LaHanse, ouLigue hanséatique (dite aussiHanse germanique,Hanse teutonique ouguilde de la Hanse) est une association de villes marchandes d'Europe du Nord, autour de lamer du Nord et de lamer Baltique, ayant existé duMoyen Âge central à l'époque moderne. Elle se distingue des autres associations du même type, également dénommées « hanses », par uncommerce reposant sur des privilèges jalousement défendus, octroyés à ses villes-membres par divers souverains européens.
Pendant trois siècles, cette Hanse en particulier, et à un moindre degré les hanses par extension, ont eu un rôle dominant au niveau commercial, puis politique, en Europe[1]. Actives duXIIe au XVIIe siècle, leur déclin et quasi-disparition ont été achevées en1648 avec lestraités de Westphalie signant la fin de laguerre de Trente Ans et la fin de laguerre de Quatre-Vingts Ans.
La croissance de la Ligue hanséatique a lieu dans un monde où colonisation et évangélisation vont de pair. Elle est particulièrement liée à la montée de l'ordre des Chevaliers teutoniques, auprosélytismecatholique servant de façade aux jeux de pouvoir mondiaux de l'époque[1].
AuMoyen Âge, unehanse, parfois appeléeanse, est une association professionnelle de marchands exerçant une activité commune. De telles associations existaient par exemple àParis[2], àLondres[3] ou encore entre les villes du Nord de laFrance et desPays-Bas comme avec laHanse drapière des XVII villes[4]. On parle aussi de hanse en ce qui concerne lesPhéniciens de la période classique (880-675av. J.-C.)[5].
L'opinion longtemps courante donne comme origine du mothanse un vieux mot allemandhansa qui signifie « association de marchands »[6]. Une conférence internationale de 38 enseignants spécialistes de la Hanse a conclu en 1992 que la racine exacte deHanse est incertaine, mais qu'il semblerait qu’à l’origine ce n’était pas un mot allemand[1]. Il partage probablement ses racines avec levieux haut allemandhansa qui signifie « troupe de soldats »[6], mais le terme est peut-être apparu en Angleterre ou dans les Flandres[1].
Trois sens, significatifs de la nature de la Ligue hanséatique elle-même, ont été déterminés avec certitude pour ce mot[1] qui pouvait désigner :
« Un groupement de marchands travaillant en coopération, notamment ceux qui pratiquaient le commerce maritime »[1]. En latin médiéval,hansa est déjà cité au sens de « association de marchands » en1199[7],[8].
« Un groupe de marchands jouissant de certains privilèges, souvent sous forme de monopole ». En particulier, les marchands deHambourg sont désignés par le nom de Hanse pour la première fois en1266[1].
« Un droit imposé aux marchands qui voulaient bénéficier des privilèges accordés aux marchands faisant partie de l’organisation »[1]. En latin médiéval,hansa est cité au sens de « cotisation » dès1127[8], et vers1223 on trouve déjà l'expression « payer la hanse », qui signifie alors « s'acquitter d'un droit »[9] (non spécifiquement celui dû par les marchands à la hanse).
Ce terme s’est finalement appliqué plus spécifiquement aux marchands de plusieurs villes du Nord de l’Allemagne, coopérant ensemble pendant le Moyen Âge pour contrôler le commerce maritime sur la Baltique et la mer du Nord[1]. Cette forme d'association s'appelait autrefoisguilde et comprenait parfois en son sein des mercenaires servant à protéger les intérêts des marchands.
Sous ses deux formes dehanse etanse, le mot a produit des dérivatifs, notamment l'adjectif et substantif hanséate ou anséate (par exemple « sénateurs hanséates », et hanséatique / anséatique (« villes hanséatiques »)[6].
Avant l’essor des grandes villes hanséatiques, les échanges commerciaux dans l’espace baltique bénéficient déjà d’un encadrement structuré, notamment en Scandinavie. Dès leXIe siècle, les souverains commeKnut IV du Danemark imposent des taxes aux marchands, attestant de la reconnaissance du commerce comme source de richesse pour l'État. Parallèlement, les marchands nordiques s'organisent enfélag, des partenariats commerciaux (contrats de soutien mutuel) attestés notamment par des inscriptions runiques àSigtuna. Ces structures préfigurent les premières guildes marchandes et contribuent à l'émergence d’un espace économique cohérent autour de la Baltique.
Un traité de paix signé en 1161 entreduc de SaxeHenri le Lion et Gotland facilite la formation d'une première guilde de marchands allemands à Visby, ancêtre direct de la coopération hanséatique[12].
De nombreuses guildes marchandes se forment dans la Baltique, comme laguilde de Saint Knud àSchleswig. On note dès 1173–1175, dans Londres, des accords Hansa offrant exemptions et protections, précurseurs du mouvement d’alliance duxIIIe siècle.
L’essor de Lübeck et des premières alliances (XIIIe siècle)
Lübeck, située à l’interface de la mer Baltique et de l’intérieur germanique, joue un rôle central dès ses débuts. Elle devient une plaque tournante du commerce de sel, céréales et poissons. Très vite, elle établit des relations privilégiées avec d’autres villes marchandes.
C'est surtout la refondation de Lübeck parHenri le Lion après son incendie en 1159 qui est considérée comme le principal évènement fondateur de la Hanse. En 1160, Henri le Lion octroie à Lübeck ledroit urbain de Soest (Soester Stadtrecht), alors utilisé en Westphalie, marquant le point de départ de l’autonomie juridique de la ville. Ce droit est progressivement adapté aux besoins locaux et marchands, donnant naissance à un droit propre, ledroit de Lübeck (Lübisches Recht), qui s’impose auXIIIe siècle comme modèle juridique dans tout l’espace baltique[13],[14],[15]. Ce cadre légal urbain structuré attira marchands et favorisa la formation d’alliances commerciales stables.
En 1226, Lübeck se voit attribuer parFrédéric II le statut de ville impériale libre, consolidant sa capacité à attirer des marchands en lui conférant une autonomie juridique et protection renforcée[16]. Les villes deHambourg et de Lübeck forment une alliance en 1230, confirmée par un écrit en1241[17].
Couverture du *Stadtrecht* de Hambourg (1497), section « Van schiprechte », droit maritime
En 1259, plusieurs villes du nord de l’Allemagne — Lübeck, Wismar, Rostock, Stralsund etKiel — forment une alliance appeléeWendischer Städtebund (Ligue des villes wendes) pour sécuriser leurs intérêts terrestres et maritimes[18].
Cette alliance s’élargit ensuite àLuneburg (proche d’Hambourg) et aux villes poméraniennes commeGreifswald,Stettin etAnklam. Certaines de ces cités participent aussi à la Wendish Mint Association, une union monétaire régionale.
Passage de la Hanse des marchands à la Hanse des villes
Le blocus de Novgorod en 1268 puis en 1277/1278, démontre sa capacité à prendre des mesures de pression économique contre des entités majeures du commerce baltique.
En 1280, face à des restrictions imposées par le comte de Flandre Gui de Dampierre qui portaient atteinte aux privilèges des marchands allemands (et ibériques), la Hanse déplace temporairement son kontor de Bruges àAardenburg, instaurant un embargo commercial. Bruges subit un effondrement économique : le kontor ne revient qu’en 1282, après la restauration des privilèges hanséatiques. Cet événement marque l’un des premiers usages de la pression économique collective orchestrée par la Hanse. Le kontor hanséatique de Bruges sera à nouveau déplacé à Aardenburg en 1307–1310, puis en 1350 – ces stratégies d’embargos économiques visant à protéger les privilèges hanséatiques.
En 1284, la Hanse impose un blocus des ports norvégiens, notamment Bergen, pour obtenir la confirmation et l’élargissement des privilèges commerciaux que les marchands allemands y tenaient. La restriction d’importations, notamment de céréales, pousse la couronne norvégienne à négocier et à confirmer les avantages commerciaux des Hanséates dans la région.
En 1356, se tient à Lübeck le premier Hansetag général (le 2 février). Sa tenue marque un tournant : les villes hanséatiques s’institutionnalisent comme organe collectif, prenant en charge à la fois les décisions économiques, diplomatiques et militaires. En 1359, l’expression même de « villes de la Hanse d’Allemagne » apparaît dans les traités, reflétant la transformation définitive de la « Hanse des marchands » en « Hanse des villes ».
Ce passage est le fruit de plusieurs évolutions : les conseils urbains organisés surpassent les guildes, l’écriture remplace progressivement la tradition orale, et la Hanse développe une structure logistique (navires armés, phares, pilotes) à l’échelle urbaine, garantissant efficacité et protection collective.
Les routes commerciales en vigueur dans la ligue hanséatique.
La Hanse devient un acteur politique à part entière en Europe du Nord. Elle signe des traités avec desÉtats et des organisations importantes comme celle desChevaliers Teutoniques.
L'association emporte diverses victoires militaires significatives qui lui permettent de commercer grâce auxcogues avec l'Angleterre, productrice de laine, laRussie, productrice de fourrure, laPologne et laPrusse, exportateurs de céréales, laScandinavie, exportatrice de hareng encaque, laGascogne, productrice de vin, et les producteurs de textiles deFlandre.
La Hanse n'est pas un État, mais peut néanmoins lever une armée de mercenaires et infliger de lourdes défaites à quiconque tente de nuire à ses intérêts. Le Danemarken fait les frais en 1368. Le roi du DanemarkVlademar IV ayant détruit la flotte hanséatique et conquit l'ile de Gotland en 1361, il voit se dresser contre lui une ligue de 77 villes allemandes soutenues par le duc de Mecklembourg etHenriII de Holstein.Copenhague est prise et pillée par une flotte de la Ligue Hanséatique commandée par le comte de Holstein en 1368, les marches deScanie sont occupées et HenriII de Holstein conquiert presque toutes les places duJutland.
La Hanse bénéficie deux ans plus tard d'un traité de paix particulièrement avantageux, letraité de Stralsund, passé en1370 par le roi duDanemark : elle parvient à obtenir le renouvellement de ses privilèges de même que le paiement d'une forte indemnité.
En plus d'imposer une présence sur le territoire duDanemark et de donner à la Ligue un quasi-monopole sur le commerce entre la Baltique et la mer du Nord[20], négociant entre autres le libre passage du détroit de l'Øresund (entreCopenhague etMalmö)[21], le traité accorde également à la Hanse un droit de veto sur la succession au trône du Danemark[1].
C'est pour faire face à la montée en puissance de la Ligue hanséatique, et plus particulièrement de la ville allemande de Lübeck, que les trois royaumes nordiques du Danemark, de la Norvège et de la Suède mirent de côté leurs divergences pour s'unir sous un seul monarque. Cette union personnelle entre les trois nations donna naissance à l'Union de Kalmar.
SousMarguerite Ire, l'architecte de l'Union de Kalmar, la Ligue hanséatique fut contrainte de restituer plusieurs forts de Scanie que la Hanse avait saisis en vertu du traité de Stralsund. Marguerite écarta ainsi la Ligue hanséatique de la politique intérieure du Danemark. Malgré cela, la Ligue hanséatique demeura proche de l'Union de Kalmar. Elle aida le Danemark à reconquérir Gotland et ne s'opposa pas à la formation de l'union. De ce fait, les deux partis ne s'engagèrent dans aucun conflit militaire durant le règne de Marguerite.
Représentation des frères des victuailles dans l'église de Bunge à Gotland, vers 1405.
L’équilibre politique en mer Baltique est profondément bouleversé par la formation de l’Union de Kalmar. Dans ce contexte conflictuel, les cités de Mecklembourg et de Frise orientale soutiennent l’action de corsaires connus sous le nom deFrères des Victuailles (Vitaliebrødre en danois, Vitalienbrüder en allemand), initialement chargés de ravitailler la ville de Stockholm en 1392 lors de la guerre de succession suédoise entre Marguerite etAlbert de Mecklembourg. Rapidement, ces corsaires se livrent à la piraterie contre les intérêts danois, mais aussi contre certains convois marchands de la Hanse. Leur activité devient suffisamment problématique pour que les villes hanséatiques, bien qu’ayant toléré leur action dans un premier temps, finissent par les considérer comme une menace.
Toutefois, une convergence d’intérêts entre la Hanse et les derniers groupes de Frères des Victuailles s’opère à nouveau face à l’Union de Kalmar. Durant la Seconde guerre dano-hanséatique, plusieurs anciens Vitaliens participeront aux opérations navales contre le Danemark, notamment en 1429 lors de l’incendie de la forteresse de Bergen et en 1433 avec une attaque surEmden. Ces actions marquent cependant la fin de leur influence : progressivement éliminés ou intégrés dans les flottes régionales, les Frères des Victuailles disparaissent comme force autonome à la fin du conflit.
Cependant, le successeur de Marguerite,Éric VII de Poméranie, n'était pas du tout favorable à la Ligue. La brouille éclata lorsqu'Éric tenta d'affirmer son autorité sur le duché de Schleswig. Pour ce faire, il soutint un mouvement rebelle à Lübeck. Cependant, cela ne fit que rompre les relations déjà tendues. Malgré le soutien de l'empereur du Saint-Empire romain germanique aux revendications d'Éric sur le Schleswig (et la région adjacente du Holstein), ni Lübeck ni aucune autre grande ville hanséatique ne souhaitèrent soutenir ses revendications.
À la suite de cette débâcle, Éric se retourna contre la Ligue hanséatique. Il s'allie au Royaume de Pologne, accepte des marchands hollandais et anglais dans les ports de Kalmar et commençe à harceler les marchands hanséatiques. C'est l'introduction d'un nouveau péage sur l’Øresund qui déclanche la secondeguerre dano-hanséatique (1426-1435). Six villes hanséatiques (Hamburg, Lübeck, Lüneburg, Rostock, Stralsund, Wismar) déclarent la guerre à Eric, organisent un blocus naval, et s'allient avec l'ennemi d'Eric,Henri IV,comte du Holstein.
En 1426, les troupes danoises reconquièrent Flensburg (Schleswig) qui était auparavant occupée par le Holstein. L'année suivante les forces hanséatiques pillent Bornholm, mais échouent contre Flensenbourg, puis subissent une défaire navale face aux flottes danoise et suédoise dans Orensund.
Les affrontements maritimes atteignent leur apogée en 1428 avec deux bombardements massifs deCopenhague en 1428, avec une flotte de 240 navires et 12 000 hommes. La ville est défendue victorieusement par la reinePhilippa de Lancastre, mais la deuxième attaque réussit à détruire presque entièrement la flotte danoise, marquant l’un des premiers usages d’artillerie navale.
Bergen est pillée par lesFrères des victuailles alliés au Holstein et à la hanse, les danos-suédois subissent un échec lors d'une opération navaile contre Straslund.
Un traité de paix séparé est conclu en 1430 par le Danemark avec Rostock et Stralsund. Le conflit se poursuit avec la conquête deFlensburg par les troupes holsteino-hanséatiquesen 1431. Une trêve signée àHorsens en 1432 et un cessez-le-feu lié à larévolte suédoise d’Engelbrekt en 1434, amorcent la fin des combats. La paix est conclue àVordingborg en 1435. Les villes hanséatiques sont exemptées du péage mais sont forcées d'accepter la concurrence hollandaise.
Le LIsa von Lübeck. Reconstitution d'une cogue duXIVe.
Laguerre néerlando-hanséatique (1438-1441) oppose le comté de Hollande à la Ligue hanséatique pour le contrôle du commerce baltique, avec peu de combats effectifs : la flotte hollandaise patrouillait l’Øresund tandis que la Hanse bloquait l’accès à la Baltique. La guerre débute en mai 1438 avec la capture de douze saliniers hanséatiques dans le port de Brest, ce qui entraîna un blocus immédiat de l'Øresund par Lübeck et ses alliés. Le conflit prend fin après la déposition du roi Éric, principal partisan de la liberté commerciale néerlandaise en Baltique, et son replacement parChristophe de Bavière, qui adopte une politique plus conciliante envers la Hanse et négocie lapaix de Copenhague en 1441 avec la Hanse et les Hollandais.
Lors de cette guerre, l’Ordre teutonique prend parti pour les Hollandais, rompant ainsi avec la coopération qui le liait jusque-là à la Hanse. Ce réalignement marque une inflexion dans les rapports entre les deux entités, chacun poursuivant désormais des stratégies plus autonomes.
Ce traité permet un compromis sur le commerce en accordant aux deux parties la liberté commerciale, ouvrant durablement le commerce baltique aux Néerlandais, malgré des réparations à payer. L'ouverture de la mer Baltique aux navires hollandais, plus grands que ceux de la Ligue hanséatique, créa une véritable concurrence. Les Néerlandais purent renforcer leur contrôle sur la pêche au hareng, le commerce du sel français et le commerce des céréales de la Baltique. Les marchands hanséatiques finirent par devenir des intermédiaires, transportant des marchandises en vrac (bois, céréales, poisson) de la Baltique et les échangeant contre des textiles et autres produits finis. Les villes hanséatiques s'engageaient à remplacer ou à restituer 22 navires prussiens et livoniens. Les Hollandais versèrent également 5 000 florins au roi Christophe III de Danemark et s'engagèrent à indemniser les villes hanséatiques wendes pour tous les dommages subis.
Le traité négocié par le bourgmestre de Lübeck, Hinrich Castorp, consolida les privilèges commerciaux de la Hanse ainsi que le contrôle duSteelyard, lekontor de Londres. Le traité permit également à la Hanse de construire àKing's Lynn, un port anglais de la mer du Nord, un kontor qui fut actif jusqu'en 1751. Le port de King's Lynn était le troisième plus grand port d'Angleterre après Southampton et Londres. Lekontor localisé au niveau de la rue St Margaret's Lane est le seul bâtiment de la Hanse encore existant aujourd'hui.
Le, le tsar Ivan III décide de fermer le comptoir hanséatique duPeterhof à Novgorod, qui tenait à la fois du blockhaus et de la bourse du commerce, marquant une rupture brutale dans les relations entre la Ligue et le Grand-Duché de Moscou. Cette décision s’inscrit dans un contexte de montée en puissance de l’autorité centrale russe, qui voit d’un mauvais œil l’autonomie juridique et commerciale dont jouissaient les marchands hanséatiques dans la ville. Les biens du comptoir sont confisqués, les 49 marchands allemands présents sont expulsés, et plusieurs d’entre eux meurent sur le chemin du retour.
Cette fermeture met un terme à plus de deux siècles de présence économique allemande dans la région, affaiblissant considérablement l’influence de la Hanse dans le commerce oriental. À court terme, le commerce nord-russe est redirigé vers d’autres villes comme Pskov, Riga ou Reval, hors du contrôle direct de la Hanse. À plus long terme, cet événement illustre le déclin progressif du réseau hanséatique face à la montée des États territoriaux centralisés et à la redéfinition des grands axes commerciaux en Europe du Nord.
Entre 1509 et 1512, plusieurs villes hanséatiques menées par Lübeck s’allient à la Suède contre l’Union de Kalmar dirigée par le roi Hans du Danemark, dans un conflit connu comme laguerre dano-hanséatique de 1509-1512, ouguerre dano-lubeckoise, qui nait de l'ingérence de Lübeck dans laguerre dano-suédoise (1501-1512). Le conflit est essentiellement naval et se déroule en mer Baltique. Les cités de Lübeck, Rostock, Stralsund et Wismar mènent des opérations militaires contre des positions danoises à Bornholm, Gotland, Nakskov et sur la côte de Scanie, afin de défendre leurs privilèges commerciaux. La guerre tourne progressivement à leur désavantage, et se conclut par letraité de Malmö du 23 avril 1512.
Si la Hanse conserve ses droits de commerce au Danemark, elle perd son monopole et doit renoncer à soutenir militairement la Suède. Lübeck est contrainte de verser 30 000 gulden d’indemnités et d’accepter la concurrence croissante des marchands néerlandais. Cette guerre marque une défaite politique et stratégique pour la Hanse, dont l’influence décline face à la montée des puissances nationales.
Le château de Kalmar, symbole de l’Union de Kalmar, est conquis par les Suédois soutenus par Lübeck.
Pendant laguerre nordique de Sept Ans (1563–1570), la Hanse — et en particulier la ville de Lübeck — s'engage aux côtés du Danemark contre la Suède, afin de défendre ses intérêts commerciaux en mer Baltique. Lübeck, puissance navale hanséatique majeure, arme une flotte et participe activement aux opérations maritimes, espérant rétablir son influence dans la région. Toutefois, cette implication militaire s'avère coûteuse et peu fructueuse : malgré des victoires ponctuelles, la guerre s’achève sans réels bénéfices pour la Ligue. Letraité de Stettin (1570) confirme unstatu quo défavorable, et la Hanse, affaiblie économiquement, voit son rôle décliner face à la montée des puissances nationales, notamment la Suède qui devient la principale puissance nordique. Le blocage des routes commerciales a provoqué une mauvaise situation économique dans lesDix-Sept Provinces, et a précipité le début de laguerre de Quatre-Vingts Ans.
La fermeture du comptoir de Novgorod, le déclin de celui de Londres aux deux extrémités du commerce hanséatique, de même que la concurrence des marchands anglais et néerlandais sont les principales causes d'un long déclin du commerce hanséatique. La diète de1518 constate que 31 villes ne participent plus à aucune des activités de la ligue. Dans son ouvrageLes Étapes du capitalisme, Marcel Laffon-Montels parle d'un « déclin qui fut lié en partie à l'étrange disparition des bancs deharengs — La Hanse avait le monopole de ce commerce — qui émigrèrent de la Baltique vers la mer du Nord ».
Le développement inégal des villes provoque inéluctablement des dissensions internes. L'absence d'autorité centrale et d'impôt interdit toute redistribution des richesses. Chaque ville entend défendre ses propres intérêts. Le Harsetag, dirigé de fait par Lübeck, se réunit irrégulièrement et l'absentéisme est patent. De plus, par crainte de la concurrence italienne, les Hanséates se privent des innovations financières comme le crédit commercial, laissant aux Lombards les métiers fort rémunérateurs de la banque et du change[22].
La faiblesse de l'organisation politique de la Hanse a raison de sa puissance commerciale : il n'existe ni pacte d'alliance, ni statut, pas plus qu'il n'y a de cohésion. La puissance économique n'aura pas suffi[22].
La Ligue semble aussi impuissante face à la lente émergence de deux sérieux concurrents : l'Angleterre et la Hollande. Le drap, fabriqué à Leyde, Amsterdam ou encore Rotterdam, détrône peu à peu le drap de Bruges. En 1570, la marine hollandaise a déjà un tonnage deux fois supérieur aux villes hanséatiques[22].
Flûte néerlandaise.
La supériorité des Hollandais réside dans le faible coût du fret[23]. La supériorité hollandaise venait d’une marine plus moderne, plus rentable et mieux soutenue économiquement, ce qui rendait le transport maritime (le fret) nettement moins coûteux que celui des villes de la Hanse :
Les Hollandais ont développé des navires plus simples, moins coûteux à construire et à entretenir, comme lesfluitschips. Ces navires nécessitaient moins d'équipage, étaient plus spacieux pour les marchandises et plus rapides, ce qui réduisait le coût par tonne transportée.
Organisation commerciale moderne : contrairement aux villes hanséatiques, souvent tournées vers des structures marchandes médiévales et fragmentées, la Hollande bénéficiait d’un commerce plus centralisé et dynamique, avec des pratiques modernes (compagnies, bourses, assurances) qui optimisaient les coûts.
Main-d’œuvre bon marché et abondante : Grâce à une population croissante et à un développement urbain rapide, la Hollande disposait d'une main-d’œuvre qualifiée et moins chère, aussi bien pour la construction que pour la navigation.
Politiques favorables au commerce : L'État hollandais encourageait activement le commerce maritime, avec des infrastructures portuaires développées et une fiscalité favorable. La Hanse, en revanche, était une fédération de villes parfois concurrentes entre elles et moins réactives.
La Guerre de Trente Ans affaibli gravement la Hanse en ruinant son espace d’influence économique. La Hanse cherche à conserver sa neutralité, mais est incapable d'adopter une politique commune, chaque ville louvoyant entre les belligérants au mieux de ses intérêts. Les conflits prolongés perturbent le commerce, vident les villes de leur dynamisme, accroissent la dépendance de la Hanse envers des puissances extérieures[24].
La dernière assemblée des villes hanséatiques eut lieu en1669 : elle ne réunit que 6 villes.
AuXVIIIe siècle, le gouvernement hanséatique ne subsiste qu'àLübeck, àHambourg et àBrême. La Hanse est officiellement dissoute en 1862.
Aujourd'hui encore, les villes libres de Hambourg et Brême, qui forment deuxLänder de l'Allemagne, mais aussi Lübeck etRostock font état de leur ancienne qualité de ville hanséatique. Ainsi, l'immatriculation de ces villes (l'équivalent des numéros de départements français) sont respectivementHH,HB,HL etHRO, leH initial signifiantHansestadt, c'est-à-dire « ville hanséatique. » C'est dire la fierté des populations du Nord de l'Allemagne pour la Hanse, dont elles reconnaissent qu'elle a façonné leur identité de manière profonde.
Unenouvelle Hanse(nl) a été relancée en1980 à l'initiative de la ville néerlandaise deZwolle. Une activité entre villes hanséatiques est à nouveau en développement, avec son siège principal à Lübeck[25]. Chaque année et dans une ville différente se déroulent les journées internationales de la Hanse. En 2011, Kaunas[26] a accueilli ces journées.
Une grande partie des villes membres de la Hanse relevaient du Saint-Empire romain germanique, notamment celles d’Allemagne du Nord, de Prusse et de Westphalie. La Ligue s’est pourtant toujours efforcée de préserver son autonomie vis-à-vis du pouvoir impérial. À partir de 1226, Lübeck obtient le statut de ville impériale libre, ce qui renforce son rôle moteur dans l’organisation de la Hanse. Bien que l’Empereur n’ait jamais contrôlé la Ligue, il reconnaît à plusieurs reprises son utilité économique et politique, et lui accorde des privilèges, notamment en matière de commerce et de fiscalité. La Ligue, en retour, joue un rôle de stabilisation territoriale, en maintenant la sécurité maritime et en s’opposant à certaines ambitions scandinaves ou anglaises. Toutefois, les relations restent marquées par une tension entre intégration politique et indépendance marchande, et la Hanse se garde de devenir un instrument du pouvoir impérial.
À son apogée, la Ligue hanséatique entretient des liens étroits avec l’Ordre teutonique, acteur militaire et politique majeur en Prusse et en Baltique orientale. Plusieurs villes relevant de l’Ordre (Danzig, Elbing, Königsberg, Thorn) sont pleinement intégrées au réseau hanséatique. Le Grand Maître de l’Ordre est d’ailleurs le seul seigneur non urbain à participer aux Hansetage, preuve de son statut particulier. Des opérations militaires conjointes ont lieu, notamment lors des campagnes contre les pirates ou dans le cadre des conflits danois. Cette alliance pragmatique permet à la Hanse de sécuriser ses routes maritimes et de renforcer sa position face aux royaumes nordiques et russes.
Avec les royaumes scandinaves (Danemark, Norvège, Suède)
Les relations entre la Hanse et les royaumes de Scandinavie (Danemark, Norvège, Suède) oscillent entre coopération commerciale et affrontements militaires, selon les époques et les enjeux économiques.
Le Danemark est à la fois un partenaire commercial essentiel — notamment via les détroits de l’Øresund et les marchés de hareng de Scanie — et un adversaire stratégique. En 1361, après le massacre de marchands hanséatiques à Visby par Valdemar IV, la Hanse forme la Confédération de Cologne et engage la première guerre dano-hanséatique (1367–1370), qui se conclut par la paix de Stralsund. Celle-ci garantit à la Hanse le contrôle commercial des détroits et l’accès prioritaire aux pêcheries de Scanie. D’autres conflits suivent, notamment la seconde guerre dano-hanséatique (1426–1435) contre l’Union de Kalmar, et la guerre de 1509–1512, qui se solde par une défaite diplomatique pour la Hanse et la perte de son monopole en mer Baltique au profit des Hollandais.
Carte du royaume de Pologne et de Lithuanie entre 1386 et 1434.
La Hanse entretient d’importants échanges avec la Pologne, notamment via les ports de Gdańsk (Danzig), Elbląg (Elbing), Toruń (Thorn) et Szczecin (Stettin), qui deviennent des villes hanséatiques prospères bénéficiant du droit de Magdebourg et de privilèges marchands. L'union polono-lituanienne (1386) consolide cette relation : en renforçant la puissance politique de la Couronne, elle permet d’ouvrir de nouveaux débouchés orientaux, tout en exerçant une pression moins favorable sur la Hanse dans l’arrière-pays de la Baltique. Les villes prussiennes, d’abord sous influence de l’Ordre Teutonique, se tournent progressivement vers la Pologne : en 1440, la Confédération de Prusse, portée notamment par Gdańsk, Elbląg, Toruń et Königsberg, défie le pouvoir teutonique et, en 1454, sollicite l’aide du roiCasimir IV Jagellon pour rejoindre la Pologne. Ce réalignement renforce les liens entre la Hanse et la Pologne, mais réduit parallèlement l’influence de la Ligue dans les territoires prussiens. Ainsi, l’union Pologne–Lituanie a à la fois contribué à l’expansion hanséatique dans l’est baltique — via l’intégration de cités dynamiques — et introduit une rivalité accrue dans l’arrière-pays, annonçant les tensions entre affaiblissement d’une autonomie marchande et montée en puissance des États centraux.
Les relations sont cependant marquées par des tensions récurrentes, dues aux revendications fiscales russes, aux tensions religieuses (clergé orthodoxe contre présence catholique) et à des conflits douaniers. En 1494, le tsar Ivan III ferme brutalement le comptoir, expulse les 49 marchands hanséatiques présents, confisque leurs biens, et interdit durablement l’activité de la Hanse dans la région. Cette rupture met fin à plus de deux siècles d’échanges réguliers et signe l’effondrement de l’influence hanséatique en Russie, désormais tournée vers d’autres axes commerciaux[23].
Cependant, la montée en puissance du commerce anglais et les tensions liées aux exportations de laine conduisent à des affrontements. Entre 1470 et 1474, la guerre anglo-hanséatique oppose les deux puissances. Malgré des revers militaires pour la Hanse, la paix d’Utrecht (1474) lui permet de conserver ses privilèges et de renforcer son implantation en Angleterre, avec des droits à Boston, Lynn et Hull. Cette victoire diplomatique marque l’un des derniers succès de la Hanse sur la scène européenne avant son déclin progressif.
Carte montrant les principales routes commerciales de l'Europe de la fin du Moyen Âge. Les lignes noires représentent les routes de la Ligue hanséatique, les lignes bleues vénitiennes et les lignes rouges génoises. Les lignes violettes représentent les routes empruntées par les Vénitiens et les Génois. Les routes terrestres et fluviales sont pointillées.
La Ligue hanséatique formait une association souple de villes marchandes, sans administration centrale permanente, sans armée de métier ni budget commun, et les villes gardent une grande autonomie. Seule Lübeck occupait une place quasi hégémonique comme « capitale ». La Hanse finançait collectivement expéditions militaires (contre les pirates ou les États rivaux) et impositions sur le commerce, exclusivement à partir de contributions des villes membres. Elle possédait une flotte qui protégeait les commerçants et parfois les princes.
Bergen, en Norvège (Kontor de Bryggen, établi vers 1360)
Novgorod (Kontor de Peterhof)
Ces comptoirs sont gérés selon des statuts stricts et visent à défendre les intérêts des marchands allemands, notamment leurs exemptions fiscales et leur autonomie juridique.
Les cités s’organisaient en quatre cercles régionaux (quartiers) :
Saxe–Lübeck, dominé par Lübeck
Westphalie–Rhénanie, centré sur Cologne
Götaland–Livonie (Gotland–Baltique), avec une forte présence à Visby
Prusse–Livonie, autour de Dantzig (Gdańsk)
Chaque quartier désignait un délégué, appeléAncien (Ältermann), pour représenter la communauté dans les principaux comptoirs (Kontore) situés notamment à Visby, Novgorod, Bruges, Londres et Bergen. Ces représentants visaient à protéger les droits commerciaux, administrer la justice et négocier avec les autorités locales
Quatre Anciens élus par les villes les représentent à Gotland, et y obtiennent des privilèges commerciaux pour les villes de la Hanse. Leur activité s'étend bientôt bien au-delà de Gotland, tout autour de laBaltique, jusqu'àNovgorod, véritable carrefour entre civilisations orientale et occidentale, où ils créent leur établissement propre, lePeterhof jouissant des privilèges accordés parConstantin. Ces marchands pénètrent aussi laScandinavie (la foire de Scanie devint bientôt un pivot essentiel du commerce hanséatique), l'Angleterre (où ils furent officiellement réunis en1281 en une unique hanse d'Allemagne) et laFlandre (où la comtesseMarguerite II de Flandre leur accorda des privilèges fondamentaux en1252 et1253).
L’organe décisionnel principal était leHansetag, une assemblée consultative réunissant les représentants des cités, en particulier tous les trois ans à Lübeck. Le premier Hansetag s'est tenu en 1356 à Lübeck.
Ses décisions étaient prises par consensus, sans force contraignante, mais la coopération entre cités assurait leur mise en œuvre. En cas de guerre ou d’escarmouche maritime, les villes mobilisaient leurs propres ressources financières et navales. Elle réunit les représentants des principales cités membres. Bien que ses décisions ne soient pas juridiquement contraignantes, elle devient un organe important de coordination politique, diplomatique et économique. L'application de ses décisions était laissée au bon vouloir de chaque ville qui devait cependant apporter sa contribution militaire et financière à la ligue.
La Hanse trafiquait principalement des biens circulant de l'Est vers l'Ouest : produits agricoles et matières premières comme le grain (blé, seigle), le poisson séché (stockfish), le hareng, les fourrures, la résine, la cire, le bois, le lin et le miel. Ces marchandises étaient exportées vers les marchés de Flandre, d'Angleterre et de l'intérieur de l'Europe (Cologne, Francfort). Dans le sens inverse, les marchands hanséatiques importaient des toiles de laine (broadcloth), du tissu fin, du sel, du vin, du cuivre et du fer, ainsi que des produits manufacturés comme la verrerie, les étoffes et le cuir[27].
Les routes commerciales étaient maritimes (mer Baltique, mer du Nord, détroit duSkagerrak), mais aussi fluviales ou terrestres, via les rivièresTrave,Elbe,Vistule et les voies intérieures de l'Europe centrale. Lecanal de Stecknitz (1391) reliait la mer Baltique à la mer du Nord via Lübeck et Lauenburg. Les routes commerciales maritimes les plus fréquentées reliaient les principaux comptoirs hanséatiques : de Lübeck à Bergen via la mer du Nord ; de Danzig à Bruges en longeant les côtes sud de la Baltique et du Jutland ; de Novgorod à Reval, puis à Lübeck via Riga. Les routes fluviales permettaient d’atteindre l’intérieur des terres : l’Elbe et la Weser connectaient Hambourg et Brême à la Thuringe et à la Bohême ; la Vistule et le Niemen reliaient les plaines polonaises aux marchés de l’Ouest. Le canal de Stecknitz, inauguré en 1391, assurait une liaison stratégique entre la mer Baltique et le bassin de l’Elbe, facilitant le transport du sel depuisLüneburg.
Les marchands de la Hanse bénéficiaient d'un réseau dense de routes baltiques, organisées autour de "stations" fixes ou saisonnières : Scanie (hareng), Bergen (poisson), Novgorod (fourrures, cire), Londres (textile, métaux). Ces routes étaient étroitement synchronisées avec le calendrier agricole et les foires commerciales, notamment celles de Bruges ou Francfort. Les marchands planifiaient les départs en convoi au printemps pour éviter les tempêtes hivernales, ce qui donnait naissance à des flottes saisonnières encadrées, comme la flotte de Flandre ou la flotte de la Baltique.
Les marchands hanséatiques formaient d'abord des guildes ou hansas, structures corporatives qui garantissaient entraide et privilèges. Ils étaient ensuite liés aux villes elles-mêmes, devenues parties prenantes de la Ligue. Les Hansards opéraient en compagnies privées et géraient des comptoirs (Kontore) à Londres (Steelyard), Bruges, Bergen et Novgorod. Ils bénéficiaient de privilèges juridiques et fiscaux, ainsi que d'un réseau de confiance réputé transgénérationnel[28].
Portrait parHans Holbein le Jeune deGeorg Giese de Danzig, marchand allemand de 34 ans au comptoir londonien de la Hanse (leSteelyard)
La majorité des marchands hanséatiques étaient issus de la bourgeoisie urbaine allemande, mais un grand nombre d'entre eux résidaient durablement à l'étranger dans les kontore, où ils formaient des colonies semi-autonomes. Ces communautés étaient dirigées par un conseil élu (la « Aldermanie ») et soumises à des règles précises, fixées par la ville-mère ou le Hansetag. Les jeunes marchands effectuaient souvent un apprentissage prolongé dans diverses villes hanséatiques avant de s'établir à leur compte, ce qui renforçait la cohésion du réseau et la circulation de l'information commerciale.
Les Hansards se distinguaient aussi par leurs pratiques comptables avancées pour l'époque : ils utilisaient des registres détaillés, des lettres de change et parfois des formes primitives d’assurance maritime. La confiance entre partenaires commerciaux était essentielle et reposait sur des liens familiaux, régionaux ou corporatifs. Dans certaines villes, des tribunaux spécialisés arbitraient les litiges commerciaux entre marchands, en s'appuyant sur le droit coutumier hanséatique ou sur les lois locales telles que celle de Lübeck.
Page de la chronique de John of Worcester décrivant Henry I d'Angleterre dans une houlque.
À partir de la fin duxIIIe siècle, le hulk (ou holk, ouhoulque) remplaça progressivement le cog comme principal navire de fret. De conception plus volumineuse, le hulk atteignait parfois 500 à 700 tonnes de charge utile. Il était mieux adapté aux longues distances et aux cargaisons pondéreuses. Son utilisation se généralisa dans les ports hanséatiques duxVe siècle, notamment à Danzig et à Lübeck.
La Hanse mit également en place une organisation logistique rigoureuse autour du transport maritime. Les navires étaient souvent regroupés en flottes commerciales organisées selon les saisons et les routes. Parmi les plus connues, la Bay Fleet reliait la Hanse aux ports de la Manche (Flandre, Angleterre), tandis que la Schonenfahrt affrétait des convois vers les marchés au hareng de Scanie. Ces flottes partaient souvent de Lübeck ou de Danzig au printemps et revenaient avant l’hiver pour éviter les tempêtes. Chaque flotte pouvait être accompagnée de navires armés pour se protéger de la piraterie ou des attaques de corsaires[29].
L’organisation des expéditions s’appuyait sur un réseau d’entrepôts, de grues et de quais fortifiés, notamment dans les grands ports hanséatiques. Lübeck, Hambourg, Danzig, mais aussi Bergen et Novgorod, disposaient de quais aménagés pour le chargement rapide de vrac ou de produits conditionnés. Les navires utilisaient des unités de mesure standardisées, telles que la Last (environ 2 000 kg). Des documents de fret, appelés Ladungsrolle, étaient établis pour chaque expédition et archivés par les comptoirs[30].
D'autres navires comme lePeter von Danzig, commandé par le corsairePaul Beneke dans les années 1470, furent également armés pour des missions militaires. Utilisé comme corsaire sous lettre de marque, ce navire captura plusieurs navires anglais, illustrant la capacité de la Hanse à mêler activités commerciales et opérations navales[31].
Les navires hanséatiques arboraient des pavillons et emblèmes spécifiques à leur ville d'origine, mais partageaient aussi des signes visuels communs témoignant de leur appartenance à la Ligue. Le plus répandu était un drapeau bicolore rouge et blanc, hérité des couleurs de Lübeck, ville dominante de la Hanse. Ce pavillon devint progressivement un symbole fédérateur, fréquemment hissé sur les navires et bâtiments officiels des villes membres. D'autres villes adoptaient leurs propres variantes, comme Hambourg, dont les navires portaient une bannière représentant une porte fortifiée sur fond rouge. Ces éléments visuels jouaient un rôle à la fois diplomatique, identitaire et stratégique, permettant aux Hansards de signaler leur statut et de revendiquer leurs privilèges commerciaux dans les ports étrangers. À terre, ces couleurs étaient également visibles sur les entrepôts, les sceaux, ou encore les insignes des représentants des comptoirs.
Dans les régions orientales (Danzig, Riga, Reval), la Hanse a accéléré le développement portuaire, l'exploitation céréalière et les exportations massives de grain vers l'Europe occidentale. En contrepartie, les centres manufacturiers occidentaux comme la Flandre ou l'Angleterre virent leur production textile et artisanale stimulée par la demande hanséatique. La Hanse a imposé des blocus économiques (Bruges, Norvège, Novgorod) pour faire respecter ses privilèges, générant parfois des crises locales. Elle a également encouragé la diffusion de normes juridiques, de réglementations commerciales communes et le développement d'infrastructures (phares, entrepôts, quais).
La Hanse possédait des comptoirs appeléskontors(en) dans de nombreuses villes. Ces kontors sont des bureaux de commerce de la Hanse établis à l'étranger. Parmi tous les kontors seul celui deBergen fermé en 1754 existe toujours aujourd'hui, il figure dans la liste dupatrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1979.
Les entrepôts en bois duBryggen, le quartier hanséatique àBergen en bordure nord du vieux port, au voisinage de la vieille forteresse et de la tour Rosenkrantz.
↑abcdefghi etjLa Hanse en Norvège et en Europe. Séminaire par le Conseil de l'Europe, département de la Coopération Culturelle.Bergen,Norvège, 2-8 août 1992. Cette conférence internationale de 38 spécialistes de la Hanse en particulier et des hanses en général, était organisée conjointement par deux branches du ministère norvégien de l’Éducation: le Centre de formation des maîtres de Bergen et la Section pour la formation continue des enseignants. Ces 38 enseignants de multiples pays européens se sont réunis pour faire le point sur les connaissances concernant la Hanse et élaborer des stratégies pédagogiques et outils sur ce thème; et pour déterminer la place de la Hanse dans une éducation tournée vers l'Europe.
↑Les Marchands de l'eau :Hanse parisienne et Compagnie française, par Picarda, Émile. Paris, É. Bouillon, 1901.Ouvrage disponible sur le site d'Internet Archive.
↑abc etdJacques-Marie Vaslin, « La Ligue hanséatique »,Le Monde,(lire en ligne)
↑a etbPhilippe Dollinger,La Hanse (XIIe-XVIIe siècles), Aubier,, 559 p.
↑Claude J. Nordmann, « Philippe Dollinger, La Hanse (XIIe-XVIIe siècles), Collection historique sous la direction de Paul Lemerle, 1964 [compte-rendu] »,Revue du Nord,vol. tome 47,no n°186,, pp. 525-527(lire en ligne)
↑DavidGaimster,« The Hanseatic League as an Economic and Social Phenomenon: Archaeo-ceramic Case Studies in Cultural Transfer and Resistance in Western and Northern Europe, circa 1250–1550 », dansTrade and Civilisation: Economic Networks and Cultural Ties, from Prehistory to the Early Modern Era, Cambridge University Press,, 389–409 p.(ISBN978-1-108-42541-4,lire en ligne)
↑DavidGaimster,« The Hanseatic League as an Economic and Social Phenomenon: Archaeo-ceramic Case Studies in Cultural Transfer and Resistance in Western and Northern Europe, circa 1250–1550 », dansTrade and Civilisation, Cambridge University Press, 389–409 p.(lire en ligne)