39. Peter Heater, 2009,p. 359-361
  40. Kazhdan 1991,p. 1082, entrée « Justin I »
  41. (en) Dodgeon, Michael H.; Greatrex, Geoffrey; Lieu, Samuel N. C.,The Roman Eastern Frontier and the Persian Wars (Part I, 226-363 AD),Routledge,, Tome II,p. 85
  42. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 53
  43. Kazhdan 1991, t. 3,p. 1083, entrée « Justinian I »
  44. Robert Browning, 1987,p. 42-53
  45. Georges Ostrogorsky, 1983, « L’œuvre de restauration de Justinien et sa faillite »,p. 98 à 116
  46. Bréhier 2006,p. 38-39.
  47. « Belisarius », in(en) John Julius Norwich,Byzantium-The Early Centuries, New York,Alfred A. Knopf,,p. 207-220
  48. Robert Browning, 1987,p. 108
  49. Robert Browning, 1987,p. 136
  50. a etbGeorges Ostrogorsky, 1983,p. 101
  51. Robert Browning, 1987,p. 60
  52. Robert Browning, 1987,p. 124-125
  53. Robert Browning, 1987,p. 156
  54. Robert Browning, 1987,p. 118-119
  55. Agathias,Histoires,V.14.5 &V.20.3
  56. Kazhdan 1991,p. 2114, entrée « Triborien »
  57. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 105
  58. Robert Browning, 1987,p. 64-67
  59. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 106
  60. Kazhdan 1991, t. 2,p. 1398, entrée « Monophysitism »
  61. Alain Ducellier et Michel Kaplan, 2004,p. 17
  62. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 108
  63. Robert Browning, 1987,p. 60-72
  64. Robert Browning, 1987,p. 73-76
  65. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 103-104
  66. Robert Browning, 1987,p. 154-156
  67. Alain Ducellier et Michel Kaplan, 2004,p. 18
  68. Warren Treadgold, 1997, « Expansion and Depression »,p. 273-283
  69. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 109
  70. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 112
  71. Louis Bréhier, 1969,p. 61
  72. Ion Barnea et Ștefan Ștefănescu :Byzantins, roumains et bulgares sur le Bas-Danube, Bucarest, Editura Academiei Române, 1971(OCLC1113905) et Radoslav Katičić :Ancient Languages of the Balkans, éd. Mouton, Den Haag 1976, 2 vol.
  73. Paul Lemerle, 1975,p. 65
  74. Warren Treadgold, 1997,p. 239-241
  75. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 135
  76. Louis Bréhier, 1969,p. 56-57
  77. Louis Bréhier, 1969,p. 59
  78. Warren Treadgold, 1997,p. 287-307
  79. Alain Ducellier et Michel Kaplan, 2004,p. 24
  80. Warren Treadgold, 1997,p. 314-322
  81. Alain Ducellier et Michel Kaplan, 2004,p. 27
  82. Paul Lemerle, 1975,p. 71-72
  83. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 152
  84. Louis Bréhier, 1969,p. 64
  85. Kazhdan 1991,p. 500-501, entrée « Constantine IV »
  86. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 162
  87. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 167-168
  88. Warren Treadgold, 1997,p. 337-342
  89. Louis Bréhier 1969,p. 76
  90. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 187-188
  91. Kazhdan 1991,p. 975-977
  92. Louis Bréhier 1969,p. 78
  93. Warren Treadgold, 1997,p. 353-354
  94. Kazhdan 1991, t. 1,p. 501, Entrée « Constantine V »
  95. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 199-200
  96. Kaplan et Ducellier, 2004,p. 35
  97. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 204
  98. Jean-Claude Cheynet, 2007,p. 16
  99. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 421
  100. Warren Treadgold, 1997,p. 421
  101. Warren Treadgold, 1997,p. 423
  102. Warren Treadgold, 1997,p. 423-424
  103. Kazhdan 1991, t. 1,p. 1159, entrée « Kroum »
  104. Louis Bréhier, 1969,p. 92-94
  105. John Julius Norwich,A History of Venice, Penguin Books, London, 1983,p. 24
  106. Kazhdan 1991, t. 1,p. 1362, entrée « Michael Rangabe »
  107. Kaplan et Ducellier 2004,p. 36
  108. Louis Bréhier, 1969,p. 96
  109. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 230-232
  110. Il s'était aussi fait le défenseur des masses populaires accablées d'impôts, inGeorges Ostrogorsky, 1983,p. 234
  111. Kazhdan 1991, t. 2,p. 2066, entrée « Theophilos »
  112. Warren Treadgold, 1997,p. 436-445
  113. Jean Claude Cheynet, 2007,p. 70
  114. Kazhdan 1991, t. 3,p. 2056, entrée « Theoktistos »
  115. Louis Bréhier, 1969,p. 104-109
  116. Warren Treadgold, 1997,p. 446
  117. Warren Treadgold, 1997,p. 452
  118. Kazhdan 1991, t. 1,p. 255, entrée « Bardas »
  119. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 259-260
  120. Louis Bréhier, 1969,p. 110
  121. Kazhdan 1991, t. 3,p. 1669, entrée « Photios »
  122. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 267-268
  123. Louis Bréhier, 1969,p. 118-122
  124. (en) John Meyendorff,Byzantium and the Rise of Russia, Cambridge,Cambridge University Press,,p. 4-5
  125. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 270
  126. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 280-281
  127. Louis Bréhier, 1969,p. 129
  128. Kazhdan 1991, t. 3,p. 2027, entrée « Tetragamy of Leo VI ».
  129. « Basiléopator » signifie « père de l'empereur », inKazhdan 1991, t. 1,p. 263, entrée « Basileopator ».
  130. Warren Treadgold, 1997,p. 477-479.
  131. Warren Treadgold, 1997,p. 480-486.
  132. Louis Bréhier, 1969,p. 149
  133. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 299
  134. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 305
  135. Warren Treadgold, 1997,p. 498.
  136. Louis Bréhier, 1969,p. 165.
  137. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 315-317
  138. Kazhdan 1991, t. 2,p. 1045, entrée « John I Tzimiskes ».
  139. Louis Bréhier, 1969,p. 169
  140. Louis Bréhier, 1969,p. 170-178
  141. Jean-Claude Cheynet, 2007,p. 35
  142. Louis Bréhier, 1969,p. 180
  143. Warren Treadgold, 1997,p. 513-518.
  144. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 325-335.
  145. Jean-Claude Cheynet 2007,p. 37
  146. Louis Bréhier, 1969,p. 195-197.
  147. Jean-Claude Cheynet 2007,p. 38
  148. Kazhdan 1991, t. 1,p. 503, entrée « Constantine VIII ».
  149. Alain Ducellier et Michel Kaplan, 2004,p. 60
  150. Louis Bréhier, 1969,p. 199.
  151. Jean-Claude Cheynet 2007,p. 39
  152. Kazhdan 1991, t. 2,p. 1365, entrée « Michael IV Paphlagon ».
  153. Kazhdan 1991, t. 2,p. 1366, entrée « Michael V Kalaphates ».
  154. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 354-355.
  155. (en) Sigfus Blöndal et Benedikt S. Benedikz,« The Varangian between 1042 and 1081 », dansThe Varangians of Byzantium, Cambridge, Cambridge University Press,.
  156. Jean Claude Cheynet 2007,p. 41
  157. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 357-359.
  158. Alain Ducellier et Michel Kaplan, 2004,p. 61
  159. Kazhdan 1991, t. 2,p. 1360, entrée « Michael Keroularios ».
  160. Louis Bréhier, 1969,p. 222-224.
  161. Jean Claude Cheynet 2007,p. 182-183
  162. Kazhdan 1991, t. 1,p. 504, entrée « Constantin X Doukas ».
  163. Louis Bréhier, 1969,p. 226-236.
  164. Kazhdan 1991, t. 3,p. 1807, entrée « Romanos IV Diogenes ».
  165. Kazhdan 1991, t. 1,p. 1366-1367, entrée « Michael VII ».
  166. Jean-Claude Cheynet,Histoire de Byzance,Presses universitaires de France 2013,(ISBN 978-2130625650)
  167. Kazhdan 1991, t. 3,p. 1479, entrée « Nikephoros Botaneiates ».
  168. Louis Bréhier, 1969,p. 236-237
  169. Paul Lermele, 1975,p. 98
  170. Jean-Claude Cheynet 2007,p. 307-308
  171. Louis Bréhier, 1969,p. 226-232 et 238-240
  172. Louis Bréhier, 1969,p. 242-246
  173. Kazhdan 1991, t. 1,p. 63, entrée « Alexios I Comnenos ».
  174. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 378-380.
  175. Paul Lemerle, 1975,p. 102
  176. Louis Bréhier, 1969,p. 249-250
  177. Louis Bréhier, 1969,p. 249-251
  178. Cité inJonathan Harris, 2007,p. 61.
  179. Il finit toutefois par prêter serment« de ne pas attenter à la personne de l'empereur », cité in(en) Jonathan Harris,Byzantium and The Crusades, London, Hambledon Continuum,,p. 62.
  180. Jean-Claude Cheynet 2007,p. 55
  181. Nicétas Choniatès, cité inGeorges Ostrogorsky, 1983,p. 398.
  182. cité inLouis Bréhier, 1969,p. 263.
  183. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 399
  184. Jean-Claude Cheynet 2007,p. 57
  185. a etbLouis Bréhier, 1969,p. 264.
  186. Jonathan Harris, 2007,p. 63.
  187. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 398
  188. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 406
  189. Michael Angold, 1992,p. 210-213.
  190. Louis Bréhier, 1969,p. 280.
  191. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 404.
  192. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 405.
  193. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 407.
  194. Michael Angold, 1992,p. 187-189.
  195. Jean-Claude Cheynet 2007,p. 61
  196. Michael Angold, 1992,p. 265-266
  197. Nicétas Choniatès, cité inGeorges Ostrogorsky, 1983,p. 420.
  198. Jean-Claude Cheynet 2007,p. 62
  199. Jean-Claude Cheynet 2007,p. 495
  200. Michael Angold, 1992,p. 278.
  201. Nicétas Choniatès, cité inGeorges Ostrogorsky, 1983,p. 425.
  202. Kazhdan 1991, t. 3,p. 2183, entrée « Vlachs ».
  203. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 225-229.
  204. Louis Bréhier, 1969,p. 287-289.
  205. Michael Angold, 1992,p. 284.
  206. Michael Angold, 1992,p. 279.
  207. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 434.
  208. Louis Bréhier, 1969,p. 292-293.
  209. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 435.
  210. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 436.
  211. Thomas F. Madden, 2003,p. 152.
  212. Thomas F. Madden, 2003,p. 155.
  213. Thomas F. Madden, 2003,p. 163.
  214. Kazhdan 1991, t. 3,p. 2220, entrée « Zara ».
  215. Louis Bréhier, 1969,p. 297.
  216. Michael Angold, 1992,p. 294.
  217. Kazhdan 1991, t. 1,p. 65, entrée « Alexios IV Angelos ».
  218. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 440.
  219. Louis Bréhier, 1969,p. 306
  220. a etbCyril Mango, 2002,p. 250.
  221. Kazhdan 1991, t. 3,p. 2071-2072, entrée « Thessalonike ».
  222. Cyril Mango, 2002,p. 251-253.
  223. Kazhdan 1991, t. 3,p. 2039-2040, entrée « Theodore I Laskaris ».
  224. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 452
  225. Donald Nicol, 2005,p. 31-32
  226. Kazhdan 1991, t. 2,p. 1048, entrée « John III Vatatzes ».
  227. Kaplan et Ducellier, 2004,p. 107
  228. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 460
  229. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 463
  230. Donald Nicol, 2005,p. 33
  231. Kazhdan 1991, t. 3,p. 2041, entrée « Theodore II Laskaris ».
  232. Louis Bréhier, 1969,p. 318-319
  233. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 473
  234. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 474
  235. Kaplan et Ducellier 2004,p. 119
  236. Donald Nicol, 2005,p. 35
  237. Louis Bréhier, 1969
  238. Donald Nicol, 2005,p. 69-72
  239. Donald Nicol, 2005,p. 61-77
  240. Donald Nicol, 2005,p. 89-92
  241. Kazhdan 1991, t. 2,p. 1367, entrée « Michael VIII Palaiologos ».
  242. Louis Bréhier, 1969,p. 335
  243. Kazhdan 1991, t. 2,p. 1367, entrée « Michael IX Palaiologos ».
  244. Louis Bréhier, 1969,p. 337
  245. ab etcCyril Mango, 2002,p. 260-262.
  246. Donald Nicol, 2005,p. 159
  247. Louis Bréhier, 1969,p. 336
  248. Kazhdan 1991, t. 3,p. 1950, entrée « Stefan Uros IV Dusan ».
  249. Robert Mantran, 1989,p. 15-17.
  250. Louis Bréhier, 1969,p. 350.
  251. Donald Nicol, 2005,p. 179.
  252. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 525
  253. Clifford Rogers, 2010, p.288
  254. Donald Nicol, 2005,p. 169-170.
  255. Robert Mantran, 1989,p. 20.
  256. Donald Nicol, 2005,p. 215-220
  257. Louis Bréhier 1969,p. 356
  258. Donald Nicol, 2005,p. 221
  259. Louis Bréhier 1969,p. 356-357
  260. Louis Bréhier 1969,p. 357-359
  261. Donald Nicol, 2005,p. 240-245
  262. Donald Nicol, 2005,p. 261-264
  263. Louis Bréhier 1969,p. 364
  264. Cyril Mango, 2002,p. 269.
  265. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 563.
  266. Louis Bréhier, 1969,p. 374-375.
  267. Cyril Mango, 2002,p. 270-271.
  268. Louis Bréhier, 1969,p. 376-377.
  269. Robert Mantran, 1989,p. 47.
  270. Robert Mantran, 1989,p. 48.
  271. Louis Bréhier, 1969,p. 387-389.
  272. Louis Bréhier, 1969,p. 389-391.
  273. Cyril Mango, 2002,p. 276.
  274. Louis Bréhier, 1969,p. 405-406.
  275. Kazhdan 1991, t. 2,p. 958, entrée « Hunyadi, Janos ».
  276. Louis Bréhier, 1969,p. 413-414.
  277. Donald Nicol, 2005,p. 382
  278. Jacques Heers, 2007,p. 247
  279. Louis Bréhier, 1969,p. 423.
  280. Louis Bréhier, 1969,p. 420-428.
  281. Michel Kaplan,Pourquoi Byzance ? Un empire de onze siècles, Folio, Paris 2016
  282. Eugène Rizo Rangabé,Livre d'or de la noblesse phanariote en Grèce, en Roumanie, en Russie et en Turquie, impr. S. C. Vlastos, Athènes, 1892 (Lire en ligne) etMarie-Nicolas Bouillet,Alexis Chassang (dir.), article « Phanariotes » dansDictionnaire universel d’histoire et de géographie, 1878,Marie-Nicolas Bouillet etAlexis Chassang (dir.), « Histoire de l'Empire byzantin » dansDictionnaire universel d’histoire et de géographie,(lire sur Wikisource)
  283. Cantacuzène 1992.
  284. Donald Nicol, 2005,p. 364-365.
  285. Ihor Sevcenko, « Paleologian Learning », inCyril Mango, 2002,p. 284.
  286. Donald Nicol, 2005,p. 37.
  287. (en) Steven Runciman,The Last Byzantine Renaissance, Cambridge,Cambridge University Press,, « The Achievements of the Renaissance ».
  288. Donald Nicol, 2005,p. 185-189 et 363-365.
  289. Ihor Sevcenko, « Paleologian Learning », inCyril Mango, 2002,p. 286.
  290. Sur les apports des travaux archéologiques, notamment concernant l'économie et la vie quotidienne, voir entre autres Jonathan Bardill :Brickstamps of Constantinople, Oxford University Press 2004, 638 pages et Ufuk Koçabaş, communication surLes fouilles archéologiques de Yenikapı, 18 novembre 2011 à l’IFEA sur[1].
  291. La prospérité de l'Empire est évoquée en français par l'exclamation : « Mais c'est Byzance ! ».
  292. Bernard Flusin,La civilisation byzantine, PUF, 2006,(ISBN 213055850X).
  293. Georges Ostrogorsky, 1983,p. 107
  294. Voir à ce sujet(en) N. G. Wilson,From Byzantium to Italy, Greek Studies in Italian Renaissance, Baltimore,Johns Hopkins University Press,.
  295. Gallica
  296. a etbSteven Runciman,La chute de Constantinople, 1453,p. 265
  297. À titre d'exemple, la publicationSciences et Avenir a publié en un numéro spécialno 114 consacré auxSciences et techniques au Moyen Âge sans la moindre référence au monde byzantin.
  298. a etbVoir à ce sujet Dimitri Obolensky|,Byzantium and the Slavic World, in(en) Angeliki E. Laiou (dir.) et Henry Maguire (dir.),Byzantium, a World Civilization, Washington, Dumbarton Oak Research Library,.
  299. Ihor Sevcenko, « Paleologian Learning », inCyril Mango, 2002,p. 289.
  300. Gilbert Dagron et Haralambie Mihaescu,Le Traité sur la guérilla de l'empereur Nicéphore Phocas, CNRS éditions, septembre 2009.

Annexes

[modifier |modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Articles connexes

[modifier |modifier le code]

Écouter cet article(info sur le fichier)

Liens externes

[modifier |modifier le code]

Bibliographie

[modifier |modifier le code]

On consultera avec profit la bibliographie exhaustive contenue dans chaque volume de la trilogieLe monde byzantin (Presses universitaires de France,coll. « Nouvelle Clio ») répartie pour chacune des périodes étudiées (vol. 1 – L’empire romain d’Orient [330-641] ;vol. 2 – L’empire byzantin [641-1204] ;vol. 3 – L’empire grec et ses voisins [XIIIe – XVe siècle] entreInstruments bibliographiques généraux, Évènements, Institutions (empereur, religion, etc.) etRégions (Asie Mineure, Égypte byzantine, etc.). Faisant le point de la recherche jusqu’en 2010, elle comprend de nombreuses références à des sites en ligne.

Bibliographie utilisée

[modifier |modifier le code]

Bibliographie complémentaire

[modifier |modifier le code]
v ·m
v ·m
Cet article est reconnu comme « article de qualité » depuis saversion du 6 juillet 2011 (comparer avec la version actuelle).
Pour toute information complémentaire, consulter sapage de discussion et levote l'ayant promu.
La version du 6 juillet 2011 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.
Ce document provient de « https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Histoire_de_l%27Empire_byzantin&oldid=229682309 ».
Catégories :
Catégories cachées :

[8]ページ先頭

©2009-2025 Movatter.jp