Musicalement,Hey Jude se distingue, après quatre couplets, par une longuecoda de près de quatre minutes (« na, na, na, nananana, nananana, hey Jude »), ce qui donne à ce titre une durée supérieure à sept minutes ; cette longueur inhabituelle obligea d’ailleurs les techniciens desstudios EMI à compresser certaines parties de la chanson, pour pouvoir la faire tenir en entier sur un45 tours.
À l’époque de sa sortie,Hey Jude est la plus longue chanson à atteindre la première place duhit-paradebritannique, où elle s’installe durant deux semaines, et en passe seize en tout dans les classements. Elle reste également neuf semaines en tête du hit-paradeaméricain, la plus longue durée pour un single du groupe sur ce territoire.Hey Jude demeure le plus gros succès mondial des Beatles en 45 tours, numéro un dans onze pays, notamment enAustralie, auCanada, enAutriche, enSuisse, enNorvège et enFrance.
Au printemps1968,John Lennon et son épouseCynthia se séparent, puisque le fondateur des Beatles a trouvé son âme sœur en la personne de l’artiste d’avant-garde japonaiseYoko Ono, et le chante sur tous les tons[n 1].Paul McCartney décide de réconforter Cynthia etJulian, le fils qu’elle a eu en1963 avec John. Il se rend à leur domicile de Kenwood, à Weybridge (Surrey), et c’est sur la route qu’il commence à élaborer la chanson.« Nous étions très amis depuis des millions d’années, et j’ai pensé que c’était un peu brutal pour eux, de devenir subitement despersonæ non gratæ et de sortir de ma vie par la force des choses », raconte McCartney[1]. Cynthia Lennon se souvient :« J’ai été vraiment surprise quand un après-midi, Paul est arrivé chez nous, tout seul. J’ai été très touchée qu’il se préoccupe ainsi de notre bien-être. Après nous avoir rendu visite, il a composéHey Jude dans la voiture. Je n’oublierai jamais ce geste de Paul[2]. »
La chanson s’appelle dans un premier tempsHey Jules, puisqu’elle est destinée à réconforter Julian Lennon au moment où ses parents divorcent.« Je suis parti de cette idée,Hey Jules, et ça disait « Julian, ne le prends pas mal, prends une chanson triste et rends-la meilleure. Hé, essaye de t’arranger avec cette terrible histoire. » Je savais que ce ne serait pas facile pour lui. Je me suis toujours senti désolé pour les enfants, lorsque leurs parents divorcent. J’ai donc eu cette idée au moment où je suis allé les voir. Puis j’ai changé enJude car je trouvais que ça sonnait un peu mieux[1]. » McCartney aimait le nom Jud, que portait un personnage du filmOklahoma ![3] joué parRod Steiger[4]. D'autre part, le publiciste des Beatles,Derek Taylor, aurait affirmé que la journaliste Judith Simons, surnommée Jude, amie du groupe, aurait aussi eu un rôle dans le choix du nom[5].
Julian Lennon n’ignore pas qu’il est le sujet de cette chanson, mais il doit attendre1987 pour que Paul McCartney finisse par tout lui expliquer dans les détails, lors d’une rencontre fortuite àNew York[6]. Il se souvient qu’il était plus proche de Paul McCartney que de son propre père :« On était souvent ensemble, Paul et moi. Nous étions vraiment très amis, et il me semble qu’il y a beaucoup plus de photos de cette époque où on nous voit jouer tous les deux, que de photos de moi avec mon papa[2]. »
En1996, Julian Lennon a acquis aux enchères les notes de session d’enregistrement de la chanson[n 2], qu’il considère comme un« héritage familial », pour une somme de 25 000 livres sterling[7]. En2002, c'est le manuscrit de la chanson qui est mis aux enchères chezChristie's à Londres, estimé à 116 000 $US. Cependant, McCartney a fait bloquer l’enchère, prétendant que la feuille avait disparu de son domicile. Son avocat estimait qu’elle avait été volée lors d’un des nombreux cambriolages de la maison du musicien, ou par un de ses collaborateurs. Le manuscrit avait été envoyé à Christie’s par un fan du groupe, qui disait l’avoir trouvé dans un marché aux puces en1971[8].
En plein milieu des séances de l’« Album blanc », les Beatles enregistrent 25 prises deHey Jude auxstudios EMI en deux nuits, les 29 et[9],[n 3]. Il s’agit en fait de répétitions, puisque le groupe a décidé de mettre le titre en boîte auxstudios Trident, afin de profiter de leurmagnétophone à huit pistes, les studios EMI étant limités à quatre pistes.
La piste rythmique finale de la chanson est enregistrée le aux studios Trident.Paul McCartney est aupiano,John Lennon à laguitare acoustique,George Harrison à l’électrique etRingo Starr à labatterie[9]. C’est la première des quatre prises captées ce jour-là qui est sélectionnée pour y ajouter lesoverdubs le lendemain,1er août, dans la matinée. Paul ajoute alors ses parties debasse et dechant, John, George et Ringo se chargent deschœurs. C’est ensuite un orchestre de 36 musiciens destiné à jouer l’arrangement écrit par leurproducteurGeorge Martin pour la longuecoda du morceau qui est enregistré : dixviolons, troisaltos, troisvioloncelles, deuxflûtes, uncontrebasson, unbasson, deuxclarinettes, une clarinette basse, quatretrompettes, quatretrombones, deuxcors d’harmonie, despercussions et deuxcontrebasses. Les Beatles demandent aux musiciens de taper dans leurs mains et de chanter la coda (« na, na, na, nananana, nananana, hey Jude ») avec eux. La plupart acceptent, pour le double de leurs honoraires, mais l’un d’entre eux refuse en déclarant :« Je ne vais pas taper dans mes mains et chanter cette saloperie de chanson de McCartney ! » (« Paul McCartney’s bloody song »)[9].
Le fait que la batterie ne fasse son entrée que sur le premierpont (« And anytime you feel the pain... »), après deux couplets, est dû à un heureux hasard, qui, finalement, donne son aspect définitif au morceau. Lorsque les Beatles s’attaquent à l’enregistrement de la prise qui finira sur le disque, Ringo Starr n’est pas derrière son instrument : il s’est rendu aux toilettes sans que ses camarades s’en aperçoivent. Paul McCartney est au piano. Il raconte :« Ringo était parti aux toilettes et je n’avais rien remarqué. Elles n’étaient qu’à quelques mètres de sa batterie, mais il était passé dans mon dos et je le croyais toujours installé derrière. Nous démarrons ce qui va devenir la prise définitive.Hey Jude déroule pendant un long moment sans la batterie, et pendant qu’on enregistre, je sens soudainement Ringo passer sur la pointe des pieds dans mon dos et se précipiter sur son siège. Et juste au moment où il se met en action... boom boom boom ! Letiming est absolument impeccable ! »[1].
Un autre « incident » se produit durant l’enregistrement. Au moment où Paul McCartney chante« let her under your skin » (à2:56), on peut entendre« Oh! » suivi de« fucking hell! » par-dessus les chœurs et le chant de McCartney. Selon les sources, ce juron prononcé durant unoverdub est soit lâché par John Lennon[10], soit par Paul McCartney[11]. Toujours est-il que l’ingénieur du sonKen Scott ne s’en rend pas compte jusqu’à ce que Lennon le lui fasse remarquer. Il commente :« J’imagine que c’était un de ces trucs qui se produisaient — c’était une erreur, ils l’ont écoutée et ont pensé « ça ne fait rien, c’est très bien comme ça »[10]. »
L’enregistrement de la chanson voit aussi Paul McCartney s’énerver contre George Harrison, qui a décidé de répondre avec sa guitare à chacun des « Hey Jude » qu’il chante, ce que l’auteur de la chanson lui demande fermement de ne pas faire[9] :« Je devais oser dire à George — un des plus grands — de ne pas jouer. C’était comme une insulte, mais c’est comme ça qu’on fonctionnait souvent »[12]. Dans son livre autobiographique coécrit avec son vieil ami Barry Miles,Many Years From Now, Paul McCartney raconte :« On a plaisanté là-dessus pendant qu’on réalisait la sérieAnthology. J’ai dit à George : « Je réalise que je me suis vraiment comporté comme un petit chefaillon (« a bossy git ») » et il m’a répondu : « Oh non, Paul, tu n’as jamais rien fait dans ce genre ! ». Bon, j’ai certes eu un comportement autoritaire, mais ça venait du fait que j’étais tendu comme un arc »[1]. Ron Richards, qui travailla avec George Martin chezParlophone, était présent lors de l’enregistrement deHey Jude. Il précise ainsi que« McCartney a totalement ignoré les sentiments de quiconque étant présent dans le studio. Il était en fait déterminé à réaliser le meilleur disque possible, quel qu’en soit le coût »[13].
L’ingénieur du sonGeoff Emerick qui a, quelques semaines avant l’enregistrement deHey Jude, démissionné de son poste d’ingénieur du son des Beatles, les laissant littéralement en plan, ne supportant plus les tensions ambiantes durant la réalisation de l’« Album blanc », est appelé à la rescousse quand le groupe revient àAbbey Road avec la bande enregistrée auxstudios Trident. Jouée dans la salle de contrôle du studioNo 2 en vue de préparer la gravure survinyle, elle« sonne comme de la merde », selon l’ingénieurKen Scott et le producteur George Martin[11].« À l’évidence, il y avait eu un problème d’ordre technique aux studios Trident. Le seul espoir de sauver cemix était d’appliquer une« equalization » d’aigus massive. Je me suis installé à la console, et nous avons réussi à la faire sonner correctement, même si la piste n’a pas cette présence coup de poing qui caractérise beaucoup d’enregistrements des Beatles réalisés à Abbey Road »[11], raconte Geoff Emerick, qui, à la suite de ce coup de main salvateur, retourne à ses affaires et ne revient auprès du groupe que pour la réalisation de l’albumAbbey Road, un an plus tard.
Lors de la gravure, la longueur deHey Jude a posé problème quant à la capacité maximale d’un45 tours, qui n’excédait guère les quatre ou cinq minutes. La seule solution pour la dépasser était d’accepter beaucoup de pertes en volume. Ainsi, pour éviter que les auditeurs aient à monter le son, les ingénieurs d’EMI ont simplementcompressé les passages qui n’avaient pas à être écoutés fort[3]. Finalement, ils sont parvenus à placer les sept minutes dans les sillons.
La chanson débute avec Paul McCartney qui attaque le premiercouplet seul auchant et aupiano sur laprogression d’accords majeurs suivante : fa, do, do7, fa, fa 7, sib, fa, do7, fa.Pour le second couplet, uneguitare acoustique et untambourin font leur entrée, puis leschœurs accompagnent la phrase« the minute you let her under your skin, then you begin to make it better ». À ce point, le piano « retourne » la progression d’accords pour retomber sur le fa du départ et enchaîner sur le premierpont, à partir d’un si bémol, au moment où McCartney chante« and any time you feel the pain... » et où labatterie et labasse démarrent. Pour cette partie, qui se poursuit par« Hey Jude, refrain, don’t carry the world upon your shoulders », l’enchaînement d’accords est le suivant : sibémol, sol mineurseptième, do septième, fa septième. L’auteur Tim Riley note :« Alors que Ringo effectue son entrée sur les toms et la cymbale, le piano se décale pour ajouter uneseptième mineure à l’accord tonique, afin d’arriver sur la première mesure dupont »[14].
À la fin de chaque pont, Paul McCartney chante en montée« nananana, nananana » sur des accords de fa et de do, répétant ensuite au piano la fin de la même phrase, qui lance le couplet suivant. Au milieu du troisième couplet, les chœurs anticipent les mots« so let it out and let it in », qui constitueront l’introduction du dernier pont, tandis queJohn Lennonharmonise une première fois la voix de son partenaire (« remember to let her into your heart »).
Le quatrième couplet est chanté intégralement à deux voix, celle de Lennon se baladant autour de celle de McCartney, plusbas, puis s’élevant plusaigu lorsqu’il chante« then you can start to make it better ». Passées les trois minutes et cette première partie de la chanson, constituée de « deux couplets – un pont – un couplet – un pont – un couplet » (AABABA), la transition sur la longuecoda prend la forme du mot« better » répété six fois en montée et achevé par un puissant« yeah! ». La coda est jouée sur trois accords : fa, mi bémol, si bémol et fa. Tandis que le« na na na nananana » est en fait un accord de fa majeur (fa, la, do, sol/fa/sol/fa) décomposé par les chœurs, et que l’orchestre appuie sur chaque note tonique. Alors que la coda progresse, Paul McCartney chante, hurle, rugit« Jude, Jude, Jude, yeaaahh! »,« Make it, Jude! », etc., puis le morceau s’achève en« fade out », c’est-à-dire par une baisse graduelle du son.
Lesparoles de la chanson donnent des mots de réconfort à « Jude » (Julian Lennon) —« Hey Jude, ne le prends pas mal »,« Hey Jude, n’aie pas peur » —, et lui proposent une façon de se sentir mieux, de surmonter le divorce de ses parents, John et Cynthia Lennon (ceux-ci n’étant pas explicités dans les paroles).
Cependant, certains éléments suggèrent à John Lennon que le texte a une tout autre signification. En effet, il a toujours vu cette chanson comme lui étant destinée à lui, et non à son fils :« Je l’ai toujours écoutée comme une chanson pour moi. Si on y réfléchit un peu, Yoko venait de débarquer dans le décor, et Paul dit « Hey Jude — Hey John ». Je sais que je me comporte comme ces fans qui lisent des messages cachés entre les lignes, mais on peut vraiment l’entendre comme une chanson qui m’est adressée. Les mots« go on and get her » par exemple. Inconsciemment, Paul disait« va de l’avant, laisse-moi tomber », mais consciemment, il ne voulait pas que je m’en aille »[15].
Un vers de l’avant-dernier couplet semble ne rien signifier :« le mouvement dont tu as besoin est sur ton épaule » (« the movement you need is on your shoulder »). À ce sujet, Paul McCartney raconte une anecdote remontant à la fin, lorsqu’il joue pour la première fois sa chanson à John etYoko Ono :« J’arrive à cette ligne et je leur dis :« c’est temporaire, je vais changer ça, c’est ridicule, ça n’a pas de sens, j’ai l’impression de chanter que j’ai un perroquet sur l’épaule ! » Mais John proteste :« non, non, garde cette phrase, c’est probablement le meilleur vers de la chanson, ne le change pas, je sais ce qu’il veut dire »[16]. Chaque fois que je joue la chanson sur scène, je repense avec émotion à cet épisode »[6],[3].
Les Beatles engagent le réalisateurMichael Lindsay-Hogg pour filmer leclip promotionnel deHey Jude. Ce dernier avait déjà dirigé ceux dePaperback Writer et deRain, tournés dans les jardins de laChiswick House au printemps1966. Les Beatles et Lindsay-Hogg se mettent d’accord sur l’idée de filmer le groupelive devant un public restreint. Le lieu choisi est celui où les Beatles ont déjà tourné des scènes deA Hard Day's Night etHelp! et où ils vont répéter devant les caméras pour le projetGet Back (débouchant surl’album et le filmLet It Be) début : les studios de cinéma de Twickenham.
Le film promotionnel doit passer dans le programme télévisé de David Frost, célèbre animateur et satiriste britannique. Son émissionThe Frost Report révèle d’ailleurs au même moment les futursMonty Python. C’est Paul McCartney qui organise le plateau et dispose les musiciens. Leur ami Tony Bromwell se souvient des instructions du compositeur :« Le piano ici, la batterie là, l’orchestre sur deux rangées au fond... »[2].
Comme ils l’ont souvent fait dans leurs clips, les Beatles chantent en direct par-dessus des pistes de voix déjà enregistrées, tandis que l’instrumentation est enplayback. On voit ainsi George Harrison tenir la basse, pendant que défile la bande où c’est Paul McCartney qui en joue[17].
Pendant la première partie de la chanson, le clip alterne des gros plans sur le visage de McCartney au piano, lorsqu’il chante les couplets, les plans s’élargissant au moment où les chœurs de Lennon et Harrison interviennent. Une fois les quatre couplets passés, l’assistance se lève, se mêle au groupe et tout le monde chante en chœur le« na na nananana nananana hey Jude » pendant quatre minutes[17].
Le clip est diffusé le dans le programme de David Frost, qui introduit les Beatles comme« le plus grand groupe de salon de thé du monde » (« the greatest tea-room orchestra in the world »)[2]. Il est ensuite diffusé auxÉtats-Unis dans l’émissionThe Smothers Brothers Comedy Hour le[18]. Une partie de cette performance filmée est aperçue dans la sérieThe Beatles Anthology et deux versions du clip sont maintenant disponible sur la compilation1+[19]. Des photos prises sur le plateau de tournage sont incluses sur l'affiche de l'« Album blanc »[20].
AvecHey Jude, les Beatles inaugurent leur propre label,Apple Records.
Hey Jude est publiée le auxÉtats-Unis et quatre jours plus tard auRoyaume-Uni[21], avec en face B leRevolution de John Lennon, titre spécialement ré-enregistré dans une version rock avec guitares saturées[n 4]. C’est la première publication du groupe sur son propre label,Apple[n 5]. Pour l'occasion, un boîtier promotionel intituléOur First Four (Nos premiers quatre) est envoyé aux stations de radio. Outre ce single, il inclut aussi les 45 toursThose Were the Days deMary Hopkin produit par Paul McCartney,Sour Milk Sea(en) deJackie Lomax, chanson écrite et produite par George Harrison etThingumybob duBlack Dyke Mills Band, cette fois écrite et produite par McCartney[22].
Dans les bureaux d'EMI, on a préalablement douté de la possibilité de publier un single d’une durée de plus de 7 minutes y compris le producteur George Martin qui affirme qu’ils ne peuvent pas faire un simple aussi long. Pas du tout de cet avis, les Beatles lui demandent de s’expliquer, mais le seul argument qu’il est en mesure d’opposer est que lesdisc-jockeys ne la passeront jamais. John Lennon lui répond :« Si c'est nous, ils le feront ! »« Bien entendu, il avait entièrement raison », concède George Martin[3]. Paul McCartney fait un essai, une nuit, dans un club appelé le Vesuvio, où il se rend avec un pressage-test (une « acétate ») sous le bras. Il demande au DJ qui officie là de passer la chanson.Mick Jagger, desRolling Stones, est présent, et conforte l’auteur :« C'est comme deux chansons, mec. Il y a la chanson, et puis tout le trucna na na à la fin. Yeah ! »[3].
L’immeuble de l’ancienne boutique Apple.
Décidé à assurer la promotion du disque, Paul va, à quelques jours de sa publication, gratterHey Jude sur les vitrines blanches de la boutique d’Apple — récemment vidée, définitivement fermée pour cause de pertes abyssales — deBaker Street, en plein centre de Londres[1]. Ce geste lui vaut des menaces téléphoniques,Jude ayant été pris pour« Juden » (« juif » enallemand), inscription qui rappelait lesnazis et laNuit de Cristal[3].
Bien que cette chanson ait été enregistrée durant les séances de l’« Album blanc », elle a toujours été conçue comme unsingle, et pas comme une piste de cet album. John Lennon aurait préféré que ce soitRevolution qui figure sur la face A, mais les autres Beatles ainsi que George Martin n’étaient pas du même avis, jugeant le potentiel commercial deHey Jude bien plus important[10]. Dans une interview de1970 au magazineRolling Stone, Lennon dit pourtant queHey Jude « méritait une face A »[23] et dix ans plus tard, en1980, il évoque à nouveau son désaccord quant au traitement réservé à sa chanson, mais il maintient toujours queHey Jude« est un des chefs-d’œuvre » de Paul[15].
La longueur du titre pose quand même problème aux États-Unis, où lesstations de radio refusenta priori, par tradition, de jouer un titre dépassant les classiques « 3 minutes et demie ».Capitol Records presse donc une version raccourcie, spécifiquement à destination des radios. Une publication surPocketDisc(en), unflexi disc 4 pouces joué à 33 ⅓, contenait aussi une version éditée à 3 minutes 25 secondes[24],[25].
De nombreuses compilations ont par la suite inclusHey Jude. En 1970, à l'initiative du nouveau managerAllen Klein,Capitol Records, (mais sous l'étiquette Apple) publie en Amérique du Nord et ailleurs une compilation dénomméeHey Jude, où ce tube côtoie d’autres chansons n’ayant jamais figuré sur leurs albums américains[26]. Pour l'occasion, un mixage stéréo des deux faces du single est effectué etHey Jude passe à une durée de 7:06 dû a un fondu en fermeture précoce. Cet album tardera à être édité en Angleterre. En 1973, la chanson de McCartney est évidemment présente sur le double « album bleu »The Beatles 1967-1970. Elle est aussi incluse dans les versions anglaise et américaine de la compilation20 Greatest Hits parues en 1982, mais sur cette dernière, par manque d'espace, on retranche deux minutes de la coda[27]. En 1988, comme toutes les faces A et B de leurssingles, elle prend place sur lesPast Masters etremasterisée en 2009. En 1996, une des 25 prises de « répétition », enregistrée le auxstudios EMI d’Abbey Road, est disponible surAnthology 3. En 2000, comme tous les autresno 1 du groupe, elle figure sur la compilation1. Enfin,Hey Jude est réédité sur le disqueLove en 2006, où il est donné à la fin d’entendre une nouvelle ligne de basse, à l'époque coupée du morceau[n 6]. Cette version est toutefois amputée des deux derniers couplets avant la coda et d’une partie de celle-ci, et dure ainsi environ trois minutes de moins. Finalement, la prise 1 est gravée sur un des disques bonus de l'édition de luxe du cinquantenaire de l'« Album blanc » en 2018.
Durant la suite de la carrière de Paul McCartney,Hey Jude a toujours été interprétée sur scène, aussi bien avecWings que dans les années 2000 et 2010 avec son nouveau groupe, et elle constitue généralement un des temps forts de ses concerts[28],[29], où il sollicite la participation du public, l'invitant à chanter la coda avec lui[30]. La chanson est ainsi présente sur ses albumsliveTripping the Live Fantastic en 1990,Back in the U.S. en 2002, etBack in the World en 2003.
AuxÉtats-Unis,Hey Jude entre dans le hit-parade le[36] où elle se maintient 19 semaines, dont 9 à la première place[37]. La chanson détient ainsi deux records : celui du titre des Beatles ayant tenu le plus longtemps à cette place, et celui de la plus longue chanson ayant atteint le sommet des ventes. Le single est certifié disque d’or par laRIAA dès le[38]. Compte tenu de la pratique américaine de compter les ventes et diffusions des faces A et B séparément, il arrive un point où leRecord World classeHey Jude (face A) à la première place etRevolution (face B) à la deuxième[21],[39].Hey Jude estno 1 duBillboard Hot 100 pour l’année1968[40].
Le, leNew Musical Express révèle que les ventes atteignent les 6 millions d’exemplaires à travers le monde[18].Hey Jude est ainsi la plus grosse vente de l’histoire pour les débuts d’un label,Apple Records en l’occurrence[2].
Le,Hey Jude est certifiée « 4 fois platine » par laRIAA[38], ce qui signifie que 4 millions de disques ont été vendus sur le sol américain[50]. Il s'agit d'une période particulièrement faste pour les Beatles, puisque leur album de l'époque,The Beatles, est certifié « 19 fois platine »[51], ce qui selon les critères de la RIAA correspond à 19 millions d'exemplaires vendus.
Ces résultats font donc deHey Jude le plus gros succès mondial en 45 tours des Beatles avec 8 millions de copies vendues[6].
Au moment de la sortie du single, leTime note qu’avecHey Jude : « lefade out (fin en fondu) devient ungimmick pour terminer les enregistrements pop » et relève également « laface B du nouveau single des Beatles prône une nouvelle forme d’activisme, tandis que McCartney exhorte un ami à surmonter sa peur et à s’impliquer dans l’amour »[52].Hey Jude reçoit par ailleurs un très bon accueil de la part des critiques. Elle est nommée lors desGrammy Awards de1969 pour les prix « Disque de l'année », « Chanson de l'année », et « Meilleure performance pop par un duo ou un groupe contemporain », mais n'en remporte aucun[53]. En1968,Hey Jude est élue meilleur single de l'année par les lecteurs du magazineNME. La même année, le single remporte leIvor Novello Award de « la face A aux meilleures ventes »[54].
Lemusicologue Alan W. Pollack, qui a analysé avec précision beaucoup de chansons des Beatles dans sa sérieNotes On..., déclare d’entrée que « Hey Jude est tellement monumental que j’en suis presque dissuadé d’y toucher, en raison de la pression que je ressens pour dire quelque chose de profond »[63]. Il ajoute toutefois : « J’essaye néanmoins, même si je me trompe sur toute la ligne, car c’est une si belle illustration de deux leçons de composition : comment remplir un large canevas avec des moyens simples, comment utiliser des éléments aussi divers que l’harmonie, la ligne de basse, l’orchestration, pour articuler la forme et le contraste... »[63]. CarHey Jude « est d’un format binaire qui combine un hymne entièrement développé avec une « jam » en forme de mantra sur une progression d’accords toute simple »[63]. La coda et lefade out sont selon lui « d’un étonnant effet transcendantal »[63]. À ce propos, le critiqueRichie Unterberger(en) note pourAllMusic que « ce qui aurait très facilement pu être ennuyeux devient au contraire hypnotique. Parce que Paul McCartney varie ses vocaux avec quelque chose comme les plus grandes improvisations jamais entendues dans le rock, s’étendant de chants incantatoires à de puissants cris à laJames Brown en passant par ces lignes pleines d’âme. De surcroît, il y a cette addition graduelle des instruments orchestraux, créant cette grandeur symphonique qui donne toute sa majesté au finale de la chanson. »[64]
Le 10 avril 2020, cinquante ans jour pour jour après l'annonce de la séparation du groupe, le manuscrit original des paroles, écrit de la main de Paul McCartney, a été adjugé chezChristie's pour la somme de 910 000 $US[65].
Depuis, les supporters du club anglaisArsenal entonnent à tue-tête la coda deHey Jude (« Na na na na na Hey Jude »), transformée en « Na na na na na Giroud », en l'honneur d'Olivier Giroud, quand il entre sur le terrain ou qu'il en sort ou après qu'il a marqué un but, ainsi que les supporters du club deNewcastle United, qui fredonnent la même coda avant les matchs de l'équipe, cette fois-ci transformée en « Na na na na na Goerdies », en référence au surnom donné aux habitants ducomté duTyne and Wear.
Dans le filmYesterday deDanny Boyle, la chanson est enregistrée avec le titre « Hey Dude »[69] mais apparaît sur l'album du film avec les paroles originales. La version de la chanson par les Beatles est entendue en entier lors du générique final.
Julian Lennon fait référence à cette chanson dans le titre de son album de 2022,Jude(en)[70].
↑La plupart des compositions de Lennon sur l’« Album blanc », sorti peu de temps après, sont inspirées par Yoko Ono ou font directement référence à elle.
↑Une des prises enregistrées le 29 juillet se retrouve sur la compilationAnthology 3, publiée en1996.
↑Revolution 1, la version originale de la chanson, plus lente et plusblues, figure sur l’« Album blanc ». Elle n’a pas été jugée assez commerciale pour figurer sur le single.
↑On pourrait le comprendre comme « le mouvement qu'il te faut engager dépend de toi » :Shoulder signifie épaule, le verbeto shoulder signifie, lui, se charger de.
↑Ken Orth et Piet Schreuders, Titre :Paul and Richard Make a Poster,Furore Magazine #24: Beatles Issue, Piet Schreuders Editeur, Stichting Furore.Pays-Bas, janvier 2019
La version du 5 mars 2009 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.