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Hirohito ouHiro-Hito(裕仁?), né le àTokyo et mort le dans la même ville, estempereur duJapon du à sa mort. Bien que le nom de « Hirohito » soit usuel enOccident, au Japon on le désigne, depuis sa mort, par sonnom de règneposthume,Shōwa Tennō(昭和天皇?,« empereur Shōwa »).
L'empereur Shōwa est un des personnages majeurs de laSeconde Guerre mondiale ; il est, avecAdolf Hitler etBenito Mussolini, l'un des trois grands dirigeants de l'Axe. La question de sa responsabilité personnelle dans les activités militaires et lescrimes de guerre du Japon enAsie avant puis durant laSeconde Guerre mondiale a eu une grande importance politique et fait l'objet de nombreux travaux historiques. Sa pleine responsabilité est démontrée concernant lescrimes de guerres commis en Asie durant laSeconde Guerre mondiale. LesAméricains, alors qu'ilsoccupent provisoirement le Japon au sortir de la guerre, décident malgré tout de le maintenir à la tête d'un empire au sein duquel il n'a plus qu'un rôle symbolique. Il restera ainsi empereur près de quarante-cinq ans après la fin du conflit, sans jamais être inquiété.
Le prince Hirohito naît le dans le palais Aoyama àTokyo[1]. Il est le premier fils duprince héritier Yoshihito (le futur empereurTaishō) et de la princesseSadako. Il sera le premier empereur depuis une centaine d'années dont la mère biologique est l'épouse officielle de son prédécesseur.
Son prénom(名前,namae?), Hirohito, est composé deskanji裕仁 signifiant « richesse, abondance, fertilité » et « vertu », le deuxième caractèrehito entrant dans la composition du nom de pratiquement tous les enfants mâles de la famille impériale japonaise depuis leXIe siècle. Hirohito porte dans sa jeunesse le titre honorifique(御称号,goshōgō?) de prince Michi(迪宮,Michi-no-miya?).
Comme le veut la tradition, il est séparé de ses parents et confié, avec son frère cadetYasuhito (futur prince Chichibu) à la garde d'un amiral à la retraite, le comteKawamura Sumiyoshi, et de son épouse. Il suit également une éducation au sein d'une institution spéciale pour les enfants de la famille impériale située dans le palais détaché d'Akasaka jusqu'en1908, puis à l'école pour garçons de lacompagnie scolaire Gakushūin (établissements éducatifs destinés aux enfants dukazoku) de 1908 à1914 (il y a pour maître l'ancien généralMaresuke Nogi, figure de laguerre russo-japonaise, désormais principal de Gakushūin et admirateur des règles dubushido) et finit sa formation auprès d'une institution spéciale créée au sein de la Maison du prince héritier, le Centre de supervision de l'éducation de la Maison du prince héritier(東宮御学問所,Tōgū-gogakumonsho?).
À son retour, Hirohito devientrégent duJapon le à la suite des problèmes de santé de son père, atteint d'une maladie cérébrale, séquelle d'uneméningite contractée enfant. Il se familiarise alors avec sa future fonction en remplissant les obligations quotidiennes de son père : lecture d'ouverture de la session annuelle de laDiète impériale, signature des actes, décrets et lois, célébration des rituelsshinto.
Le régent Hirohito et sa nouvelle épouseNagako, en1924.
Le, il épouse la princesse KuniNagako (titrée depuis sa mort impératrice Kōjun), issue d'une branche mineure(王家,Ōke?) de lafamille impériale, avec qui il s'était fiancé le, et malgré la forte opposition des chambellans et fonctionnaires de la cour. En effet, la jeune femme est la première épouse d'un héritier (et futur empereur) à ne pas être issue de l'une des cinq branches desekke (classe supérieure de l'aristocratie de cour japonaise) duclan Fujiwara (Ichijō,Kujō,Nijō,Konoe etTakatsukasa) depuis le début duVIIIe siècle.
À la mort de l'empereurTaishō, le, Hirohito lui succède sur letrône du chrysanthème, et une nouvelle ère est immédiatement proclamée :Shōwa (la Paix rayonnante). Selon l'usage japonais, l'empereur ne porte pas de nom durant son règne et est désigné usuellement par le termeKinjō Tennō, soit « l'empereur actuel ». Le nom sous lequel il sera désigné après sa mort est cependant connu dès le début de son règne, puisque c'est le nom même de l'ère coïncidant avec son règne :Shōwa Tennō (昭和天皇) c'est-à-direEmpereur Shōwa.
Hors du Japon, les livres et les journaux continuent pour la plupart de désigner l'empereur par son nom personnel « Hirohito » — même après sa mort —, quand bien même tous les précédents empereurs du Japon sont communément dénommés par les mêmes sources sous leur nom de règne posthume. Cette pratique peut être d'ailleurs considérée au Japon comme un manque de respect envers le défunt empereur. Le nouvel empereur est intronisé le àKyoto.
Lesannées 1920 et1930 sont marquées par des violences continuelles entre les deux principales factions nationalistes au sein de l'armée impériale, laKōdōha (radicale, favorable à l'expansion en Asie et à un gouvernement totalitaire et militariste) et laTōseiha (plus modérée), et, dans un premier temps, à la mise en place d'une forme de démocratie parlementaire fondée sur un bipartisme entre leRikken Minseitō (parti démocrate constitutionnel, libéral modéré) et leRikken Seiyūkai (Fraternité du gouvernement constitutionnel, libéral conservateur). L'assassinat duPremier ministreTsuyoshi Inukai en1932 fut un évènement majeur, qui entraîna la fin du contrôle de l'armée du Guandong par le conseil des ministres. Après que six Premiers ministres civils se soient succédé entre1924 et 1932, l'empereur nomma à nouveau unmilitaire à la tête duCabinet du Japon.
Auparavant, une suite d'incidents orchestrés par des officiers de l'armée du Guandong avaient débouché sur l'invasion de la Mandchourie en1931. Le gouvernement et l'empereur se montrent d'abord irrités par l'insubordination des troupes, mais avalisent finalement l'occupation en raison des gains territoriaux réalisés.
En1936, lors de l'incident du, de jeunes officiers de la Kōdōha organisent une tentative decoup d'État. Cette insurrection répondait à la perte d'influence de la faction militaire à laDiète à la suite des élections. La tentative se conclut par l'assassinat de plusieurs officiers supérieurs et membres du gouvernement et avorte quand l'empereur s'oppose résolument aux insurgés en menaçant de prendre lui-même la tête de la garde impériale.
En 1936, l'empereur autorise par décret impérial l'expansion de l'unité de recherche bactériologique deShiro Ishii et son incorporation au sein de l'armée du Guandong. Cette « unité 731 » procédera à des expérimentations et à des vivisections sur plusieurs milliers de prisonniers chinois, coréens et russes, y compris des femmes et des enfants.
L'invasion du reste de la Chine à partir de1937 donne lieu à d'innombrables atrocités contre les populations civiles. Elles sont notamment rendues possibles par la décision prise par l'empereur en d'approuver une directive proposant la suspension de l'application des conventions internationales sur les droits des prisonniers de guerre. Parmi ces atrocités, les plus connues sont lemassacre de Nankin et laPolitique des Trois Tout(三光作戦,Sankō Sakusen?,« tue tout, brûle tout, pille tout »), une stratégie de laterre brûlée qui entraîne, à compter de, la mort de 2,7 millions de Chinois des régions duHebei et duShandong.
Les archives militaires et le journal dugénéral Sugiyama, commentés par plusieurs historiens japonais commeYoshiaki Yoshimi et Seiya Matsuno[5], de même queHerbert P. Bix, indiquent de plus que l'empereur Shōwa s'est réservé le contrôle des armes chimiques dont il autorise l'utilisation à maintes reprises contre des civils, notamment en Chine. Ces autorisations sont données par le biais de directives impériales spécifiques (rinsanmei) transmises aux généraux par l'entremise du chef d'état-major de l'armée, le princeKotohito Kan'in, puis le généralHajime Sugiyama (à compter de1940). De septembre à, l'empereur autorise ainsi l'emploi de gaz toxiques à 375 occasions lors de labataille de Wuhan. En, le généralYasuji Okamura est, quant à lui, autorisé à employer 15 000 bonbonnes de gaz toxique auShandong.
L'empereur Hirohito chevauchantShirayuki lors d'une inspection militaire en août 1938.
Au printemps 1939, l'incident deNomonhan débouche sur une attaque de l'Union soviétique. Cette tentative d'invasion se solde par un cuisant échec des forces impériales et oblige l'empereur à conclure un pacte de non-agression qui porte leJapon à se diriger définitivement vers le sud, puis vers lesÉtats-Unis.
De1938 à1940, l'empereur se rallie à la position de l'état-major de lamarine et résiste à la tentation d'ouvrir un nouveau front comme l'aurait souhaité l'état-major de l'armée. En 1940, après les succès remportés par laWehrmacht enEurope, il se laisse finalement convaincre par les partisans, dont faisait partie son frèreYasuhito Chichibu, d'une alliance militaire avec l'Allemagne nazie.
À l'automne 1941, alors que leJapon doit faire face aux conséquences de l'embargo sur les produits pétroliers que lui ont finalement imposé lesÉtats-Unis pour son refus de se retirer de laChine, l'empereur demande la tenue d'une série de conférences impériales pour discuter de la possibilité de déclarer la guerre à d'autres pays que la Chine.
Le, le cabinet japonais se réunit pour discuter les plans de guerre préparés par le quartier général impérial et arrête ce qui suit :
« Notre Empire, pour assurer sa propre défense et pour se préserver, se préparera à la guerre… [et est]… résolu à entrer en guerre avec lesÉtats-Unis, leRoyaume-Uni et lesPays-Bas si nécessaire. Parallèlement, notre Empire entreprendra toutes les initiatives diplomatiques possibles vis-à-vis des États-Unis et de la Grande-Bretagne, et s'efforcera ainsi d'atteindre ses objectifs… Dans l'éventualité où ces négociations diplomatiques ne laisseraient pas d'espoir de voir nos exigences remplies avant les dix premiers jours d'octobre, nous déciderons le déclenchement immédiat des hostilités contre les États-Unis, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas. »
Les « objectifs » à atteindre sont clairement explicités : les mains libres pour poursuivre la conquête de la Chine et du sud-est asiatique, pas d'accroissement des forces militaires américaines ou britanniques, et la coopération de l'Occident en ce qui concerne « l'acquisition des produits dont notre Empire a besoin ».
Le, le Premier ministreFumimaro Konoe soumet de façon informelle ce projet de résolution à l'empereur, à la veille de la conférence impériale qui devait l'entériner. Ce dernier convoque alors les chefs d'état-major de l'armée et de la marine à une rencontre privée, au cours de laquelle il leur fait part de son incertitude quant à la pertinence d'ouvrir un nouveau front contre l'Occident. Apostrophant legénéral Sugiyama, il rappelle notamment que son état-major lui a promis que la guerre avec la Chine serait terminée en trois mois. L'amiralOsami Nagano, chef d'état-major de la marine, ancien ministre de la marine et officier très expérimenté, rapportera plus tard à un collègue de confiance[Qui ?] : « Je n'ai jamais vu l'empereur nous réprimander ainsi, son visage s'était empourpré et il élevait la voix ».
Lors de la conférence impériale du lendemain, les intervenants se montrent plutôt divisés, la marine jugeant une guerre à grande échelle prématurée alors que l'armée de terre est en sa faveur. Les chefs d'état-major font, quant à eux, front commun pour la guerre. Le baronYoshimichi Hara, président du Conseil impérial et représentant de l'empereur, les interroge alors avec soin, obtenant des uns la réponse que la guerre doit être considérée comme le dernier recours, et des autres le silence.
C'est à ce moment que le monarque surprend l'assemblée en s'adressant à elle en personne. L'empereur souligne l'importance de poursuivre les négociations internationales, puis récite un poème écrit par son grand-père l'empereurMeiji.
Quelques semaines plus tard, Konoe, opposé à la guerre contre l'Occident, remet sa démission à l'empereur. Pour le remplacer, le choix unanime de l'état-major se porte sur le princeNaruhiko Higashikuni, oncle de l'empereur. Ce dernier rejette ce choix en indiquant que la famille impériale ne devait pas être exposée à prendre le blâme en cas de conflit armé. Il porte plutôt son choix sur le généralHideki Tōjō, ministre de l'Armée et partisan d'une politique dure mais réputé pour son dévouement à l'institution impériale.
Après avoir demandé à Tōjō de réévaluer la pertinence d'ouvrir un nouveau front, Shōwa se range à l'avis des bellicistes lors d'une réunion tenue le au cours de laquelle Tōjō,Sugiyama etNagano lui font valoir que la révision de la politique nationale a mené à la même conclusion. Le lendemain et dans les semaines qui suivent, l'empereur analyse en détail avec son état-major le plan d'attaque contre les « États-Unis, laGrande-Bretagne et laHollande » dont la mise en œuvre est arrêtée en conférence impériale le.
Le, le àHawaii, une attaque combinée des forces japonaises frappe la flotte américaine stationnée àPearl Harbor et déclenche l'invasion du sud-est asiatique, ce qui marque le début de laguerre du Pacifique.
Une fois la nation totalement engagée dans la guerre, l'empereur s'intéresse de près aux progrès des opérations militaires et cherche à soutenir le moral de ses troupes. La première phase de la guerre n'apporte que de bonnes nouvelles aux Japonais. À partir du reflux (vers fin1942-début1943) et jusqu'à l'époque de la reddition, il continue à recevoir des militaires une description précise de la situation.
Parallèlement, la propagande présente au public les batailles à l'issue indécise ou perdues comme de grandes victoires. La réalité, bien moins reluisante, n'apparaît que graduellement aux habitants de l'archipel. Les raids aériens lancés à partir de1944 par les États-Unis révèlent enfin l'aspect fantasmagorique de ces victoires. Plus tard dans la même année, le gouvernement de Hideki Tōjō doit remettre sa démission. Deux Premiers ministres se succèdent pour poursuivre l'effort de guerre,Kuniaki Koiso etKantaro Suzuki, toujours avec l'assentiment de l'empereur. Aucun des deux ne peut conjurer l'approche de la défaite.
À la suite dubombardement de Hiroshima, decelui de Nagasaki et en réaction directe à l'invasion duMandchoukouo par l'Union soviétique, l'empereur demande la tenue d'une conférence impériale dans la nuit du au au cours de laquelle il annonce son intention d'accepter les termes de l'ultimatum de Potsdam à la condition que la déclaration de reddition « ne porte pas atteinte aux prérogatives de Sa Majesté à titre de Souverain ».
Le, l'empereur informe lafamille impériale de sa décision et, le, il s'adresse pour la première fois directement à ses sujets au cours d'un discours radiodiffusé dans lequel il reconnaît lacapitulation du Japon (allocution connue sous le nom deGyokuon-hōsō). Il nomme finalement son oncle le prince Naruhiko Higashikuni au poste dePremier ministre pour gérer lacapitulation du Japon.
En 1945, avecDouglas MacArthur, lors de la première rencontre entre les deux dirigeants.
À titre de commandant suprême des forces alliées,Douglas MacArthur rencontre l'empereur Hirohito le. Au cours de l'entretien, il lui fait comprendre que les alliés pourraient se montrer « compréhensifs » si l'entourage impérial faisait preuve d'une pleine et entière collaboration. Par cette collaboration, l'empereur et les membres de la famille impériale seront exonérés de toute poursuite criminelle devant leTribunal de Tokyo.
Plusieurs historiens critiquent ces efforts pour exonérer l'empereur et tous les membres de la famille impériale impliqués dans la conduite de la guerre. SelonJohn W. Dower, « Cette campagne menée à bien pour absoudre l'Empereur de sa responsabilité à l'égard de la guerre ne connut aucune limite. Hirohito ne fut pas seulement présenté comme étant innocent de toute action formelle qui aurait pu le rendre susceptible d'une inculpation comme criminel de guerre. Il fut transformé en une icône sainte ne portant même aucune responsabilité morale à l'égard de la guerre[6]. »
SelonHerbert P. Bix, « les mesures réellement extraordinaires entreprises par MacArthur pour sauver Hirohito d'un jugement comme criminel de guerre eurent un effet persistant et profondément distordant dans la compréhension des Japonais à l'égard de la guerre perdue » et « plusieurs mois avant que ne débutent les travaux du Tribunal, les plus hauts subordonnés de Mac Arthur travaillaient à attribuer la responsabilité ultime de l'attaque dePearl Harbor àHideki Tojo[7]. » Ainsi, « immédiatement à son arrivée au Japon, (le brigadier-général)Bonner Fellers se mit au travail pour protéger Hirohito du rôle qu'il avait joué pendant et à la fin de la guerre » et « permit aux principaux criminels de guerre de coordonner leur version des faits afin que l'Empereur échappe à une inculpation[8]. »
Le, dans lediscours radiodiffusé « Ningen-sengen », l'empereur renonce à sa nature de « divinité à forme humaine » (arahitogami). Une nouvelle constitution est mise en place le, qui prive l'empereur de tout pouvoir politique, et même du titre deChef de l'État, remplacé par celui deSymbole de l'État[9].
Jusqu'en1951,MacArthur peut être considéré comme ledirigeant effectif duJapon. À la cessation de l'occupation américaine, l'empereur, privé de son rôle de commandant en chef des armées et de tout pouvoir politique au profit dugouvernement par laconstitution du, devient un personnage symbolique, conforme au rôle que lui attribue la légende pendant la guerre. Il est également le premier empereur japonais régnant à se rendre à l'étranger en visite officielle, lors d'un tour d'Europe de à et auxÉtats-Unis en1975. Il effectue également durant la seconde partie de son règne des déplacements réguliers dans les 47préfectures du Japon.
À partir de1978, l'empereur met fin à ses visites ausanctuaire Yasukuni, dédié aux soldats morts pour la patrie. Les nationalistes attribuaient cet arrêt à une volonté d'éviter les polémiques sur la religion que provoquaient ces visites, les autres l'attribuant au transfert des cendres de criminels de guerre. La question a été tranchée récemment avec la publication par le quotidienNihon Keizai Shimbun d'une note de l'intendant principal de l’Agence des affaires impériales, Tomohiko Tomita, qui a mis par écrit les propos de l'empereur Shōwa motivant la fin de son pèlerinage en ce sanctuaire par le transfert en 1978 des noms des partisans de l'alliance avec l'Allemagne nazie qui furent condamnés comme criminels de guerre de classe A par leTribunal de Tokyo.« J’ai appris le transfert des cendres des [criminels de guerre de] classe A, y comprisMatsuoka etShiratori [tous deux farouches partisans de l’alliance avecHitler etMussolini]. J’ai pourtant entendu que [Fujimaro] Tsukuba [ancien desservant du sanctuaire] avait traité ce dossier [du transfert] avec prudence. Le fils de [Yoshitami] Matsudaira [ancien ministre de la Maison impériale], actuel desservant du Yasukuni, a effectué ce transfert sans réfléchir. Je pense que Matsudaira tenait beaucoup à la paix, mais son fils a ignoré l’esprit de son père. C’est pour cette raison que, depuis, je ne m’y rends plus en pèlerinage ; voilà mon sentiment[10]. »
Pour le journaliste Masanori Yamaguchi, qui a analysé le mémo Tomita à la lumière des déclarations de Hirohito lors de sa conférence de presse de1975, l'attitude « opaque et évasive » de l'empereur sur sa responsabilité à l'égard de la guerre et le fait qu'il ait déclaré que le bombardement atomique de Hiroshima « ne pouvait être empêché », démontre qu'il craignait que l'intronisation des criminels au sanctuaire puisse relancer la question de sa responsabilité personnelle concernant lescrimes du régime Shōwa[11].
Après plus de 62 ans de règne, l'empereur Hirohito meurt auKōkyo (palais impérial de Tokyo) le, à l'âge de 87 ans. Son fils, le prince héritierAkihito lui succède immédiatement et, le jour même, l'ère Shōwa prend fin, remplacée par l'ère Heisei (« l'accomplissement de la paix »). L'empereur décédé est officiellement appeléTaikō Tennō (大行天皇, l'« empereur sur le grand départ »), jusqu'au où le gouvernement japonais annonce formellement son nom de règne définitif :Shōwa Tennō. Sans surprise, ce nom est conforme à la tradition établie depuis 1912 de donner comme nom de règne à l'empereur le nom de l'ère durant laquelle il a régné. Il est inhumé le dans le mausolée de Musashino(武蔵野 陵,Musashino-no-Misasagi?), voisin de ceux de ses parents, dans la ville d'Hachiōji à l'ouest deTokyo et ce qui est appelé « Cimetière impérial Musashi »(武蔵 陵墓地,Musashi Ryōbochi?) à partir de1990.
Hirohito était passionné et très au fait de labiologie marine, et le palais impérial comprenait un laboratoire à partir duquel il publia plusieurs articles dans ce domaine sous son nom personnel « Hirohito »[12],[13],[14]. Ses contributions comprennent la description de plusieurs dizaines d'espèces d'hydrozoaires (méduses) jusqu'alors inconnues des scientifiques[15].
Question de la responsabilité personnelle de l'empereur
De nombreuses personnes en Chine, en Corée et dans le sud-est asiatique estiment que Hirohito est le principal responsable des atrocités commises par l'armée impériale en Asie pendant laSeconde Guerre mondiale et que, de même qu'un bon nombre de membres de lafamille impériale, il aurait dû être jugé pourcrimes de guerre. Cette famille est en conséquence encore considérée avec hostilité par de nombreux habitants des pays occupés par les Japonais durant la guerre.
La question cruciale est celle du pouvoir effectif exercé par l'empereur sur les militaires japonais durant la guerre. La version la plus communément admise au Japon et en Occident jusque dans les années 1990 le présente comme un spectateur impuissant dans le domaine politique, marginalisé par un état-major militaire tout-puissant et des politiciens bellicistes.
Calligraphie deShōwa Tennō.
Le débat sur le rôle effectif de l'empereur fut éludé à la fin de la guerre car le généralMacArthur, gouverneur suprême des forces alliées, voulait non seulement conserver l'institution impériale comme symbole et garant de la cohésion du pays mais plus encore s'assurer de la collaboration docile de la personne impériale. Balayant les pressions de nombreux dignitaires japonais et membres de la famille impériale comme les princes Takamatsu, Mikasa et Higashikuni qui souhaitaient l'abdication de l'empereur et la mise en place d'une régence, il refusa l'inculpation et même l'audition de l'empereur lors desprocès de Tokyo. Afin de protéger au mieux ce dernier, cette exonération s'étendit à tous les membres de sa famille. À compter de 1954, les gouvernements japonais successifs ont appuyé la diffusion d'une image officielle d'un empereur isolé, s'opposant sans succès à la clique militariste.
Cette vision des choses a toutefois été ébranlée depuis les années 1990 par l'analyse des archives japonaises dont notamment les documents rédigés par le général Sugiyama, le princeKonoe, le prince Takamatsu et le garde des sceaux Kido. La redécouverte du travail monumental de l'historien Shirō Hara, ancien membre de l'armée impériale, publié en cinq volumes en 1973 et 74 sous le titreDaihon'ei senshi, a également contribué à cette révision.
Ces archives démontrent une implication directe et soutenue de l'empereur, non seulement dans la gestion des affaires de l'État, mais aussi dans la conduite de la guerre. Selon plusieurs historiens dontAkira Fujiwara[16], Akira Yamada[17], Peter Wetzler[18] etHerbert P. Bix[19], l'empereur n'était pas un belliciste, encore moins un pacifiste, mais essentiellement un opportuniste qui gouvernait en collégialité. Conformément à la tradition, chaque décision d'importance était ainsi soupesée par l'état-major et le conseil des ministres puis soumise à l'empereur pour approbation.
Les années marquantes du règne de l'empereur Shōwa (entre1926 et1945) virent l'accroissement de l'influence des partisans de l'expansionnisme colonial désireux de faire du Japon l'égal des grandes puissances occidentales. L'empereur, d'abord réticent, se laissa peu à peu convaincre et cautionna une politique agressive qui allait déboucher sur l'invasion de laMandchourie en 1931, puis du reste de la Chine en 1937 (appeléeDeuxième Guerre sino-japonaise) ainsi que sur une alliance avec l'Italie fasciste et l'Allemagne nazie (pacte tripartite) et une invasion de l'Asie du Sud-Est qui entraîna laSeconde Guerre mondiale.
Ce courant donna également naissance à une idéologie nationaliste selon laquelle le Japon était une nation guidée par le descendant de la déesseAmaterasu Omikami et faite pour dominer ses voisins. Dès le début des années trente, des idéologues commeSadao Araki, ministre de l'Éducation en 1938 et 1939, cherchèrent à revitaliser la doctrine traditionnelle duHakkō ichiu (huit coins sous un seul toit), et à en faire le cœur d'une « Restauration Shōwa ». Les principes fondamentaux de cette doctrine soutiennent que le Japon est le centre du monde et gouverné par un être divin et que le peuple japonais, protégé par leskami, est supérieur aux autres. La mission divine du Japon est donc d'unir les huit coins du monde sous un seul toit[20]. Des politiciens comme lePremier ministre Fumimaro Konoe ordonnèrent ainsi la distribution, notamment dans les écoles, de pamphlets comme leKokutai no hongi (les fondements de la politique nationale) reprenant ces principes. Cette conception de la supériorité japonaise eut de profondes répercussions lors de la guerre. Ainsi, les ordres émanant du quartier-général impérial utilisaient fréquemment le termekichibu (bétail) pour décrire lesAlliés, mépris qui favorisa selon certains auteurs la violence à l'encontre des prisonniers, conduisant jusqu'à la pratique du cannibalisme[21].
Au fil des années, Hirohito devint de plus en plus directif et interventionniste, notamment par le biais du quartier-général impérial, institué en. Alors que l'armée impériale et lamarine impériale disposaient d'un droit deveto sur la constitution des cabinets depuis1900, l'empereur imposa unilatéralement ses choix à partir de 1939. Après 1945, dans le cadre de la lutte américaine contre le communisme, qui imposait le maintien de l'Empire, l'impunité fut accordée à la plupart des criminels de guerre japonais, ainsi que l'empereur Hirohito lui-même, parfaitement au courant des crimes[22],[23].
Hirohito a épousé le la princesse Nagako de Kuni(久邇宮 良子 女王,Kuni-no-miya Nagako Joō?), fille aînée du princeKuniyoshi Kuni, membre d'une branche cadette de la famille impériale, plus connue depuis son décès en2000 sous le nom d'impératriceKōjun. Ils ont eu ensemble sept enfants (5 filles et 2 garçons) :
la princesseShigeko de Teru(照宮 成子,Teru-no-miya Shigeko?,-), qui a épousé le le princeMorihiro de Higashikuni (à la fois petit-fils de l'empereur Meiji par sa mère et cousin germain de l'impératriceNagako). La constitution de1947 non seulement exclut la princesse Shigeko, désormais simplement appelée Shigeko Higashikuni, de la famille impériale mais en plus retire tous ses titres et biens nobiliaires au prince Morihiro.
la princesseKazuko de Taka(孝宮 和子,Taka-no-miya Kazuko?,-), qui a épousé leToshimichi Takatsukasa (1923-1966), issu du clan aristocratique deTakatsukasa (lui-même branche cadette duclan Fujiwara), abandonnant donc le même jour son appartenance à la famille impériale et donc dénommée par la suite Kazuko Takatsukasa. Prêtresse en chef(祭主,Saishu?) dusanctuaire d'Ise de1974 à1988.
le princeMasahito de Yoshi(義宮 正仁,Yoshi-no-miya Masahito?,né le), qui a fondé sa propre maison cadette de la famille impériale à la suite de son mariage le avec Hanako Tsugaru (elle-aussi issue d'une ancienne famille aristocratique) et depuis lors titréprince de Hitachi(常陸宮,Hitachi-no-miya?). Il est actuellement en troisième position dans l'ordre de succession au trône du Japon.
La représentation de l'empereur Hirohito dans lecinéma japonais est un sujet qui subit une forme de censure tacite au sein de la société, n'acceptant pas de le caricaturer ou dépeindre sa responsabilité durant la guerre[25]. Pendant l'occupation américaine du Japon, le Civil Censorship Detachment interdisait au cinéma la critique de 33 sujets parmi lesquels faire référence à l’empereur[26]. Par ailleurs, interpréter le rôle de l'empereur dans un film est notamment considéré comme un tabou[27].
↑Le premier chapitre définit le rôle de l'Empereur :
Chapitre I. L'Empereur
Article 1. L'Empereur est le symbole de l'État et de l'unité du peuple ; il doit ses fonctions à la volonté du peuple, en qui réside le pouvoir souverain.
Article 2. Le trône impérial est dynastique et la succession se fait conformément à la Loi adoptée par laDiète.
Article 3. Tous les actes de l'Empereur, accomplis en matière de représentation de l'État, requièrent l'avis et l'approbation du Cabinet, qui en est responsable.
Article 4. L'Empereur ne peut exercer que les seules fonctions prévues par la présente Constitution en matière de représentation de l'État ; il n'a pas de pouvoirs de gouvernement. L'Empereur peut déléguer ses fonctions en matière de représentation de l'État, conformément aux conditions prévues par la loi.
Article 5. Lorsqu'en application de la loi sur la Famille Impériale est instituée une Régence, le Régent agit en matière de représentation de l'État en tant que représentant de l'Empereur. Dans ce cas, le paragraphe un du précédent article joue.
Article 6. L'Empereur nomme le Premier ministre désigné par la Diète. L'Empereur nomme le président de la Cour Suprême désigné par la Diète.
Article 7. L'Empereur, suivant l'avis et l'approbation du Cabinet, s'acquitte des fonctions suivantes en matière de représentation de l'État au nom du peuple :
Promulgation des amendements à la Constitution, lois, décrets du Cabinet et traités ;
Convocation de la Diète ;
Dissolution de la Chambre des Représentants ;
Proclamation des élections générales des membres de la Diète ;
Attestation de la nomination et de la révocation des ministres d'État et autres fonctionnaires, en vertu de la loi, ainsi que des pleins pouvoirs etlettres de créance des ambassadeurs et ministres ;
Attestation de l'amnistie, générale ou spéciale, de la commutation de peine, de la grâce et de la réhabilitation ;
Décernement des distinctions honorifiques ;
Attestation des instruments de ratification et autres documents diplomatiques, dans les conditions prévues par la loi ;
Réception des ambassadeurs et ministres étrangers ;
Représentation de l'État aux cérémonies officielles.
Article 8. Aucune propriété ne pourra être cédée à la Famille impériale, ni acceptée ni cédée par elle, sans l'autorisation de la Diète.
John W. DowerEmbracing Defeat: Japan in the Aftermath of World War II, W.W Norton and Company, 1999.
Drea, Edward J.,Chasing a Decisive Victory: Emperor Hirohito and Japan's War with the West (1941–1945). In the Service of the Emperor: Essays on the Imperial Japanese Army. Nebraska: University of Nebraska Press, 1998.(ISBN0-8032-1708-0).
Fujiwara, Akira,Shōwa Tennō no Jū-go Nen Sensō (Shōwa Emperor's Fifteen-year War), Aoki Shoten, 1991.(ISBN4-250-91043-1)
Laquerre, Paul-yanic,Shôwa: Chroniques d'un dieu déchu, Acropolys, 2008. ASIN: B00H6T5UM6
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Wetzler, Peter,Hirohito and War: Imperial Tradition and Military Decision Making in Prewar Japan. University of Hawaii Press, 1998.(ISBN978-0-8248-1925-5).