L’arbre à caoutchouc, l’hévéa ou l’hévéa du Brésil (Hevea brasiliensis) est uneespèce d’arbres, dugenreHevea de la famille desEuphorbiaceae. On en extrait unlatex qui est utilisé pour être transformé encaoutchouc.
Fruits de l’hévéa.Lelatex se récolte en faisant une « saignée » : la pratique d'une incision de l’écorce du tronc afin de sectionner les vaisseaux laticifères.Récolte du latex àCeylan (1920).
Le tissu laticifère se retrouve dans toutes les parties de l’arbre, des racines aux feuilles, en passant par l’écorce du tronc, siège de l’exploitation du latex chez l’hévéa. Les vaisseaux laticifères se développent en manchons concentriques dans le liber (écorce tendre) qui contient également les vaisseaux conducteurs de la sève élaborée, lephloème. Les vaisseaux laticifères s’anastomosent de façon à former un réseau continu à l’intérieur de chaque manchon. Les cellules qui composent les vaisseaux laticifères sont vivantes et possèdent tous les organites (noyau,mitochondries,plastes, etc.) nécessaires à leur fonctionnement.
Lelatex est différent de lasève. Celle-ci assure la distribution de l’eau, des sels minéraux ou des sucres alors que le latex est plutôt impliqué dans les mécanismes naturels de défense de l’arbre. Il circule dans un réseau distinct de vaisseaux : les canaux laticifères. Comme la résine, il suinte lors d’une éventuelle blessure de la plante et forme en séchant une barrière protectrice.
Le latex récolté par saignée est lecytoplasme, c’est-à-dire le contenu liquide, des cellules laticifères. Il est composé d’une suspension de particules de caoutchouc, mais également d’organites comme les lutoïdes. En revanche, les noyaux et les mitochondries demeurent attachés aux parois des cellules, assurant ainsi le renouvellement du latex après récolte. Les particules de caoutchouc représentent 25 à 45 % du volume du latex et 90 % de la matière sèche.
Après que l’explorateur anglaisHenry Alexander Wickham eut réussi à ramener 74 000 graines d'hévéa brésilien auxjardins botaniques royaux de Kew àLondres, les Britanniques purent ainsi constituer des plantations d'hévéas dans leurs propres colonies, comme en premier lieu,Ceylan. D'autres puissances coloniales imitèrent leRoyaume-Uni dans cette voie comme laFrance.
La production mondiale de latex est estimée à 9,7 millions de tonnes environ, dont trois pays,Thaïlande,Indonésie etMalaisie, représentent près des trois quarts, sachant que l'Asie en produit 95 %. Elle s’étend sur 8,3 millions d’hectares environ (83 000 km2, soit 2,75 fois la taille de la Belgique).
C’est toutefois au Liberia que se trouve la plus vasteplantation d’hévéas au monde :48 000hectares, qui sont la propriété deFirestone, le géantaméricain dupneu devenu depuis 1988 une filiale du groupe japonaisBridgestone.
En 2010, l'industrie du pneu consommait 70 % du latex produit dans le monde[2] bien que 60% de la production de pneus soit faite à partir decaoutchouc synthétique. La demande mondiale en caoutchouc est fortement croissante car l'automobile individuelle se développe en Chine[3].
Le latex, en sortant de l’entaille, coule dans la tasse pendant quelques heures. Puis l’encoche se bouche par coagulation du latex et l’écoulement s’arrête. La récolte peut se faire sous forme liquide (on parle de récolte en latex) si on procède juste après la saignée, ou solide si on laisse le latex coaguler dans la tasse (récolte en coagulum). En cas de récolte sous forme liquide, on peut ajouter un peu d’ammoniac pour empêcher la coagulation précoce. À l’inverse, le processus de transformation post-récolte démarre par l’ajout d’un peu d’acide (formique en général) pour faire coaguler le latex.
Les saignées ont lieu périodiquement. Il existe des systèmes plus ou moins intensifs, allant de la saignée deux jours sur trois à la saignée hebdomadaire, la fréquence la plus courante étant tous les deux jours. Lorsque toute l’écorce du côté exploité (appelé panneau) a été consommée, on passe sur le panneau suivant. Cela a lieu après six ans en général. Lorsque toute l’écorce basse a été utilisée, on peut pratiquer la saignée haute, remontante. Cette dernière, bien que délicate est très productive. Elle se pratique en quarts de spirales et peut durer ainsi au moins quatre ans. Il est alors possible de recommencer la saignée basse sur l’écorce déjà saignée qui se sera entre-temps régénérée. L’arbre peut ainsi produire du latex à partir de l’âge de cinq ans et pendant trente ans environ. Cependant, dans de nombreuses régions et en particulier en Thaïlande, premier pays producteur, la tendance est au raccourcissement des cycles, avec une exploitation sur moins de vingt ans.
À l’issue de sa période d’exploitation, l’hévéa est abattu pour être replanté. Les progrès de la recherche permettent de procéder à ces replantations avec un matériel végétal beaucoup plus performant.
Les vastes monocultures équiennes d'hévéasHevea brasiliensis se font au détriment de la forêt tropicale[6],[7], y compris dans des pays et sur des continents où l'hévéa n'existait pas.
En Asie du Sud et Sud-Ouest, plus de deux millions d'hectares plantés de 2000 à 2010 ont bouleversé les écosystèmes et les réseaux socioéconomiques, constituant une menace de plus pour labiodiversité[8],[9]. En une génération (en 29 ans ; de 1983 à 2012), la surface de plantation est passée de 5,5 millions d'hectares environ à 9,9 millions (57 % de la surface allouée au palmier à huile), mais avec un taux qui a atteint 71 % en Asie du sud-est en 2015. Comme pour l'eucalyptus ou l'huile de palme[10], cette tendance s’accélère : dans lesannées 2000 environ219 000 hectares supplémentaires d'hévéas ont été implantés (plus du double des 108 000 hectares/an des deux décennies précédentes)[11],[12].
Cette extension se fait au détriment de laforêt primaire, de sa biodiversité[13] et des grands équilibres écologiques (desaires protégées qui ont ainsi déjà été sacrifiées aux plantations), et donc avec des effets négatifs (comparables à ceux des cultures d'huile de palme[14]), notamment dans le sud-est asiatique (Indonésie,Malaisie,Laos,Cambodge,Viêt Nam, sud-ouest de laChine etPhilippines).
À titre d'exemple, la réserve naturelle Snoul (Cambodge) a été en quatre ans (de 2009 à 2013) recouverte à plus de 70 % par75 000 hectares d'hévéas en dépit de la présence de nombreuses espèces menacées (des mamifères incluantbanteng,cerf d'Eld,macaques etgibbons, des oiseaux aquatique dont l'ibis de Davison etc.)[15].La croissance de ces cultures était de 3,5 %/an dans les années 2010-2015) et de 5,3 % si l'on ne tient compte que des pneus[3]. En 2018, la revueNature relève que 23,5 % de la surface boisée duCambodge — plus de 2,2 millions d'hectares — ont été détruits entre 2001 et 2015 pour pallier la demande[16], menaçant gravement lesgibbons et d'autres espèces dépendantes de la forêt primaire, et de nombreuses espèces aviaires, de chauves-souris et scarabées seraient affectées (déclin attendu : jusqu'à 75 %). L'érosion des sols et laturbidité et lapollution de l'eau augmenteraient aussi[11]. Dans des pays comme le Viêt Nam, l'hévéaculture s'étend aussi sur les pentes et en altitude dans les derniers refuges de la biodiversité[17]. Enfin, ces immenses monoculture sont propices aux maladies capables de décimer les hévéas.
De 2000 à 2010, l'opinion publique s'est montrée plus sensible aux impacts de l'huile de palme qu'à ceux — moins médiatisés — de l'hévéaculture. Pourtant, en 2015 selon W. Thomas,« Au minimum, les entreprises qui convertissent, en toute légalité, des forêts protégées en plantations d’hévéas devraient faire l’objet de restrictions d’accès au marché, avec une certification d’exploitation durable »[11], ce qu'encourage une initiative diteSustainable Natural Rubber Initiative (SNR-i) depuis et l'écocertification de certaines plantations gérées enagrosylviculture, en Indonésie par exemple[18],[19]. La même année, Ahlheimet al. se demandent même s'il ne serait pas plus économiquement et écologiquement rentable dans le sud-ouest de la Chine de replanter des forêts tropicales à la place des monocultures d'hévéas[20].
Un accord européen interdit depuis décembre 2022 l'importation de produits issus de la déforestation dont le caoutchouc[21].
En fin de vie lors de leur mise en décharge, incinération ou recyclage, ils sont aussi sources de particules, de polluants et substances chimiques problématiques dans l'air, l'eau et les sédiments, pouvant affecter la santé humaine, animale et les écosystèmes.
Alors que dans lesannées 1990 on constate que des fragments de caoutchouc issus de pneus ou de leur valorisation sont répandues dans l'environnement, peu de données scientifiques (méta-analyses en particulier) sont disponibles en matière desanté environnementale (caractérisation chimique fine d'éluats et lixiviat des pneus ou de leur résidus, études écoépidémiologiques d'exposition, données précises de toxicité et d'écotoxicité, demutagénicité etcancérogénicité pour les mammifères, les organismes aquatiques et du sol, les microbes, et résidus dans leurs organites. Des chercheurs plaident pour des études interdisciplinaires et pour une modélisation de la pollution associé à la gestion des pneus usés[23]. On a montré (2006) que les substances relarguées par les pneus se montrent toxiques pour ladaphnie (espèce modèle courante en toxicologie)[4] et en 2009 qu'ils peuvent être retrouvés« dans tous les compartiments environnementaux, dont l'air, l'eau, les sols /sédiments et lebiote »[5]. Les taux maximaux (PEC[24]) de microparticules issues de l'usure des pneus dans les eaux de surface vont de0,03 à 56mg/L, grimpant de0,3 à 155g/kg de matière sèche dans lessédiments, deux milieux où ils peuvent être absorbés par des animaux,filtreurs notamment[5]. Une étude basée surCeriodaphnia dubia etPseudokirchneriella subcapitata a cherché à calculer la PNEC[25] et le ratio PEC/PNEC pour l'eau et les sédiments[5]. Ce ratio dépassait la valeur 1, ce qui signifie que ces particules présentent un risque pour les organismes aquatiques, suggérant qu'il serait utile de traiter ou gérer les particules de pneus usés notamment dans les eaux de ruissellement routières et urbaines[5]. En 2009, diverstests écotoxilogiquesen laboratoire (sur l'alguePseudokirchneriella subcapitata, deux crustacés :Daphnia magna,Ceriodaphnia dubia, et sur un poissonDanio rerio) ont confirmé ces risques à moyen et long termes pour trois types différents de pneus, aux concentration attendues dans l'environnement, ces effets écotoxiques et reprotoxiques ayant été attribuée au zinc d'une part et aux composés organiques lixiviés[22].
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