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Laguerre de l’information, également dénomméeguerre informationnelle[1] ouinfoguerre (enanglais :information warfare ouinfowar), est l'ensemble des méthodes et actions visant à infliger un dommage à un adversaire ou à se garantir une supériorité par l'usage de l'information. Cela concerne avant tout :
l’acquisition d’information (données ouconnaissances) stratégique à propos dudit adversaire ;
la dégradation de ses systèmes d'acquisition d'information et de communication ;
plus généralement, la propagation soigneusement organisée et contrôlée, auprès de cet adversaire, de toute une diversité demessages au contenu destiné à servir la stratégie de son propre camp ;
la rétention d'informations pouvant servir à un adversaire.
Depuis le milieu des années 2010, l'intelligence artificielle est de plus en plus utilisée pour cela.
L’infoguerre se pratique sur un plateau detélévision, surInternet, via dessatellites, deslogiciels. Elle n'est pas seulement menée par despirates informatiques ou des « spins doctors » (manipulateurs de l’opinion). Des juristes, des militaires, des ingénieurs et chercheurs y prennent également part.
La notion de guerre de l'information vaut en temps de guerre comme en temps de paix.
En temps de guerre, la notion recouvre toutes les méthodes visant à surveiller, paralyser ou dissuader un adversaire (par exemple en détruisant ses systèmes de transmission ou en prenant le contrôle de ses réseaux informatiques, ou en manipulant l'information).
En temps de paix, cette notion est plus générale :
l'utilisation dudroit pour influencer l'économie internationale, en mettant en œuvre des règles sur les contrats internationaux, et en utilisant les failles juridiques de l'adversaire (voirChambre de commerce internationale) ;
l'utilisation de réseaux de surveillance des échanges d'information mondiaux (voirEchelon) ;
les dérives de l’économie de marché : l'extension de laconcurrence à des activités de déstabilisation, voire d’agression des concurrents, par exemple exploitant systématiquement les points faibles de l'adversaire, et détecter ses points forts (recherche d'information par des moyens légaux, ou à la limite de l'illégalité :espionnage), en créant unerumeur pouvant discréditer uneentreprise ; l'évaluation des performances financières à travers les normes comptables orientées actionnaires ;
Dans tous les cas, il s'agit de diriger l'opinion à travers des techniques de guerre psychologique, de guerre de l'image, de mise en scène et de désinformation, destinées notamment à faire adhérer l’opinion internationale à sa cause, à diaboliser l’adversaire ou à démoraliser le camp adverse. Ici, guerre de l'information est synonyme depropagande,manipulation mentale ou, pour employer un euphémisme militaire, d'influence stratégique (on dit aussi : diplomatie publique, opérations psychologiques aliaspsyops,opérations psychologiques etc.).
Un conflit d'intérêts fait apparaître les informations comme :
désirables (des bases de données, des images satellites, des codes d’accès, bref des renseignements qu'il faut acquérir) ;
vulnérables (des logiciels, des mémoires, des sites, des réseaux, les informations ou vecteurs d’information qui peuvent être faussés) ;
et redoutables (des virus, des rumeurs, bref tout ce dont la propagation est favorable à un camp et nuisible à l’autre).
Dans ce contexte, on parle souvent de la guerre « par, pour et contre » l’information, et il en existe une forme, liée à la propagande, qui a pris de l'ampleur avec l'avènement de l'intelligence artificielle générative, mais ancienne, et par exemple confiée par Hitler à Goebels : c'est lagestion de la perception[2].
Par l'information et lacommunication : en produisant des messages efficaces — qu'il s’agisse d'influencer au niveau international, de transmettre des instructions ou de rallier des partisans — mais aussi en gérant au mieux un savoir supérieur à celui de l’adversaire (voir gestion des connaissances), ou plus trivialement en fabriquant des virus informatiques. Dans cette perspective, l’information se transforme en arme ou en facteur potentiel de supériorité ;
Il s’agit cette fois de l’acquérir, comme on s’empare d’une richesse. Il est évident qu'il y a avantage à percer les secrets de l’autre, à se procurer certains renseignements pertinents sur ses intentions, sur l’environnement, ou certainsbrevets ou techniques : peu importe alors que la lutte se déroule sur le champ de bataille ou qu’elle vise à gagner desmarchés ; on utilise tous les moyens derecherche d'information, comme lesmoteurs de recherche ; on s'emploie à améliorer l'efficacité des recherches en indexant les moteurs avec desdonnées adaptées (voirmétadonnée) et plus récemment via desagents intelligents.
Quant au « contre l’information », il est la conséquence des deux premiers. Il faut s’attendre fort logiquement à ce que l’adversaire lutte lui aussi « par l’information », il faut donc prévoir des boucliers pour se protéger aussi bien d'unecyberattaque, d'une rumeur propagée par la presse et d'un stratagème, tout en protégeant ses bases de données.
Un nouvel aspect de la guerre de l'information est apparue aux États-Unis après la fin de laguerre froide : certains alliés politique, avec lesquelles les États-Unis entretenaient de bonnes relations économiques, sont devenues des adversaires géoéconomiques. Il s'agissait alors de considérer ces nations à la fois comme des alliésgéopolitiques, et comme des adversairesgéoéconomiques, ce qui a poussé le département de la Défense américain (DoD) a s'appuyer sur des techniques deperception management (en français :gestion de la perception) pour orienter les prises de décision des dirigeants des pays cibles en leur faveur. En pratique, c'est une manipulation de l'information[3].
La première occurrence d'une guerre de l’information à échelle mondiale remonte à laPremière Guerre mondiale[4] où pour la première fois tous les médias sont mobilisés : journaux, affiches et tracts, cinéma, photographie, etc. Mais selon l'historien militairePierre Razoux, la première utilisation à grande échelle de la guerre de l’information remonterait à laSeconde Guerre mondiale. Dans le Pacifique, des émissions de radio pro-japonaises mais anglophones étaient animée par des jeunes femmes surnomméesrose de Tokyo[5]. Depuis, la guerre de l’information s'est considérablement développée, et notamment au cours des conflits suivants :
Au cours de laguerre du Viêt Nam, fin, période de trêve et de fête du nouvel an lunaire (le Têt). Dans la nuit du, les Nord-Vietnamiens attaquent par surprise une centaine de villes du Sud-Vietnam dont Hué et Saïgon. Dans la capitale, la première cible est l’ambassade américaine, cible particulièrement médiatique. Les combats sont féroces dans une offensive vietnamienne relevant de l’attaque suicide. Pendant plusieurs semaines les combats durent. Cette offensive totalement inattendue du fait de l’importance de la fête religieuse dans le pays, est déclenchée alors qu’un grand nombre de journalistes est concentré à Saïgon pourle Têt. Quand les Américains réussissent à repousser une armée nord-vietnamienne saignée à blanc par cette opération-suicide, l’opinion publique américaine, qui a suivi les combats quasiment en direct, est épouvantée.Offensive du Tết a fait basculer l’opinion publique et ainsi le cours de la guerre. Cette première mise en image de la guerre marque un tournant dans les relations entre les médias et les militaires[6].
À la suite de la défaite américaine lors de laguerre du Viêt Nam en partie due aux médias ayant influencé l'opinion publique mondiale, les États-Unis ne souhaitent pas faire la même erreur stratégique. Ainsi, durant laguerre du Golfe, les médias ont fait l'objet d'un contrôle accru de la part des autorités américaines. L’accès des journalistes aux champs de bataille a été particulièrement contrôlé. En contrepartie, les autorités américaines diffusaient aux journalistes des vidéos ne contrevenant pas aux intérêts nationaux[7].
Stéphane François et Olivier Schmitt soulignent l'usage de la guerre de l'information par le Kremlin au début duXXIe siècle. Le concept apparaît dans les documents officiels russes tels que la stratégie de sécurité nationale et la doctrine militaire.Vladimir Poutine le définit en 2012 comme une« matrice d’outils et de méthodes destinés à atteindre des objectifs de politique étrangère sans l’emploi de la force mais à travers l’usage de l’information et d’autres leviers d’influence ». Selon Stéphane François et Olivier Schmitt, elle s'appuie sur des « technologues politiques » dont le talent« consiste à manipuler les technologies de l’information, créant des drames virtuels au sens littéral du terme, car ils n’existent qu’à la télévision ; et en influençant le discours dominant sur lesmédias sociaux ». Leconspirationnisme en est un moyen prépondérant, le Kremlin diffusant« l’idée issue de la guerre froide, de la « main de l’étranger », c’est-à-dire l’action de la CIA et des banques américaines, derrière les contestations internes de son régime ». Les médiasSputnik etRussia Today, contrôlés par le pouvoir russe, constituent des vecteurs privilégiés, de même que les « usines àtrolls » sur internet et« la mise en place d’un réseau de conspirationnistes et/ou de militants politiques (de gauche comme de droite) favorables à la Russie et à ses thèses »[8].
En Afrique la Russie a recours à de la propagande anti-française et occidentaux a travers des agences clandestines[9].
↑Céline Marangé, Maud Quessard (dir.),Les guerres de l'information à l'ère numérique, Presses Universitaires de France,(lire en ligne),p. 47
↑fatih Aynaci, La relation de perception-réalité en termes de phénomènes guerre-pouvoir humain dans le récit historique intitulé "L'ordre du jour" d'Eric Vuillard. EDEBİYAT, DİL VE KÜLTÜRDE İNSAN, 146.
PhilippeGuichardaz, PascalLointier et PhilippeRose,L’infoguerre : Stratégies de contre-intelligence économique pour les entreprises, Dunod,, 196 p.(ISBN978-2-10-004065-0)
JeanGuisnel,Guerre dans le cyberspace : Services secrets et Internet, La Découverte,, 251 p.(ISBN978-2-7071-2502-6)