Héra ouHéré (engrec ancienattiqueἭρα /Hêra ou enionienἭρη /Hêrê) est unedéesse grecque antique et une des principales divinités des panthéons grecs. Sœur et épouse deZeus, elle est la reine des dieux et la déesse du mariage.
Son rôle dans les cultes et la mythologie se définit en grande partie en relation avec son époux. DepuisHomère, les poètes ont développé son image d'épouse jalouse et colérique, se disputant régulièrement avec son mari à la suite des infidélités de celui-ci, ou exerçant sa vengeance sur ses autres épouses et ses enfants, notammentHéraclès. Dans le culte, elle est une déesse majeure dès les débuts de l'histoire grecque, par sa place dans deux cités de premier plan,Argos etSamos, et aussi dans des cités d'Italie. Plusieurs rituels commémorent son union avec Zeus ou leur séparation temporaire, avant un retour à l'ordre établi. Héra a par ce biais un rôle majeur dans la stabilisation de l'ordre divin dominé par son frère et époux. Au quotidien, elle est invoquée parmi les divinités patronnant les rites de mariage et protégeant les épouses légitimes.
Son équivalent dans la religion romaine estJunon, qui a des attributions similaires. À l'époque moderne, elle est connue par le biais de sa contrepartie romaine, et comme la déesse irascible des mythes grecs.
L'étymologie deἭρα /Hêra reste discutée : certains recherchent son origine dans le lexique deslangues indo-européennes, d'autres dans la composante « préhellénique »/« minoenne », dont la langue est inconnue[2]. La recherche moderne aprèsFranz Rolf Schröder a notamment rapproché ce nom divin (théonyme) d’ὥρα « saison, printemps », « année »[3]. Le nom d’Héra est ainsi interprété à partir du nomindo-européen de l’année*yērā-, présent dans l'anglaisyear et l'allemandJahr[4]. Il serait à interpréter comme « déesse de l'année ». Mais d'autres interprétations traduisent ce nom par « la femme mûre pour le mariage », « jeune vache »/« génisse », ou encore « Maîtresse », féminin deHéros qui signifierait « Maître »[5],[6].
Lesépithètes homériques d'Héra sontThea leukôlenos « déesse aux bras blancs » (la blancheur de peau étant symbole de beauté), qui est également employée pour des mortelles (Andromaque,Hélène,Nausicaa)[7],[8],Boôpis « aux yeux de vache »[7] ou « aux grands yeux » (un regard intense ?)[8],Potnia « dame », « maîtresse »[7] et, moins souvent,Khrusothronos/Chrysothronos « au trône d'or »[7] (voire « drapée d'or » ; ou un sens renvoyant aux fleurs,throna[9]). Elle est également appelée deux foisArgeia, « d'Argos »/« Argienne », référence à un de ses principaux sanctuaires[10].
Dans le culte, ses épithètes (ouépiclèses) les plus courantes sontTeleia « l'accomplie », lié à son rôle de déesse du mariage (la complétude du mariage)[11],[12],[13] etBasileia « royale », « la reine », qui renvoie à son statut de reine de l'Olympe[14]. D'autres épithètes cultuelles moins courantes voire isolées renvoient à la sphère du mariage :Zygia « celle qui unit »,Gamostolos « celle qui prépare les noces »[12],Nympheuomene « fiancée conduite au mariage »[15].
D'autres épithètes attestées localement sont, par exemple : àPérachoraAkraia, « de la hauteur », « de l'éperon rocheux » etLimenia « du rivage », « du port », liées à la topographie du sanctuaire de la déesse[16] ; àArgos on trouveAnthéia « la fleurie », dans la ville basse, et à nouveauAkraia, dans la ville haute[17] ; àCrotoneHoplosmia « armée », qui renvoie manifestement à une fonction martiale[18].
Héra est souvent considérée comme dérivée d'une « Grande Déesse », ou de l'amalgame de plusieurs déesses puissantes des temps préhelléniques (minoens ?), qui aurait été adoptée par les Mycéniens et associée au grand dieu européen du Ciel diurne,Zeus[19],[20].
Tablette dePylos enregistrant les offrandes à Zeus, Héra et Drimios.XIIIe siècle av. J.-C.,Musée national archéologique d'Athènes. Traduction partielle :« Pylos accomplit une cérémonie au sanctuaire de Zeus, et apporte des cadeaux, et mène des « porteurs » : pour Zeus, 1 BOL en ARGENT (?), 1 HOMME ; pour Héra, 1 BOL en ARGENT (?), 1 FEMME ; pour Drimios, fils de Zeus, 1 BOL en ARGENT (?)[21] ».
Le couple apparaît en tout cas déjà dans les tablettes mycéniennes duXIIIe siècle av. J.-C. (son nom est alors écrit de manière syllabiqueE-ra), notamment en association dans un sanctuaire dePylos, avec aussi un dieu nommé Dirimijo/Drimios qui semble être leur fils. Héra pourrait alors connaître une affirmation au détriment d'une autre déesse qui est elle aussi mise en couple avec Zeus dans une autre tablette mycénienne, Diwjai/Dia, qui est éclipsée par la suite. Cette progression serait liée au fait qu'Héra est une déesse majeure de la région deMycènes (la futureArgolide), qui semble alors avoir une position politique dominante[22].
La recherche du rôle « originel » d'Héra a suscité de nombreuses propositions, qui restent très hypothétiques[23].Károly Kerényi l'interprète dans sa relation à Zeus, comme l'archétype de la femme et de l'épouse[24]. D'autres ont en revanche cherché à la détacher de Zeus, en supposant que son association à ce dernier n'est intervenue qu'après sa prise en importance et qu'elle en était donc initialement indépendante. Certains y voient une déesse de la fertilité voire une figure chthonienne, ou encore une donneuse de vie. Joan V. O'Brien, qui retient l'idée que la déesse est originellement associée à l'année et au printemps, a proposé qu'Héra soit une ancienne divinité majeure de l'âge du bronze, une figure complexe liée au cycle des saisons et aux forces de la nature, avec des aspects chthoniens, garante de la fertilité et de la protection des communautés, qui aurait été progressivement transformée en épouse et sœur de Zeus de la religion grecque classique, « domestiquée » et moins puissante[25]. José L. García Ramón soutient que l'Héra originelle, avant son intégration dans le panthéon grec en tant qu'épouse de Zeus, représente l'individualisation divine d'au moins trois propriétés impliquées dans l'étymologie qu'il retient pour son nom : la jeunesse, (une période de) l'année (à savoir la bonne et florissante saison :ὥρα), et possède des liens avec les bovins. Le lien d'Héra avec la jeunesse se reflète dans sa filleHébé en tant que personnification de l'« (âge de) la jeunesse »[4].
D'autres spécialistes soulignent que ces propositions sont très conjecturales et ne servent pas à comprendre les fonctions d'Héra aux époques pour lesquelles elle est bien documentée, quand elle apparait essentiellement comme une déesse de la souveraineté et du mariage intimement liée à Zeus[6].
Quoi qu'il en soit de ses origines, aux époques historiques les principales attributions d'Héra découlent de son lien avec son frère et époux, Zeus.
En raison de son statut de roi des dieux, elle est elle-même la reine des dieux et une figure souveraine. Épouse du plus grand des dieux, elle est la déesse du mariage par excellence. Enfin, sa relation houleuse envers son mari volage se traduit par sa jalousie et ses colères qui font le bonheur des poètes grecs, les crises dans sa relation avec Zeus servant à réaffirmer le statut dominant de celui-ci.
Une partie des spécialistes de la religion grecque ont réduit la déesse au statut d'épouse (colérique) de Zeus, à l'image deM. Nilsson[26]. Parmi les actuels, V. Pirenne-Delforge et G. Pironti s'intéressent principalement à l'« Héra de Zeus », cette relation étant vue comme essentielle pour définir sa place dans le monde divin en tant que souveraine et épouse, ses domaines d'intervention, en cherchant aussi à donner une interprétation plus complexe de ses colères et des disputes avec Zeus, souvent réduites dans la recherche moderne à des crises de jalousie et des scènes de ménage[27],[28],[29],[30]. Cela s'oppose à d'autres interprétations qui ont cherché à dresser l'image d'une déesse moins dépendante de son époux, au profil diversifié et aux attributs multiples en plus du mariage (la fertilité, les bovins, les forces chtoniennes, la navigation, etc.)[31],[32].
Héra est une déesse souveraine, la reine de l'Olympe et des divinités grecques[33]. Le poète lyriquePindare la définit comme la « reine des dieux » (NéméennesI, 37-39). Cela est évidemment lié à son statut d'épouse du roi des dieux,Zeus. Une de ses épithètes les plus communes estBasileia (aussiBasilis), « Royale », « la Reine », contrepartie féminine deBasileus, « Royal » « Roi », surtout employé pour Zeus[14]. La mythologie, en premier lieu l’Iliade, la présente comme une déesse très puissante, dominatrice, capable d'être une conseillère comme une adversaire de Zeus, certaine de sa position et de ses prérogatives, qui s'impose aux autres par son ascendant et si besoin par sa force physique (Artémis), commande à d'autres dieux (sa messagèreIris, lesHeures,Hélios,Hypnos)[34].
SelonJ.-P. Vernant,« comme épouse de Zeus, Héra ne patronne pas seulement l’union légitime ; par l’intermédiaire du roi des dieux, elle est associée au pouvoir souverain qu’elle peut octroyer, en quelque sorte indirectement, par le biais de cette couche royale qu’elle partage avec son mari. » Cela explique pourquoi le présent qu'elle propose àPâris lors de son jugement est la souveraineté :« Héra seule s’engage à lui assurer ce qu’elle ne possède pas en propre mais dont elle participe par son union avec Zeus : la souveraineté. Comme le formule très clairement Euripide (Iphigénie à Aulis, 900) : « Cypris (Aphrodite) se prévalait des désirs, Athéna de sa lance, Héra du lit royal de Zeus souverain. » »[35],[36]
Les différentes tensions qui émaillent les relations entre Héra et Zeus dans la mythologie ont également un lien avec son rôle de déesse souveraine, car ils permettent à la déesse de constamment réaffirmer sa position de reine et de partenaire incontournable de Zeus[37]. En lien avec cette position, elle a une beauté majestueuse et royale, qui est reprise dans l'art[38].Platon dans sonPhèdre (253b) prétend que ceux qui vénèrent Héra cherchent l'amour sous une forme royale[39].
Elle est associée au trône, symbole de la royauté. Elle est diteChrysothronos, « au trône d'or ». Son filsHéphaïstos réalise pour elle un trône d'or, qu'il lui offre.Pindare la surnommeHomothronos, « qui partage le trône (de Zeus) » (NéméennesXI, 1-2), ce qui prolonge le fait qu'ils partagent le lit nuptial[40]. Son sanctuaire deDélos a livré des statuettes de femmes trônant[41]. Dans l'art, elle est souvent représentée assise sur un trône, notamment dans sa statue de culte d'un de ses principaux sanctuaires, àArgos, où elle tient également un sceptre surmonté par Zeus sous la forme d'uncoucou (car il l'aurait séduite sous cette forme selon une légende locale)[39]. Ce sont d'ailleurs en premier lieu ses attributs royaux qui permettent de la distinguer des autres déesses dans des scènes mythologiques telles que lejugement de Pâris[42].
L'épouse de Zeus est aussi la déesse du mariage, son principal champ de compétence dans le culte. Elle est la protectrice du mariage, de la vie maritale et des épouses légitimes[11],[43]. C'est de son lien avec Zeus qu'elle tient son statut de souveraine et de maîtresse de maison de l'Olympe, ce qui est en particulier évoqué dans la poésie grecque par le fait qu'elle partage la couche de Zeus (koite,lechos)[44] : un commentaire à l’Iliade dit ainsi qu'« elle est appeléeTeleia etSyzigos (épithètes liées au mariage) dans la mesure où, seule parmi ses sœurs, elle a obtenu pareil mari[45]. »
SelonM. Detienne,« dans la perspective d'Héra, l'épousée ne peut connaître de plus sûr accomplissement que de se voir identifiée à la couche d'où vont naître les enfants légitimes et où va prendre racine la semence d'une maison d'hommes[46]. ». Héra est donc l'incarnation d'un des fondements des sociétés grecques, en particulier à destination de leur composante féminine. Illustration de ce rôle, sa représentation sur un vase peint dans une scène nuptiale« signifierait la consécration des liens conjugaux sur lesquels est fondé l'ordre de la cité et l'allusion à sa chaste beauté garantirait la promesse d’une belle progéniture » (A. Kauffmann Samaras)[47].
Une de ses épithètes les plus courantes,Teleia, l'« Accomplie », renvoie à la complétude du mariage, au fait qu'une femme ne peut s'accomplir que dans le mariage, peut-être aussi à la maturité physique (par opposition à la jeune fille). Elle est également appliquée au masculin à son époux Zeus,Teleios, notamment dans des rituels où ils sont invoqués conjointement en lien avec le mariages[46],[11],[13]. Elle est également connue sous les épithètesZygia « celle qui unit », ou encoreGamostolos « celle qui prépare les noces »[12].
Les rituels dédiés à Héra font à plusieurs reprises référence à son mariage avec Zeus. Elle est plus particulièrement vénérée lors du mois du mariage, Gamelion[48],[12],[39]. Les spécialistes de la religion grecque parlent souvent à ce propos de « mariage sacré »,hieros gamos[11],[49], d'après le nom d'un rituel de ce type attesté àAthènes pour le mois de Gamelion (qu'une source isolée désigne par l'expression de sens voisinTheogamia). Ce rite semble particulièrement populaire, se déroule au niveau des dèmes et probablement aussi dans le cadre domestique, et voit les deux divinités être associées et célébrées comme les « magistrats (prytanes) du mariage » (Scholie àAristophane,Les Thesmophories, 973-976). Autrement, HéraTeleia fait partie des divinités invoquées par les Athéniens lors des rites de mariage[50]. Uneépigramme conservée dans l’Anthologie palatine (VI, 133) rapporte que juste après son mariage une certaine Alkibia offre à la déesse le voile qui couvrait ses cheveux lors de la cérémonie :
« Alkibia a consacré à Héra le voile qui enveloppait ses cheveux, après la célébration de son mariage légitime. »
D'autres rituels dessinent un cycle de la déesse, qui associent la jeune fille non encore mariée à l'épouse.Pausanias (VIII, 22, 2-3) évoque ainsi un ancien culte de la déesse, disparu au moment où il écrit (auIIe siècle), dans la cité deStymphale, un des lieux qui revendique d'avoir été l'endroit où la déesse a grandi avec son union avec Zeus. Selon ce qu'il rapporte, il y aurait eu là trois sanctuaires dédiés chacun à un aspect spécifique identifié par un nom révélateur du rôle de la déesse, renvoyant à différentes étapes de la vie féminine :Pais quand elle est encore jeune fille (vierge,parthenos),Teleia quand elle est mariée etChera après sa brouille avec Zeus. Ce dernier terme, souvent traduit par « veuve », renvoie en fait à la notion de vacuité et signifierait plutôt « séparée ». ÀPlatées, elle se dédouble entre laNympheuomene « fiancée conduite au mariage » et l'habituelleTeleia, et ce lieu voit le déroulement de grandes fêtes, lesDaidala, évoquant une dispute et une séparation d'Héra et de Zeus. Divers autres rituels et les mythes qui les expliquent évoquent une période de séparation d'Héra et de Zeus, suivant letopos qui veut que leur relation soit traversée de crises, et visent à aboutir à leur réconciliation[52],[53],[54].
« Dans l’ancienne Stymphale habita, dit-on, Téménos, fils de Pélasgos ; Héra aurait été élevée par ce Téménos, et il aurait fondé trois sanctuaires pour la déesse ; il lui aurait donné trois épiclèses : quand elle était encore vierge,Pais ; quand elle eut épousé Zeus, il l’appelaTeleia ; et quand elle se fut, pour une raison ou une autre, brouillée avec Zeus et qu’elle fut revenue à Stymphale, Téménos la surnommaChèra. Tels sont les récits des Stymphaliens dont j’ai eu connaissance sur la déesse. La ville, à notre époque, ne contenait rien des monuments cités »
La déesse a aussi par là une compétence « intégrative » selon V. Pirenne-Delforge et G. Pironti, visible dans ses différentes épithètes, donnant une place aux femmes dans la cité des hommes :« il s’agit de transformer à chaque fois, d’une génération à l’autre, uneparthenos (jeune fille vierge) en « épouse accomplie » (Teleia). Il s’agit d’intégrer à l’oikos (maison(née)) du mari un élément « exogène » et critique : unenumpheuomènè. La prise en charge de ce processus délicat est précisément l’œuvre de laTeleia. Et c’est d’une telle intégration que parle « le cycle d’Héra »[55]. »
Héra est souvent représentée comme une déesse en colère, impliquée dans des conflits motivés par la vengeance de son honneur bafoué. Si son mariage avec Zeus est essentiel pour ses fonctions de déesse royale et du mariage, il est loin d'être tranquille et est émaillé de disputes, de tensions voire de conflits et de séparations qui sont une autre caractéristique de la déesse. Dans les mythes, elle apparaît principalement comme une épouse jalouse, ciblant son époux, ses conquêtes féminines et la progéniture qui en est issue[56].
L'association des incartades de Zeus et de la colère d'Héra est un lieu commun de lamythologie grecque, mais la colère d'Héra ne se limite pas à la protection de son ménage et de sa position d'épouse du roi des dieux. À plusieurs reprises sa colère s'abat sur d'autres personnes qui ont porté atteinte à sa dignité, comme les filles deProétos qui l'ont moqué ouSidè qui prétend être aussi belle qu'elle. Il peut donc être considéré que la colère est un élément constitutif du profil divin d'Héra, que c'est une déesse dont le mode d'action est la colère et le conflit. Elle suscite des monstres contre les objets de sa fureur, notamment Zeus avecTyphon (dans une des variantes de ce mythe),Héraclès avec l'Hydre de Lerne et leLion de Némée. Les textes grecs qualifient cet aspect d'Héra avec des termes tels quecholos, la « colère », issu dechole « bile », « fiel », aussineikos eteris « dispute », « conflit »[57].
Mais il ne s'agit pas d'une colère destructrice et chaotique, puisqu'en fin de compte elle joue un rôle dans la recomposition du monde divin, du rapport avec Zeus et sa souveraineté. SelonW. Burkert,« les difficultés conjugales de Zeus et d'Héra, qui font le plaisir des poètes, sont le reflet de la tension interne propre à un ordre patriarcal qui sans cesse se réaffirme lui-même à travers son opposé[58]. » Plusieurs rites du culte d'Héra (comme lesDaidala dePlatées) ont pour point de départ et justification mythologique des crises profondes où l'ordre établi est abattu, et ont pour fonction d'apaiser la déesse afin de permettre le retour à l'ordre normal des choses[15].
La colère d'Héra se manifeste principalement en lien avec ses deux prérogatives principales, la souveraineté et le mariage, voire la fonction « intégrative » qu'elle aurait selon certains historiens (voir plus bas). La figure de la déesse ne peut donc être réduite à celle d'une femme jalouse et aigrie. Elle intervient quand elle doit protéger son foyer de potentielles rivales féminines et d'enfants illégitimes, mais sert aussi à donner une légitimité à certains des enfants de Zeus qui en fin de compte parviennent à intégrer la société olympienne une fois réconciliés avec sa reine (Héraclès etDionysos, aussi son propre filsHéphaïstos)[57]. Selon V. Pirenne-Delforge et G. Pironti, l’eris d'Héra intervient dans une crise qui contribue finalement à consolider l'ordre en place :« Héra est une figure emblématique de cetteeris structurante, dont l'action contribue au renouvellement périodique de l'ordre de Zeus[59]. »
Les compétences d'Héra s'étendent à d'autres domaines, souvent dans le prolongement de ses attributions principales, la souveraineté et le mariage. Certains de ces aspects, notamment ceux qui débordent de ce périmètre, font l'objet de discussions. Ils pourraient dériver du fait qu'elle est originellement une « grande déesse » préhellénique indépendante de Zeus[25] ou bien une divinité tutélaire très puissante en certains endroits, où elle protège les communautés dans divers domaines (prospérité économique, victoires militaires, initiations, etc.), sans forcément dépendre de Zeus[20].
Si elle est l'incarnation du mariage et des épouses légitimes, le corolaire de cette fonction, la maternité, est peu affirmée chez Héra[6],[60]. Dans les mythes, elle ne témoigne pas d'un attachement à ses filsArès etHéphaïstos, c'est même plutôt l'inverse. Selon W. Burkert,« sa féminité se limite en fait à la relation avec son mari : la consommation physique de l'amour, son avant et son après, le mariage et la séparation[61]. » En quelques endroits, elle semblerait cependant jouer un rôle dans la mise au monde des enfants, au moins en relation avec sa filleIlithyie, protectrice des femmes qui accouchent, aussi une fonction de courotrophe, protectrice des enfants et de leur développement (notamment les filles)[62],[11]. Ainsi des concours de beauté de jeunes filles (Kallisteia) ont lieu en son honneur àLesbos (évoqués par le poèteAlcée)[63].
Les rituels célébrant Héra en tant que déesse du mariage et son union avec Zeus présentent aussi un symbolisme végétal et animal qui semble avoir un lien avec la fertilité[6], qui se retrouve aussi dans le passage de l’Iliade (XIV, 347-349) narrant leur union sexuelle[64],[20]. Si on retient l'étymologie qui la relie aux saisons, elle pourrait plus spécifiquement être reliée à la période de l'année de la fleuraison (cf. son épiclèseAnthéia « la fleurie » àArgos), donc le printemps[4]. Un lien avec la terre et les forces chthoniennes a aussi été proposé[64].
Elle a un lien avec les bovins : sa sphère d'influence concerne souvent les plaine fertiles où broute le bétail, on lui sacrifie des vaches, et une de ses épithètes homériques estBoopis « aux yeux de vache »[64],[65].
Héra joue un rôle majeur localement dès l'époque archaïque, dans les cités d'Argos et deSamos, aussi en Italie méridionale (Métaponte,Crotone,Paestum) où, en plus de son association habituelle au mariage, elle apparaît comme la déesse protectrice de la communauté, en particulier de ses jeunes hommes, qui octroie prospérité et succès militaires[11],[20]. ÀLesbos où elle a également une position souveraine (associée àZeus et àDionysos), Héra est appelée par le poèteAlcéepanton genethla, « génitrice de tous ». Elle dispose d'un sanctuaire situé au centre de l'île, commun à ses différentes cités[66].
Héra prend aussi par endroits des aspects de déesse guerrière armée, notamment àPoseidonia où elle prend l'épiclèseHoplosmia (« en armes »), àCrotone où on lui offre des flèches en bronze, peut-être aussi dans des rituels de courses et processions en armes attestés à Argos et à Samos[18],[67],[68]. Elle pourrait avoir eu un rôle guerrier plus affirmé en Argolide, notamment en lien avec la protection qu'elle accorde aux héros dans les récits épiques et son statut de mère du dieu martial Arès[69].
Selon F. de Polignac, en tant que figure d'épouse souveraine, elle joue à ces époques un rôle dans l'intégration des éléments extérieurs, et plus largement la régulation des échanges entre les communautés grecques et l'étranger, ce qui expliquerait aussi son rôle important dans les fondations coloniales italiennes. C'est à cette compétence que renverraient les offrandes de maquettes de maisons (le domestique, l'intérieur) et de navires (l'étranger, l'extérieur) qui se retrouvent dans plusieurs de ses sanctuaires archaïques extra-urbains (Argos, Samos, Pérachora)[70]. Ce rôle « intégratif » d'Héra pourrait également se retrouver au niveau de la maisonnée, l’oikos, pour les femmes venues d'autres familles par un mariage[55].
Comme toute divinité d’une religionpolythéiste, Héra est loin d’être un être divin isolé, que ce soit dans les cultes, dans l'art ou dans la littérature. Ses compétences et attributions s'éclairent particulièrement par l'analyse de ses rapports avec certaines divinités avec lesquelles elle est le plus souvent mise en rapport, que ce soit en complémentarité ou en opposition, en premier lieuZeus, son statut d'épouse de ce dernier définissant sa place dans la société divine et dans les panthéons grecs. Son rôle de déesse du mariage s'éclaire également par sa confrontation avec les autres divinités agissant dans ce domaine.
Dans la religion et la mythologie, Héra est avant tout définie par sa relation àZeus, dont elle est à la fois la sœur, l'épouse et la reine. Ils forment le couple central de la famille divine grecque[73], et peuvent être vus comme l'archétype du couple marié[58].
« Une fois les Titans vaincus et Kronos emprisonné dans le Tartare, Zeus et Héra ont reçu la souveraineté sur le ciel et, liés comme ils sont l'un à l'autre, ils règnent encore aujourd'hui sur les dieux et les hommes »
— Scholie à l'Iliade AD I, 609 (trad. V. Pirenne-Delforge et G. Pironti)[45].
Héra est invariablement présentée comme l'épouse de Zeus, statut dont découle sa fonction de déesse du mariage.Hésiode dans saThéogonie (886-923) dit que Zeus s'unit à d'autres femmes avant elle[43],[74] :Métis,Thémis,Eurynomé,Déméter,Mnémosyne,Létô. Héra est la toute dernière épouse (921), celle à qui revient la place d'honneur dans le début de l’œuvre (10-12), l'« épouse définitive »[75], une union qui permet de stabiliser la société divine[76],[77]. À la différence de son époux elle lui est fidèle, en tant que« protectrice des mariages et des convenances[78]. »
« son épouse et sœur, celle qui par sa beauté l'emporte de beaucoup parmi les déesses immortelles, la glorieuse fille du subtil Cronos et de Rhéa la mère, la divinité vénérée dont Zeus aux desseins éternels fit son épouse accomplie et respectée »
— Hymne homérique à Aphrodite (trad. J. Humbert)[82].
Ce statut d'épouse légitime du patriarche et roi et de maîtresse de sa maison expliquent une grande part de ses actions dans la mythologie : elle protège son statut et ses prérogatives contre ses potentielles concurrentes, s'oppose aux enfants non légitimes et les admet après leur avoir fait passer des sortes d'épreuves. Elle apparaît alors comme la farouche gardienne de la légitimité et de l’intégrité de la famille olympienne, quand bien même il faut pour cela qu'elle s'oppose à Zeus[86]. Selon V. Pirenne-Delforge et G. Pironti, qui se sont plus spécifiquement intéressées à la figure de l'« Héra de Zeus », son « ennemie intime » :« force est de constater chez Héra, dans les récits qui la montrent aux prises avec Zeus, une tension vers le plein exercice du pouvoir et une revendication constante de son rôle de souveraine face à son divin époux. Les Grecs n'ont pas choisi de représenter l'épouse de Zeus face à l'ombre du roi. Ils ont privilégié l'image d'un contre-pouvoir qui ne cesse de lancer des défis à son partenaire, mais des défis dont la fonction, en dernière instance, est de réaffirmer la souveraineté de Zeus[37]. »
Le culte l'associe souvent à son époux Zeus. Elle possède un temple dans le grand sanctuaire de son mari àOlympie, lui apparaît dans ses grandes fêtes àSamos et àArgos, où sont notamment relocalisées les grandes fêtes de Zeus de Némée[58]. ÀDélos le temple d'Héra se trouve au pied dumont Cynthe, au sommet duquel se trouve un lieu de culte à Zeus (et à sa fille Athéna)[41]. Plusieurs rituels ont pour sujet leur mariage et ses soubresauts, notamment leur séparation temporaire. En Crète on célèbre leur mariage et il semble aussi qu'on le reproduise, alors qu'àPlatées on conjure leur séparation et on célèbre leur réconciliation lors desDaidala. EnAttique, Zeus est associé aux sacrifices adressés à Héra lors du mois des mariages,Gamelion, et porte alors l'épithèteHeraios, qui en fait le « Zeus d'Héra »[90].
Dans l'art, plusieurs représentations figurent Héra et Zeus côte à côte, notamment dans des scènes célébrant leur union, un « mariage sacré »,hiérogamie, selon l'expression consacrée. Ils sont notamment représentés conjointement sur les reliefs du temple E deSélinonte, dutrésor de Siphnos àDelphes, duParthénon d'Athènes, sur des vases attiques et italiques peints[91],[92].
Les sources grecques antiques donnent au couple royal olympien plusieurs enfants, mais comme bien souvent elles ne sont pas toutes en accord[93],[94],[95].
C'est aussi le cas d'Hébé la déesse de la jeunesse éternelle. Cette déesse peu présente dans le culte et les mythes est associée à la jeunesse mais aussi à la libération de prisonniers, ce qui renverrait aux prérogatives d'Héra. Dans la maisonnée de Zeus et d'Héra, elle a le rôle de la jeune fille de la maison, voire d'une servante. Elle est mariée àHéraclès lorsque celui-ci devient immortel et est définitivement accepté dans la famille divine[97],[98],[99],[94].
La déesse de l'accouchementIlithyie est associée à Héra parHomère, mais il ne dit pas qu'elle est sa fille. Ce statut apparaît en revanche chezHésiode. La situation est complexifiée par le fait que cette figure apparaît parfois comme un groupe de divinités les Ilithyies[100]. En tout cas Héra entretient une relation étroite avec cette dernière, dont elle contrôle l'action dans plusieurs mythes (accouchements d'Apollon et d'Artémis, d'Héraclès et d'Eurysthée)[101],[102],[103],[94].
Héra ne se définit donc pas par la maternité et les mythes ne la présentent pas comme une bonne mère, alors qu'elle est obnubilée par son statut d'épouse de Zeus et de reine des dieux[61],[60]. Cela s'inscrit dans une dynamique générale qui fait qu'Héra ne concurrence pas Zeus mais au contraire participe à conforter sa position de roi, et ainsi son propre rang de reine. Même si on intègre la tradition isolée selon laquelle elle est la mère de Typhon, elle ne lui donne pas un fils aussi puissant que lui, un héritier qui menace sa souveraineté comme il l'avait fait en s'élevant contreCronos, participant ainsi à la pérennité de son pouvoir. À la différence de ses prédécesseusesGaia etRhéa, elle ne se soulève pas contre son mari pour défendre la place de ses enfants lorsqu'ils sont lésés[108].
Les traditions post-hésiodiques attribuent à Zeus et Héra de nombreux autres enfants absents des catalogues « traditionnels ».Quintus de Smyrne, dans sesPosthomériques, leur reconnaît ainsi trois filles supplémentaires : la CharitePasithée et les déesses guerrièresÉnyo (les Batailles) etÉris (la Discorde). Lepseudo-Hygin, dans la préface de sesFables, mentionne également parmi leurs enfants Éleutheria (la Liberté). Par ailleurs, lesscholies àThéocrite citent le mimographe Sophron, qui dans un écrit intituléAngélos nomme ainsi une fille méconnue de Zeus et d'Héra, qui est plus ou moins identique àHécate. Enfin, bien qu'Homère ne le précise pas explicitement, la déesseAté, personnification de la fatalité et de l'égarement, telle qu'elle apparaît dans l’Iliade, où elle est nommée « la fille aînée de Zeus », a très probablement Héra pour mère, dont elle se montre la redoutable alliée au moment de la naissance d'Héraclès (Iliade,XIX).[réf. nécessaire]
Héra allaitantHéraclès. Détail d'un lécythe aryballisque apulien à figures rouges d'Anzi, v. 360-350 av. J.-C.Musée du Louvre.
Quant à son rapport aux enfants de Zeus qu'elle n'a pas enfanté, ils sont variables. Son animosité enversHéraclès etDionysos a certes fait l'objet de divers récits, mais après les avoir tourmenté elle joue un rôle central dans leur acceptation dans la famille olympienne, en tant que maîtresse de celle-ci. Selon V. Pirenne-Delforge et G. Pironti, son animosité fonctionne comme une épreuve débouchant sur leur intégration[86]. Elles soulignent le rôle symbolique de l'allaitement par Héra, qui devient en quelque sorte la mère de lait ou mère adoptive de dieux intégrés à l'Olympe. La mythologie rapporte cela pour Héraclès, et l'art représente à plusieurs reprises ce dernier allaité par Héra, ce qui participerait à sa divinisation[109],[110]. D'un autre côté, il n'y a pas d'opposition entre Héra et Athéna, qui sont au contraire souvent complices dans l’Iliade, en tant que soutien des Achéens contre les Troyens. Héra semble représentée sur des vases attiques de la naissance d'Athéna (mais il y a une possible confusion avec Ilithyie), et des textes mentionnant qu'elle se réjouit de sa naissance (Philostrate, Im,II, 27)[111].
Héra est la divinité qui patronne le mariage et la vie conjugale, mais elle n'est pas la seule dont les compétences s'étendent dans ce champ, lepolythéisme grec ne réservant pas l'exclusivité de ce domaine à une divinité en particulier. Les divinités du mariage sont invoquées de manière collective.Plutarque indique ainsi que les nouveaux mariés demandent protection àZeusTeleios, HéraTeleia,Aphrodite,Peitho (la Persuasion) etArtémis (Questions romaines, 264 B).Julius Pollux évoque des sacrifices pré-maritaux (protelia) adressés par des jeunes filles à HéraTeleia, Artémis et auxMoires (Onomasticon, 3, 38). Selon d'autres sources encore, lesNymphes,Déméter, lesCharites etHermès peuvent aussi intervenir, et à Athènes lesTritopatores, protégeant la continuité de la famille, et aussiAthéna, en tant que représentante de la communauté civique, pour laquelle le mariage est une affaire majeure. Les attributions de ces divinités ne se chevauchent pas forcément, et chacune semble invoquée pour jouer un rôle spécifique en lien avec le mariage. Héra, en particulier sous son épiclèseTeleia, est la figure centrale protégeant l'institution qu'est le mariage et son accomplissement. Artémis, déesse vierge qui patronne la vie des jeunes filles non mariées, est logiquement plutôt associée à ce qui précède le mariage, et sa compétence prend fin le jour des noces (pour revenir au moment de l'accouchement). Aphrodite, déesse de l'amour physique et de la passion, est associée à la sexualité entre les époux, l'accomplissement sensuel du mariage, domaine dans lequel Héra est moins présente[112],[113]. Lorsque des femmes deSparte font des offrandes à Aphrodite pour le mariage de leurs filles, la déesse porte l'épithèteHéra, qui la relie au mariage (Pausanias,Description de la GrèceIII, 13, 9)[114]. Mais il arrive que dans des contextes isolés une autre divinité prenne la place d'Héra : àLocres Epizéphyrienne, c'estPerséphone qui est la déesse du mariage (mais aussi de l'enfance et du développement des jeunes filles, qui relèvent en général des prérogatives d'Artémis) et son union avec Hadès est vue comme un mariage modèle[115].
Dans les représentations artistiques, Héra (souvent difficile à différencier de la romaineJunon qui reprend ses traits) est distinguée des autres divinités par des attributs permettant de l'identifier (quoi qu'on puisse la confondre avec d'autres, notammentDéméter), qui sont également attestés dans la littérature. Son apparence a pu être définie comme royale, hiératique, archaïsante ou matronale. Elle est souvent coiffée d'une chignon, porte une tunique,peplos, et un châle/manteau,himation, qui peut être rabattu sur sa tête comme un voile. Elle dispose de symboles royaux : diadème ou couronne (polos), lesceptre, elle est assise sur un trône. Ses autres attributs courants sont unegrenade et unephiale[116],[117], aussi l'hélichrysum et lelis, et lepaon[118].
Les plus célèbres représentations de la déesse, ses statues de cultes d'Argos, deSamos et d'Olympie, ont disparu et ne sont connues que de manière indirecte, par des copies sur des pièces de monnaie ou des descriptions littéraires (notammentPausanias). Elle peut être représentée sur un trône, ou debout. Il est possible qu'il faille retrouver Héra dans des types de statues que les historiens de l'art considèrent traditionnellement comme être celles d'autres déesses, comme l'Hestia Giustiniani et laDéméter de Cherchel. Dans l'autre sens, le type statuaire dit de l'Héra Borghese pourrait en fait représenterAphrodite[119],[120]. Comme d'autres divinités, dans le culte elle semble aussi avoir été figurée autrement que sous forme humaine (pilier, planche), représentations considérées comme archaïques[65]. Dans les représentations de divinités en groupe, des scènes mythologiques, elle apparaît principalement aux côtés deZeus, dans des scènes dites de « mariage sacré » (hieros gamos), ou dans des images de laGigantomachie et dujugement de Pâris[121].
Héra devient un personnage de fiction poétique dans l’Iliade d'Homère, qui lui donne un rôle important dans plusieurs passages, en tant que protectrice des intérêts desAchéens contre lesTroyens auxquels elle voue une haine tenace. Elle est alors souvent alliée àAthéna et aussi àPoséidon, opposée aux protecteurs des Troyens, notammentArtémis qu'elle humilie lors de lathéomachie (combat des dieux) où les dieux des deux camps en viennent aux mains. Sa relation avec Zeus, qui maintient une position de neutralité dans le conflit, est marquée par des tensions, qui indiquent clairement que le dieu craint le courroux de son épouse, et culminent dans la longue scène de la « tromperie de Zeus » (Dios apate) où elle le séduit de manière à permettre à Poséidon d'aider les Achéens. L’Iliade évoque aussi divers mythes l'impliquant, comme sa première union à Zeus, le moment où elle s'allie à Athéna et à Poséidon pour essayer de le renverser, et le châtiment qu'il lui inflige pour avoir failli causer la mort d'Héraclès. Elle est en revanche très peu présente dans l’Odyssée[122],[123].
Dans laThéogonie d'Hésiode, elle apparaît comme la dernière épouse de Zeus, celle qui règne à ses côtés[124]. Ce texte évoque aussi ses enfants et le fait qu'elle suscite des monstres contreHéraclès[122].
Unhymne homérique — groupe d'hymnes aux divinités grecques que la tradition a attribué à Homère, mais que la critique moderne considère plus tardifs et d'auteurs inconnus — est consacré à Héra et à sa grandeur et son statut royal :
« Je chante la fille de Rhéa, Héra au trône d'or, la reine immortelle à la beauté sans égale, épouse et sœur à la fois de Zeus tonnant, la déesse glorieuse que, dans le vaste Olympe, tous les Bienheureux révèrent et honorent à l'égal de Zeus qui aime la foudre »
Mais sa mythologie est surtout développé dans les hymnes homériques d'autres dieux. Celui consacré àApollon (305-354) rapporte ainsi la version du mythe deTyphon selon laquelle c'est Héra qui engendre le monstre[78],[7]. Celui dédié àAphrodite chante sa beauté (40-44)[126].
On trouve dans les poèmes épiques archaïques l'image de la déesse souveraine, jalouse, colérique et conflictuelle, son rapport avec Zeus marqué par diverses disputes mais aussi un lien qui les rend inséparables dans une relation qui leur permet de réaffirmer leur statut. Les poètes des périodes suivantes reprennent cette vision de la déesse[78],[127].Alcée etSappho, poètes deLesbos où la déesse dispose d'un important sanctuaire, l'évoquent chacun dans un de leurs poèmes, en lien avec son époux[128].Eschyle la met en scène dans satragédieSémélé, connue uniquement par des fragments, dans son rôle d'épouse jalouse fomentant la perte d'une amante de son mari[129].
Quelques récits s'intéressent à l'enfance de la déesse, l'identité des personnes qui l'ont élevée variant selon les sources, et aux premiers moments du couple divin, qui aurait scellé son union avant même son mariage.
À la suite du récit de laThéogonie, il est généralement considéré qu'Héra est, comme ses frères et sœurs à l'exception de Zeus, avalée par Cronos aussitôt après sa naissance. Mais il semble avoir existé des variantes dans lesquelles Cronos n'avale pas ses filles[130].
L’Iliade (XIV, 295-296) fait allusion à la première fois oùZeus et Héra s'unissent, à l'insu de leurs parents. Deuxscholies (notes explicatives, commentaires du texte) ont développé cette histoire. Une première (ΣbT) explique qu'Héra est fiancée à Zeus parOcéan etTéthys après que Cronos ait été envoyé au Tartare ; en secret, les deux fiancés s'unissent sur l'île deSamos. Héra donne naissance à Héphaïstos et, pour cacher sa honte, prétend qu'il est né sans père. L'autre scholie (ΣAb) indique qu'Héra est enlevée etviolée par leGéantEurymédon alors qu'elle se trouve encore chez ses parents[131].
D'autres mythes locaux, qui ont souvent une fonctionétiologique (expliquer l'origine d'un rituel), proposent leur version de la première union, pré-nuptiale, d'Héra et de Zeus. Une version rapporte que la déesse aurait été élevée enEubée par la nympheMakris, et l'île comprend trois lieux revendiquant d'être l'endroit où le couple aurait consommé son amour pour la première fois. Une autre tradition situe cet événement àHermione, au sud de l'Argolide. Zeus, pris d'amour à la vue d'Héra, se serait métamorphosé en coucou pour la séduire. Il parvient à s'approcher d'elle et reprend sa forme pour lui faire l'amour. Le lieu, le mont Thornax, a dès lors été surnommé « montagne du coucou ». EnBéotie, la tradition locale considère qu'Héra et Zeus ont fait l'amour pour la première fois sur lemont Cithéron, où le dieu aurait emmené la déesse depuis l'Eubée, lieu où se déroule la grande fête desDaidala (voir plus bas). Une légende crétoise rapportée parDiodore de Sicile (Bibliothèque,V, 72) considère en revanche qu'ils se seraient mariés avant de consommer leur union, sur la rivière Théren, près deCnossos, où se tient un sanctuaire servant de lieu à un rite commémorant ce mariage. D'autres traditions situent leur première union àSamos et àNaxos[132].
Les noces solennelles d'Héra et de Zeus sont seulement évoquées dans un fragment dePhérécyde de Syros, qui le situe auJardin des Hespérides. Les dieux y apportent des présents aux mariés, notammentGaia qui offre l'arbre aux pommes d'or[133],[43].
Les poètes et mythographes rapportent plusieurs récits de disputes entre Héra et Zeus, qui pour plusieurs sont reliés aux remous causés par les infidélités du roi des dieux.
L’Iliade est la plus prolixe en altercations au sein du couple royal et décrit une situation dans lequel le conflit entre Zeus et Héra fait partie de l'ordre des choses. Ce récit est propice aux tensions au sein de la société divine, puisqu'elle se divise en deux camps, l'un soutenant lesAchéens, l'autre lesTroyens, alors que Zeus maintient une position de neutralité tout en ayant un rôle majeur dans l'issue du conflit et le destin de ses belligérants. Une discussion entre les dieux au début de l’œuvre (I, 535-610) est dominée par un débat entre Zeus et Héra. Cette dernière fait partie avecAthéna etPoséidon des alliés des Achéens, et cherche à ce que son époux lui divulgue ses plans de manière à pouvoir agir pour le mieux, lui remémorant qu'elle est celle qui le connaît le mieux et donc la plus à même de percer ses intentions. Elle apparaît donc sous un jour polémique. Son époux n'est pas dupe, et cherche à contrecarrer ses interventions, lui rappelant qu'elle ne peut avoir connaissance de ses volontés, et la menaçant si besoin, en lui rappelant les punitions qu'il lui a infligées par le passé.Héphaïstos parvient à apaiser sa mère en lui rappelant qu'il ne vaut mieux pas s'opposer au plus puissant des dieux[134]. Son épouse lui sert aussi de conseillère quand il doit accepter la mort de son filsSarpédon au combat (XVI, 443)[135].
Parmi les épisodes marquants, l'épopée rapporte une rébellion fomentée par Héra (I, 395-406), dont on trouve des développements chez des commentateurs[136],[137]. Exaspérée des incartades de Zeus, ou en raison de son orgueil, elle décide de demander l'aide des autres dieux et parmi eux les enfants de Zeus pour punir le dieu volage. Ils projettent de ligoter Zeus pendant son sommeil avec des lanières de cuir pour l'empêcher de séduire les mortelles de la Terre, en tout cas, dans l'esprit d'Héra peut-être. De ce complot, participent les dieuxPoséidon etApollon et ajoute-on quelquefoisAthéna. Mais laNéréideThétis envoie l'HécatonchireBriarée, aux cent mains, ainsi que les hommes venus deAigaion[138] pour les en dissuader, ils sont plus forts que les dieux. Héra est ligotée par Zeus, tout comme Athéna, alors que Poséidon et Apollon sont envoyés travailler chez le roiLaomédon construire le mur deTroie[139].
Un long passage de l’Iliade (XIV, 153-360) qui a suscité de nombreux commentaires sur les rapports entre Héra est Zeus est la « tromperie de Zeus » (Dios Apate). Pour braver l'interdiction faite par Zeus aux dieux d'intervenir sur le champ de bataille opposant Achéens et Troyens, la déesse élabore un stratagème qui consiste à le séduire pour détourner son attention et permettre àPoséidon de se rendre sur le lieu des combats. Elle obtient d'Aphrodite un ruban qui détient le pouvoir de charmer quiconque, en utilisant pour prétexte la réconciliation deTéthys et d'Océan. Elle s'assure aussi l'appui du dieuHypnos, qui doit endormir Zeus une fois qu'elle l'aura charmé. Son plan fonctionne : aussitôt qu'il l'aperçoit alors qu'il est sur lemont Ida, Zeus tombe sous le charme de son épouse, se remémore leurs amours de jeunesse, succombe à son désir. Leur union sexuelle a un pouvoir fertilisateur qui permet à la nature de s'épanouir. Lorsqu'il se réveille, il réalise la tromperie et répète sa menace à l'encontre de ceux qui interviennent sur le champ de bataille, rappelant à Héra le moment où il l'a suspendue dans les airs[140],[141]. Cet épisode donne en particulier un aspect érotique à la figure d'Héra, qui a suscité des critiques dès l'Antiquité (parPlaton et parPlutarque) car la déesse s'éloigne de l'image d'épouse respectable qui est la sienne, pour plutôt ressembler à Aphrodite, et aussi des interprétations allégoriques sur la sexualité du couple royal divin, Zeus s'apaisant une fois qu'il a émit sa semence dans son épouse. Des interprètes modernes y ont vu une allégorie de l'union entre le Ciel et la Terre. On y retrouve assurément les thèmes récurrents dans les relations entre Héra et Zeus : les défis que lance la déesse à l'autorité de son époux par divers stratagèmes, leur union commémorée dans de nombreuses traditions rituelles (la déesse reprenant temporairement son rôle de jeune fille,nymphè), leur réconciliation dans le lit conjugal[142].
Héra, promptement, parvint au Gargaros, cime du haut Ida. Zeus qui rassemble les nuages la vit. Quand il la vit, l'amour recouvrit ses denses pensées, comme la première fois qu'ils s'unissaient d'amour, lorsque, à l'insu de leurs parents, ils se rendaient au lit.
Et le fils de Cronos (Zeus) saisit dans son étreinte celle qui partage son lit. Pour eux, la terre divine fit pousser l'herbe d'un nouveau printemps, et le lotus ouvert de rosée et le crocus et la jacinthe dense et souple, qui, la couvrant, protège de la terre. En ce lieu ils couchèrent, revêtus d'une nuée belle et dorée, d'où, scintillantes, tombaient les gouttes de rosée. Ainsi, sans bouger, le Père dormait sur la cime extrême du Gargatos, vaincu par le sommeil et l'amour, étreignant celle qui partage son lit. L'exquis Sommeil (Hypnos) alla vivement vers les bateaux des Achéens dire la nouvelle au dieu qui tient la terre et secoue la terre (Poséidon).
Dans le passage qui suit (XV, 18-22), Zeus reproche à sa femme de l'avoir trompé et lui rappelle un châtiment qu'il lui a infligé autrefois alors qu'elle persécutait Héraclès (aussi rapporté par lePseudo-Apollodore). Le passage est connu des anciens sous le nom de « châtiment d'Héra » et des critiques contemporains sous le nom de « pendaison d'Héra ». Héra, est toujours prête à nuire àHéraclès : aussi, lorsque les Grecs prennent la mer pour leur départ après avoir détrônéLaomédon et pillé sa villeTroie, elle enjoint le sommeilHypnos d'endormir Zeus de façon à jeter des calamités sur son magnanime fils. Et, sur la mer stérile, elle répand le vent tempétueux deBorée qui pousse Héraclès vers le Sud et l'île très peuplée deCos. Zeus s'éveillant indigné de cette ruse, dans une colère terrible, disperse tous les dieux et chercheHypnos pour le précipiter du haut du ciel, celui-ci est sauvé par l'intervention de la nuit,Nyx. Zeus jette néanmoins du haut du cielHéphaïstos, le fils d'Héra, et, quant à elle, le dieu des dieux la suspend avec une enclume à chaque cheville et des chaînes d'or solides aux mains sous le regard douloureux des autres dieux qui prudemment restent figés[145]. La recherche moderne interprète cet épisode comme une refonte d'une scène de punition mythologique, une relique d'uneTitanomachie plus ancienne dans laquelle le mot « enclume » signifiait à l'origine « tonnerre »[146],[147]. Pour Michael J. Enright et Anthony J. Papalas, le « châtiment d'Héra » est un épisode de « justice cosmique »[148].
Machine à Mal, Héra l'encombrante, ta ruse a mis hors de combat le divin Hector et paniqué ses hommes. Je me demande si tu ne seras pas la première à souffrir de cette mauvaise intrigue et si tu ne seras pas fouettée. Tu ne te souviens pas du jour où tu étais pendue là-haut ? À tes pieds, j'avais mis deux enclumes et jeté de tes mains un lien d'or, incassable. Et toi, dans l'éther et les nuées, tu pendais. Les dieux se fâchaient dans le grand Olympe ; ils ne pouvaient s'approcher et te délivrer. (...) Souviens-t'en, afin d'arrêter les tromperies, et de savoir quel profit tu vas tirer de l'amour et du lit où tu vins loin des dieux t'accoupler pour mieux te tromper.
Hors de l’Iliade, une tradition dont la plus ancienne version se trouve dans l’Hymne homérique àApollon (305-355) rapporte qu'Héra enfante seuleTyphon, monstre que doit affronter Zeus pour maintenir sa souveraineté sur le monde divin. Dans la version rapportée parHésiode dans saThéogonie, Typhon est engendré parGaia. Dans l'hymne à Apollon, cette dernière répond à l'appel d'Héra, qui souhaite se venger du fait que le roi des dieux ait enfanté Athéna tout seul en donnant naissance à un être qui surpassera Zeus. Lorsqu'elle accouche de cet enfant, il ne ressemble ni à un dieu, ni à un homme. Elle décide de le laisser à Python pour qu'il l'élève. Cette version se retrouve chezStésichore, mais par la suite la version d'Hésiode de la naissance de Typhon s'impose[150],[151]. On retrouve divers thèmes habituels liés aux rapports houleux entre Zeus et Héra : la colère de la déesse liée à une enfant de Zeus qui n'est pas d'elle étant le point de départ de sa vengeance, qui amène un péril mortel pour l'ordre olympien. La déesse elle-même, et sa séparation temporaire du roi des dieux, est donc une menace cosmique. Zeus parvient néanmoins à vaincre le monstre et à réaffirmer sa position souveraine : la colère d'Héra a contribué au renouvellement de l'ordre de Zeus[152].
D'autres récits mythiques explorent la thématique de l'enfantement par Héra seule, à la suite de disputes avec Zeus et en défi envers lui, aussi dans une réflexion sur le corps féminin et ses pouvoirs. Les traditions rapportant qu'Héra a enfantéHéphaïstos seule, évoquées plus haut. Dans la littérature tardive, d'autres récits similaires concernent deux autres enfants généralement considérés comme la progéniture du couple divin :Arès, engendré avec une semence provenant de la fleur qui pousse au jardin de Flore ;Hébé, cette fois après avoir mangé une laitue[153].
Lorsqu'elle se dispute avec Zeus pour savoir qui de l'homme ou de la femme connaît le plus de plaisir lors d'une relation sexuelle, elle accepte queTirésias, qui avait été femme puis homme, juge la querelle. Mais lorsque celui-ci donne raison à Zeus, elle se venge en le frappant de cécité, que son mari commence en donnant à Tirésias des pouvoirs divinatoires sans pareils et une vie longue[154].
Lucien de Samosate (IIe siècle ap. J.-C.) consacre deux de sesDialogues de dieux à Héra et Zeus : un premier où la déesse reproche à son époux non seulement de s'être épris du jeuneGanymède, mais de l'avoir fait résider dans l'Olympe, à la différence de ses autres conquêtes, pour qu'il lui serve d'échanson, ce à quoi Zeus répond qu'il ne le servira que lui et qu'elle se fasse servir par Héphaïstos ; un second à propos de la passion qu'Ixion éprouve pour la déesse, et de la tromperie que lui réserve Zeus (le faire s'unir à une nuée ressemblant à Héra), qui ne plait guère à la déesse et appelle sur lui un châtiment plus grave encore (évoqué parPindare,PythiquesII 21-43 et lePseudo-Apollodore,Épitomé,I, 20)[155].
« ZEUS — Faisons avec une nuée un fantôme qui te ressemble. Quand le festin sera fini et que l'amour, suivant toute apparence, le tiendra éveillé, nous irons le coucher près de lui. Par ce moyen, il cessera de souffrir, en croyant tenir l'objet de ses vœux. HÉRA — Ah, fi Je ne veux pas qu'il réalise des désirs qui sont au-dessus de sa condition. ZEUS — Ne sois pas si intraitable, Héra. Quel mal peux-tu craindre de ce fantôme, puisque c'est une nuée qu'Ixion caressera ? HÉRA — Mais cette nuée, il croira que c'est moi, et c'est à moi que s'adressera son honteux amour, trompé par la ressemblance. ZEUS — Ce que tu dis là ne signifie rien ; car la nuée ne sera jamais Héra, ni toi, une nuée. Ixion seul sera trompé. HÉRA — Mais comme tous les hommes manquent de discrétion, il se vantera sans doute, une fois redescendu sur la terre, et racontera à tout le monde qu'il a possédé Héra et couché dans le lit de Zeus. Peut-être même dira-t-il que je l'aime, et les hommes le croiront, ne sachant pas qu'il n'a possédé qu'une nuée. ZEUS — Eh bien, s'il tient de tels propos, il sera précipité dans l'Hadès, le misérable, et, attaché à une roue dans laquelle il tournera sans cesse, il sera condamné à un supplice éternel et portera la peine, non de son amour, faute légère, mais de sa vantardise »
— Lucien de Samosate (trad. É. Chambry, É. Marquis et A. Billault),Dialogues des dieux[156].
La majorité des mythes liés à Héra portent sur son attitude vis-à-vis des nombreuses aventures extraconjugales de Zeus : le plus souvent présentée comme une épouse jalouse, qui se plaît à persécuter certaines des maîtresses de Zeus et leur progéniture (principalementHéraclès,Sémélé etDionysos,Io)[56].
Héraclès, né de Zeus et de la mortelleAlcmène, est sa principale victime dans les récits mythologiques, bien que son nom signifie de manière paradoxale « Gloire d'Héra » (ce qui était vu comme un incongruité dans l'Antiquité)[157],[158]. Plusieurs récits évoquent les tentatives d'Héra de lui nuire à sa naissance. Le premier est évoqué dans l’Iliade (XIX, 95-125). Zeus souhaitait que son fils devienne roi deMycènes, et annonce aux autres dieux que le nouveau-né de sa lignée qui naîtra le jour prévu pour la naissance prévue pour Héraclès serait roi. Mais un autre prétendant de la lignée desPerséides, donc aussi un descendant de Zeus doit naître peu après Héraclès. Avec l'aide desIlithyies qui patronnent aux accouchements, Héra repousse la venue au monde d'Héraclès et avance celle de son concurrent,Eurysthée, pour qu'elle tombe le jour prévu. Zeus, forcé de respecter sa parole, doit s'incliner. Lorsqu'Eurysthée prend le pouvoir, Héraclès est son subordonné, et la haine qu'il éprouve envers lui le force à passer l'essentiel de son temps loin de son pays[159].
Ce n'est que le début des tentatives d'Héra de se débarrasser d'Héraclès, qui sont néanmoins toutes contrecarrées. Alors qu'il est encore au berceau, elle dépêche deux serpents pour le tuer, mais il est déjà suffisamment fort pour les étrangler[160]. Un autre récit relate comment Héraclès tète le sein d'Héra étant enfant, connu par divers auteurs (Lycophron, (Pseudo-)Ératosthène,Diodore de Sicile,Pausanias,Hygin) et des images. Dans la version attribuée à Ératosthène, être allaité par la déesse est indispensable à tout fils de Zeus qui souhaite accéder à la divinité. Hermès (Zeus chez Pausanias) place donc l'enfant auprès de la déesse de manière à ce qu'elle l'allaite (la version d'Hygin ajoute qu'elle est alors endormie). Quand elle remarque cela, la déesse repousse le bébé, le lait projeté devient laVoie lactée. Diodore de Sicile donne une autre version :Alcmène abandonne son enfant par crainte d'Héra, mais par hasard celle-ci etAthéna tombent sur le nouveau-né, dont elles ignorent alors l'identité, Athéna persuade Héra de l'allaiter. Héraclès tète avec tellement de force que la déesse le repousse, et Athéna le ramène à sa mère. Cet épisode est représenté sur plusieurs vases et miroirs, dans certains cas le demi-dieu est déjà adulte et Héra consentante. L'allaitement par Héra sert manifestement à justifier la future entrée d'Héraclès dans l'Olympe[161]. La rivalité se poursuit lorsqu'Héraclès est devenu adulte : Héra envoie encore Lyssa, fille de laNuit, déesse de la Folie furieuse, afin d'inspirer une folie sanguinaire à Héraclès, qui tue ses enfants puis sa femme en les prenant pour ceux de ses ennemis (Euripide,Héraclès, 868-873 ; aussi chezPseudo-Apollodore et Diodore)[162]. Selon Diodore, c'est après avoir fait le deuil de sa femme et de ses enfants qu'Héraclès se lance dans sesDouze Travaux[163]. Il subit encore l'hostilité d'Héra après cela.Hésiode dit que la déesse élève l'Hydre de Lerne et leLion de Némée pour qu'ils soient un danger à Héraclès[164].
La réconciliation entre Héra et Héraclès se produit après que celui-ci est devenu immortel et est admis dans la société olympienne. Pour sceller son intégration, il obtient la main de la déesseHébé, fille de Zeus et d'Héra. Ces noces sont représentées dans l'art[171],[172].Diodore de Sicile (IV, 39, 2) ajoute que la déesse adopte Héraclès[171],[173].
« Il nous faut ajouter aux récits déjà faits qu'après son apothéose, Zeus persuada Héra d'adopter comme fils Héraclès et de lui montrer une affection maternelle pour la suite de tous les temps ; cette adoption se fit, dissent-ils, ainsi : Héra montée sur un lit, prit contre son corps Héraclès et, à travers ses vêtements, le laissa tomber sur le sol. C’ est ce que font de nos jours les barbares, quand ils veulent adopter un fils. Après cette adoption, Héra, content les mythes, maria Héraclès à Hébé, que le poète représente aussi dans la « Nékya » : « Ombre, mais lui, parmi les dieux immortels, séjourne dans la joie des festins et il a Hébé aux belles chevilles. » »
Selon V. Pirenne-Delforge et G. Pironti, cela renverrait au rôle intégrateur d'Héra : sa colère aurait une fonction probatoire, les épreuves qu'elle fait passer à Héraclès lui permettant de prouver sa légitimité et d'être accepté par la reine de l'Olympe[175].« Elle n'est pas qu'une épouse jalouse poursuivant les « bâtards » de son époux, mais elle est la gardienne du seuil de la maison de Zeus et garante de l'identité pleinement immortelle et olympienne de ceux qui le franchissent. Quand ce profil est acquis par les fils de son époux, elle les « aime » pour le reste des temps[176]. »
Le sort deDionysos lors de sa venue au monde rappelle par bien des aspects celui d'Héraclès. Fils de Zeus et de la mortelleSémélé, la mort de sa mère avant même sa naissance est généralement attribuée aux manigances d'Héra. Cela est probablement déjà le cas dans la tragédieSémélé d'Eschyle, mais elle n'est connue que par des fragments qui ne permettent pas de trancher. C'est assurément le cas chez Diodore, Apollodore, Hygin et Ovide. Héra prend l'apparence d'une proche de Sémélé (sa nourrice Béroé chez Hygin et Ovide) pour lui suggérer de demander à Zeus de lui apparaître dans toute sa majesté divine, ce qui est fatal aux mortels[177],[178]. Selon Apollodore (III, 4, 3), Hermès confie Dionysos àIno, la sœur de Sémélé, et à son mariAthamas. En représailles, Héra les rend fous[179].
Héra intervient aussi dans la naissance d'Apollon et d'Artémis. Dans l’Hymne homérique à Apollon, elle retient la déesseIlithyie sur l'Olympe pour que leur mèreLétô ne puisse accoucher, avant que les autres déesses n'interviennent pour la faire venir à son insu. Dans la version plus courante, Héra fait en sorte que Létô ne puisse s'établir à aucun endroit pour accoucher, avant de pouvoir le faire sur la petite île deDélos[180].
Parmi ses autres victimes, la nympheIo. Elle est faite prêtresse d'Héra àArgos, et suscite le désir de Zeus qui parvient à ses fins. Plusieurs versions du récit existe, dans lesquels Io est transformée en vache, soit par Zeus pour la soustraire à Héra, soit par Héra pour la soustraire à Zeus. Dans tous les cas Héra la place sous la garde d'Argos Panoptès, gardien de troupeau sans pareil puisqu'il ne dort jamais et a des yeux sur tout son corps. Zeus charge Hermès de s'en débarrasser, et il parvient à le tuer par ruse. Selon le poèteMoschos, Héra aurait alors transféré les yeux de la victime sur le plumage dupaon, son animal fétiche. Quant à Io toujours sous la forme d'une vache, Héra envoie un taon qui la harcèle de manière à l'empêcher de rester au même endroit, la contraignant à une longue errance. Eschyle a donné dans sonProméthée enchaîné une description pathétique de l'errance d'Io, subissant les actes de Zeus et d'Héra. Finalement elle s'établit en Égypte où Zeus lui rend sa forme d'origine, et où elle lui donne un enfant,Épaphos. Selon un mythe rapporté par le Pseudo-Apollodore (II, 1, 3), manifestement inspiré du mythe égyptien d'Isis et d'Osiris, Héra ordonne auxCourètes de dérober l'enfant, contraignant Io à de nouveaux voyages pour le retrouver. Zeus tue les Courètes en les foudroyant, la mère et l'enfant sont réunis[181].
« PROMÉTHÉE : Comment ne pas prêter l'oreille à la jeune fille qui tournoie sous le vol du taon, à l'enfant d'Inachos, qui naguère échauffa d'amour le cœur de Zeus et qui aujourd'hui, par la haine d'Héra, est contrainte aux longues courses qui la brisent ? IO : Où donc as-tu appris le nom que tu prononces, le nom de mon père ? Réponds à l'infortunée : qui donc es-tu, misérable, pour saluer la misérable en termes si vrais, pour donner son nom au mal issu des dieux qui me consume et me taraude d'un aiguillon de folie vagabonde, hélas ! Dans l'infamie des bonds affamés dont la fougue m'emporte, j'arrive, victime des volontés rancunières d'Héra. Qui donc parmi les malheureux endure maux pareils, pareils, hélas ! à ceux qui sont les miens ? Est-il une issue, un remède à mon mal ? Montre-le-moi, si tu le sais. »
Une autre nymphe qui a suscité le désir de Zeus,Callisto, trouve la mort à la suite de manigances d'Héra (de manière différente selon les récits antiques)[183]. La nympheÉgine cause aussi la colère de la déesse après sa relation avec Zeus : les habitants de l'île sur laquelle Zeus l'a installée, qui a pris son nom (Égine), meurent tous, soit par une peste provoquée par la déesse (chezOvide), ou bien par le poison d'un serpent que la déesse fait rependre dans leurs sources (chezHygin)[184].
Lors de laGigantomachie, le GéantPorphyrion, atteint d'une flèche d'Éros à la demande deZeus qui souhaitait le distraire, tente de violer Héra. Zeus le foudroie alors, et il est achevé d'un trait empoisonné lancé parHéraclès[185].
Héra, avecAphrodite etAthéna, est l'une des trois déesses dont la querelle provoque laguerre de Troie : offensée tout comme Athéna par lejugement de Pâris, qui leur préfèreAphrodite en lui accordant lapomme d'or d'Éris, elle se montre une farouche ennemie des Troyens pendant laguerre de Troie. Dès après l'enlèvement d'Hélène parPâris, elle provoque une tempête faisant dévier leur navire de leur route vers Troie. Durant la guerre, elle est une protectrice des guerriers achéens, rôle mis en évidence dans l’Iliade. Son soutien se porte principalement versAchille (dont la mèreThétis l'avait élevée selon certaines traditions), et versMénélas qu'elle immortalise plus tard[118].
Héra est, avecAthéna, la protectrice du hérosJason. Après l’Iliade, la composition mythologique dans laquelle elle a un rôle important estLes Argonautiques d'Apollonios de Rhodes, qui raconte les aventures de Jason et de l'équipage de l'Argo. Elle voue une hostilité à l'oncle et ennemi de Jason, le tyranPélias régnant àIolcos, qui a oublié de sacrifier en son honneur. La colère de la déesse est l'origine des malheurs de ce dernier et des exploits de Jason. Pélias a reçu une prophétie lui disant qu'il serait menacé par un homme se présentant avec une seule sandale. Jason perd sa sandale en traversant le fleuve Anauros pour rejoindre un sacrifice à Poséidon réalisé par Pélias, qui réalise alors l'identité de la menace. La perte de la sandale est probablement provoquée par Héra, qui s'est métamorphosée en vieille femme pour mettre à l'épreuve les hommes qui voulaient traverser le fleuve, seul Jason acceptant de la porter pour la faire traverser. Elle lui inspire également l'idée d'aller chercher laToison d'or enColchide, et lui assure l'amour et le soutien deMédée, la princesse de ce pays. Elle apporte également son secours auxArgonautes à plusieurs reprises lors de leur voyage de retour[186],[187],[188].
D'autres récits la présentent sous son jour vengeur pour préserver son honneur et l'ordre : elle est la cause de la folie des filles deProétos, roi d'Argos, dans certaines versions de l'histoire (d'autres fois c'estDionysos), parce qu'elles ont moqué son temple d'Argos et prétendu que le palais de leur père était plus luxueux[189] ; elle envoie aux Enfers l'épouse d'Orion,Sidé, parce qu'elle s'était prétendue aussi belle qu'elle[190] ; elle est une des causes évoquées dans la littérature pour la présence dusphinx devant les murailles deThèbes, parce que le roi de cette cité,Laïos, avait causé la mort du jeuneChrysippe duquel il s'était épris et qui s'était suicidé, et n'avait pas été puni par les habitants de la cité[191].
Hérodote (I, 31) rapporte quant à lui son rôle dans la mort deCléobis et Biton, deux jumeaux d'Argos qui avaient conduit leur mère, prêtresse de la déesse, à l'Héraion d'Argos en tirant eux-mêmes le char sur 45 stades, pour qu'elle arrive à temps pour les festivités de la déesse. La mère demande alors à Héra de leur accorder la plus grande faveur d'un mortel pouvait recevoir. La déesse leur donne alors une mort paisible le jour même, dans leur sommeil alors qu'ils se reposaient après le banquet sacrificiel. Ils partent donc au sommet de leur piété. Le sageSolon, dont les paroles sont rapportées par l'historien, leur donne alors le second rang parmi les plus heureux des hommes[193].
Dans certaines interprétationsphilosophiques, Héra est perçue comme une allégorie de l'air.Empédocle,Platon dans leCratyle (par la bouche deSocrate) puis lesStoïciens ont souligné la forte ressemblance de son nom avec celui de l'air (aer), ce qui ouvre la voie à une conception de l'identité entre Héra et l'air, voire un lien entre la déesse et l'atmosphère. Le Pseudo-Héraclite (Allégories d'Homère, 40) conforte cette approche par une interprétation allégorique du châtiment d'Héra par Zeus décrit dans l’Iliade : elle est suspendue depuis le ciel, symbolisant l'éther, par une chaîne en or, avec aux pieds deux enclumes, symbolisant l'eau et la terre[194],[11].
« Le 10 [du mois de Karnéios] à HéraArgeia Heleia Basileia, une jeune génisse sélectionnée ; qu'on la sélectionne en ne l'achetant pas moins de 50 drachmes ; le prêtre sacrifiera et fournira leshiéra (choses sacrées employées dans le rituel) ; engerè (part d'honneur réservée au prêtre) il prendra la peau et une patte ; les viandes pourront être emportées au dehors ; les viscères seront mis dans la peau et on les offrira en sacrifice, sur le foyer dans le temple, ainsi qu'un gâteau long d'un demi-hémiecte de froment ; que ces offrandes ne soient pas emportées hors du temple. »
Prescriptions pour un sacrifice animal à Héra sous les épithètesArgeia Heleia Basileia, « Argienne des marais Reine », inscription deKos, milieu duIVe siècle av. J.-C.[195].
Héra dispose de sanctuaires dans plusieurs cités du monde grec, dénommésHéraion. Ils occupent une place importante dans plusieurs localités à l'époque archaïque (776-480 av. J.-C.), ce qui donne l'impression que la déesse a eu une position majeure au moment de la formation des cités grecques. Elle est en particulier la divinité majeure de deux grandes cités des débuts de l'histoire grecque,Argos etSamos.Homère l'associe surtout à Argos, aussi àMycènes et àSparte (Iliade,IV, 51 et sq.), bien qu'on ne lui connaisse pas de sanctuaire majeur dans ces deux dernières aux époques historiques. En tout cas son implantation semble plus forte dans lePéloponnèse, notamment enArgolide et dans la région de Corinthe (Pérachora). Elle a aussi un sanctuaire important sur l'île deLesbos. Plusieurs fondations coloniales d'Italie lui accordent également une place de premier ordre dès leur création[11],[20]. En revanche àAthènes son rôle est réduit à celui de déesse du mariage, sans doute parce que la divinité tutélaire Athéna y occupe (avec l'appui de Zeus) les fonctions principales de souveraineté et de protection de la cité, empêchant Héra de jouer un rôle dans ces domaines comme elle le fait à Argos et à Samos[196].
Une particularité des cultes archaïques d'Héra est qu'on lui érige des grands temples, parmi les plus monumentaux des premiers temples connus du monde grec. Ce lien entre Héra et les temples se retrouve àOlympie, où elle semble disposer d'un tel édifice avant Zeus, le dieu principal du sanctuaire (ce type de construction n'étant de toute manière pas indispensable au culte, à la différence d'un autel)[197],[198]. L'étude des offrandes mises au jour lors de fouilles archéologiques de ces sites peuvent fournir des informations sur la nature d'Héra et ses attributions au moins au niveau local, mais il n'est pas forcément évident d'en tirer des généralités[199].
Plan du site de l'Héraion d'Argos : 1. Temple archaïque d'Héra ; 2. Portique nord ; 3. Portique nord-est ; 4. Bâtiment ouest ; 5. Temple classique d'Héra ; 6. Salle hypostyle ; 7. Portique sud ; 8. Escalier monumental ; 9. Bâtiment nord-ouest ; 10. Gymnase et portique inférieur hellénistiques ; 11. Thermes romains.
Héra est dite « d'Argos »,Argeia, dès l’Iliade (par exempleIV, 8)[10],[200],[201]. Son implantation enArgolide semble forte dès l'époque archaïque, quand elle dispose aussi de sanctuaires àMycènes et àTyrinthe. Les origines du sanctuaire d'Argos, situé en rase campagne dans la plaine voisinant la ville du même nom, sont difficiles à tracer : une terrasse monumentale est érigée auVIIIe siècle av. J.-C., peut-être à l'initiative de plusieurs communautés des environs qui en font un point de ralliement. Un templepériptère est ensuite érigé, et le site passe sous le contrôle d'Argos après les destructions de Mycènes et de Tyrinthe. Une reconstruction a ensuite lieu enfin d'en faire un symbole de la puissance d'Argos et de sa suprématie régionale. D'après ce qui a été retrouvé par les archéologues, son décor ne fait pas référence aux mythes d'Héra, mais à la naissance de Zeus, à laGigantomachie, à laGuerre de Troie et aux aventures du héros localOreste[200],[202].
Les principales fêtes d'Héra d'Argolide sont lesHéraia ouHekatombaia, le second nom faisant référence aux cent vaches sacrifiées durant leur rite majeur. Ce sacrifice est précédé d'une grande procession depuis la ville d'Argos, conduite par la grande prêtresse de la déesse montée sur un char tiré par des bovins, comprenant aussi des jeunes hommes portant le bouclier sacré de la déesse, qui lui aurait été dédié parDanaos, le fondateur légendaire d'Argos[203]. Le poète lyriquePindare (Ve siècle av. J.-C.) évoque des processions et concours d'Héra d'Argos (NéméennesX, 21-22 ;OlympiquesVII, 84)[204].Euripide (Électre, 171-174) évoque un rituel argien durant lequel des jeunes filles (parthenos) se rendent au sanctuaire d'Héra[205]. Des tablettes de bronze du début duIVe siècle av. J.-C. mises au jour dans le temple d'Athéna d'Argos documentent les activités économiques de ce sanctuaire et de celui d'Héra, indiquant que cette dernière est une riche propriétaire possédant d'importants fonds sacrés, notamment des pâtures et des troupeaux[206]. À la fin du même siècle ou au début du suivant, les grandes fêtes et concours honorant Zeus deNémée, gérés par Argos, sont transférés à l'Héraion d'Argos et associés aux grandes fêtes de la déesse et à leurs concours[207].
Il faut attendre la description dePausanias à l'époque romaine (IIe siècle ap. J.-C.) pour avoir plus d'informations sur les cultes d'Héra en Argolide, qui complètent des sources éparses plus anciennes. Il décrit le sanctuaire d'Héra d'Argos, dont l'entrée comprend des statues de ses grandes prêtresses (kleidouchoi, les « porte-clefs ») et sa grande statue de culte réalisée parPolyclète à l'époque classique. Celle-ci est jouxtée par une ancienne effigie en bois depoirier, prise de son sanctuaire deTyrinthe et installée sur un pilier, et par une autre statue représentant sa filleHébé, déesse de la jeunesse. Le temple comprend aussi la couche d'Héra[208], renvoyant à son rôle d'épouse de Zeus et de déesse du mariage[209]. Pausanias évoque deux autres cultes de la déesse à Argos : celui d’Anthéia « la fleurie », dans la ville basse, et celui d’Akraia « de la hauteur » ou « de l'éperon rocheux » dans la ville haute[17]. Cet auteur décrit la mythologie locale, qui veut qu'Héra soit née à Argos et ait eu pour nourrice les trois filles d'Astérion, le dieu-fleuve local[210],[211]. La version locale du mythe de l'union d'Héra avec Zeus indique que ce dernier aurait exercé sa séduction en prenant la forme d'un coucou. Cela aurait eu lieu sur le mont Thornax, qui a pris le nom de montagne du coucou, où se trouve un sanctuaire de Zeus. Le dieu est représenté sous la forme de cet oiseau sur la statue de culte de la déesse[203].
Pausanias évoque aussi un rituel ayant lieu dans une source de la ville voisine deNauplie, une cérémonie secrète au cours de laquelle la déesse regagne sa virginité en se baignant, ce qui pourrait renvoyer au mythes et rites de séparation de la déesse avec Zeus. Des cérémonies secrètes à Héra sont également évoquées par d'autres auteurs, notammentCallimaque (Aitia, 4), mais il ne s'agit pas forcément decultes à mystères comme cela a pu être proposé[212]. L'eau semble jouer un rôle dans des rites de purification associés à Héra d'Argos, dans le sanctuaire de laquelle des vases à eau (hydries) ont été mis au jour en grand nombre[210].
Plan du site de l'Héraion de Samos. 1. Temple d'Héra, dit de Polycrate ; 2. Temple d'Héra, par Rhoikos ; 3. Temple monoptère ; 4. Temple archaïque de cent pieds (Hécatompédon) ; 5. Temple romain périptère ; 6. Temple corinthien ; 7. Autel archaïque ; 8. Bâtiment nord ; 9. Stoa du nord-ouest ; 10. Bâtiment ou temple sud ; 11. Stoa sud ; 12. Petits temples A, B, C, D, E ; 13. Rotonde ; 14. Trésors ; 15. Voie sacrée ; 16. Bâtiment hellénistique ; 17. Monument de Cicéros ; 18. Navire de Kolaios.Stèle commémorant la loyauté deSamos enversAthènes après la défaite de la seconde face auxSpartiates àAigos Potamos (405). Les deux cités sont symbolisées sur le bas-relief par leurs déesses tutélaires respectives, Héra etAthéna, se serrant la main.Musée de l'Acropole d'Athènes.
Plusieurs récits de fondation existent.Pausanias rapporte que ce sont lesArgonautes qui l'auraient établi lors de leur passage sur l'île, avec la statue de culte d'Argos. Une autre légende fait du site le lieu de naissance de la déesse, à l'ombre d'ungattilier (lygos), qui se trouve au centre du sanctuaire[220],[221]. Une autre légende locale sert d'explication à la principale fête d'Héra de Samos, lesTonaia (les « liens »). Elle rapporte que des piratescariens s'emparent de la statue de la déesse lors d'un raid sur le temple, mais que leur navire est immobilisé dès qu'ils la montent à bord. Ils décident alors de laisser la statue sur la plage avec des offrandes, et elle est récupérée par les gens de Samos, attachée au gattilier (d'où les « liens ») puis purifiée. La fête desTonaia culmine dans un rite de purification de la statue d'Héra, qui a lieu sur la plage, et durant laquelle les participants portent des couronnes de gattilier et s'allongent sur des banquettes faites de branches de cet arbuste. Ce rite a pu être interprété comme renvoyant au cycle de la nature et à la fertilité, ou bien au mariage[203],[222],[223].
Le site de l'Héraion de Samos.
Essai de reconstitution de l'Héraion de Samos.
Statuette en bronze de porteur d'offrande, v. 540-520 av. J.-C. Altes Museum, Berlin.
Le sanctuaire panhellénique d'Olympie enÉlide est dédié au dieuZeus, et son épouse Héra y trouve sa place à ses côtés avec son propre temple. L'édifice semble érigé vers 600 av. J.-C., ce qui en ferait le plus ancien temple du site. Mais une date plus tardive, autour de 420, a aussi été proposée[227],[228]. La principale description du culte d'Héra à Olympie est donnée parPausanias à l'époque romaine (V, 16, 1 à 20, 5). Le temple comprend une statue d'Héra trônant, placée devant une statue de Zeus casqué. L'édifice comprend aussi un petit lit, des statues d'autres divinités et d'autres objets luxueux[198]. Le culte de la déesse est géré par seize femmes mariées, qui organisent ses fêtes, lesHéraia, qui ont lieu tous les quatre ans. Elles tissent une tunique,peplos, pour la déesse, qui lui est remise lors des festivités, et organisent des chœurs en l'honneur d'héroïnes locales, Physkoa etHippodamie. Les concours qui ont lieu lors des Héraia d'Olympie sont des courses de jeunes filles non mariées, organisées en trois classes d'âge, qui courent sur une distance d'1/6e du stade utilisé par les hommes. Leur récompense est unecouronne de laurier, une part de vache du sacrifice destiné à Héra, et la possibilité de laisser leur portrait avec une inscription dans le sanctuaire. Ces célébrations ont sans doute plus un caractère local que panhellénique, à la différence des fêtes de Zeus d'Olympie[229],[230].
Monnaie de Platées représentant au revers la tête d'Héra de profil. Vers 387-372 av. J.-C.
L'Héraion dePlatées, enBéotie, est situé sur les pentes dumont Cithéron. L'ancienneté du sanctuaire est difficile à estimer. Un grand temple de cent pieds (hécatompédon) s'y trouve à l'époque classique, construit par lesThébains après la destruction de Platées en 427. Y est adjointe une hôtellerie. Cette reconstruction a probablement des visées politiques, pour faciliter l'intégration de Platées dans laconfédération béotienne que dirige alors Thèbes[231]. La déesse y est présente sous deux épithètes renvoyant au cycle de la féminité en lien avec le mariage :Nympheuomene « fiancée conduite au mariage » etTeleia l'« accomplie », qui dispose d'une grande statue sculptée parPraxitèle. La principale fête de ce sanctuaire, lesDaidala, renvoie à son statut d'épouse de Zeus et à la thématique de leur séparation et de leur réconciliation. Elle est surtout documentée pour l'époque romaine parPlutarque transmis parEusèbe de Césarée et parPausanias (IX, 2, 5 à 3, 4), et son origine reste énigmatique : ce pourrait être une reformulation d'époque hellénistique d'une fête plus ancienne. Plutarque rapporte un récit selon lequel Héra est élevée dans sa jeunesse sur l'île d'Eubée, enlevée parZeus, et leur première union a lieu à l'abri des regards dans une grotte dumont Cithéron. Le rituel desDaidala est justifié par une crise dans le couple divin : Héra est partie pour une raison indéterminée, et se retire dans un lieu à l'écart, au mont Cithéron selon Plutarque, enEubée selon Pausanias. Zeus doit alors élaborer un stratagème pour la faire revenir, qui a lieu à Platées et consiste en feindre son mariage avec une autre femme afin de susciter la jalousie de son épouse et de la faire revenir. Les versions de Plutarque et de Pausanias diffèrent mais dans tous les cas il s'agit de se servir d'une statue de bois pour représenter la fausse mariée. Une fois qu'Héra se rend compte de la duperie, les époux se réconcilient, la mariée fictive devant être détruite pour cela. Pausanias décrit le rituel, distinguant des PetitesDaidala qui ont lieu tous les six ans et des GrandesDaidala qui ont lieu tous les 59 ans. Des statues de bois, appeléesdaidala, sont confectionnées et conduites en procession vers le lieu de sacrifice, un autel érigé au sommet du mont Cithéron, vers lequel convergent aussi Zeus et Héra sur leurs chars nuptiaux. Les statues sont brûlées en même temps que les victimes, des taureaux pour Zeus et des vaches pour Héra, concluant la résolution de la dispute. Ce rituel mêle divers aspects : une fête du feu et des sommets, la fécondité et le cycle des saisons, un mariage sacré, aussi un sacrifice expiatoire, propitiatoire ou juratoire[232],[233],[234],[235].
Le culte d'Héra est implanté enItalie quand les colons grecs y fondent plusieurs cités à l'époque archaïque, à la fin duVIIIe et durant leVIIe siècle av. J.-C. (colonisation grecque). Dès les débuts, la déesse est dotée d'importants sanctuaires, notamment dans les fondations achéennes deCrotone,Métaponte et Poseidonia (Paestum). Elle est aussi vénérée àSybaris, àCumes, àÉlée, àGéla, àLéontinoi et àSélinonte (le temple E). Son culte sert notamment à marquer le territoire colonisé. Cela pourrait avoir un lien avec le rôle souverain de la déesse, voire sa faculté « intégrative », bien que les offrandes qui y ont été mises au jour renvoient surtout à la sphère du mariage, d'autres aussi à un possible rôle martial (elle a l'épiclèseHoplosmia « en armes », et elle reçoit des offrandes d'armures et de boucliers en terre cuite à Poseidonia) et dans la navigation et les échanges (des modèles de bateaux). Plusieurs sanctuaires d'Héra sont situés en dehors des espaces urbains. C'est le cas de celui ducap Lakinion (actuel cap Colonna) à Crotone, dédié à HéraLakinia, un des plus importants sanctuaires de l'Italie méridionale, qui reçoit de riches offrandes dès ses débuts, sert de lieu de réunion aux ligues achéennes et italiotes à l'époque classique et fonctionne aussi comme un lieu d'asile. Un autre sanctuaire d'Héra est fondé sur le territoire de Crotone, sur le site de Vigna Nuova, près de la ville. Poseidonia possède également deux sanctuaires d'Héra : dans le centre urbain, doté de deux grands temples, un érigé auVIe siècle av. J.-C. et un autre au siècle suivant ; dans son arrière-pays au nord de la ville, sur le site deFoce del Sele, dont le fondateur légendaire estJason (selonStrabon,VI, 1, 1). Sur ce dernier site ont été mis au jour desmétopes provenant du premier état du temple (v. 560)[236],[237].
Pour lesRomains, Héra est interprétée comme l'équivalent de leur déesseJunon, qui joue comme elle un rôle important en lien avec la vie féminine, mais aussi dans la vie civique puisqu'elle fait partie de laTriade capitoline aux côtés deJupiter et deMinerve. Comme Héra, Junon capitoline est appelée « Reine ». L'assimilation de Junon à Héra a un grand impact sur son évolution, puisqu'elle reprend sa mythologie. C'est peut-être pour cela qu'elle est considérée comme l'épouse de Jupiter, l'équivalent romain deZeus, et également une déesse du mariage[238].
Les écrivains latins s'emparent de sa figure en reprenant pour l'essentiel les traits de l'Héra grecque :Ovide etHygin rapportent plusieurs des mythes la mettant en scène ;Virgile en fait un personnage de l’Énéide, persécutant le héros parce qu'il fait partie des Troyens dont elle est l'ennemie comme dans l’Iliade (même si son rôle dans cette épopée a surtout été comparé à celui dePoséidon dans l’Odyssée) ;Sénèque la fait monter sur scène dans sa tragédieHercule furieux, où elle reprend là aussi un des rôles habituels de l'Héra des poètes grecs[42],[239].
La figure d'Héra passe dans la tradition occidentale surtout par l'intermédiaire de sa contrepartie romaine Junon, qui lui reprend une bonne partie de ses caractéristiques.
Avec lachristianisation, Héra fait, comme les autres divinités païennes, l'objet d'un rejet et de critiques portant notamment sur l'immoralité des mythes.Grégoire de Nazianze critique le passage de l’Iliade dans lequel elle séduitZeus, tandis qu'Augustin lui oppose la figure vertueuse d’Énée. D'autres adoptent une lectureevhémériste, faisant de Junon une ancienne figure historique, aux côtés deJupiter (Martin de Braga,Isidore de Séville)[240]. Dans le registre des continuités entre paganisme et christianisme, la déesse pourrait avoir servi de modèle à laVierge Marie[241].
Se développent aussi des lectures allégoriques, reprises des philosophes grecs.Fulgence le Mythographe adopte une telle approche à partir dujugement de Pâris, dans laquelle chacune des trois déesses représente un stade de la vie, Junon/Héra étant lavita activa, vue sous un jour négatif. Il a une grande influence durant le Moyen-Âge et inspire d'autres lectures allégoriques négatives de la déesse (Guillaume de Conches,John Ridewall)[242]. Vers la fin du Moyen-Âge et durant laRenaissance se développe une autre interprétation de la déesse, vue comme une incarnation de la richesse (Boccace,Christine de Pizan), son animal attribut, le paon, étant vu comme un symbole d'opulence et de vanité[242]. Durant la Renaissance et la première époque moderne, elle reprend aussi son rôle antique de protectrice du mariage ; dansLa Tempête deShakespeare (1611), Junon bénit l'union de deux personnages,Miranda etFerdinand[240].
Dans l'art médiéval occidental, la déesse apparaît surtout dans des représentations du jugement de Pâris, ou des illustrations desMétamorphoses d'Ovide et de l’Énéide deVirgile, puisque seule la littérature en latin est alors répandue[240]. À partir de la Renaissance la figure de Junon sert d'inspiration à divers artistes, à partir de modèles antiques. Junon est représentée dans lePalazzo Vecchio deFlorence sur une fontaine deBartolomeo Ammannati (1556-1561), et des fresques deGiorgio Vasari (1560 et 1570-1572), accompagnée de paons.Rembrandt la peint en déesse de la monnaie et reine des dieux. Le sculpteurMathieu Jacquet et le peintrePierre Paul Rubens s'inspirent de sa figure pour représenterMarie de Médicis. Sinon, la déesse est surtout représentée en tant que personnage secondaire de l'histoire des amours de Jupiter/Zeus, comme dansJunon et Argos de Rubens (v. 1611) qui reprend le mythe antique relatif à l'origine des « yeux » sur la queue des paons[243].
Sa figure de déesse du mariage réapparaît dans des opéras :Emilio de' Cavalieri fait représenter une œuvre la mettant en scène au mariage d'Henri IV et deMarie de Médicis (La contesa fra Giunone e Minerva, 1600) etBenedetto Giacomo Marcello compose une sérénade sur ses noces avec Jupiter (Le nozze di Giove e Giunone, 1725). Le dramaturgeJacques Autreau et le compositeurJean-Philippe Rameau élaborent leballetbouffonPlatée ouJunon jalouse (1745) qui s'inspire du mythe rapporté parPausanias expliquant l'origine desDaidala dePlatées[243]. Le poète anglaisHenry Fielding utilise la figure de la déesse dans une guerre des sexes qui l'oppose à son époux Jupiter (An Interlude Between Jupiter, Juno, Apollo, and Mercury, 1743)[243].
Héra/Junon fait l'objet d'un certain intérêt dans les milieux savants duXIXe siècle Sa représentation antique la plus célèbre est laJunon Ludovisi, tête colossale en marbre la représentant dans sa majesté royale, avec un diadème, suscite l'admiration deGoethe, qui en installe un moulage chez lui, et deFriedrich Schiller. L'antiquaire/historien de l'artJohann Joachim Winckelmann voit en Junon une déesse royale, fière plus élevée que les autres. Le développement des études religieuses dans la seconde moitié duXIXe siècle donne lieu à un retour à des interprétations allégoriques, sur les aspects célestes de la déesse, son identification à l'air, par exemple chezLudwig Preller.Friedrich Gottlieb Welcker l'analyse plutôt comme une ancienne déesse chthonienne, proposition qui connaît un grand succès.Wilhelm Heinrich Roscher en fait quant à lui une divinité lunaire, comme d'autres grandes déesses grecques (Artémis,Aphrodite). La figure de la reine de l'Olympe devient donc de plus en plus complexe dans ces travaux érudits. AuXXe siècle, elle perd en stature :Walter F. Otto ne lui consacre pas un chapitre dans sa synthèse sur les dieux grecs parue en 1929 (Die Götter Griechenlands), tandis queMartin P. Nilsson dans son œuvre majeure,Geschichte der griechischen Religion (1941-1950), considère qu'elle se définit fondamentalement comme l'épouse de Zeus[244].
La littérature contemporaine reprend la figure d'Héra en tant qu'incarnation d'une féminité.Paul Valéry en fait une grande dame frustrée dans un conte de sesHistoires brisées (Histoire de Héra, 1950). Dans les œuvres féministes, la poétesseCarolyn Kizer composeHera, Hung From the Sky (1971) dans laquelle elle fait une relecture de la punition d'Héra par Zeus, vu comme un mari trop fort pour son épouse, qui est donc à sa merci. L'écrivaineCaroline Gordon relit l'opposition entre Héra et Héraclès dans une veine tragicomique avecThe Glory of Hera (1972)[243].
L'art contemporain s'intéresse beaucoup moins à la figure de Junon/Héra que l'art de l'époque moderne[243].
Héra est l’un des personnages principaux du filmJason et les Argonautes sorti en 1963. La déesse, incarnée parHonor Blackman, y occupe une place centrale, intervenant à plusieurs reprises afin d'aider Jason dans sa quête de laToison d'or[245].
Dans lemangaOne Piece d'Eichiro Oda, elle est un petit nuage qui accompagne Big Mom et est le compagnon du soleil Prométhée étant donné qu'elle remplace Zeus.
En 2016, le rappeur parisienGeorgio sort un album intituléHéra, dans lequel se trouve unsingle du même nom. Une réédition intituléeἭρα, le nom en grec ancien de la déesse, sort l’année suivante.
↑ab etcJosé L. García Ramón,« Hera and Hero: Reconstructing Lexicon and God-names », in David M. Goldstein, Stephanie W Jamison, Brent Vine- (Hg.),Proceedings of the 27th Annual UCLA Indo-European Conference, UCLA Proceedings 27, 2017. 272 pages.
↑Charles Doyen,« La tablette PY Tn 316 : unCrisis Cult ? », dans Marco Cavalieri, René Lebrun et Nicolas Meunier,De la crise naquirent les cultes, Louvain-la-Neuve, Brepols,(lire en ligne),p. 6.
↑Sur ce thème :SusanaReboreda Morillo, « Allaitement divin : le cas d’Héra et d’Héraclès »,Dialogues d'histoire ancienne. Supplément,no 19,,p. 59-80(lire en ligne).
↑Alain Pasquier, « Le type statuaire de l'Héra Borghèse au Musée du Louvre »,Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,vol. 148,no 2,,p. 711-742(lire en ligne).
↑Gabriella Pironti,« De l’éros au récit : Zeus et son épouse », dans Gabriella Pironti et Corinne Bonnet (idr.),Les dieux d’Homère. Polythéisme et poésie en Grèce ancienne, Presses universitaires de Liège,(lire en ligne),p. 63-83.
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