Le termehibakusha est un mot japonais écrit enkanji signifiant « personne affectée par la bombe ». S'il a pu être utilisé en japonais pour toute victime de bombe dans sa forme被爆者 :hi(被?,« affecté ») +baku(爆?,« bombe ») +sha(者?,« personne »), sa démocratisation au niveau mondial a conduit à une définition concernant les victimes desbombes nucléaires larguées au Japon par l'armée américaine les et[1].
Les mouvements et associationsanti-nucléaires, notamment les associations dehibakusha, ont élargi le terme pour désigner toute victime directe de désastre nucléaire, et notamment celles de la centrale nucléaire deFukushima[3]. Il leur est donc préféré l'écriture被曝者 :hi(被?,« affecté ») +baku(曝?,« exposition ») +sha(者?,« personne »), soit « personne affectée par l'exposition », sous-entendu « personne affectée par l'exposition nucléaire »[4]. Cette définition tend depuis 2011 à être reprise[4],[5].
Le statut juridique dehibakusha est reconnu à certaines personnes, principalement par le gouvernement japonais.
On note que le mothibakushi a pu également être emprunté, notamment parSvetlana Aleksievitch dans son essaiLa Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse (1997)[6].
Le gouvernement japonais a reconnu le statut dehibakusha à environ 650 000 personnes.
En, il y avait 372 264 hibakusha en vie reconnus par le gouvernement japonais[7]. En, ils étaient 266 598[8]. Au, 154 859 étaient encore en vie, principalement au Japon[9]. Selon le recensement de 2020, 136 682 seraient en vie au75e anniversaire de la bombe[10].
Lesmémoriaux à Hiroshima etNagasaki contiennent les noms deshibakusha reconnus et décédés depuis les bombardements. Les listes sont mises à jour annuellement à l'anniversaire des bombardements. En, les mémoriaux contenaient les noms de 495 000 hibakusha ; 314 118 à Hiroshima[11] et 179 226 à Nagasaki[12].
Le nombre de personnes tuées par l'explosion, la chaleur et latempête de feu, est difficile à déterminer et seules des estimations sont disponibles. Ledépartement de l'Énergie des États-Unis (DOE) reprend les données de l'enquête de bombardements stratégiques des États-Unis(en) (ou USSBS) et avance les nombres de 70 000 personnes pourHiroshima et de 40 000 personnes pourNagasaki. Pour sa part, le musée dumémorial pour la paix d'Hiroshima avance le nombre de 140 000 morts, pour la seule ville d'Hiroshima. Selon l'historienHoward Zinn, le nombre de victimes atteint 250 000. À celles-ci s'ajoutent les morts causées ultérieurement par divers types decancers (334 cancers et 231 leucémies sur la population suivie recensés par l'ABCC, moins de 2 000 au total selon une source américaine) et de pathologies, alors que selon d'autres estimations, le nombre de victimes dues ausyndrome d'irradiation aiguë est largement supérieur.
Écolièrehibakusha non identifiée, hôpital de la Croix-Rouge de Hiroshima, le.
Le nombre des victimes ne sera sans doute jamais connu car les circonstances (ville en partie évacuée, présence de réfugiés venant d'autres villes, destruction des archives d'état civil, disparition simultanée de tous les membres d’une même famille, crémations de masse, censure suivie) rendent toute comptabilité exacte impossible, en particulier des morts survenues dans les premières heures :
d'après une estimation de l'enquête de bombardements stratégiques des États-Unis(en) en 1946 (durant l'occupation), la population au moment de l’attaque aurait été de 245 000 habitants, de 70 000 à 80 000 d’entre eux auraient été tués et autant blessés ;
d’après une estimation dudépartement de l'Énergie des États-Unis en 1956, sur une population de 256 300 personnes, 68 000 d’entre elles furent tuées et 76 000 blessées ;
d'après le maire d'Hiroshima,Tadatoshi Akiba, lors d'un discours en 2005, le nombre total des morts le jour-même s’élèverait à 237 062.
D'après une étude réalisée par échantillonnage en (durant l'occupation alliée) par la faculté de médecine de l'université impériale de Tokyo, 73,5 % des victimes seraient décédées dès le bombardement ou le jour même. 11,3 % des victimes seraient décédées avant la fin de la première semaine, et 3,4 % au cours de la deuxième semaine ; dans l'ensemble, près des neuf dixièmes des victimes (88,3 %) seraient décédées dans cette première période de deux semaines. Le reste serait décédé majoritairement (9,9 % des victimes) après trois à huit semaines, et quelques-uns encore (1,4 % des victimes) après trois à quatre mois.
D'après la même étude, mais sur un échantillon différent, 26,2 % des victimes moururent le premier jour de causes inconnues, 45,5 % moururent de causes « mécaniques » consécutives au souffle de l'explosion et aux incendies (écrasements, traumatismes, brûlures) ; 16,3 % de brûlures dues au « flash thermique » de l'explosion nucléaire ; et 12,0 % des suites de l'irradiation. Si l'on considère que les causes inconnues sont essentiellement des causes « mécaniques », cette catégorie serait donc à l'origine de plus de 70 % des décès.
Depuis 2015, 88 personnes estimant avoir été touchées par lesretombées radioactives de la pluie noire mais n'ayant pas le statut dehibakusha ont lancé un recours collectif devant le tribunal d'Hiroshima. En, le procès s'est conclus par la décision de les inclure officiellement commehibakusha et de les faire bénéficier des mêmes soins de santé que les survivants de la bombe déjà reconnus[13]. Le gouvernement a fait appel de cette décision[14].
De même qu'à Hiroshima, le nombre des victimes à Nagasaki a fait l'objet de plusieurs estimations. Selon les mêmes sources :
d’après l’estimation de 1946 : 35 000 personnes auraient été tuées et un peu plus blessées ;
d’après celle de 1956 : sur une population de 173 800 habitants, 38 000 furent tués et 21 000 blessés ;
d’après la plus récente : sur une population de 250 000 habitants, 60 000 à 80 000 d’entre eux furent tués.
Il existe à Nagasaki quelques particularités par rapport à Hiroshima :
l’arme utilisée étant plus puissante (une puissance équivalente à environ 20 000 tonnes de TNT) les dommages proches de l’hypocentre semblent avoir été plus importants ;
grâce aux collines, les destructions ont été moins étendues, car le relief a protégé certains quartiers ;
l’habitat étant plus diffus, la violence des incendies fut plus limitée, ils mirent deux heures pour prendre des proportions importantes, avec une durée de quelques heures et il n'y eut pas de conflagration généralisée ;
l’arme étant d’un modèle différent (bombe à plutonium au lieu d’une bombe à uranium), la répartition du rayonnement γ et neutrons a été différente, ce qui semble avoir modifié la fréquence des types de leucémies observées.
Mémorial de l'hypocentre de l'explosion de Fat Man, Nagasaki.
Brûlure dehibakusha symptomatique du rayonnement thermique. Les motifs foncés du vêtement porté au moment du « flash ».
Certainshôpitaux japonais et le centre de recherches, d'études et d'expérimentations militaires américain (l'Atomic Bomb Casualty Commission(en) ou ABCC[15]) ont classé et analysé les répercussions des bombes nucléaires sur le corps et pour les hôpitaux éventuellement traiter les séquelles deshibakusha, dans des situations encore inconnues jusqu'alors. Leurs traitements se perfectionnèrent dans un contexte expérimental[15].
Le rapport par le comité japonais donna des données détaillées et décrit différents stades des effets sur les survivants peu après la bombe :
Si l'immense majorité des victimes des bombes nucléaires est décédée dans l'année qui a suivi les déflagrations, leshibakusha ayant survécu à long terme sont principalement sensibles à certaines maladies :
lesleucémies : selon les analyses de l'ABCC à partir de 1947, une augmentation de l'incidence des leucémies a été observée parmi les survivants irradiés. Un maximum serait atteint en 1951, ensuite cette incidence aurait décliné[18] pour« disparaître » en 1985. Sur 49 204 survivants irradiés suivis de 1950 à 2000, il a été reconnu 94 cas de leucémies mortelles attribuables aux radiations[19] ;
lescancers « solides » : l'étude des survivants irradiés a montré, à partir de la fin des années 1950, une augmentation progressive de l’incidence des cancers, en particulier ceux du poumon, du tube digestif et du sein. Sur 44 635 survivants irradiés suivis de 1958 à 1998, il a été observé 848 cas de cancers mortels attribuables aux radiations[20] ;
effets médicaux autres que les cancers chez les survivants irradiés : survenue decataractes, destérilité (souvent réversible chez l'homme), d'une augmentation de la fréquence des maladies (non cancéreuses) pulmonaires, cardiaques ou digestives avec une possible diminution de la durée de vie. Le nombre de ces décès semble égal au nombre ou à la moitié du nombre de ceux dus aux cancers et leucémies (soit environ de 0,5 % à 1 %)[21].
Les bombes nucléaires ayant presque entièrement rasé les deux villes d'Hiroshima et Nagasaki, le personnel médical ayant aussi subi de nombreuses pertes et le gouvernement n'étant pas préparé à une tellecatastrophe humanitaire ajoutée à la peur des radiations, les survivants aux conséquences directes de la bombe ont pour la majorité souffert d'extrême précarité, de famine, de manque d'accès aux soins médicaux et d'itinérance.[22],[23]. Le manque de connaissances sur les radiations a aggravé leur situation.
Mis à part le groupe dehibakusha japonaises, connu sous l'appellationHiroshima Maidens(en), qui a obtenu gain de cause en 1955 pour bénéficier de chirurgie esthétique afin de limiter les défigurations qu'elles avaient subies à la suite de la bombe, aucune aide ni allocation n'a jamais été allouée par les États-Unis. L'aide médicale ainsi que les allocations sont uniquement dispensées par le gouvernement japonais.
La plupart des droits sociaux acquis pour leshibakusha a été poussée par l'organisation dehibakushaNihon Hidankyo, formée en 1956 et regroupant les victimes des bombes A et H à la suite de « Castle Bravo ». À la suite de leur pression, le premier hôpital spécialement destiné auxhibakusha a ouvert à Hiroshima en 1956, date à laquelle a commencé leur recensement, soit 11 ans après les bombardements[24]. L'immense majorité deshibakusha est donc décédée sans aucun recensement, aucune reconnaissance légale, juridique ni aide médicale spécialisée.
Fin 1956, le parlement japonais passa la loi sur l'assistance médicale des victimes de la bombe A, donnant accès à une prise en charge médicale gratuite pour leshibakusha dans les centres spécialisés. Pour obtenir le statut dehibakusha, il faut une preuve certifiée de son emplacement exact au moment de la déflagration, deux témoins (ce qui est difficile à trouver étant donné le nombre de pertes) et éventuellement un rapport clinique et des tests sanguins, ce qui fut difficile à produire (voir discriminations). Cependant, dès la première année du programme, 200 984 personnes ont demandé le statut dehibakusha[25].
En 1967 fut adoptée une loi assurant une prise en charge complète pour leshibakusha affectés de maladies graves ou handicaps physiques à la suite de la bombe A ou H[3]. Durant lesannées 1970, leshibakusha non-japonais ayant souffert des attaques atomiques demandèrent à pouvoir également avoir accès à ces soins et la possibilité de rester au Japon pour raisons médicales. Cette loi a été votée et appliquée par la cour suprême japonaise en 1978[26]. Cependant, si leshibakushaSud-Coréens ont pu tardivement recevoir une compensation par le gouvernement japonais, ceuxNord-Coréens n'en ont jamais reçu, le Japon n'entretenant aucune relation diplomatique avec la Corée du Nord[27].
L'État japonais garantit depuis 1995 à tous leshibakusha reconnus une allocation à hauteur de 100 000 yens (environ 700 euros)[28]. Parmi eux, ceux reconnus comme étant atteints de maladies liées auxradiations reçoivent une allocation de santé spéciale depuis.
La Haute Cour d'Hiroshima a ordonné en 2005 à l'État japonais de verser 48 millions de yens (380 000 euros) de compensations à quarante survivants Sud-Coréens amenés à Hiroshima avant 1945 comme travailleurs forcés[28].
Leshibakusha ont été et seraient encore victimes de fortes discriminations dues au manque de connaissances et à la peur des maladies liées à l'irradiation. Certaines personnes pensaient qu'il pouvait s'agir de maladies congénitales, que les radiations étaient contagieuses ou, selon certaines sources, à cause de leur association avec la défaite du Japon à la guerre. Existait également la peur que l'aide apportée puisse être considérée comme de l'antiaméricanisme durant l'occupation post-guerre[31],[32],[33],[15]. 80 % deshibakusha ayant survécu à long terme auraient caché leur statut dehibakusha[4].
On notera que les descendants dehibakusha ont tendance à être également victimes de discrimination si connus comme tel, alors même que la recherche n'a pas permis d'observer une augmentation des malformations ou des troubles génétiques de ces derniers sauf chez ceux ayant été dans le ventre de leur mère durant ou peu après la bombe (et considérés alors eux-mêmes commehibakusha)[34],[3].
Leshibakusha ont notamment souvent eu de grandes difficultés ou impossibilité à obtenir un emploi, à se marier et avoir une famille, à avoir droit à un logement et une assurance ou simplement à entrer dans unonsen[28]. En 1975, le taux de chômage deshibakusha était 70 % plus élevé que le reste de la population[35]. Les femmes ont particulièrement été discriminées et ont eu des difficultés à se marier, la belle-famille pensant souvent qu'elles allaient donner naissance à des enfants difformes. Ce rejet a causé outre les morts prématurées dues aux radiations un fort taux de suicide deshibakusha, leur stress post-traumatique n'ayant pas été pris suffisamment en compte, restant sans ressources, souvent en situation de handicap, devant cacher leur statut de victime, endeuillés du décès de nombreux proches et face au désespoir d'une mort souvent proche.
Si une loi a été adoptée en leur faveur en 1968, ce n'est qu'en 1995 que le Japon a fini par octroyer une compensation à ces victimes, à hauteur de 100 000 yens (700 euros), et leur assurance de prise en charge médicale complète n'est entrée en vigueur qu'en[28].
Ledétachement de censure civile (ou CCD) était une branche de la section d'intelligence civile (Civil Intelligence Section, CIS). Il fut installé comme organisme de censure à la fin de la Seconde Guerre mondiale par l'occupation alliée, essentiellement américaine. Son but était de « supprimer la circulation de quelconque matériel portant atteinte aux objectifs de l'occupation » et collecter des informations personnelles, lettres, appels, écrits, censurer les journaux et les rapports médicaux[36]. Si les bombes atomiques n'étaient pas un sujet censuré en soi, les travaux littéraires, journalistiques ou les données personnelles à ce sujet le furent, ceci dans le but de ne pas « alarmer la population », ne pas laisser la possibilité aux Japonais de demander un statut de victime ou d'impliquer les États-Unis dans un jugement pourcrimes de guerre oucrime contre l'humanité, durant la guerre ou l'occupation.
Une censure médicale fut aussi mise en place pour deux raisons : que l'armée américaine fût en contrôle des informations existantes et collecter des informations sur les effets des bombes atomiques (par l'ABCC) pour après pouvoir supprimer le système de collecte d'informations. « Rien ne devrait être imprimé qui pourrait, directement ou indirectement, déranger la tranquillité du public » était la ligne d'interprétation de censure, ce qui laissait carte blanche au CDD[37].
Dans la censure liée aux bombes atomiques, les États-Unis ont justifié leur usage de la bombe atomique, notamment dans le système scolaire. Les enfantshibakusha, certains ayant perdu leur famille entière ainsi que leur foyer, dont ceux qui décéderont les mois et années suivants des radiations, étudièrent les bienfaits ou le « mal nécessaire » de la bombe nucléaire. L'occupation a également empêché les citoyens japonais de parler de leurs expériences dehibakusha. Cela a mené à limiter la possibilité de témoigner et digérer l'expérience et pour leshibakusha a limité leur possibilité d'organisation et d'aide pour les problèmes qu'ils rencontraient dû aux bombes[38],[39]. Leshibakusha se sont également vu confisquer toute donnée personnelle liée à la bombe (photographies, carnets intimes et autres), et ne pouvaient que difficilement communiquer avec l'extérieur, leurs communications étant très largement censurées.
La politique en place était d'« éliminer toute critique flagrante des pouvoirs alliés », exceptée celle de l'URSS en regard de l'avancée de laguerre froide[36],[40]. Les ouvrages sur Hiroshima et Nagasaki nécessitaient plusieurs validations par différentes agences, notamment pour ne pas divulguer d'informations sur les bombes à des forces étrangères et « ne pas alarmer le public », mais également pour ne pas ternir l'image de l'utilisation de la bombe atomique[41]. Plusieurs passages desCloches de Nagasaki ont par exemple été censurés, et des dialogues ont été ajoutés afin de ne pas remettre en cause l'utilisation de la bombe nucléaire par l'armée américaine et donc la justifier en discutant des crimes de l'armée japonaise[42],[43].
Ce n'est que sept ans après la guerre que la situation à Hiroshima et Nagasaki put être communiquée et que les publications purent être à nouveau libres, sans que les confiscations soient rendues. Certains Japonais n'apprirent la situation qu'à ce moment-là. Jusque-là, leshibakusha et leur situation étaient murés dans le silence[44].
L'Atomic Bomb Casualty Commission (ABCC, 1946-1975) récoltait des informations sur les effets médicaux de la bombe nucléaire sur leshibakusha sans donner quelque soin ou soulagement médical ou compensation financière pour les études qui pouvaient durer la journée entière pour une population déjà largement paupérisée. Même s'il ne s'agissait pas d'un organisme même de l'occupation, c'était un appareil de collection d'informations pour les États-Unis. Si des médecins japonais et américains travaillaient pour le projet, les États-Unis prirent finalement possession de toutes les données de recherche, études, photographies et spécimens (dont des parties du corps, prélevées parfois sans le consentement de la famille) collectés et sont encore aujourd'hui pour beaucoup aux États-Unis. Les informations récoltées par les médecins n'avaient pas le droit d'être publiées ou partagées au Japon durant l'occupation. Celles-ci comportent des rapports médicaux et des autopsies dehibakusha[45]. La majorité des rapports sur les conséquences humanitaires de la bombe fut suspendue, aux États-Unis comme au Japon. Une propagande a également été mise en place pour contredire les résultats médicaux, et notamment les effets de la radiation, dans la presse américaine[46]. Si les médecins japonais ont soigné et collecté des informations sur les patients en créant des dossiers, les rapports ont par la suite été collectés par les États-Unis et non autorisés à la publication et restent encore difficiles d'accès aux archives nationales du Maryland[47]. Certains spécimens humains et des études cliniques prélevés furent gardés aux États-Unis jusqu'en, au détriment des familleshibakusha[48].
Étude américaine des conséquences des brûlures thermiques sur leshibakusha, notamment leschéloïdes et les handicaps physiques induits.
Beaucoup dehibakusha ont témoigné de l'humiliation de devoir se montrer nus des heures durant et être photographiés, filmés et examinés comme cobayes par l'ABCC, montrer sa calvitie très gênante, faire des prises de sang et des prélèvements sans aucun soutien quel qu'il soit[49],[27]. Les victimes ont décrit un harcèlement de la part de l'ABCC, qui rappelait régulièrement pour des examens, voire allait chercher les enfants devant l'école sans le consentement (ou même malgré la protestation) des parents[50],[51]. Les nombreuses heures passées à être étudiés étaient une difficulté supplémentaire pour leshibakusha, qui leur rendait difficile l'accès à un emploi, sans aucune compensation ni pécuniaire ni en collation, alors qu'une majorité dehibakusha fut réduite à l'extrême précarité. L'ABCC a également pratiqué de nombreuses autopsies, à hauteur de 500 par an, avec des prélèvements de tissus et parties du corps, souvent sans l'accord des familles, pour être envoyés aux États-Unis[52]. Ces autopsies étaient souvent pratiquées sur les corps juste après la mort, ce qui était difficile pour la famille. Les survivants ont donc eu droit à un harcèlement sans aucune contrepartie. Les morts, même enfants, avaient droit à la dissection.
Locaux de l'ABCC, 1955.
Si la plupart des femmes survivantes enceintes au moment de la bombe ont fait des fausses-couches, les bébés ayant survécu ont présenté des microcéphalies, maladies cardiaques, de sévères retards mentaux et de développement, résultat des fortes expositions aux radiations in utero. Les femmes furent informées que c'était à cause du stress et de la malnutrition, ce qui les culpabilisait de leur propre situation. Les résultats médicaux sur les radiations ne leur étant pas divulgués par censure, les survivantes n'ont découvert que plus tard les vraies causes des anomalies[53],[54].
Sans donnée disponible, aucune conclusion ne pouvait être atteinte et empêchait quelconque publication sur leshibakusha. Avec la censure des rapports, aucun japonais ne pouvait s´informer sur les conséquences des radiations, provoquant la mort de ceux qui restaient exposés à la radioactivité. Pour leshibakusha décédés, le prélèvement de leurs organes sans consentement était une violation des souhaits de la famille, mais pour les survivants ce sont leurs dossiers médicaux, dont les survivants à long terme ont eu besoin pour prouver leur statut dehibakusha et obtenir une aide médicale adéquate, qui disparaissaient[55]. Quand les rapports médicaux furent finalement accessibles, il était trop tard pour beaucoup dehibakusha[56]. Quand leshibakusha eurent droit à une aide médicale de l'État japonais, ils durent fournir de la documentation pour prouver leur statut. Étant donné que plus de 23 000 données, incluant des rapports cliniques, des restes humains et autres étaient conservés en secret défense aux États-Unis jusqu'en, beaucoup dehibakusha ont eu des difficultés à prouver leur statut[57],[58].
Hibakusha de Nagasaki durant la cérémonie de commémoration de la bombe atomique chantantNever Again, en 2012.
Lesmémoriaux de Hiroshima et Nagasaki[59] comportent plusieurscénotaphes, tombes,tertres funéraires et monuments aux morts à la mémoire deshibakusha, dont ceux dédiés aux populations étrangèreshibakusha condamnées aux travaux forcés. Chacun des mémoriaux appelle à la paix.
Tōrō nagashi défilant sur larivière Ōta proche de l'hypocentre de la bombe nucléaire, tous les, en commémoration auxhibakusha décédés ce jour en 1945. Chaquetōrō représente une vie. Hiroshima, 2012.
À l'anniversaire de chacun des bombardements, une cérémonie est organisée aux mémoriaux en hommage aux victimes et pour la paix, souvent associé à un discours anti-nucléaire. Une minute de silence est observée à l'heure exacte du largage de la Bombe (8 h 15 à Hiroshima,11 h 2 à Nagasaki).
La ville d'Hiroshima organise à l'anniversaire de la bombe une cérémonie detōrō nagashi retransmise à la télévision à partir du crépuscule, où, après un discours, les civils peuvent mettre à l'eau untōrō sur la rivière passant à côté de l'hypocentre de la bombe, où beaucoup dehibakusha sont décédés le jour-même. Chaquetōrō représente une personne étant décédée des causes de Little Boy.
Terumi Tanaka(en), secrétaire général deHidankyo ethibakusha, témoignant de son expérience de la bombe nucléaire en conférence à Vienne à l'AIEA dans le cadre de la sensibilisation pour leTNPN, 2007.
Le fut forméNihon Hidankyo, la confédération des victimes des bombes A et H[60]. Tous ses membres,hibakusha, ont poussé le gouvernement japonais et réussi à obtenir les lois sur la prise en charge médicale des victimes de la bombe A (1956) et celle sur les mesures spéciales des souffrants (1967)[3]. L'association est depuis sa création très active contre toute forme d'utilisation nucléaire, plaide régulièrement à l'ONU, organise des manifestations et marche en tête desmouvements pacifistes[60]. Nihon Hidankyo est nomméprix Nobel de la Paix en 2024 « pour ses efforts en vue d'un monde sans armes nucléaires et pour avoir démontré par des témoignages que les armes nucléaires ne doivent plus jamais être utilisées »[61].
L'association Gensuikin, le congrès japonais contre les bombes A et H formé en 1965, comporte de nombreux membreshibakusha et travaille en collaboration avec leurs associations[67].
En 1969,Sadako Kurihara,hibakusha, poétesse et militante anti-nucléaire, fonda la Gensuikin Hiroshima Haha no Kai (« Mères de Hiroshima », groupe contre les bombes A et H et de soutien aux mèreshibakusha).
Makoto Takahara,hibakusha, rencontrant le secrétaire exécutif deOTICELassina Zerbo avec Takemi Chiku, coordinatrice des relations légales et externes.
Setsuko Thurlow, militantehibakusha anti-nucléaire, ambassadrice et membre fondateur de la campagne internationale pour l'abolition des armes nucléairesICAN, délivra le discours de réception duprix Nobel de la paix décerné à ce mouvement en 2017[70],[71]. Rarehibakusha anglophone, elle a permis, par le biais de nombreuses associations et conférences, à sensibiliser au traumatisme nucléaire.
Lors de la venue dupape François à Hiroshima et Nagasaki le, plusieurshibakusha sont venus à sa rencontre afin de témoigner de leurs souffrances[72]. Dans son discours, le pape dénonça la possession d´armes nucléaires en leur honneur: « Au nom de toutes les victimes des bombardements et des expérimentations atomiques, ainsi que de tous les conflits, élevons ensemble un cri : plus jamais la guerre, plus jamais le grondement des armes. »[73].
Ken Naganuma,hibakusha de Hiroshima à 14 ans, joueur professionnel de football.
Kiyoshi Tanimoto,hibakusha à 36 ans, pasteur méthodiste, militant anti-nucléaire, ayant aidé les Hiroshima Maidens et à l'acquisition de droits pour leshibakusha. Prix de la Paix à son nom.
Koko Kondo(en),hibakusha de Hiroshima à 1 an, activiste pacifiste.
Masaru Kawasaki(en),hibakusha de Hiroshima à 19 ans, compositeur et chef d'orchestre, a composé la marche funèbre jouée à l'anniversaire de la bombe nucléaire à Hiroshima depuis 1975.
Michihiko Hachiya,hibakusha de Hiroshima à 42 ans, médecin et soignant deshibakusha, auteur deJournal d'Hiroshima :-.
Sadako Kurihara,hibakusha de Hiroshima à 32 ans, poétesse, militante anti-nucléaire et fondatrice deGensuikin Hiroshima Haha no Kai (« Mères de Hiroshima », groupe contre les bombes A et H).
Sadako Sasaki,hibakusha de Hiroshima à 2 ans, atteinte à 11 ans d'uneleucémie aiguë due aux radiations, a essayé de faire 1 000 origamis de grue selon la légende que cela lui permettrait de réaliser un vœu et donc, pour elle, de survivre. Elle meurt à 12 ans après avoir réalisé 644 grues. Les origamis de grue et elle sont devenus des symboles de la Paix et de la bombe nucléaire.
Sankichi Tōge,hibakusha à 28 ans, poète et militant.
Sumiteru Taniguchi,hibakusha de Nagasaki à 16 ans, connu pour une photo de lui le dos dépecé prise par un G.I., militant pacifiste anti-nucléaire, président du conseil de la bombe A de Nagasaki, coprésident de Nihon Hidankyo en 2010.
Yōsuke Yamahata, photographe militaire, non-directement victime de la Bombe mais ayant réalisé des clichés de Nagasaki le lendemain. Décédé d'un cancer probablement dû à l'irradiation. Peut être considéré commehibakusha selon la classification de l'ABCC.
Joe Kieyoomia, prisonnier de guerrenavajo qui survit à l'explosion dans sa cellule.
Si beaucoup d’œuvres dehibakusha sont considérées comme des œuvres majeures au Japon, beaucoup n'ont pas été traduites en français. La majorité des œuvres écrites entre 1945 et 1952 ont d'abord été publiées sur le marché noir.
Tamiki Hara, poète, romancier et professeur universitaire de littérature
Hashizume Bun,Le jour où le soleil est tombé — J'avais 14 ans à Hiroshima, Ed. Cénacle de France,, 219 p.
L´un des quinzepolyptyques de la bombe atomique des Maruki, V Boys and Girls, 1957, Joop van Bilsen.
Beaucoup d’œuvres plastiques ont été réalisées par deshibakusha sur la bombe et ses effets, souvent anonymes. Le mémorial de la Paix de Hiroshima possède plusieurs travaux plastiques[81].
Exposition « Hibakusha – Dessins des survivants d’Hiroshima et de Nagasaki » accueillie par le Centre Joë Bousquet et son temps à la Maison des Mémoires, au[82].
Carl Randall (artiste britannique ayant peint des portraits dehibakusha à Hiroshima, 2006/09).
Kenzaburo Ooe, prix Nobel de Littérature, auteur desNotes sur Hiroshima (ヒロシマ・ノート, Hiroshima nôto, 1965), essais et recueil de témoignages entre 1963 et 1964.