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SelonIsidore de Séville, le nom peut provenir soit deHispalis : « Occident, pays de l’Ouest », de mêmeétymologieindo-européenne queHesperos, Hesperia engrec, soit duphénicien 𐤉𐤍𐤐𐤎𐤉𐤀 :’yspny, pouvant être interprété de deux manières : « contrée desdamans » (s’agissant deslapins que lescarthaginois ont pris pour des damans) ou bien « contrée des forges », le pays étant renommé pour ses minéraux[1].
Au début lesCarthaginois installent des comptoirs commerciaux sur la côte, sans pousser plus profondément à l’intérieur de l’Hispanie. En -501, ils s’emparent deGadès (Cadix), une ancienne coloniephénicienne.Après lapremière guerre punique, les Carthaginois s'étendent rapidement dans le Sud, sous la conduite desBarcides. Ils y exploitent des mines d’or et redonnent à Carthage sa puissance économique et commerciale. En -230, ils fondentCarthagène, la nouvelle Carthage (Cartago Nova).
En -218, Hannibal forme une puissante armée qui comprend un contingent d’Ibères, et commence ladeuxième guerre punique en prenantSagonte, puis en marchant vers l’Italie. Les Romains ne peuvent l’intercepter en Gaule, et dirigent une partie de leurs forces sur l'Hispanie, qui devient un théâtre d’opération de cette guerre. Après divers affrontements,Scipion l'Africain prendCarthagène en -209, et en -207,Hasdrubal mène les dernières forces carthaginoises de l'Hispanie vers l'Italie. En -202, la capitulation de Carthage livre officiellement l’Hispanie carthaginoise à Rome.
En -197, les Romains divisent l’Hispanie en deuxprovinces :Hispanie citérieure, donnant sur la Méditerranée, etHispanie ultérieure (car plus éloignée de Rome), comprenant le Sud et tournée vers l’océan.La conquête romaine de la péninsule Ibérique fut longue, pour plusieurs raisons :
dans la première partie duIIe siècle, leSénat romain n’avait pas de vision expansionniste, il se contentait de conserver ses acquis territoriaux et d’affaiblir les adversaires potentiels ;
les peuples locaux opposèrent souvent une résistance acharnée, et infligèrent plusieurs défaites aux armées romaines.
La chronologie résumée est la suivante :
de -191 à -189, révolte desCeltibères, soumission de l’intérieur de l’Hispanie ;
en -154, occupation de la Lusitanie ;
de -147 à -139, le berger lusitanienViriate organise une résistance efficace, et bat plusieurs armées romaines. Les Romains ne purent en venir à bout qu’en le faisant assassiner par ses partisans ;
de -142 à -133, guerre contreNumance entre l’Èbre et le Douro. En 137, le consulGaius Hostilius Mancinus capitule avec son armée devant les Numantins ;
en -137, campagnes contre lesGalèces (Galleacia) ;
en -134, arrive à la péninsule le consulScipion Émilien accompagné par son état-major, parmi lequel se trouvent l'auxiliaire numideJugurtha,Caïus Gracchus ainsi que par l'historienPolybe. Scipion attaque les indigènes et détruit leurs récoltes pour empêcher qu'ils aident les Numantins. Il entame le siège de Numance en construisant d'imposantes ouvrages de circonvallation ;
en -133, la ville est prise par Scipion et débutent les campagnes contre lesVascons.
La conquête de la péninsule suit une pause pendant un siècle, car l’Orient constitue un champ de conquête beaucoup plus attractif que l’Hispanie, tandis que les populations hispaniques ont montré leur capacité de résistance. La partie nord-ouest de l’Hispanie reste donc insoumise.
de -80 à -72, révolte deSertorius, partisan deMarius. Il enrôle de nombreux hispanes dans ses légions, s’entend avec les élites locales et contribue à la romanisation du pays à partir de la ville deClunia.Pompée parvient à réduire cette révolte.
de -29 à -19,Auguste puisAgrippa avec 5 légions soumettent difficilement les montagnardsAsturiens et lesCantabres. Leurs chefs soumis furent relégués dans une fondation au nord des Pyrénées,Lugdunum Convenarum.
La conquête romaine de la péninsule est achevée, Auguste la divise en trois provinces : l’Hispanie ultérieure est divisée enBétique, conquête ancienne bien romanisée qui devient uneprovince sénatoriale etLusitanie. L’Hispanie citérieure devient laTarraconaise. Tarraconaise et Lusitanie sont encore occupées par des légions (6 légions en l’an 6), et ont le statut deprovinces impériales.
Descolonies romaines sont fondées aux endroits stratégiques :
Bracara Augusta (Braga) et Asturica Augusta (Astorga), surveillant les peuples montagnards du nord de la péninsule Ibérique restés insoumis à Rome (Astures,Cantabres,Vascons) ;
Lavia Augusta vient deGaule narbonnaise par le Perthus et traverse le pays par Tarraco, Valentia, Corduba, Hispalis et Gades.Les trois provinces connurent une longue période de paix, et le nombre des légions présentes fut progressivement réduit à une seule, laVIIe Gemina stationnée àLeón.
La culture autochtone de l’Hispanie est progressivementtransformée par l’occupation romaine. De même que l’on parle des Gallo-romains pour souligner la profonde transformation des peuples de Gaule sous l’Empire romain, l’historiographie parlera d’hispano-romains : c’est l’origine deslangues ibéro-romanes.
Les Romains bâtissent les aqueducs, les ponts, les bains, les amphithéâtres… ils dotent leurs provinces d’Hispanie d’institutions, d’une hiérarchie. Ils en fixent les nouvelles classes sociales : l’aristocratie, la classe moyenne (regroupant les administrateurs, les juristes, les lettrés, les ingénieurs, les militaires, les commerçants, les industriels et les petits propriétaires) ; le peuple constitué par les hommes libres n’appartenant à aucune des deux catégories précédentes, ils étaient des travailleurs des mines, des agriculteurs, des soldats, des pêcheurs ; et enfin les esclaves sans droits.
Même si la politique de l’Hispania romaine était sous le contrôle du gouvernement impérial de Rome, des élections prenaient place chaque année pour désigner le gouvernement des villes et des régions. Rome établit des lois et des constitutions pour organiser le territoire, fonda de nombreusescolonies romaines et accorda de plus en plus lacitoyenneté romaine aux autochtones ; l'empereurVespasien la généralisa à toutes les villes de la péninsule. L’Hispanie fut la terre natale d’écrivains romains,Martial,Quintilien,Sénèque,Lucain et de plusieurs empereurs (Trajan,Hadrien,ThéodoseIer[3]).
L'apparition du commerce et des prémices de l'individualisme avec la propriété privée ont bouleversé l'Hispanie qui est urbanisée.
L'agriculture et les mines étaient les principales richesses d’Hispania, l'amenant à échanger avec d'autres régions de l'Empire romain. Les Romains ont développé le commerce en Hispanie en favorisant les échanges avec d'autres régions d'Europe. La péninsule exportait les produits miniers (argent, plomb, or), les céréales, l'huile d'olive et le vin.
Brûle-parfums de l’Hispanie romaine. Tossal de Manises (Alicante).
Les Wisigoths pénétrèrent en Hispanie dès 414, commefédérés de l'Empire romain. Depuis l'Hispanie romaine, les Wisigoths avaient déjà régulièrement lancé des raids militaires pour combattre lesVandales, lesSuèves (organisés en un petit royaumeGallaecia dans le nord-ouest du pays) et lesAlains, eux aussi à la solde deRome. Lapéninsule Ibérique devient alors l'Hispanie wisigothique après labataille de Vouillé en 507. En 508, moins d'un an après labataille de Vouillé, la pression franque pousse ensuite les Wisigoths, qui ne conservent au nord des Pyrénées que laSeptimanie, à se replier en masse sur l'Hispanie où ils établissent leur capitale àBarcino (Barcelone) de 531 à 542, avant de se replier définitivement plus au sud, àTolède. Une nouvelle période commence, qui va durer un peu plus de deux siècles et unir indissolublement les Wisigoths à la péninsule ibérique.
Couronne votive du roi Réceswinthe,Trésor de Guarrazar (Espagne) On peut lire en lettres suspendues:RECCESVINTHVS REX OFFERET
En 710, la succession du roiWittiza met pleinement en lumière ces luttes entre clans rivaux qui, au sein du palais, contrôlent le pouvoir. Écartant le fils de Wittiza, l'aristocratie acclame un chef militaireRodrich en wisigothique,Don Rodrigo en espagnol, égalementRodrigue en français) etRodéric. En 711 se produit laBataille de Guadalete, profitant d'une campagne de Rodéric contre lesVascons dans le Nord de la péninsule, les musulmans débarquent dans la nuit du 27 au sur le rocher auquel leur chef,Tariq ibn Ziyad, aurait donné son nom (djebel Tariq, futurGibraltar). Le roi se porte à leur rencontre et l'affrontement a lieu sur les rives duGuadalete, probablement le. Les fidèles de Wittiza désertent au milieu de la bataille, et il y aura la défaite de l’armée wisigothique et la disparition de Rodéric, dont on ne retrouva jamais le corps. LeRoyaume Wisigoth d’Hispanie fut détruit sauf le nord par lesmusulmans, etPélage avec lesAstures, quelques nobles wisigoths et une population wisigothe fuyant les Maures se réfugia dans lesAsturies et commençala Reconquête. Il vaincra les musulmans à labataille de Covadonga, F. Navarro Villoslada (1818-1895) dans son articleCovadonga (1857) dans le journal culturel et scientifique espagnol:El Museo Universal, écrit sur les goths de Pélage[9] :
« Avec une telle vie, leur esprit et leur corps ont été revigorés en même temps. Ils n'étaient plus les Wisigoths lâches et efféminés de Witiza, ils étaient les dignes descendants de cette race teutonne venue mêler son sang à celui du Bas Empire pour sauver la civilisation européenne, ils étaient ces fils du Nord que l'on appelait le fléau de Dieu. »
L'orfèvrerie connaît un grand essor, notamment avec l'atelier royal d'où sortent croix et couronnes votives qui, comme àConstantinople, sont suspendues au-dessus des autels. Les couronnes votives de Réceswinthe (vers 670) et Swinthila (vers 625) sont particulièrement remarquables. Sur celle Réceswinthe pendent des lettres en or disantRECCESVINTVS REX OFFERET (« Le roi Réceswinthe l'a offert »). La découverte dutrésor de Guarrazar, composé de couronnes et de croix que plusieurs rois de Tolède ont offert aux églises par dévotion, constitue un témoignage important de cet art. Le trésor a été exhumé entre 1858 et 1861 sur le site archéologique deHuerta de Guarrazar, situé dans la ville deGuadamur, près de Tolède. Les pièces du trésor sont réparties entre leMusée de Cluny à Paris, l'Armurerie duPalais Royal et leMusée Archéologique National, tous deux à Madrid. Dans la nuit du 4 avril 1921, la couronne de Swinthila fut volée dans l'Armurerie du Palais royal à Madrid et elle n'a pas été retrouvée[10],[11].
Fibules hispano-wisigothiques, Tierra de Barros- Espagne. Walters Gallery, Baltimore.
Lesfibules aquiliformes (en forme d'aigle) qui ont été découvertes dans des nécropoles telles que Duraton, Madrona ou Castiltierra (villes deSégovie), sont un exemple indubitable de la présence wisigothe en Espagne. Ces fibules étaient utilisées individuellement ou par paires comme fermoirs pour joindre les vêtements. Elles montrent la qualité du travail des orfèvres de l'Hispanie wisigothe[12].
Il convient également de noter que dans les boucles de ceinture trouvées en Espagne, des historiens tels que G.G. Koenig voient des caractéristiques similaires àla modedanubienne desVe – VIe siècles[12]. Cette mode s'est développéesur les bords de lamer Noire vers l'an 400 avant que, selon le professeur Michel Kazanski directeur de recherche auCNRS, elle se diffuse, grâce au prestige desHuns, parmi lespeuples germaniques etalains, transmetteurs des modes et des coutumes de l'Est vers l'Occident[13].
Nécropole paléochrétienne de San Antón en Carthagène (Espagne).
L’Hispanie romaine, devenue romane, se prolonge durant la période wisigothique sous deux formes, l’une culturelle, l’autre politique :
culturellement, la société hispanique utilise deslangues ibéro-romanes issues dulatin vulgaire, lalangue latine toujours officiellement en usage dans l’administration et l’église, l’art roman, l’architecture romane et ledroit romain qui n’est pas aboli mais intégré dans leLiber Iudiciorum, également appeléLex Visigothorum ouCode de Recceswinth, corpus législatif duroyaume wisigoth élaboré sous le règne du roiRéceswinthe (653–672), probablement promulgué en 654 et parfois aussi désigné sous les noms deLivre des Jugements,Liber Iudicum,Liber Gothorum,Fori Iudicum,Forum Iudicum (ouForum Judicum) etForum Iudiciorum ;
↑Félix Gaffiot, « Hispania », dansDictionnaire latin français, Hachette 1934 ; Charlton T. Lewis et Charles Short, « Hispania » dansA Latin Dictionary, Clarendon Press, Oxford 1879.
↑Notes et référencesListe de Verona. XI:Dioecesis Hispaniarum habet provincias numero VII (sic): Baetica. Lusitaniam. Karthaginiensis. Gallecia. Tarraconensis. Mauretania Tingitania.Le diocèse d'Hispanie est composé de sept provinces : Bética, Lusitania, Cartaginense, Gallaecia, Tarraconense et Mauretania Tingitana.
↑Michel Le Quien,Oriens Christianus ; Charles George Herbermann,Encyclopédie catholique
↑Adolphe-Charles Peltier,Dictionnaire universel et complet des conciles tant généraux que particuliers…, tome 2, éd. Jacques-Paul Migne, 1846p. 950-956,[1].
↑Bruno Dumézil, « Les conversions forcées ont-elles existé ? », in :L'Histoire n° 325, novembre 2007, pp. 69-73.