Décoré commeas de l'aviation pendant laPremière Guerre mondiale, il rejoint le parti nazi en 1922. Blessé lors duputsch de la Brasserie en 1923, il développe peu de temps après unedépendance à lamorphine dont il ne se débarrassera qu'à la fin de sa vie. Nomméministre sans portefeuille dans le premiercabinet Hitler en 1933, il est responsable de la création de laGestapo, organisation dont il cédera le contrôle àHeinrich Himmler en 1934. Il est ensuite nommé commandant en chef de laLuftwaffe en 1935 etministre de l'Aviation. Il cumule ces titres avec d'autres fonctions dont notamment responsable duPlan de quatre ans, ministre de l'Intérieur de Prusse, chef de la chasse du Reich,Reichsmarschall (plus haut grade de toute laWehrmacht), etc. Pendant la durée du régime, il amasse une fortune gigantesque à coups de pressions, rackets internes au régime et spoliation des biens juifs. Il est connu pour son goût du luxe, des diamants ou des châteaux, dont il ordonne la construction en pleineguerre.
Condamné à mort parpendaison à l'issue duprocès de Nuremberg en raison de ses responsabilités écrasantes tout au long du régime, il se suicide en avalant une capsule decyanure juste avant son exécution.
Hermann Göring est le fils deHeinrich Ernst Göring et de Franziska Tiefenbrunn (née le, morte le). Après avoir participé en tant qu'officier de l'armée prussienne aux campagnes de 1866 contre l'Autriche et de 1870 contre la France, son père exerce des fonctions de juge àMetz, puis àAltkirch. Remarqué parBismarck, Heinrich Göring est nommé premier commissaire du Reich enAfrique du Sud-Ouest, charge qu'il exerce à compter de 1888[c]. Avant de partir pour lecontinent africain, le père de Göring épouse en secondes noces Fransziska Tiefenbrunn, une fille de paysans, de vingt ans sa cadette. En Afrique, àWindhoek, elle donne naissance à un fils, Karl Ernst (1885) puis deux filles, Olga Thérèse Sophie (1889) et Paula Elisabeth Rosa (1890). Heinrich Göring ayant ensuite été muté enHaïti (1889), son épouse revient en Allemagne pour y donner naissance à Hermann. Elle retourne ensuite rejoindre son époux et laisse son fils durant trois ans à la garde d'une amie (Madame Graf). Hermann Göring aura encore un autre frère cadet,Albert en 1895 (celui-ci aidera ultérieurement des personnes persécutées par le régime nazi[2]).
Vers 1899, le père de Göring, qui a été mis à la retraite, accepte la proposition du parrain de Hermann,Hermann von Epenstein(de),médecin anobli d'origine juive, de s'installer dans un des deux châteaux qu'il vient d'acquérir. C'est chez Epenstein que Göring passe la plus grande partie de son enfance dans lechâteau Veldenstein(de), à trente kilomètres au nord-est deNuremberg[3]. Il s'y initie à l'escalade et devient un excellent alpiniste[4]. Les biographes nazis de Göring passèrent sous silence le fait que son parrain, qui exerça apparemment une grande influence sur le jeune Hermann, était d'origine juive, tout comme ils n'évoquèrent jamais le fait que sa mère avait entretenu une liaison avec Epenstein, au point que son frère cadet ressemblait étrangement à ce dernier[5].
La scolarité de Hermann débute mal. Il ne supporte pas la discipline et se montre paresseux. Un changement d'école, deFürth àAnsbach, ne résout pas le problème. Sur la suggestion de son parrain, il est envoyé en 1908 à l'École des cadets deKarlsruhe. Cette affectation provoque une transformation radicale du jeune Göring qui se plie à la discipline militaire et sort de l'école avec d'excellentes notes, ce qui lui permet d'accéder sans difficulté à l'académie militaire de Gross-Lichterfelde, près deBerlin, où sont formés les futurs officiers de l'armée impériale[6]. Il en sort en avec le grade de sous-lieutenant[7].
Le chevalier von Epenstein, venant d’épouser une femme de quarante ans sa cadette, se sépare de sa maîtresse et demande à la famille de Göring de quitter le château de Burg Veldenstein. Le père de Göring, gravement malade et devenualcoolique, meurt peu après. C'est dans ces conditions que Hermann Göring est affecté au112e régiment d'infanterie(de) àMulhouse qu'il rejoint en[8].
Entre son affectation et le début de laPremière Guerre mondiale, Göring mène la vie normale d'un jeune officier d'infanterie en garnison[9]. Au déclenchement de la guerre et conformément aux plans établis par l'état-major deMoltke, son unité fait retraite à l'est duRhin. Göring est toutefois chargé de plusieurs missions de reconnaissance au-delà du Rhin qu'il met à profit pour en découdre avec des unités françaises, ce qui lui vaut lacroix de fer de deuxième classe[10].
Fin 1914, il est affecté en cette qualité à la base aérienne deStenay près deVerdun. À l'époque, l'armée allemande rencontre de grandes difficultés pour obtenir des photographies exploitables de la zone d'opération. Au prix de manœuvres audacieuses, le tandem Göring-Loerzer rapporte d'excellentes prises de vue de la zone de Verdun. Les deux hommes sont régulièrement appelés à l'état-major pour commenter les clichés qu'ils rapportent. Après une mission particulièrement réussie, le Kronprinz en personne leur décerne lacroix de fer de première classe (Eiserne Kreuz Erster Klasse) le[13].
Cela ne suffit cependant plus à Göring (qui allait jusqu'à emporter un fusil et des grenades lors de ses missions de reconnaissance) qui demande à se faire affecter à la chasse. Le, il est affecté à l'école d'aviation de Fribourg[14].
Il rejoint, au printemps 1917, le front et la26e Jagdstaffel commandée parBruno Loerzer. Lorsque l'escadrille est transférée sur le front des Flandres, Göring se voit confier le commandement de la27e Jagdstaffel qui opère dans le même secteur[18]. Pendant ces années d'opérations, Göring fait preuve d'un comportement chevaleresque, s'abstenant notamment d'achever ses adversaires lorsque ces derniers sont à court de munitions[19]. Il accumule ainsi les victoires en combat aérien et, le, leKaiser lui décerne à Berlin la médaillePour le Mérite[20].
Hermann Göring en 1918.
Le, alors qu'on attendait à ce posteErnst Udet ouErich Löwenhardt, Göring succède au capitaine Reinhard — mortellement blessé lors de l'essai d'un nouveau modèle d'avion — au commandement de l'escadron de chasse de Richthofen (Jagdgeschwader 1), dont il devient le dernier chef[21] à l'âge de25 ans. Pendant toute la durée de la guerre, Göring aura enregistré vingt-deux victoires confirmées[22]. Toutefois le sort de la guerre est en train de tourner en défaveur de l'Allemagne. Dans le ciel, Göring et ses hommes sont confrontés à de nouveaux modèles d'avions alliés plus efficaces et moins vulnérables[22] et sur terre la situation se dégrade inexorablement, obligeant les escadrilles allemandes à chercher des aérodromes de repli[23]. Fin, les puissances centrales s'effondrent et, au début du mois de novembre, le Reich ouvre des négociations avec les alliés. Göring reçoit l'ordre, le, conformément aux dispositions de l'armistice, d'acheminer les avions de son escadrille de l’aérodrome deTellancourt àStrasbourg afin de les livrer aux forces françaises, cependant, avec l'assentiment de ses principaux pilotes, il désobéit et ramène les avions àDarmstadt[24].
Le jour de la démobilisation officielle de l'escadrille àAschaffenburg, près deFrancfort, Göring se livre à une diatribe contre les socialistes allemands qui exercent le pouvoir en Allemagne[25]. De passage à Berlin, il assiste en au Philharmonique de Berlin à une grande réunion d'officiers où le ministre de la Défense du nouveau gouvernement socialiste les incite à soutenir les autorités et à renoncer aux décorations, insignes de grade et épaulettes. Göring monte alors sur la scène et, avec toute l'énergie de sa jeunesse, se lance dans un violent discours où il déclare notamment« Ceux qui sont à blâmer, ce sont ceux qui ont excité le peuple, qui ont poignardé notre glorieuse armée dans le dos, sans autre but que de parvenir au pouvoir et de s'engraisser aux dépens du peuple. Je demande à tous de nourrir une haine, une haine profonde et durable, pour ces porcs qui ont outragé le peuple allemand et nos traditions. Le jour viendra où nous les chasserons d'Allemagne. Préparez-vous pour ce jour ; travaillez pour ce jour[d] ! »
Outre qu'il accrédite la légende du « coup de poignard dans le dos », ce discours coupe définitivement au jeune Göring toute possibilité d'être admis dans les cadres de la futureReichswehr[27]. De retour chez sa mère à Munich, il doit même se cacher pour échapper aux unités des soviets de soldats et d'ouvriers qui recherchent les anciens officiers de l'armée impériale. Il se réfugie chez le capitaine anglais Beaumont, avec qui il a sympathisé après avoir abattu son avion et l'avoir fait prisonnier pendant la guerre, et qui est désormais chargé de superviser le démantèlement de l'aviation allemande pour le compte des alliés[28].
Lors de son mariage avecEmmy Sonnemannen 1935. On peut apercevoir Hitler à l'arrière-plan.
En 1919, il devient pilote commercial au Danemark, où il devient également représentant de la firmeFokker. En 1920, ayant trouvé un meilleur emploi, il quitte le Danemark pour la Suède où il est alors employé par laSvensk Lufttrafik comme pilote de ligne[29]. C'est là qu'il rencontre sa première femme,Carin, baronne von Kantzow, née von Fock, liée au milieu de l'aristocratie et de la finance, il l'épouse le àMunich[30].
Göring retourne en Allemagne en automne 1921 et assiste à des cours d'histoire et de sciences politiques à l’université de Munich ; pendant ces cours qu'il n'a pas terminés, ses opinions le poussent vers le partiNSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei). Après avoir assisté à un discours de Hitler en, il rencontre personnellement celui-ci en tête à tête avant d'adhérer au parti[31].Laurence Rees relève à ce propos que« le principal enseignement du témoignage de Göring est qu’Hitler n’eut pas besoin de le convaincre de quoi que ce soit – ils partageaient déjà tous les deux le même diagnostic de ce qui n’allait pas en Allemagne […] ce qu’Hitler offrait par-dessus tout à Göring (comme à beaucoup d’autres), c’était l’assurance profonde d’être conforté dans ce qu’il pensait déjà sur le monde – la confirmation de la légitimité totale de son opinion ». Göring refuse, dans un premier temps, d'être nommé à un poste de direction ou de commandement à ses débuts au sein du parti, de crainte que l'on puisse penser qu'il était venu rencontrer Hitler à cette fin. Ainsi, pendant un ou deux mois, il demeure dans l'ombre[32]. Hitler lui confie en le commandement dessections d'assaut ou SA (Sturmabteilung), les « chemises brunes », en prenant la suite deHans Ulrich Klintzsch(en), dont le chef d'état-major est le capitaineErnst Röhm[33].
L'amnistie prononcée par Hindenburg lui permet de retourner en Allemagne enautomne 1927, où il est accueilli parAdolf Hitler avec peu d'enthousiasme, car ce dernier a été mis au fait de son état de santé mentale[36]. En effet, la direction des SA demeure à la charge deFranz Pfeffer von Salomon et Göring doit se rendre àBerlin afin de trouver un emploi[36]. Cependant, grâce à ses contacts personnels dans le milieu de l’industrie, il collecte des fonds pour subventionner le parti nazi et devient représentant pour trois firmes allemandes :BMW,Heinkel etTornblad[36]. Il est élu député enBavière auxélections législatives de et devient ainsi l'un des douze premiers députés nazis auReichstag[36]. Il est réélu en tandis que le parti national-socialiste obtient107 sièges au Reichstag[36]. Göring espère alors reprendre le commandement des SA, mais Hitler confie ce poste à Ernst Röhm qu'il vient tout juste de rappeler d'Amérique latine à cet effet[36].
Le, son épouse Carin meurt de la tuberculose[36]. Quatre ans plus tard, il épouse en secondes noces une actrice allemande,Emmy Sonnemann : Hitler est le témoin officiel du marié. Le couple a pour filleEdda Göring.
Le parti national-socialiste obtient une large victoire aux élections législatives du, en remportant230 sièges sur les 608 du Reichstag[37]. Hindenburg refuse néanmoins de nommer Hitler chancelier et maintient son amiFranz von Papen à ce poste[38]. Le, Göring devient président du Reichstag après la formation d'une coalition entre le centre, le partiNSDAP et le parti du peuple bavarois[38]. Le Reichstag est incendié pendant la nuit du 27 au, probablement par un jeune néerlandaisamblyope,Marinus Van der Lubbe, militantconseilliste ; selon certaines sources, les pistes remonteraient à Göring comme organisateur du complot, bien qu'aucune preuve formelle ne puisse être avancée, et provoque une vague d'assassinats. Si Göring s'est parfois vanté en privé d'être le responsable de l'incendie, à en croireHermann Rauschning (auteur tenu en suspicion par plusieurs historiens), des historiens commeIan Kershaw pensent qu'il s'agit là de ses fanfaronnades habituelles, et que les nazis ont exploité l'incendie du Reichstag par un déséquilibré communiste sans l'avoir organisé eux-mêmes.
Göring est ministre de l'Intérieur pour laPrusse et ministre sans portefeuille dans le premiergouvernement Hitler du[e], et il ouvre les vannes de la violence en déchaînant lesSA contre les opposants, avant comme après l'énigmatiqueincendie du Reichstag. Il aide à l'ouverture des premierscamps de concentration et crée le le bureau de la police politique (« Gestapa »,Geheime Staatspolizeiamt) prussienne, renommé par la suiteGestapo, abréviation deGeheime Staats Polizei[39],[40] enfrançais :« police secrète d’État », dont il cède progressivement la responsabilité àHimmler entre 1934 et 1936[41].
Göring devient aussiministre de l'Aviation (Reichsluftfahrtminister) en 1933. Fin, lors de lanuit des Longs Couteaux, il dirige avec lesSS la rafle et le massacre desSA, ainsi que d’autres personnalités représentant de possibles obstacles politiques.
Il est nommé en 1935 commandant en chef de laLuftwaffe au sein du ministère de l'Aviation. Il soutient en Espagne le généralFranco par l’envoi de lalégion Condor célèbre par lebombardement de Guernica (1937).
Dès 1936, il prépare économiquement l'Allemagne à la guerre en qualité de responsable duVierjahresplan enfrançais :« Plan de quatre ans » avec l'aide dePaul Körner et devient le responsable de l'autarcie et du dirigisme économique[42]. En 1937, il fonde laReichswerke Hermann Göring ; ce cartel comprendra par exemple228 sites sidérurgiques et sera en1944 la plus grande firme sidérurgique d'Europe, et l'entreprise publique la plus grande du monde. Dès 1938-1939, Göring organise pour ce faire la mainmise sur les industries stratégiques des pays annexés (Autriche,protectorat de Bohême-Moravie), prélude à la mise en coupe réglée des pays conquis. En tant que responsable du Plan, il s'oppose fréquemment au ministre de l'ÉconomieHjalmar Schacht, qui démissionne en 1937 pour ne garder que son poste de président de laReichsbank (et le titre de ministre sans portefeuille).
Actif dans les « questions juives », Göring joue un rôle très important dans les persécutionsantisémites et en particulier dans l'aryanisation[f]. Après lanuit de Cristal organisée parGoebbels (), il participe à l'aspect financier dupogrom, inflige cyniquement une amende exorbitante d'un milliard de marks aux Juifs[43] pour les « désordres » et les dégâts matériels du pogrom et met en place les rouages qui participent à l'aryanisation de l'économie, c'est-à-dire la nationalisation des biens juifs, qu'il lie à la politique de réarmement dans un discours en[44]. Il encourage leur émigration forcée. C'est sur son initiative que sont créés les premiers camps de concentration. Il missionne Heydrich par un ordre du de prendre toutes les mesures nécessaires à la mise en place de la « solution finale de la question juive » et de travailler à ce projet.
Alors que Joachim von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Troisième Reich, pousse à la guerre contre la France, Göring est hostile à cette guerre ; il est conscient, malgré ses fanfaronnades, que le Reich ne peut pas gagner contre une coalition européenne. Ainsi, au moment de lacrise de Munich, il met un avion à disposition de l'attaché militaire français, le capitaineStehlin[46] dans le but de lui permettre de constater les préparatifs de guerre, d'en informer les autorités françaises et, au besoin de déclencher une réaction qui ferait obstacle précocement à une telle guerre. Paul Stehlin rend compte de la construction de la ligne Siegfried et des autres préparatifs de guerre à l'ouest. À son retour à Paris, en, il va ultérieurement constater que les enveloppes contenant ses travaux n'ont pas même été ouvertes. En, Hermann Göring tente une ultime négociation par l'entremise de l'industriel suédois Dahlerus.
Le, Göring se voit confier la présidence du conseil ministériel pour la défense du Reich, nouvellement créé à sa demande. Censé fonctionner comme un cabinet de guerre, il regroupe progressivement un certain nombre de dignitaires nazis, mais cesse de fonctionner dès, à la demande de Hitler[47].
Le, Göring devientReichsmarschall des Großdeutschen Reiches, titre qu'il est le seul à posséder. Il est le seul durant la Seconde Guerre mondiale à recevoir lagrand-croix de l'ordre de la croix de fer(de) (Grosskreuz), l'une des plus hautes distinctions allemandes, que ne s'étaient vu décerner que des chefs ayant un grand prestige tels queBlücher ouHindenburg. Il est toujours chef suprême de l'aviation et de l'économie de guerre. À l'entrée en guerre, il est le successeur désigné de Hitler. On le surnomme « l'Homme de fer » et il jouit d'une très grande popularité dans la population allemande.
Paradoxalement, Hermann Göring est alors opposé à la guerre, qu'il juge trop risquée tant que l'Angleterre reste en lice. Or, lorsque Hitler sacrifie les chasseurs aux bombardiers, l'ancien pilote de chasse ne fait aucune objection : en fait, il n'ose s'opposer de front à son chef. Il multiplie les vantardises et les échecs.Fin, il obtient que Hitler stoppe ses blindés aux portes de lapoche de Dunkerque[48], promettant que son aviation suffirait à liquider les forces franco-britanniques massivement encerclées : en réalité, laRoyal Air Force perd deux fois moins d'appareils que la Luftwaffe qui se montre impuissante à empêcher l'évacuation spectaculaire de 400 000 soldats britanniques et français[49]. En 1941, après son échec dans labataille d'Angleterre qui oppose frontalement laLuftwaffe à la chasse anglaise, leReichsmarschall reste quelque temps dans l'ombre.
Il déclare un jour dans une interview : « Si une seule bombe ennemie tombe un jour sur Berlin, je veux bien m'appeler Meier »[g]. Quelques mois plus tard, des bombes américaines et britanniques vont pleuvoir sur le Grand Reich. Pourtant les Berlinois, qui ne l'appellent plus que « Hermann Meier » par ironie, ne retirent pas leur sympathie à ce personnage haut en couleur et fanfaron dont ils ignorent ou négligent les actes criminels, au point que Hitler, conscient de la popularité de Göring, se garde de le disgracier publiquement malgré son irritation croissante envers ses échecs répétés[50].
En, Göring, connaissant les plans de l'opérationBarbarossa, réunit une commission de cinquante experts et cadres dirigeants dont les travaux vont mener à une mouture duGeneralplan Ost, devant aboutir à une recomposition méthodique des territoires conquis sur l'URSS.
Le, Göring chargeHeydrich, chef de la sécurité du Reich, de prendre toutes les mesures nécessaires à une « solution finale de laquestion juive », c'est le passage à la déportation et à l'élimination massive des Juifs dans les pays européens occupés : étoile jaune, camps d'extermination (voirconférence de Wannsee).
En, il se vante encore en assurant à Hitler que la Luftwaffe peut continuer à approvisionner, par la voie aérienne, la6e armée allemandeassiégée à Stalingrad ; son erreur de jugement a des conséquences désastreuses pour l'Allemagne. Göring traite de lâches et d'incapables les généraux et « les héros de la bataille d'Angleterre » ; plusieurs officiers vont alors se révolter contre celui qu'ils surnomment le « bouffi » et demander sa disgrâce.
Successeur désigné de Hitler, son incapacité à tenir en respect les flottes de bombardiers alliées fait de lui non seulement une des cibles des colères de Hitler, qui ne souhaite néanmoins pas le limoger pour des raisons de prestige (son éviction aurait été exploitée par la propagande alliée[51]), mais aussi l'une des cibles du ressentiment des industriels et des militants du parti[52]. Il se porte cependant garant de la fidélité de la Luftwaffe à Hitler après l'attentat du[53].
Durant la dernière année du conflit, il tente de redonner du moral aux hommes placés sous ses ordres, malgré le déséquilibre des forces, multipliant les visites à ses troupes cantonnées dans des aérodromes[54]. Mais le plus souvent, il se réfugie dans la drogue et le luxe de sa propriété deCarinhall, loin de Berlin et de ses ennemis, entouré d'amis et de courtisans[54]. Il possède par ailleurs quatre trains spéciaux, plusieurs yachts, une villa à Berlin, une maison àObersalzberg près duBerghof de Hitler, le château deVeldenstein(de) àNeuhaus et sept pavillons de chasse en Poméranie, qu'il meuble d'œuvres d'art dont certainesspoliées à des juifs[55].
Peu après la défaite française et le début de l'occupation, Göring s'était attribué un bureau à Paris. L'élément le plus original en était une table de travail comportant comme il est usuel deux caissons mais, ce qui est particulier, avec un pistolet fixé sous le plateau, discrètement braqué sur le visiteur.
Cependant, même au moment où tout ce qui l'entoure commence à craquer, leReichsjägermeister (grand « veneur » du Reich) continue à vivre dans son univers personnel, se consacrant à la chasse[h] et collectionnant des tableaux en tant que « grand amateur de l’art de la Renaissance », spécialement fasciné parLucas Cranach. Avec l'aide d'experts personnels commeBruno Lohse etWalter Andreas Hofer(en)[56], ilpille les trésors artistiques des territoires occupés de l'Europe occidentale. Il est aussi, au moins jusqu'en 1942-1943, un des organisateurs essentiels du pillage économique des pays occupés, et du transfert forcé de travailleurs civils dans le Reich ; le gauleiterFritz Sauckel, « négrier de l'Europe », lui est nommément subordonné à partir de 1942.
Non content de piller les territoires conquis pour son compte, il encourage les soldats à faire de même, sur une grande échelle, dans les territoires occupés. Ainsi, jusqu'alors limitées en volumes, les restrictions d'achat pour les soldats sont levées sur ordre de l'administration qu'il contrôle, le plan de quatre ans ; il institue ainsi un « décret paquetage », interdisant le pillage au sens strict, et autorisant les permissionnaires à rentrer chez eux avec ce qu'ils peuvent porter, sans aucune autre restriction. De plus, le nombre de paquets, d'un poids maximum de 1 200 grammes, que les soldats peuvent envoyer à leurs proches est illimité[57]. En 1942, il fait pression sur leministère des Finances et obtient la fin de la perception des droits de douane pour les colis envoyés en Allemagne[58]. Jusqu'à la fin du conflit, il défend ces mesures contre les représentants du ministère des Finances, dont certains arguments peuvent parfois prêter à sourire, notamment lorsque ces derniers tentent de préciser, par exemple, le mode de transport des marchandises : celles-ci peuvent être sanglées ou traînées, mais doivent permettre le salut militaire, ce qui provoque l'ire de Göring ; en 1942, Hitler manifeste son opinion sur la question en intervenant dans ce différend en faveur du « maréchal du Reich », et cette restriction (l'obligation de la possibilité du salut militaire) est abandonnée[59].
De même, il joue un rôle actif dans la prédation des ressources alimentaires de l'ensemble des territoires occupés par le Reich : ainsi, le, ayant réuni l'ensemble des responsables économiques des différents commandements de troupes d'occupation, il exige d'eux un rendement plus important encore des pillages de denrées alimentaires au profit du Reich, balayant d'un revers de main leurs objections[60]. Lors de la fête de la moisson de 1942, il prononce d'ailleurs un discours dans lequel il associe ce pillage, qui aboutit à la couverture des besoins alimentaires du Reich par les importations venues des pays occupés, à l'augmentation des rations octroyées aux citoyens allemands[61].
Depuis de longs mois, Göring, absent de l'entourage immédiat de Hitler[54], est systématiquement dénigré, notamment par Goebbels. Celui-ci, conscient de l’impopularité du chef de la Luftwaffe dans le Reich, propose même à de nombreuses reprises de le limoger[52] ; Hitler lui-même se montre réceptif à ces critiques en parlant du fiasco total de la Luftwaffe[62]. Pour tenter de s'opposer à ces manœuvres, il assiste très souvent aux réunions de l'état-major, auxquelles est présent Hitler[63] ; il est ainsi présent à celui du, durant lequelGotthard Heinrici, chargé de la défense de Berlin, doit exposer ses plans : il propose à ce dernier un renfort de 100 000 hommes de la Luftwaffe, inaugurant une surenchère de la part des commandants présents[64].
Hermann Göring, après son arrestation, est temporairement détenu àAugsburg-Bärenkeller(en) avant d'être transféré aucamp Ashcan, photographie du 11 mai 1945.
Sur la foi du récit de la crise de désespoir de Hitler du, il interprète les propos de Hitler comme un mandat pour négocier[67] ; mais peu après, ce dernier, revigoré, démet le maréchal du Reich de tous ses titres et de toutes ses charges, et le fait placer en résidence surveillée auBerghof[68] ; cette disgrâce doit beaucoup aux manœuvres deBormann, un de ses ennemis les plus acharnés, qui présente la demande de Göring comme une trahison[69]. Dans les derniers jours de la guerre, le, Göring est définitivement désavoué, et même condamné à mort[i] par son Führer pour avoir tenté de prendre le pouvoir alors que celui-ci s'était enfermé dans leFührerbunker dans Berlin assiégé. Il est remplacé parRobert von Greim.
Hitler lui accorde néanmoins la grâce au vu de ses services passés, et se contente de le faire assigner à résidence par les SS. LeFührer exclut Göring du parti national-socialiste dans son testament du, ainsi queHimmler, avant de se suicider. Quelques jours plus tard, le Göring se rend aux Américains de laVIIe Armée US àBruck an der Großglocknerstraße, en Autriche, avant qu'il soit interné aucamp Ashcan àMondorf-les-Bains, au Luxembourg.
Le, il est interné dans le camp américain deMondorf-les-Bains : cet homme lourd de140 kilos est alors presque impotent et a perdu une partie de ses facultés intellectuelles, d'après les témoignages du médecin de la prison. En effet, après avoir été blessé pendant le putsch manqué de 1923, il avait commencé à absorber des doses massives de morphine, puis après plusieurs laborieuses cures de sevrage, il avait commencé une addiction à ladihydrocodéine, dérivé d'unopiacé, lacodéine, qu'il avait accumulée dans des doses faramineuses. Lors de sa fouille à Mondorf-les-Bains, 20 000 comprimés de 10 mg y avaient été découverts. Il en était devenu dépendant, jusqu'à son arrivée à la prison où il est enfin et à nouveau sevré, notamment avec l'aide du psychiatreDouglas Kelley[70]. Cela contribua à lui faire perdre une grande partie de sa surcharge pondérale et retrouver ses facultés. Il affirme son ascendant sur ses codétenus et se présente à la barre comme le plus haut responsable nazi après Hitler, assumant les actes duIIIe Reich.
Auprocès de Nuremberg, il fait rectifier les mauvaises traductions pendant les interrogatoires, car il maîtrise la langue anglaise, et déstabilise leprocureur américain Jackson, notamment en se lançant dans des discours fleuves en réponse à ses questions. Plus patient et plus concret, le procureur britannique, sirDavid Maxwell Fyfe, a plus de succès dans son contre-interrogatoire () : ce dernier fait allusion à l'exécution sommaire de cinquante prisonniers de la Royal Air Force, attaquant directement son honneur de soldat qui lui tenait très à cœur. Göring est condamné à mort pour plan concerté ou complot, crimes contre la paix,crimes de guerre etcrimes contre l'humanité.
Corps de Göring.
Göring s'empoisonne le, pour échapper à l'humiliation de la pendaison[j]. Il meurt dans sa cellule après avoir absorbé une capsule decyanure, probablement fournie par un jeune garde américain. En effet l'un des gardes de Göring, âgé de19 ans à l'époque et nommé Herbert Lee Stivers, avouera en lui avoir transmis un stylo contenant un prétendu médicament. Celui-ci lui aurait été remis par deux Allemands qui prétendaient que le condamné était malade. Jeune, crédule et amouraché d'une Allemande qu'il voulait impressionner, Stivers accepta de transmettre le stylo et ne révéla ce geste que cinquante-huit ans plus tard[71].
Le corps de Hermann Göring fut incinéré et ses cendres dispersées dans l'Isar, affluent duDanube.
Albert Göring (1895-1966), frère cadet de Hermann Göring, rejeta l'idéologie nazie et, usant de l'influence de son frère, permit à de nombreux dissidents d'échapper au régime. Ses actes de résistance ne furent jamais publiquement reconnus. Selon les archives duKGB, citées dans le livre deJulian Semenov17 moments du printemps, Albert Göring utilisa sa position de frère cadet du maréchal du Reich afin de faire libérer les gens pour lesquels il éprouvait de la sympathie. Une fois, il envoya une demande de libération au chef d'un camp de concentration, en signant « Göring ». Par peur, le chef de camp fit libérer l'ami d'Albert Göring, ainsi qu'un dissident allemand qui portait le même nom. Cela provoqua un énorme scandale et la SS ouvrit une enquête. Hermann Göring dut user de tout son pouvoir pour faire libérer son frère.
1970 :Le Roi des Aulnes évoque son nom pour la chasse et les divertissements au milieu de la guerre.
1971 : Il est l'un des personnages principaux du cycle romanesque de SFLe Fleuve de l'éternité dePhilip José Farmer, qui décrit un monde où l'ensemble de l'humanité a été ressuscitée.
2014 : apparaît en flash-back comme un personnage récurrent dansLa faiseuse d'anges deCamilla Läckberg, série « Erica Falck et Patrik Hedström ». Actes Sud coll. Actes Noirs (réédition Actes Sud coll. Babel noir en 2017), traduction françaiseLena Grumbach.
2018 (série en cours, 2025) : Il est un des personnages secondaires dans la Saga du Soleil Noir des auteurs Giacometti et Ravenne.
2023 :L'annonce faite à Goering, de Jean-Pierre Cabanes (Albin Michel), sur le détournement des œuvres d'art à Paris pendant l'Occupation.
(de)Joachim Fest,Hermann Göring. Der zweite Mann in :Das Gesicht des Dritten Reiches. Profile einer totalitären Herrschaft, Munich et Zurich, Piper,(ISBN3-492-11842-9).
↑Göring est l'orthographe allemande, mais son nom est souvent translittéré « Goering » en français et en d'autres langues, en utilisant le couple de voyelles ‹oe› pour remplacer le « o umlaut » ‹ö›.
↑Kersaudy[26] reprend cette citation de E. Grintzbach,Hermann Göring, Werk und Mensch, Eher Verlag, Munich, 1938. S'agissant d'un document publié avant guerre, on ne peut exclure une invention ou, du moins, une exagération de la propagande.
↑C'est l'un des deux seuls ministres nazis alors avecWilhelm Frick.
↑Spoliation des juifs de leurs biens, accélérée en 1938-1939.
↑« Göring passait pour avoir dit au début de la guerre que si les Alliés étaient un jour en mesure de bombarder Berlin, il « voudrait s’appeler Meier », et ce fut, à partir de 1942 environ, un sobriquet largement utilisé pour le désigner. » (François Delpla,Nuremberg face à l'histoire,chap. 31,en ligne, qui renvoie (par exemple) au journal de Rudolf Semmler, cité par Manvell et Fraenkel,Hermann Göring, Londres, Heinemann, 1962 ; trad. fr. Paris, Stock, 1963,p. 397.
↑Cf.Laurence Bertrand Dorléac. Pour la France, voir Didier Schulmann,Spoliation des œuvres d'art, France (1940-1944), dansEncyclopædia Universalis, Paris, av. 2000 (bibliogr.en ligne).