L'histoire économique de la France de 1789 à 1815 est constituée par l'ensemble des faits qui marquèrent l'histoire économique de ce pays sous laRévolution, leConsulat et lePremier Empire[note 1].

La plupart des auteurs s'accordent sur le fait qu'il y a eu croissance économique en France, notamment dans la deuxième moitié duXVIIIe siècle, ce qui est corroboré par la croissance démographique du pays passé de 20 à 22 millions d'habitants au début du règne deLouis XV à 27,5 millions en 1789 dans les frontières du royaume et même les années 1780 à 1789 ont connu un mouvement naturel fortement excédentaire: 8 917 000 naissances contre 7 858 000 décès; données qui remettent en cause l'existence de difficultés sociales à l'extrême fin de l'Ancien Régime, suivant le schéma traditionnel de lacrise « labroussienne »[1].
À partir de 1784, la France connaît une série de crises agricoles, (Elle avait déjà été touchée par une première crise frumentaire lors de laGuerre des farines de 1775) qui se traduit par des crises industrielles selon le modèle des crises d'Ancien régime d'Ernest Labrousse. Il y a eu mévente du vin par surabondance des vendanges, bas prix des grains jusqu'en 1787 et, au contraire, par suite de la mauvaise récolte de 1788, très forte poussée des prix céréaliers durant l'hiver 1788-1789; La production céréalière restait alors très sensible aux variations climatiques conjoncturelles[1]. La hausse du prix du pain, qui absorbe 90 % du budget des travailleurs en 1789, est synonyme de contraction des débouchés pour les activités artisanales.
Les industriels français se plaignent aussi des effets dutraité Eden-Rayneval, accord commercial signé avec la Grande-Bretagne en 1786, accusé de mettre en difficulté les industries de certaines villes.
À ces problèmes s’ajoute le risque debanqueroute de l’État dû à son fort endettement et à l'absence de réforme fiscale. C’est le problème financier de la France qui motive la tenue desÉtats généraux, point de départ de la Révolution.
Pluies très fortes en, fortes encore en octobre, novembre et décembre. Ces pluies ont gêné les semailles, les terres sont détrempées. Un hiver très doux a pu encourager les parasites et les mauvaises herbes. Le mois de mars très sec a dû condamner la récolte 1788. L'herbe ne pousse pas, les froments jaunissent, les blés de printemps ne lèvent pas pendant quelques semaines. Sécheresse fin mai, qui durera jusqu'à la mi-juin. Et de mi-juin à août, canicule entrecoupée d'orages dévastateurs pour les récoltes, d'où des récoltes inférieures de 30% à la normale. Le climat a pu être influencé parEl Niño[2] ou à l'éruption de 1783 desLakagígar enIslande[3],[4]. On note pourtant quelques exportations de grain pendant la moisson 1788; maisJacques Necker arrivé au pouvoir bloque cet export. La moisson assez bonne de 1789 ne parvient pas à compenser la perte de 1788. On trouve 58 émeutes de subsistances en 1788 et 231 en 1789 jusqu'à la fin avril. L'hiver de 1788-1789 est rude en Île-de-France[5].
Déficit budgétaire catastrophique, montée de l'aristocratie libérale et de la bourgeoisie, frustration plébéiennes et paysannes, un début de famine est sans doute l'une des causes du soulèvement de 1789.


La Révolution, d’abord menée par la bourgeoisie, a de nombreuses conséquences économiques. D'abord lesdroits féodaux disparaissent avec laNuit du 4 août 1789 et lesdécrets des 4, 6, 7, 8 et 11 août 1789 où le partage du patrimoine foncier est bouleversé. Toutefois, dans un premier temps, la situation de la part la plus modeste de la population agricole en est peu changée. Cette mesure, qui se combine aux diverses confiscations des biens de l'Église et de la noblesse expatriée, permet d’abord aux bourgeois et aux paysans aisés de récupérer des terres, avant que la revente de parcelles plus petites ne profite à une plus grande partie de la population.
L'individualisme et lelibéralisme de la bourgeoisie trouvent leur expression dans laDéclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui fait de lapropriété privée un « droit inviolable et sacré » (article 17). Les troubles de la Révolution font que cette inspiration libérale est peu appliquée dans les faits, et laisse la place à desréquisitions, à une administration autoritaire des prix et des salaires, ou encore à l’instabilité monétaire liée à l’inflation desassignats.
Si la France hérite de la période napoléonienne d'importants progrès administratifs, elle ne connaît toutefois pas à cette époque une réussite économique marquante.
Les guerres de l’Empire aggravent la faiblesse démographique et leur financement raréfie les capitaux ; cependant les commandes militaires stimulent certaines industries. Les obstacles que la guerre maritime dresse pour le commerce permettent l’essor d’activités économiques de substitution dont l’exemple type est labetterave sucrière. Toutefois, le résultat global de la guerre maritime est l’écroulement du commerce extérieur français dont souffrent les ports de l'Atlantique. La réduction du commerce empêche letransfert de technologie depuis l’Angleterre et provoque des difficultés d’approvisionnement pour l’industrie du pays : lecoton est quatre fois plus cher en France qu'en Angleterre[6]. Lecommerce extérieur diminue fortement, de grandsports sont touchés par des blocus, à l'instar deBordeaux ouMarseille, mais certaines villes parviennent à se servir de leur fleuve pour accroître leurs échanges comme c'est le cas deStrasbourg et deLyon. De grands travaux sont cependant réalisés : ports àAnvers,Cherbourg, des routes pour désenclaver lesAlpes, et des routes pour la circulation autour deParis.
Sur le plan géographique, la période du Consulat et de l'Empire annonce le déplacement du dynamisme économique : difficultés sur la côte Atlantique et désindustrialisation de l'ouest et du sud-ouest, mais développement de l'industrie dans l'est du pays[7].
On estime que lePIB entre le début duDirectoire et la fin de l'Empire a augmenté au rythme de 3 % par an (en excluant le secteur des services peu développé).
L'Empereur a toujours cru en la toute puissance de l'autorité publique en matière économique et tend à voir dans ses échecs l'œuvre de quelque puissance étrangère, et tout particulièrement de l'ennemi anglais, qui sert régulièrement debouc émissaire à l'opinion[8].
Pour ce qui touche les questions monétaires et financières,Napoléon est plutôt méfiant à l'égard de tout ce qui est papier, notamment les billets de banque, les titres d'emprunt mais aussi leslettres de change[9].

Pour faire face à la crise financière, amorcée dès le début de la seconde moitié des années 1780 par l'état déplorable des finances publiques, l'Assemblée constituante décide, le, à la suite de la suggestion deTalleyrand, que tous les biens du clergé seront confisqués pour être « mis à disposition de la Nation ».
La création de laBanque de France (1800) et dufranc germinal (1803) met en place un système monétaire stable.
Ledécret d'Allarde des2 et abolit lescorporations qui, par leurs monopoles, entravaient laliberté d'entreprendre, et apparaissaient alors comme incompatibles avec le principe desouveraineté nationale issu desthéories du contrat social définies notamment parJean-Jacques Rousseau. Ce décret est rapidement confirmé par laloi Le Chapelier du, qui interdit lescoalitions, c'est-à-dire les regroupements d'ouvriers et de paysans. Ces deux lois instaurent laliberté du commerce et de l'industrie, qui est le fondement de l'économie de marché en France et va permettre le développement de la grande industrie au siècle suivant, connu communément sous l'appellation de « révolution industrielle ». Les douanes intérieures sont supprimées.
La promulgation duCode de commerce en 1807 favorise le développement d’entreprises par actions : il distingue lessociétés en nom collectif, qui dominent auXIXe siècle, lessociétés anonymes (soumises à l’autorisation préalable de l’État), et lessociétés en commandite. Lecadastre rend la fiscalité plus efficace et plus juste.
Le, la Convention adopte un décret relatif aux poids et mesures officialisant l'usage dusystème métrique et fixant entre autres une nouvelle nomenclature de mesures de poids basée sur le gramme[10]; un arrêté du 13 brumaire an IX () rendant l'usage de ce système obligatoire[11].
Les dépenses publiques se sont amplifiées tout au long de l'Empire. De 550 millions de francs en1801, le chiffre global des dépenses est passé à environ 1 milliard de francs en1811, jusqu'à atteindre 1,264 milliard de francs en1813, dernière année pour laquelle nous disposons d'une évaluation précise[12].
En 1815, la France verse aux vainqueurs une indemnité de 700 millions.

Dans le domaine de l’agriculture, les résultats de l’Empire ne sont pas exceptionnels. Lapomme de terre se généralise, elle participe au recul de la jachère. Pourtant, sur la période 1803-1812, le taux de croissance annuel moyen du produit agricole n'est que de 0,3 %, un taux inférieur à la croissance démographique pourtant faible (0,5 %)[7]. La propriété paysanne progresse, mais le partage des terres à la mort entre les fils (d’après leCode civil) en provoque l’émiettement. De nombreux progrès sont tout de même réalisés : labetterave qui arrive en France en1812 permet de faire grandement diminuer le prix du sucre. En outre, l'élevage de bétail, le vignoble progressent, mais les produits céréaliers régressent. D'une manière générale, entre1796 et1815, la production agricole a augmenté de 48 %.
« Si le paysage industriel (de la France au début duXIXe siècle - NdA) reste encore marqué plus par les petits ateliers que par les usines, celles-ci se multiplient. La guerre continuelle n'interdit pas la croissance de certains secteurs qui connaissent un « démarrage » annonciateur de la révolution industrielle du XIXe s. C'est le cas de l'industrie cotonnière ou de l'industrie chimique qui lui est en partie liée[note 2]. Là sont à l'œuvre « les aventuriers du siècle », comme les frères Ternaux[note 3], qui ont plusieurs fabriques de draps à travers la France et concentrent dans leurs usines machines à filer le coton, à la tisser et à la blanchir.François Richard-Lenoir fabrique, à Paris et en Normandie, du coton filé, des calicots, des basins et des piqués. Faisant travailler plusieurs milliers d'ouvriers, il dispose d'un capital de 6 millions de francs et d'un revenu de 50.000 francs. Il fait partie du Conseil général du commerce, créer par le régime pour développer l'économie, et participe aux expositions qu'organise le gouvernement »
« Ces industriels « conquérants » ne savent pas ou ne peuvent pas employer d'autres sources d'énergie que celles de l'eau ou du charbon de bois. La houille est mieux exploitée qu'autrefois, mais peu utilisée dans les hauts fourneaux pour la fabrication de la fonte ou dans les machines à vapeur, deux techniques l'une et l'autre déjà courantes en Angleterre. Ces industriels investissent pourtant dans l'achat de machines, telle que la mule-jenny pour le filage du coton. Ils se suréquipent parfois, alors que les débouchés se ferment dans une Europe qui, elle aussi, s'industrialise et où les produits anglais de contrebande réapparaissent »
— Collectif, Axis, L'univers documentaire[13].

Dans l’industrie, ce sont lesDépartements réunis, en particulier ceux constituant l'actuelleBelgique, qui profitent, au sein de l’Empire, du développement de lamétallurgie et de la production decharbon.
Les progrès de l’industrie textile n’empêchent pas l’Angleterre d’accroître son avance dans la production de cotonnades. On constate cependant de nombreuses innovations qui participent à la prospérité de secteurs comme lasoie à Lyon (métier à tisser Jacquard) ou les premiers développements de l’industrie chimique (soude parNicolas Leblanc pendant la Révolution)[7].
Malgré le retard français dans la sidérurgie, celle-ci progresse, mais la production industrielle ne retrouve son niveau de1789 qu'en1809.

Les grandes spéculations de la fin du règne de Louis XVI
| Secteur économique | |
|---|---|
| Généralités | |