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| Conjoint | Gilberte Alleg-Salem(d) |
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Harry Salem ditHenri Alleg, né le àLondres et mort le àParis 19e, est unjournaliste français, membre duParti communiste français (PCF) et ancien directeur d'Alger républicain. Il est notamment l'auteur deLa Question, un livre dénonçant latorture pendant la guerre d'Algérie.
Né à Londres de parentsjuifs russo-polonais[2],[3], Henri Alleg passe une partie de son enfance àParis. En 1939, il part en Algérie et devient intimement lié auParti communiste algérien. En 1946, il épouse Gilberte Serfaty qui deviendra comme lui une ardente militante communiste. En 1951, il devient directeur du quotidienAlger républicain.
Il entre dans la clandestinité en1955, date d'interdiction du journalAlger républicain, quitté l'année précédente parBoualem Khalfa, premier musulman à diriger la rédaction d'un grand quotidien, pour rejoindre la presse du Parti communiste algérien. Henri Alleg continue cependant à transmettre des articles en France dont certains sont publiés parL'Humanité.
Il est arrêté le par les parachutistes de la10e DP[4], au domicile de son amiMaurice Audin, jeune assistant en mathématiques et militant duParti communiste algérien comme lui, arrêté la veille et qui sera torturé à mort.
Il est séquestré un mois àEl-Biar, où il esttorturé lors de plusieurs séances, puis subit un interrogatoire mené après une injection depenthotal, utilisé comme « sérum de vérité ». Aussi, il est torturé avec les électrodes, la torture par l'eau, étouffement, et la combustion avec les torches et des cigarettes[5],[6].
Il aurait tenu tête crânement face à ses bourreaux (principalement les lieutenantsAndré Charbonnier etPhilippe Erulin sous les ordres du capitaine Marcel Devis[7], en leur déclarant : « Je vous attends : je n’ai pas peur de vous »[8]. Legénéral Massu, qui reconnaît plus tard l'utilisation de la torture dans certains cas particuliers lors de la guerre d'Algérie, affirme en 1971, « en fait de tortures, Alleg a reçu une paire de gifles »[9].Roger Faulques, officier du1er REP, accusé d'avoir assisté à ces tortures, déclare lors d'un procès endiffamation contreJean-Jacques Servan-Schreiber etJean-François Kahn en 1970 : « Je ne l'ai vu qu'une seule fois, mais il m'a fourni à cette occasion des indications qui m'ont permis d'arrêter les membres du parti communiste algérien ». Cette provocation est, selon l'un des avocats de la défense maître Badinter, une tentative de justification de l'usage de la torture[10].
Il est ensuite transféré aucamp de Lodi (Draa Essamar,Wilaya de Médéa) où il reste un mois, puis àBarberousse, la prison civile d'Alger, où il n'avait pas de lit, de couverture, de miroir, de chaise, ou de table. L'équipement sanitaire n'était qu'un trou avec un robinet sur le dessus. « Nous étions dans des conditions de manque total de tout ce qui aurait pu nous permettre de survivre », a raconté Alleg[11].
En prison, il écrit ses récits de torture, dissimulant les pages écrites et les transmettant à ses avocats. Sa femme, Gilberte, alors expulsée d'Algérie, reçoit les pages, les tape, puis les distribue aux relations littéraires et journalistiques françaises qu'Alleg avait nouées pendant son temps àAlgér républicain.[12]
Elle travaille sans relâche pour présenter les pages où Alleg raconte sa période de détention et les sévices qu'il y subit. Lors d'une réunion publique à Paris, Gilberte déclare alors : « Si la ‘séquestration’ de mon mari, ‘l’évasion’ deMaurice Audin, le ‘procès’ deDjamila Bouhired ont eu un retentissement exceptionnel, ce ne sont pas des cas exceptionnels. C’est dans notre pays la réalité quotidienne…nous attendons de vous que vous nous aidiez à obtenir l’arrêt de toutes les exécutions…nous vous demandons un effort immense, un effort à la mesure de votre responsabilité. »[12]
Alors que la plupart des éditeurs ont exprimé leur intérêt pour ce qu'Alleg avait à dire, ils hésitent dans le climat politique à le publier eux-mêmes et à mettre en péril leurs entreprises. Gilberte persévère jusqu'à ce qu'elle réussisse à faire publier l'ouvrage de son mari auxÉditions de Minuit. Le livre paraît le 12 février 1958 et se vend à plus de 60 000 exemplaires avant d'être interdit le 27 mars[13].Nils Andersson le réédite en Suisse, quatorze jours après l'interdiction en France de. Malgré son interdiction en France, ce livre contribue considérablement à révéler le phénomène de la torture en Algérie. Sa diffusion clandestine s'élève à 150 000 exemplaires[14].
« Le témoignage d'Alleg en effet - c'est peut-être son plus grand mérite - achève de dissiper nos illusions : non, il ne suffit pas de punir ou de rééduquer quelques individus ; non, on n'humanisera pas la guerre d'Algérie. La torture s'y est établie d'elle-même : elle était proposée par les circonstances et requise par les haines racistes ; d'une certaine manière nous l'avons vu, elle est au cœur du conflit et c'est elle, peut-être, qui en exprime la vérité la plus profonde [...] Avec La Question, tout change : Alleg nous épargne le désespoir et la honte, parce que c'est une victime qui a vaincu la torture. Ce retournement ne va pas sans quelque humour sinistre ; c’est en notre nom qu'on l'a martyrisé et nous à cause de lui, nous retrouvons un peu notre fierté : nous sommes fiers qu'il soit français... »Serge July, "Dictionnaire amoureux du journalisme", Paris, Plon, 2015, 9782259205993, pp.29-30
— Jean-Paul Sartre, L'Express
Un film tiré du livre et réalisé parLaurent Heynemann[15] sort en 1977 avec dans les rôles principauxJacques Denis etNicole Garcia, et reçoit le prix spécial du Jury auFestival international du film de Saint-Sébastien.
Trois ans après son arrestation, il est inculpé d'« atteinte à la sûreté extérieure de l'État » et de« reconstitution de ligue dissoute » et condamné à10 ans de prison.
Les officiers qu’Alleg a accusés de torture ont tous nié. Après le verdict de culpabilité, les autorités militaires ont envoyé deux médecins pour examiner Alleg, mais personne de l'extérieur du gouvernement français n'a été autorisé à voir Alleg pendant ce temps. En plus, un juge militaire a voyagé avec Alleg dans les bâtiments où Alleg a dit qu’il a été torturé. Le but était pour Alleg de décrire, de mémoire, l'intérieur de l’espace pour valider qu’il a été détenu là-bas.Malgré le fait qu’Alleg a parfaitement décrit l’intérieur, il a été renvoyé à la prison militaire.[pas clair] Le jour où son livreLa Question est saisi, le gouvernement français publie des informations qui confirment que les médecins ont trouvé des cicatrices sur les poignets et l’aine d’Alleg. Pendant le temps qu’Alleg était en prison, laCommission internationale contre le régime concentrationnaire (CICRC) a rapporté, après avoir visité Algérie, que bien qu’il n’y ait pas un système de camp de concentration en tant que tel en Algérie, il y avait des irrégularités, y compris des mauvais traitements et de la torture, et que la police ou les forces militaires étaient généralement les coupables, détenant parfois des suspects pendant plusieurs semaines avant qu’ils ne soient dûment inculpés ou internés[16][source insuffisante].
Transféré en France, il est incarcéré à la prison de Rennes. Profitant d'un séjour dans un hôpital, il s'évade. Aidé par des militants communistes, il rejoint laTchécoslovaquie grâce, notamment, à Alfred Locussol[17].
Il revient en France après lesaccords d'Évian, puis en Algérie où il participe à la renaissance du journalAlger Républicain. « Persona non grata » en Algérie à la suite ducoup d'État deHouari Boumédiène, il se réinstalle en France en 1965. Il reprend sa plume entre 1966 et 1980 pour le compte du quotidienL’Humanité dont il devient secrétaire général. En 1979, il est envoyé spécial deL’Humanité à Kaboul et justifie l'intervention soviétique en Afghanistan[18], ce qui est la position officielle du Parti communiste français[19]. Son départ à la retraite coïncide avec son installation àPalaiseau, rue Gabriel-Dauphin, où il demeure jusqu'à la fin de sa vie.
Le film documentaire deJean-Pierre LledoUn rêve algérien retrace son retour,40 ans plus tard dans une Algérie qui l'accueille à bras ouverts et où il retrouve avec bonheur ses anciens compagnons.
Il est par ailleurs membre duPôle de renaissance communiste en France et déclare regretter en 1998 « la dérive social-démocrate du PCF, qui abandonne son authenticité communiste »[20]. Il fait partie de l'association « Comité Internationaliste pour la Solidarité de Classe » (CISC)[21], fondée le sous le nom de « Comité Honecker de solidarité internationaliste », qui soutient l'ancien dirigeant de laRDA,Honecker, poursuivi par la justice allemande[22].
Il est également membre du comité de parrainage duTribunal Russell sur la Palestine.
Henri Alleg cosigne, en 2000, l'Appel des douze « pour la reconnaissance par l’État français de la torture »[23].Les autres signataires de ce texte sont :
Les signataires précisent dans ce texte adressé au président de la République de l'époque Jacques Chirac, le sens de leur démarche : « Pour nous, citoyens français auxquels importe le destin partagé des deux peuples et le sens universel de la justice, pour nous qui avons combattu la torture sans être aveugles aux autres pratiques, il revient à la France, eu égard à ses responsabilités, de condamner la torture qui a été entreprise en son nom durant la guerre d'Algérie. Il y va du devoir de mémoire auquel la France se dit justement attachée et qui ne devrait connaître aucune discrimination d'époque et de lieu. »
En 2005, il cosigne une lettre au Président de la République, demandant à l'État français de reconnaître l'abandon desharkis en 1962[24].
Henri Alleg meurt le[25],[26].
Lors de ses obsèques au cimetière du Père-Lachaise le, en présence de représentants des États français et algérien, le président algérien rappela dans un message lu en son nom queLa Question est« l’un des textes majeurs qui, par leur retentissement universel et la prise de conscience qu’ils ont suscitée à travers le monde, ont indéniablement contribué à servir la noble cause desdroits de l'homme en général[27]. »
Henri Alleg repose au cimetière dePalaiseau[28].
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