Les deux États revendiquent la victoire dans ce conflit mais le traité de 1921 se traduit pour la Pologne par des concessions territoriales au regard de la situation frontalière en[1].
Cette guerre est connue sous différentes appellations. « Guerre soviéto-polonaise » est sans doute l'appellation la plus courante, mais l'URSS n'aété officiellement proclamée qu'en : c'est donc laRussie soviétique qui fut l'adversaire de la Pologne dans ce conflit. D'autres noms comme « guerre russo-polonaise de 1919-1921 »[3] (pour la distinguer des précédents conflits) et « guerre bolchevique »[4] (en polonais :wojna bolszewicka) ainsi que « guerre de 1920 »[5] (en polonais :wojna roku 1920) sont souvent utilisés dans des sources polonaises, alors que les historiens soviétiques l'appellent plutôt « guerre contre la Pologne blanche », ou bien la considèrent tout simplement comme faisant partie de la « guerre contre l'interposition étrangère » ou de laguerre civile russe. Les historiens russes modernes parlent de « guerre contre la Pologne de 1920 ».
Il y a controverse autour de la date du début du conflit. Les historiens communistes ainsi que l'Encyclopædia Britannica[3] considèrent que la guerre a commencé en par l'offensive polonaise enUkraine appeléeopérationKiev. Mais d'autres, comme l'encyclopédie libre polonaiseInternetowa encyklopedia PWN ou l'historienNorman Davies[6], estiment l'offensive de l'Armée rouge de 1919 comme étant à l'origine du conflit(en), bien que la guerre n'ait été officiellement déclarée qu'en 1920 : les événements de 1920 seraient une conséquence logique, et prévisible, du prélude de 1919. Tout dépend de la souveraineté considérée des territoires en litige : s'ils sont russes, l'Armée rouge est dans son droit et tente de mettre fin à uneoccupation étrangère, mais s'ils sont polonais, l'offensive polonaise est une riposte à l'agression de l'Armée rouge.
En 1918, avec la fin de la Première Guerre mondiale, la carte de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est change radicalement[7]. La défaite de l'Empire allemand et laguerre civile russe remettent au goût du jour une indépendance réelle des nouveaux États d'Europe centrale. Dans le même temps, la Russie, avant de se transformer enUnion soviétique, voit ces territoires comme des provinces russes en rébellion, que larévolution puis laguerre civile, commencée en 1917, empêchent de mater rapidement.
Avec le succès du grand soulèvement de 1918, l'État polonais regagne sonindépendance perdue en 1795 à la suite dutroisième partage de larépublique des Deux Nations. Après 123 ans de résistance contre ses trois voisins impériaux, laDeuxième République polonaise est proclamée le, mais ses frontières sont loin d'être stabilisées. L'établissement de ses frontières entre 1918-1921 est l'un des épisodes les plus complexes de l'histoire européenne et laconférence de Paris n'y joue qu'un rôle secondaire. La majeure partie du territoire polonais est conquise par les armes au cours d'une série de guerres locales. Le cœur de la nouvelle république — zone d'occupation allemande et autrichienne (Varsovie etLublin), Galicie occidentale (Cracovie), puis laGrande-Pologne — est assuré avant même que les négociateurs se réunissent. Les combats se déroulent pour plusieurs régions périphériques à l'est et au sud[8] : frontière lituanienne (lisières au-delà duBoug), Galicie orientale (Lwów) et duché deCieszyn pendant que la conférence discute encore. À l'est,Józef Piłsudski, le père de l'indépendance polonaise et chef de l'État polonais, espère reconstituer la Pologne d'avant les partages, qui prendrait la tête d'une fédération d'États comprenant l'Ukraine, la Biélorussie, la Lituanie. Sur six guerres de frontières livrées pendant ces trois années, contre l'Allemagne (Posnanie etSilésie), la Tchécoslovaquie, la Lituanie, l'Ukraine occidentale et enfin la Russie soviétique, seule la dernière dépasse le plan local[9].
En Russie, l'attention des politiques est principalement tournée vers lacontre-révolution et l'opposition des puissances occidentales. L'année 1919, au cours de laquelle lesRusses blancs lancent trois grandes offensives mal coordonnées contre les bolcheviks qui tiennent le centre de la Russie, est décisive[10].
En, l'amiralAlexandre Koltchak lance, depuis ses bases de l'Oural, une offensive en direction de la Volga (vers l'est). À l'issue de combats acharnés (fin 1918 - été 1919), le généralAnton Denikine finit par reprendre le contrôle de la majeure partie de l'Ukraine aux forces deSymon Petlioura, chef de file du Directoire national ukrainien qui a pris le pouvoir après le départ des Allemands et aux Bolcheviks soutenus alors par les partisans deNestor Makhno. En,Denikine lance une grande offensive vers Moscou (vers le nord), alors que le généralNikolaï Ioudenitch attaque à partir des pays baltes. Mais Koltchak est battu par les troupes deSergueï Kamenev, l'offensive de Ioudenitch est arrêtée fin octobre, à100 km dePetrograd, et Denikine perdOrel etVoronej. L'Armée rouge passe à l'offensive. À la fin de 1919, la victoire finale des Bolcheviks ne fait plus de doute. Les troupes françaises quittent Odessa, les Britanniques évacuent Arkhangelsk[11].
À la suite de ces victoires de l'Armée rouge sur lesRusses blancs assistés par les puissances occidentales,Vladimir Lénine, chef du nouveau gouvernement de laRussie communiste, succombe à un élan d'optimisme. Les Bolcheviks croient alors que toutes les nations du monde vont se soulever pour instaurer le système soviétique, pour créer une alliance communiste mondiale. La principale raison de la guerre imminente avec la Pologne est de lier larévolution bolchévique à larévolution allemande. Lénine voit la Pologne comme un pont que l'Armée rouge doit franchir afin de lier les deux révolutions et aider d'autres mouvements communistes enEurope de l'Ouest. Selon lui,« c'est le moment où tous les Allemands, même les pires réactionnaires et monarchistes, vont reconnaître les Bolchéviques comme leur salut ».
L'offensive soviétique sur la Pologne a pour but « d'explorer l'Europe », afin d'y faire pénétrer le bolchévisme, et d'exporter la révolution prolétarienne par la force, grâce à l'Armée rouge. Dans un télégramme, Lénine déclare :« Nous devons diriger toute notre attention au renforcement des révolutions bolchéviques occidentales ». Le but de l'Armée rouge n'est pas de vaincre l'Europe mais de provoquer une révolution à l'échelle du continent. Selon le généralMikhaïl Toukhatchevski :
« À l’Ouest ! Sur le cadavre de la Pologne blanche se trouve la route à la révolution mondiale. Marchons surVilno,Minsk,Varsovie ! »
Affiche de propagande soviétique :« Voilà comment mettre fin aux idées des maîtres. Longue vie à la Pologne soviétique ! »Affiche polonaise de recrutement : « Aux armes ! Sauvons la patrie ! Gardons bien à l'esprit notre sort futur ».
En,Lénine ordonne à l'Armée rouge d'avancer vers l'Ouest, en occupant les territoires que quittent les Allemands. Le but poursuivi est d'atteindre l'Europe centrale, d'installer des gouvernementssoviétiques dans les pays nouvellement indépendants de la région et de soutenir les révolutions communistes enAllemagne etAutriche-Hongrie.
Au début de 1919, des combats éclatent presque par accident et sans directives des gouvernements respectifs, quand les forces bolchéviques affrontent les unités militaires polonaises d'auto-défense deVilnius (Samoobrona), chacune essayant de contrôler le territoire pour son propre gouvernement. Les forces soviétiques, mieux organisées, prennent le dessus, et repoussent les forces polonaises vers l'Ouest.
Au printemps 1919, la conscription soviétique réunit une armée de 2 300 000 soldats. Toutefois, peu d'entre eux sont envoyés à l'ouest cette année-là, puisque la majorité de l'Armée rouge est engagée contre les Russes blancs. En, l'armée polonaise ne dispose que de 540 000 hommes sous les armes, dont 230 000 sur le front soviétique. De petites unités de police polonaise sécurisaient la frontière orientale. Au, les forces polonaises ont pris position le long de la ligne formée parKobryn,Proujany, les rivièresZalewianka etNiémen. À cette date, des unités polonaises commencent à rencontrer des éléments avancés de l'Armée rouge, et une ligne de front se forme lentement, à partir de la Lituanie et à travers laBiélorussie et l'Ukraine.
Début, les troupes polonaises commencent une offensive et traversent le fleuveNiémen, capturentPinsk et atteignent l'orée deLida. L'avancée des Russes et des Polonais commence à peu près en même temps en avril, ce qui se traduit par une augmentation du nombre des soldats en garnison dans cette région. Ce même mois, lesbolcheviks capturentGrodno etVilnius, mais sont repoussés par une contre-offensive. La nouvelle armée polonaise se montre un adversaire bien plus coriace que les Russes ne l'avaient initialement considéré. Incapable d'atteindre ses objectifs et devant faire face à des offensives de plus en plus vives des forces blanches, l'Armée rouge se retire de ses positions et se réorganise. La guerre russo-polonaise reprend plus sérieusement.
Au même moment, la guerre civile russe fait rage. Au début de l'été 1919, les Blancs prennent le dessus et lesforces blanches dirigées parAnton Dénikine marchent sur Moscou. Pour Piłsudski, les Bolcheviks sont les moins dangereux des adversaires de la guerre civile russe car, comme les Blancs, ils proclament que lespartages de la Pologne sont nuls et non avenus. Dans les mois qui suivent, Dénikine paye chèrement son refus de tout compromis sur la question.
Le, les forces polonaises reprennent la grande ville de Vilnius et avancent régulièrement sur le front Est. Le, elles atteignent le fleuveDaugava et sécurisent la région de laDesna àDaugavpils (Dünaburg). Lors de la conférence d'Helsinki qui a lieu du 15 au, les Polonais tentent de rallier la Lituanie[14], mais celle-ci préfère négocier avec la Russie.
Jusqu'au début de 1920, l'offensive polonaise est plutôt réussie. Des batailles éclatent bien sporadiquement entre les forces polonaises et l'Armée rouge. Cette dernière est trop occupée par la guerre civile, même si les forces blanches antirévolutionnaires reculent lentement mais régulièrement de tout le front ouest, de laLettonie à l'Ukraine.
Le général polonais Listowski (à gauche), le leader des Ukrainiens en exilSymon Petlioura (second à gauche) etMarko Bezroutchko (à droite de dos), après l'alliance de Petlioura avec les Polonais.
En 1919, les deux camps tentent à plusieurs reprises de négocier la paix. En fait, lesrelations entre la Pologne et la Lituanie s'aggravent. Les dirigeants polonais sont réticents à céder aux demandes lituaniennes : une complète indépendance, et la ville deVilnius,capitale historique de la Lituanie où vivent cependant une majorité de Polonais. Les négociateurs polonais font quelques avancées auprès du gouvernement provisoireletton, et les troupes polonaises et lettones mènent quelques opérations communes contre lesbolcheviks au début de l'année 1920.
Le plus grand succès du côté polonais reste la signature d'une alliance avec laRépublique populaire ukrainienne deSymon Petlioura. Ce dernier, après que son gouvernement a été vaincu par les Bolcheviks, obtient l'asile politique en Pologne et prend la tête d'une nouvellearmée populaire ukrainienne. Laguerre polono-ukrainienne s’achève en, et à partir du mois de septembre, les fidèles de Petlioura, qu'ils soient polonais ou ukrainiens, combattent ensemble.
L'armée rouge soviétique obtient plusieurs succès face aux Blancs, battantAnton Dénikine et signant des traités de paix avec la Lettonie et l'Estonie (traité de Tartu). Le front polonais devient le plus important théâtre militaire et la majorité des forces et des ressources soviétiques y sont consacrées. En, l'Armée rouge concentre 700 000 hommes près de laBérézina et en Biélorussie. Durant l'année 1920, presque 800 000 soldats de l’Armée rouge sont envoyés sur le front polonais, dont 402 000 sur le front ouest et 355 000 aux armées du front sud-ouest et enGalicie. Les Soviétiques disposent de nombreux dépôts d'armes abandonnés par l'armée allemande durant sa retraite d'Europe de l’Est en 1918-1919, et des armements modernes de fabrication française pris auxArmées blanches russes et aux forces expéditionnaires alliées de la guerre civile russe. Grâce à ces nouveaux moyens, le haut commandement soviétique prévoit une offensive en avril-mai.
L'armée polonaise est formée de vétérans des armées impérialesallemande,russe etaustro-hongroise, renforcés par des volontaires et des recrues inexpérimentées. L'organisation logistique, très mauvaise, repose sur des équipements récupérés de la Première Guerre mondiale. L'armée polonaise utilise des armes provenant de cinq pays différents, et des fusils issus de six pays, chacun utilisant un type demunition différent. Les forces polonaises croissent de 100 000 hommes en 1918 à 500 000 en 1920. Au, elle comprend 737 000 hommes, un nombre équivalent aux effectifs de ses adversaires.
Lesservices secrets polonais ayant appris que les Russes préparent une offensive, le commandement polonais décide d'attaquer le premier. L'opérationKiev consiste à battre l'Armée rouge sur le front Sud de la Pologne et à établir un gouvernement allié en Ukraine.
Jusqu'en, les forces polonaises avancent lentement mais sûrement vers l'est. Le nouveau gouvernement letton demande l'aide polonaise pour reprendre Daugavpils, qui tombe après de durs combats en janvier et est remise aux Lettons, qui voient les Polonais comme des libérateurs. En mars, les forces polonaises enfoncent un coin entre les forces soviétiques de Biélorussie et d'Ukraine.
Le, la Pologne déclenche son offensive générale, l'opérationKiev, avec pour objectif la création d'une Ukraine indépendante, qui deviendrait une des composantes de lafédération Międzymorze comprenant la Pologne, la Lituanie et la Biélorussie et d'autres États d'Europe centrale[15] émergeant de la Première Guerre mondiale, proposée par Piłsudski[16], et une alliée dans le combat contre les Soviétiques. Durant l'offensive, la Pologne est appuyée par l'armée de laRépublique populaire ukrainienne dirigée parSymon Petlioura.
Le, les forces polono-ukrainiennes, au sud, affrontent pour la première fois la fameuse1re armée de cavalerie (Konarmia) deSemion Boudienny. Le, les assauts répétés desCosaques brisent le front polono-ukrainien. Les Soviétiques déploient ensuite des unités de cavalerie mobile pour harceler l'arrière-garde polonaise, avec l'objectif de couper les lignes de communications. Le10, les Polonais et leurs alliés ukrainiens battent en retraite sur l'ensemble du front.Kiev est abandonnée le13.
Le commandant de la3e armée polonaise en Ukraine, le généralEdward Rydz-Śmigły, décide de basculer vers le nord-ouest. Ses forces se retirent en bon ordre, sans trop de pertes, mais ne sont pas capables de renforcer le front Nord et les défenses de la rivière Avouta, où s'apprête à se jouer une bataille décisive.
Sur320 kilomètres, le front polonais n'est tenu que par une maigre ligne de 120 000 soldats appuyés par460 pièces d'artillerie, sans réserves stratégiques. La pratique de l'établissement d'une ligne fortifiée de défense avait fait la preuve de son efficacité, lors de la Première Guerre mondiale, sur un front occidental saturé de troupes et de matériel. Le front polonais est quant à lui faiblement pourvu en hommes, avec une artillerie inadéquate et quasiment sans fortifications.
Pour briser la ligne polonaise, l'Armée rouge forme lefront du Nord-Ouest, dirigé par le jeune général Mikhaïl Toukhatchevski. Son effectif se monte à 108 000 fantassins et 11 000 cavaliers, appuyés par722 pièces d'artillerie et 2 913 mitrailleuses. À certains endroits stratégiques, les Soviétiques sont quatre fois plus nombreux que les Polonais.
La résistance polonaise s'appuie sur la ligne des « tranchées allemandes », une ligne fortifiée datant de la Première Guerre mondiale, susceptible de bloquer l'offensive soviétique. Mais encore une fois, les troupes polonaises sont numériquement trop faibles. Les Soviétiques attaquent sur les points les moins défendus du front. Les forces de Gaïk Bjichkyan soutiennent les forces lituaniennes, lorsqu'elles reprennent Vilnius le, obligeant les Polonais à battre à nouveau en retraite. Au Sud, en Galicie, la cavalerie du généralBoudienny s'avance jusqu'aux arrières polonaises, captureBrodno et s'approche deLwów etZamość. Début juillet, il devient évident pour les Polonais que les Russes ne veulent pas se contenter de retrouver les frontières d'avant la guerre.
Lesconventions de Genève ne sont absolument pas respectées durant la guerre soviéto-polonaise, et les atrocités sont nombreuses : ici, des soldats de l'Armée rougeprofanent la dépouille d'un officier polonais tué[17].
Les forces polonaises en Galicie, près de Lwów, lancent avec succès une contre-offensive pour ralentir les Soviétiques. La retraite du front sud s'arrête, mais la situation empire près deVarsovie, empêchant les Polonais de poursuivre leur contre-offensive vers l'est. Après la prise deBrest-Litovsk par les Soviétiques, toutes les forces polonaises disponibles sont dirigées vers la capitale, pour la bataille à venir.
Avec cette marée se retournant contre la Pologne, le pouvoir politique de Piłsudski est affaibli et ses adversaires, y comprisRoman Dmowski se soulèvent. Cependant Piłsudski réussit à regagner la confiance de l'armée, quand les forces soviétiques s'approchent de Varsovie et que la classe politique polonaise commence à déserter. Sur ordre du Parti communiste soviétique un gouvernement polonais, le « Tymczasowy Komitet Rewolucyjny Polski » (TKRP : Comité révolutionnaire provisoire polonais), est créé le àBiałystok, pour administrer les territoires polonais conquis par l'Armée rouge.
LeTKRP n'a que très peu de partisans dans la populationpolonaise et recrute surtout dans les rangsbiélorusses et parmi les jeunesjuifs les plus radicaux duBund, qui se laissent séduire par lesBolcheviks. Les intrigues politiques entre les commandantsbolcheviks russes grandissent au fur et à mesure des victoires. Le manque de coopération entre les commandants finit par coûter très cher dans la décisivebataille de Varsovie.
David Lloyd George hésite à soutenir les Polonais qu'on lui a présentés comme des nationalistes xénophobes, mais les pressions de l'aile droite de son cabinet, tels queGeorge Curzon etWinston Churchill, le décident à offrir des fournitures à la Pologne. Le, le gouvernement britannique envoiede facto unultimatum aux Soviétiques. Ceux-ci reçoivent l'ordre de cesser les hostilités contre la Pologne et l'armée russe (l'Armée blanche dans le Sud de la Russie, dirigée par le baron Wrangel) et d'accepter ce qui sera plus tard appelé laligne Curzon comme frontière temporaire avec la Pologne, jusqu'à ce que des négociations aboutissent au tracé d'une frontière permanente. En cas de refus soviétique, le gouvernement britannique menace d'aider la Pologne par tous les moyens disponibles.
En réalité, les moyens d'action en question sont très limités par la situation politique du Royaume-Uni. Le, les bolchéviques refusent et font une contre-proposition pour négocier un traité de paix directement avec la Pologne. Les Britanniques menacent à leur tour de couper les relations commerciales si les Soviétiques poursuivent leurs offensives contre la Pologne. Mais ces menaces demeurent ignorées.
L'opinion publique occidentale est fortement anti-polonaise. Beaucoup d'observateurs étrangers s'attendent à ce que la Pologne soit rapidement défaite et devienne une nouvelle république soviétique. En, le Royaume-Uni annonce qu'il enverra les énormes excédents d’armes de la Première Guerre mondiale en Pologne, mais leTrade Union Congress, fédération des syndicats britanniques, s'insurge contre le soutien britannique à « la Pologne blanche », et menace de faire grève pour bloquer l'envoi de ces armes.
La menace de grève générale fournit une excuse àLloyd George pour se récuser. Le, leParti travailliste publie une brochure incitant les travailleurs à ne jamais prendre part à la guerre comme alliés de la Pologne. Les syndicats bloquent l'approvisionnement de la force expéditionnaire britannique chargée d'aider les Russes blancs àArkhangelsk. En France, dansl'Humanité, les socialistes déclarent :« Pas un homme, pas un sou, pour la Pologne réactionnaire et capitaliste. Vive la révolution russe ! Longue vie à l'Internationale du Travail ! »
La Pologne commence à subir de sérieux revers, en raison de sabotages et de retards dans les livraisons de fournitures de guerre lorsque les travailleurs autrichiens, tchèques et allemands en refusent d'assurer le transit de ces fournitures vers la Pologne.
En, laLituanie, majoritairement anti-polonaise, décide d'appuyer les Soviétiques. Cette décision est dictée par le désir de récupérerVilnius et sa région. Cette décision est d'autant plus facile à prendre que la présence de l'Armée rouge stationnée sur les frontières de la Lituanie constitue pour la Pologne une menace. Les différends entre Pologne et Lituanie aboutissent à une guerre, souvent considérée comme faisant partie de la guerre soviéto-polonaise, qui débute en.
Face aux Soviétiques, en 1919, la Pologne apparaît bien isolée. Les russes Blancs sont presque totalement vaincus en Russie, mais la France poursuit sa politique de lutte contre le bolchevisme et envoie, en, un groupe de quatre cents conseillers militaires, commandé par le généralPaul Prosper Henrys. Ce groupe constitue lamission militaire française pour la Pologne. Le jeune capitaineCharles de Gaulle y fait deux séjours, d'abord comme instructeur à l'école d'infanterie deRembertów, d' à, puis comme conseiller auprès d'un groupe d'armées, de à[18]. Les officiers supérieurs français, à l'issue de leur mission, vont revenir décorés de la médaille de l'ordre de Virtuti Militari, la plus haute décoration militaire polonaise. La mission française travaille en parallèle avec lamission militaire britannique pour la Pologne, dirigée par le lieutenant généralAdrian Carton de Wiart. En plus des conseillers, la France a aussi facilité le retour en Pologne de l'Armée bleue, commandée par le général polonais,Józef Haller. Cette unité est composée de soldats polonais et de quelques volontaires d'origines diverses qui servirent sous commandement français pendant la Première Guerre mondiale.
Une fois lesbolchéviks hongrois vaincus, laHongrie dirigée par les conservateursPál Teleki etMiklos Horthy envoie elle aussi des secours à la Pologne, car l'aide de la France est ralentie par les ouvriers communistes français bloquant les transports ferroviaires et les ports. Les Hongrois rassemblent alors un corps de 30 000 cavaliers et un convoi massif de munitions, d'armes et d'engins militaires pour la Pologne, mais le gouvernement tchécoslovaque refuse le passage à travers son territoire, et le convoi transite par la Roumanie[21].
La mission interalliée à peine constituée, les Polonais remportent la crucialebataille de Varsovie. Les sources secondaires anglaises et françaises affirment que c'est l'arrivée opportune des forces alliées qui sauva la Pologne. Pour le moins, l'assistance militaire et les livraisons de matériel ont été déterminantes dans la bataille. La coopération franco-polonaise se poursuivra pour aboutir, le à l'entrée de la France dans une alliance militaire formelle avec la Pologne. Cette alliance sera un facteur important au cours des négociations entre laPologne et l'Union soviétique.
Mikhaïl Toukhatchevski,commandant en chef des armées soviétiques, est sûr que tout se passe suivant les plans. Cependant grâce à des informations durenseignement militaire polonais qui a décrypté les messages radio de l'Armée rouge, Piłsudski et son chef d'état-majorTadeusz Rozwadowski parviennent à lui tendre un piège.
Dans le nord du pays, les Soviétiques traversent laVistule, en pure perte car il n'y a personne en face d'eux, alors qu'au sud de Varsovie, où le sort de la guerre est sur le point de se décider, Toukhatchevski n'a laissé que quelques forces pour maintenir ses communications. Par ailleurs, la1re armée de cavalerie(en) deBoudienny, pourtant redoutée des Polonais, a été neutralisée à labataille de Lwów(en).
Le Haut Commandement soviétique a pourtant ordonné à la1re armée de cavalerie de marcher sur Varsovie etLublin, mais Boudienny a désobéi. Il faut y voir le jeu politique de Staline, à la recherche d'un triomphe personnel : lecommissaire politique du front du Sud-Ouest est obnubilé par la prise de Lwów qui résiste depuis trop longtemps aux assauts des forces bolcheviques. C'est lui qui aurait incité Boudienny à désobéir, prétextant d'un désaccord entreToukhatchevski etAleksandr Iegorov, commandant en chef du front sud-ouest.
Soldats polonais se partageant les drapeaux soviétiques après la bataille de Varsovie.
Le, la contre-offensive polonaise rejoint l'armée de réserve du maréchal Piłsudski. Exécutant précisément le plan, les forces polonaises progressent du sud du pays vers le nord, profitant de l'écart considérable entre les fronts ennemis et de la faiblesse du groupe Mozyrska censé maintenir la liaison entre les différentes armées soviétiques. Elles parviennent ainsi à l'arrière de l'armée de Toukhatchevski, en grande partie encerclée le.
La retraite se déroule dans le plus grand désordre. Des divisions entières se désintègrent dans la panique. La défaite de l'Armée rouge est si grande et si inattendue que les détracteurs de Piłsudski qualifient labataille de Varsovie de« Miracle de la Vistule ». Des documents provenant des archives militaires polonaises, inconnus jusqu'en 2004, ont révélé l'impact du décryptage des communications radio de l'Armée rouge par les Polonais sur le sort de l'offensive russe.
Se déplaçant à travers des zones faiblement défendues, la cavalerie de Boudienny atteintZamość le et tente de s'en emparer au cours de labataille de Zamość(ru). Cependant elle est bientôt confrontée au nombre grandissant d'unités polonaises rendues disponibles après la contre-offensive sur Varsovie.
Le, la cavalerie de Boudienny lève le siège de Lwów et tente de porter secours aux forces soviétiques qui battent en retraite de Varsovie. Celles-ci ont été interceptées et défaites par la cavalerie polonaise au cours de ce qui fut la plus grande bataille de cavalerie depuis 1813 et l'un des derniers combats de cavalerie dans l'histoire, à labataille de Komarów (1920) près de Zamość. Bien que l'armée de Boudienny ait réussi à éviter l'encerclement total, elle a subi de lourdes pertes et son moral est au plus bas. Le reste de la1re armée de cavalerie se retire versVolodymyr-Volynsky le et est encore repoussé peu de temps après, à labataille de Hrubieszów.
Toukhatchevski réussit à réorganiser la retraite vers l'est et, en septembre, il établit une nouvelle ligne de défense près de la frontière entre la Pologne et la Lituanie, au nord de laPolésie, avec pour principal point d'appui de la ville deGrodno en Biélorussie. Pour briser cette ligne, l'armée polonaise remporte labataille du Niemen. Le fleuve traversé, elle déborde les forces soviétiques, de nouveau forcées de se retirer. La progression continue sur tout le front de l'Est. Vers la mi-octobre, l'armée polonaise atteint la ligneTarnopol-Doubno-Minsk-Drisa.
Les Soviétiques demandent alors la paix. Sous la pression des gouvernements occidentaux et de laSociété des Nations, les Polonais acceptent de négocier. Une première proposition soviétique est faite le suivie d'une autre le 28. La délégation polonaise fait une contre-proposition le. Le 5, les Soviétiques proposent des amendements que la Pologne accepte. L'armistice, entre la Pologne d'un côté, larépublique socialiste soviétique d'Ukraine et larépublique socialiste fédérative soviétique de Russie de l'autre, est signé le et entre en vigueur le. De longues négociations de paix s'ensuivent.
Après les négociations de paix, la Pologne n'occupe pas tous les territoires qu'elle contrôlait à la fin des hostilités.
En raison de leur désastreuse défaite militaire, les Soviétiques avaient offert à la délégation polonaise de substantielles concessions territoriales. Toutefois, pour certains observateurs, les négociateurs polonais ont conduit les pourparlers de Riga comme si la Pologne avait perdu la guerre. Sous la pression de l'opinion publique et de laSociété des Nations, lapaix de Riga est signée le officialisant le partage des territoires contestés en Biélorussie et Ukraine entre la Pologne et la Russie.
Piłsudski a considéré ce traité comme une lâcheté et présentera ses excuses à ses alliés anticommunistes ukrainiens car il violait les termes de leur alliance militaire interdisant une paix séparée. Les nationalistes ukrainiens s'estimant effectivement trahis, les relations entre la Pologne et sa minorité ukrainienne (en Galicie, sud-est de la Pologne) s'en trouvèrent très dégradées. Alors que les alliés nationalistes anticommunistes se réunissaient dans les multiples pogroms associant les juifs aux bolchéviques (dès novembre 1918 à Lvov, Pinsk et Kielce), ils s'opposaient dans leur vision nationale puisque l'expansionnisme polonais visait la région ukrainienne... Les nationalistes ukrainiens (l'Armée insurrectionnelle ukrainienne, l'UPA) se déchaîneront ainsi lors desmassacres des Polonais de Volhynie comme lors des massacres des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
La guerre et ses séquelles ont donné lieu à d'autres controverses sur la situation des prisonniers de guerre des deux parties, le comportement de certains commandants commeStanisław Bułak-Bałachowicz ouVadim Yakovlev vis-à-vis de la population civile.
Les succès militaires de l'automne de 1920 en Lituanie ont permis à la Pologne de conquérir larégion de Vilnius, où larépublique de Lituanie centrale (polonais :« Republika Litwy Środkowej ») fut formée. Le, laSejm (parlement) de cette région de Vilnius, contrôlée par les partis polonais à la suite d'élections controversées tenues le 8 janvier et marquées par une abstention massive des non-polonais, demande l'incorporation à la Pologne. L'incorporation est ratifiée par la Sejm polonaise le 22 mars 1922. Cette annexion affectera les relations entre la Pologne et la Lituanie pendant plusieurs décennies.
L'alliance de la Lituanie avec les Bolchéviques (Traité de paix lituano-soviétique de 1920) et sa déclaration de guerre contre la Pologne lui ont permis de gagner son indépendance : la Pologne, victorieuse dans le conflit de 1920, accepta le maintien de cette Lituanie indépendante après l'avoir toutefois amputée de la région de Vilnius, annexée le.
(pl)Władysław Sikorski,Nad Wisłą i Wkrą. Studium do polsko - radzieckiej wojny 1920 roku [« Sur la Vistule et la Wkra. Une étude de la guerre polono-soviétique de 1920 »], Varsovie, Agencja Omnipress,(ISBN83-85028-15-3).
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↑Norman Davies,Histoire de la Pologne [« Heart of Europe. A Short History of Poland »], Fayard,,p. 141.
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