Lehaut barrage d'Assouan, aussi appelébarrage d'Assouan, enarabeالسد العالي,translittéré enas-Sad al-'Aly, est unbarragehydroélectrique construit entre 1960 et 1970, à sept kilomètres en amont de l'ancien barrage d'Assouan, et environ dix kilomètres de la ville d'Assouan, sur leNil enHaute-Égypte. Considéré comme l'un des plus importants au monde[1], sa capacité de retenue est 169 milliards de mètres cubes d'eau.
Il a été construit en complément de l'ancien barrage d'Assouan (lui-même surélevé deux fois) qui ne donnait pas satisfaction en matière d'efficacité et de sécurité. Ce dernier est toutefois toujours en fonctionnement et continue de produire de l'énergie hydroélectrique.
Avant la construction de cebarrage, le Nil inondait chaque été les plainesfertiles de la vallée, en raison de l'affluence d'eaux provenant de toute l'Afrique de l'Est. Ces inondations apportaient desnutriments et desminéraux (limon) qui rendaient fertile le sol de la vallée duNil et permettaient l'agriculture. Mais l'augmentation de lapopulation dans la vallée rendait nécessaire le contrôle des eaux pour protéger les installations agricoles et les exploitations decoton. Les années de « grandescrues », des récoltes entières étaient perdues, alors que les années où la crue était moindre, la population souffrait de lasécheresse et defamine. Le but de ce projet était de réguler les crues, de produire de l'électricité pour le pays, et de constituer un réservoir d'eau pour l'agriculture.
En 1954, le premier ministre égyptienGamal Abdel Nasser amorce ce projet avec pour objectifs de rendre l’eau disponible tout au long de l’année, d’étendre les surfaces irriguées, d’améliorer la navigation sur le fleuve et de produire de l’électricité. Il permettra également d'atténuer les dégâts engendrés par des inondations ou des sécheresses.
Nasser demande d'abord une aide financière à laBanque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et une aide technique auxÉtats-Unis et à laGrande-Bretagne qui, dans un premier temps, acceptent d'aider à sa construction, moyennant un prêt de 270 millions de dollars de leur part. Mais le projet est annulé en, notamment en raison du puissant lobby américain du coton qui voyait dans le coton égyptien irrigué grâce au barrage l'arrivée d'un concurrent. Un contrat d'armement secret avec l'URSS (transitant par laTchécoslovaquie) et la reconnaissance par l'Égypte de laRépublique populaire de Chine sont d'autres raisons probables, avancées par les historiens, alors que l'Égypte fait partie dumouvement des non-alignés. Enfin, les États-Unis, arguant officiellement que l'aide financière ne peut se faire en raison de la situation instable de l'économie égyptienne, tentent un coup de poker pour obtenir le ralliement de Nasser au camp occidental[2]. Peu après, Nasser nationalise lecanal de Suez, dans l'objectif de financer le barrage par les frais de passage. Cet épisode donne lieu à lacrise du canal de Suez, qui se termine par l'ordre de l'ONU à laFrance, laGrande-Bretagne etIsraël d'évacuer le territoire égyptien, et donc par la victoire de Nasser. Aussi pour construire ce barrage, l'Égypte s'allie avec l'Union soviétique et Nasser se tourne vers ce pays, qui assume un tiers de la construction et fournit environ 2 000 experts et techniciens.
Le barrage contient douzegénérateurs électriques de 175 mégawatts chacun, développant une puissance totale de 2,1 gigawatts. L'exploitationélectrique commence en 1967. Quand le barrage atteint pour la première fois sa production électrique maximum, il produisait alors la moitié de l'électricité égyptienne (et encore 15 % en 1998) et permit de relier la plupart des villages égyptiens au réseau électrique pour la première fois. Les effets des dangereuses crues de 1964 et de 1973 et les sécheresses menaçantes de 1972–73 et 1983–84 purent être atténués. Une nouvelle industrie liée à la pêche s'est développée autour dulac Nasser, en dépit de son éloignement problématique des marchés.
Le Haut barrage d'Assouan, en plus d'alimenter le pays en eau et en électricité, remplit aujourd'hui encore pleinement sa mission de régulation des crues duNil. L'irrigation des terres est possible toute l'année, entraînant une hausse des rendements agricoles notamment par la possibilité d'une double récolte. La navigation s'en est également trouvée facilitée.
L'édification de ce barrage, n'ayant pas été précédée d'études approfondies sur ses répercussions, devait surtout servir la propagande soviétique et renforcer la popularité du président égyptien Nasser. Ainsi de nombreuses problématiques ont été ignorées, bouleversant l'environnement local et entraînant parfois des pertes irréversibles :
Lestemples d'Abou Simbel, construits sous le règne dupharaonRamsès II, ainsi que ceux situés sur l'île dePhilæ ont été déplacés dans les années 1960 pour ne pas être inondés par les eaux du barrage d'Assouan, mais des dizaines de sites archéologiques, dûment répertoriés depuis des décennies et encore en cours d'étude, ont été définitivement inondés et perdus pour l'Histoire de l'Égypte antique. C'est notamment le cas des forteresses égyptiennes de Nubie àBouhen etMirgissa.
Unver du groupe desacœlomates nommébilharzie (labilharziose : mise en évidence en 1851 en Égypte parTheodor Bilharz), cette parasitose a connu un développement accru par la multiplication des étendues d'eaux stagnantes due aux bouleversements des paramètres hydrauliques du Nil et provoque des maladies (parasites d'organes –reins,vessie,foie,rate – provoquant deshémorragies), souvent mortelles. L'épidémie defièvre de la vallée du Rift observée en Égypte en 1977 est très probablement elle aussi due à la prolifération d'insectes autour du barrage[4].
L'érosion et l'apport deslimons ne sont plus équilibrés, ce qui entraîne la modificationgéologique dudelta du Nil. Le Nil coule plus vite qu'auparavant et érode son lit à raison d'1,7 cm par an.
L'eau salée pénètre de façon plus importante dans les terres proches du delta, et lanappe phréatique remonte.
Le limon fertilisateur est retenu par le barrage, ce qui entraîne sasédimentation ainsi que le recours des agriculteurs auxengrais chimiques.
Le barrage se situant dans un climat aride, l'eau s'évapore très vite. L'estimation de la masse d'eau qui s’évapore annuellement est de douze milliards de mètres cubes, soit 14 % du débit du Nil.
Le débit du Nil étant amoindri à cause de plus grandes surfaces d'évaporation et d'irrigation, le contre-courant à l'embouchure ducanal de Suez qui limitait les échanges d'eaux et de faunes entremer Méditerranée etmer Rouge est affaibli. L'apparition de nouvelles espèces invasives passant par le canal de Suez pour rejoindre la Méditerranée a ainsi augmenté de manière significative depuis la construction du barrage[5].
Ayant de l'eau à profusion, les agriculteurs ne font guère attention aux quantités qu'ils utilisent, favorisant un phénomène de sur-irrigation qui, en plus du gaspillage, crée à son tour différents problèmes : inégalité d'accès à l'eau, élévation du niveau de la nappe phréatique, salinisation et érosion des sols[6].
La construction de ce barrage a également eu de lourdes conséquences pour la population localenubienne[7]. Ses terres ayant été noyées par la montée des eaux du Haut barrage d'Assouan, celle-ci a été contrainte par les autorités égyptiennes de s'exiler vers des terres plus reculées et souvent arides, sans accès au Nil ni aux infrastructures médicales[8]. Cet exil a entraîné unediaspora des Nubiens, à présent disséminés à travers le monde et avec eux leur héritage culturel[9],[10].