LesGurkhas sont des unités des arméesbritanniques etindiennes, recrutées auNépal.Initialement, sous leur nom original, les Gorkhas étaient des membres du clanKhas Rajput de l'Inde du Nord, qui ont émigré duRajasthan vers le territoire actuel du Népal, auXVIe siècle, chassés par les musulmans. Leur langue, legorkhalî, dialecte indo-européen proche duhindî, est devenu la langue commune du Népal sous le nom de népalî ounépalais.
Les Gurkhas sont associés aukhukuri, un couteau népalais, et sont célèbres pour leur bravoure, leur férocité et leur loyauté.Sam Manekshaw (1914 – 2008), un ancien maréchal de l'armée britannique indienne, a un jour affirmé :« Si un homme dit qu'il n'a pas peur de mourir, soit il ment, soit c'est un Gurkha »[1].
Il décide alors de rester auprès du saint et de le protéger durant sa méditation. Lorsque celui-ci revient au monde, il est touché par la dévotion du prince. Il lui offre la dagueKhukuri, lui dit que, dorénavant, lui et ses hommes seront connus dans le monde entier pour leur bravoure et les nomme Gurkhas, c'est-à-dire disciples de Gorkhanath. Il donne alors comme mission aux Gurkhas de stopper l'avance desenvahisseurs musulmans qui sont en train de s'emparer de l'« Inde blanche, » c'est-à-dire l'Empire parthe, correspondant aujourd'hui à peu près à l'Afghanistan et appeléeQandahār à cette époque. Il s'agit alors d'un royaumehindou etbouddhiste. Ils rempliront cette mission jusqu'auVIIIe siècle.
Certaines légendes prétendent que Bappa Rawal poursuivit alors ses campagnes jusqu'à conquérir l'Iran et l'Irak avant de se retirer pour une vie d'ascèse au pied dumont Meru.
En 1559, quelques-uns des Gorkhas, descendants de Bappa Rawal, et conduits par leur chef Dravya Shâh, émigrent vers l'est et se découpent un petit royaume sur le territoire du Népal actuel, à 80 km au nord-ouest deKatmandou, territoire auquel ils donnent le nom deGorkha (leDistrict de Gorkha) en l'honneur de leur saint patron. En 1769, sous la conduite dumaharajaPrithivî Nârâyan Shâh, qui règne jusqu'en 1775, ils s'emparent de la majorité du territoire actuel duNépal sous le nom Royaume de Gorkha ou Royaume Gorkhali, alors dirigé par lesMalla, et s'installent à Katmandou, où ils font de l'hindouisme lareligion d'État.
Photographie illustrant des hommes du peuple Gorkha,The People of India par John Forbes Watson et John William Kaye (1868–1875).Soldats Nepali (Gorkhali) pendant laguerre anglo-gurkha (1814–1816).
À partir de 1814, ils tentent d'agrandir leur territoire au sud et s'opposent aux intérêts de laCompagnie britannique des Indes orientales, ce qui entraîne laguerre anglo-gurkha (1814–1816). Défaits, ils signent le traité de Saugali ennovembre 1815, se rebellent à nouveau et sont écrasés àMakwanpur en 1816. Durant cette guerre, les Britanniques sont si impressionnés par leur vaillance qu'ils vont bientôt les recruter régulièrement, avec la permission du premier ministre d'alors, Shree Teen Maharajah Jung Bahadur Rana (père duNépal moderne), commemercenaires organisés enrégiments, nommés Gurkhas, au sein de l'armée de la compagnie.
Armée de la Compagnie britannique des Indes orientales
Au cours de larévolte des cipayes, en 1857, les Gurkhas combattent au côté des Britanniques et deviennent une partie de l'armée britannique qui est formée à sa suite. Les2d Gurkha Rifles - ouSirmoor Rifles - défendent laHindu Rao House, une position stratégique, durant trois mois, perdant 327 des490 hommes qui composent le régiment.
Les hommes du60th Rifles (devenu plus tard leRoyal Green Jackets) qui combattirent aux côtés duSirmoor Rifles furent tellement impressionnés qu'à l'issue de la mutinerie, ils demandèrent que le2d Gurkhas soit récompensé en adoptant leur uniforme vert distinctif des fusiliers et que ses hommes soient dénommés fusiliers au lieu de cipayes.
Entre lesdeux guerres, les Gurkhas participèrent à la troisième guerre afghane en 1919 ainsi qu'à de nombreuses campagnes sur la frontière nord-ouest, particulièrement auWaziristan.
À partir de1920, un Gurkha peut aussi recevoir un commandement duRoi des Indes, ce qui le fait considérer comme unofficier britannique. Néanmoins, ce fait fut assez rare jusqu'à laSeconde Guerre mondiale.
Après l'indépendance de l'Inde (et sa partition), en1947, le sort des Gurkhas fut réglé par l'Accord tripartite Grande-Bretagne–Inde–Népal. Le principal but de cet accord était d'assurer aux Gurkhas servant la Couronne britannique le même traitement et la même échelle de salaire que ceux restés dans l'armée indienne. Cette échelle, nettement inférieure aux standards de l'armée britannique, était partiellement compensée par le coût de la vie et les facilités de logement accordées. Néanmoins, la pension deretraite versée aux Gurkhas était plus faible pour ceux ayant servi dans l'ancienne puissance coloniale à leur retour auNépal.
En application de cet accord, sixrégiments de Gurkhas rejoignirent l'armée indienne et quatre autres furent transférés dans l'armée britannique.
À la grande déception de leursofficiers, la majorité des Gurkhas à qui l'on avait laissé le choix entre le service dans l'armée britannique ou dans l'armée indienne optèrent pour cette dernière. Les raisons de ce choix sont très pragmatiques et le fait que l'armée indienne continue à servir sur un territoire familier dans des conditions connues pesa beaucoup dans ce choix. Le principal changement fut le remplacement des officiers britanniques par des officiers indiens.
Les quatre régiments désignés pour servir dans l'armée britannique, devaient faire face, quant à eux, à une situation incertaine, un déménagement (initial) enMalaisie, région où très peu de Gurkhas avaient alors servi. Les quatre régiments (huitbataillons) en service dans l'armée britannique furent donc réduits à un seul (soit 2 bataillons) alors que ceux en service dans l'armée indienne furent portés à 12 bataillons.
À la suite de l'indépendance, les Gurkhas furent renommés Gorkhas. De plus, un régiment supplémentaire, le11e régiment de Gurkhas, fut levé. Lorsque l'Inde devint unerépublique, en1950, tous les titres royaux furent supprimés.
En 2008, lesForces armées indiennes comptent 36 bataillons de Gurkhas. Elles recensent 40 000 Gurkhas en service et 100 000 à la retraite[3].
Le 29 août 2022, le Népal demande à l'Inde de suspendre le recrutement des Gurkhas car le nouveau plan indien 'Agnipath' ne leur offre que des engagements de quatre ans, sans possibilité de carrière[4].
EnMalaisie, de nouvelles unités furent créées : sapeurs, transmetteurs, police militaire et unité de transport vinrent gonfler les rangs de la brigade gurkha.
En 1962, le2d Gurkha Rifles quitta l'Asie pour la garnison britannique deTidworth (dans leWiltshire). La révolte indonésienne en 1963 voit la création de la première unité de parachutistes pour les Gurkhas (laGurkha Independent Parachute Company). Cette unité devint rapidement une unité commando employée avec leSpecial Air Service. Cette unité est dissoute en 1968.
À l'issue du conflit, les unités furent redéployées àHong Kong, où elles furent cantonnées à des missions de sécurité, notamment lors des événements de larévolution culturelle chinoise lancée en 1966.
En 1974, laTurquie envahitChypre et le10th Gurkha Rifles est envoyé sur place afin d'assurer la souveraineté britannique sur la base deDhekelia. Ils restèrent sur place en tant que force de maintien de la paix.
Le1er juillet 1994, les quatre régiments furent rassemblés en un seul, leRoyal Gurkha Rifles, et les trois autres corps de spécialistes (la police militaire avait été dissoute en 1965), furent réduits à la taille d'escadrons.
Le1er juillet 1997, le gouvernement britannique rétrocède Hong Kong à larépublique populaire de Chine et la taille de la brigade gurkha fut encore réduite à 3 400 hommes. Toutes les unités restantes furent envoyées au Royaume-Uni.
Après la fin de laguerre civile népalaise, le nouveau gouvernement issu de l'ancienne rébellion maoïste a tenté d’en finir avec l’incorporation des Gurkhas dans des armées étrangères, considérée comme un vestige colonial « humiliant », selon les termes de l’ancien premier ministreBaburam Bhattarai, qui entendait faciliter leur reconversion[5].
Les Gurkhas retraités n'ont pas droit aux mêmes pensions que les autres soldats britanniques. En conséquence, un mouvement s'organise en 2021 pour obtenir les mêmes droits ; des vétérans d’origine népalaise ont ainsi mené une grève de la faim treize jours devant la résidence du premier ministre Boris Johnson et une pétition de soutien a été signée par une centaine de milliers de personnes[5].
Le contingent Gurkha (ou GC pourGurkha Contingent) des forces depolicesingapouriennes a été formé le9 avril 1949 par le recrutement de Gurkhas, vétérans de l'Armée des Indes britanniques. Il a été créé pour remplacer une unitésikh dissoute pendant laSeconde Guerre mondiale et fait partie intégrante des forces de police. Chaque année, environ 80 Gurkhas intègrent cette unité.
Cette unité, particulièrement bien entraînée, dévouée et disciplinée est une unité de garde de réserve. En temps de crise, elle peut être déployée comme force de réaction rapide et impartiale, car n'appartenant à aucun des groupes ethniques coexistant à Singapour. Au cours des années turbulentes qui ont suivi l'indépendance, l'unité s'est acquittée de nombreuses tâches de maintien de l'ordre au cours des émeutes. Les Gurkhas ont fait preuve d'un courage, d'une maîtrise d'eux-mêmes et d'un professionnalisme qui leur a fait gagner le respect de la population.
Depuis lesattentats du 11 septembre 2001, le contingent gurkha est parfois vu patrouillant dans les rues, et en remplacement des policiers locaux à la garde des installations clefs. Avant l'incident, ils apparaissaient rarement en public.
D'un point de vue ethnique, les Gurkhas qui servent actuellement dans l'armée britannique sont de type indo-tibéto-mongol, et appartiennent majoritairement aux groupesGurung,Magar, Khasa etKiranti. Bon nombre d'entre eux sont adeptes dubouddhisme tibétain ou duchamanisme.
Les tests de sélection pour l'incorporation ont lieu une fois par an au Népal. L'accueil est dirigé par des officiers britanniques parlant népalais. En 2019, il y a plus de 10 000 candidats, de tous milieux, pour qui l'armée britannique est une promotion sociale[6],[7], et un rêve[8].
À l'issue du test, 230 candidats ont rejoint l'armée britannique ; 77 autres prendront leur place dans le contingent gurkha de la police de Singapour. Un nombre variable sera recruté par l'armée indienne.
Drapeau du Front de libération national du Gorkhaland
Les soldats des unités Gurkhas ont gagné treizeVictoria Cross. Toutes ces médailles, excepté celle de Rambahadur Limbu, ont été gagnées alors que lesrégiments Gurkhas appartenaient encore à l'armée des Indes. TreizeVictoria Cross ont de plus été attribuées à desofficiers britanniques servant dans ces unités. Depuis l'indépendance, les Gurkhas ont par ailleurs gagné troisParam Vir Chakra.
Par ailleurs, ces soldats sont réputés pour leur largecouteau traditionnel recourbé appelékhukuri.
Tous les Gurkhas, quelle que soit leur origine ethnique, parlent lenépalais. Les officiers britanniques servant au sein de leurs unités effectuent tous au préalable un stage à l'école de langues anglo-népalaise de Catterick afin de connaître les bases de cette langue.
Au milieu des années 1980, un groupenépalophone originaire duBengale occidental tenta d'organiser une sécession en créant le Front de libération national du Gorkhaland. En1988, ils reçurent une autonomie relative en créant le Haut conseil Gurkha duDarjeeling (Darjeeling Gorkha Autonomous Hill Council).
Famille Gurkha en 1896Gurkhas démobilisés, lors d'une campagne pour leurs droits en 2008 au Royaume-Uni.
À l'époque de la colonisation, et par opposition auxofficiers britanniques qui recevaient leur commandement du roi ou de la reine, les officiers Gurkhas recevaient le leur duVice-Roi. À l'issue de l'indépendance, pour les régiments de Gurkhas qui rejoignirent l'armée britannique, les officiers Gurkhas furent appelésQueen's Gurkha Officer (ou King's Gurkha Officer QGO ou KGO) afin de marquer leur différence. Cette distinction impliquait qu'ils ne pouvaient commander à des soldats britanniques. Ceci n'a plus cours aujourd'hui mais l'appellation est néanmoins conservée au titre de la tradition et les officiers gurkhas portent cette inscription (QGO ou KGO) sur leurs insignes de grade.
Alors qu'en principe dans l'armée britannique un sujet peut prétendre à s'engager directement officier et avoir ainsi un commandement, il n'en est pas de même pour les Gurkhas. Il était de coutume qu'un Gurkha fasse d'abord ses preuves et gravisse les grades avant que son unité ne lui offre un commandement.
Le traitement des Gurkhas et de leurs familles, conforme à l'accord tripartite entre leRoyaume-Uni, l'Inde et leNépal, a fait l'objet de nombreuses discussions au Royaume-Uni à la suite de la révélation des différences de salaires entre les soldats britanniques et leurs homologues népalais.
Par ailleurs, le statut et la nationalité des Gurkhas ainsi que de leurs familles est aussi un sujet de discorde. En effet, en vertu de cet accord, l'autorisation de résider au Royaume-Uni n'était pas systématiquement donnée à ces soldats à la fin de leur temps de service sous les drapeaux[9].
Néanmoins, depuis 2005, l'égalité des salaires a été établie et, une fois à la retraite, les Gurkhas peuvent demander et se voir attribuer plus facilement un titre de séjour.
Depuis 2004, les Gurkhas qui ont servi depuis juillet 1997 plus de quatre ans ont droit à lacitoyenneté britannique.
Depuis le21 mai 2009, tous les Gurkhas ayant servi peuvent obtenir un titre de séjour.
D'après les lois internationales, les Gurkhas intégrés aujourd'hui dans l'armée britannique ne sont pas considérés commemercenaires mais comme soldatsréguliers de cette armée, constitués en unebrigade de Gurkhas, et soumis aux lois et règlements qui régissent tout soldat britannique. Un système équivalent régit les Gurkhas servant dans l'armée indienne.
↑Tek Raj Koirala, Philippe Defêche,« Les « Gurkhas » népalais dans la gouvernance sécuritaire globale », dansMonde En Guerre : Militarisation, Brutalisation et Résistances,(lire en ligne),p. 63-73