la « grande dépression médiévale », théorisée parGuy Bois (crise démographique conjuguée à une stagnation économique du fait de l'alourdissement de la pression fiscale seigneuriale) ;
les constants affrontements entre Plantagenêts et Capétiens pour la souveraineté et le contrôle des fiefs deGuyenne ;
Sur le plan démographique, les batailles ont fait peu de morts en dehors de la noblesse, mais les pillages ont eu des conséquences néfastes sur les populations civiles. Du point de vue militaire, cette guerre marque une rupture, avec le déclin de lacavalerie au profit de l'infanterie et l'apparition de l'artillerie. Ce conflit voit également l'apparition durable de l'emploi detroupes mercenaires dans chacun des camps en présence. Elle a également des conséquences économiques, l'augmentation des prix favorisant le commerce sur de longues distances, et religieuses, avec leGrand Schisme d'Occident qui oppose les papes de Rome et d'Avignon. Elle aboutit à une affirmation du sentiment national, la rivalité franco-anglaise n'étant plus dorénavant seulement issue d'un conflit dynastique. De la même manière, la mutation de la Bourgogne enprincipauté indépendante engendre un conflit de deux siècles avec lesHabsbourg.
A l'origine de la guerre de cent ans : L'hommage d'Édouard Ier d'Angleterre àPhilippe le Bel, roi de France, le 5 juin 1286, dans une salle du palais royal, en présence de la cour. Enluminure extraite desGrandes Chroniques de France, Tours, vers 1455-1460.BnF, département des Manuscrits, Français 6465, fol. 30 v.
D'après les recherches du médiévistePhilippe Contamine (1932-2022), elle apparaît pour la première fois dans leTableau chronologique de l'Histoire du Moyen Âge de Chrysanthe Desmichels[1], édité à Paris en 1823[2]. Le même auteur a en réalité déjà employé cette expression dans un manuel scolaire de 1820[3].
Le premier manuel scolaire utilisant cette formule date de 1839 (M. Boreau[4],L'Histoire de France à l'usage des classes[5]), destiné aux élèves de 6 à 12 ans (enseignement primaire). Le premier ouvrage historique titréLa Guerre de cent ans est publié en 1852 parThéodore Bachelet[6],[7].
Au début duXIVe siècle, leroyaume de France, irrigué par de grands bassins fluviaux, bénéficiant d'un climat favorable et d'une agriculture florissante, compte entre 16 et 17 millions d'habitants[8],[9],[10], ce qui en fait la première puissance démographique d'Europe. En 1328, une grande enquête administrative portant sur près des trois quarts de la population et recensant lesfeux fiscaux, permet de donner un aperçu du territoire. On y compte 2 469 987 foyers soit environ12 millions d'habitants et 32 500 paroisses[11]. Paris, à elle seule, compte, selon ce recensement, plus de 200 000 habitants[12]. Cette augmentation de la population n'est pas sans effet sur l'aménagement du territoire, puisqu'une grande partie des forêts est défrichée au profit de l'agriculture fondée sur unrégime féodal et religieux très hiérarchisé. La capacité agricole et le développement massif de l'énergie hydraulique permettent de nourrir la population (il n'y a plus eu de famine depuis leXIIe siècle[13]). Avec la croissance proto-industrielle de l'usage du fer, avec l'apparition de nouvelles techniques de labour ou d'attelage mais aussi l'utilisation du cheval au détriment du bœuf, des zones peu fertiles peuvent avoir des exploitations qui fournissent de la nourriture à une population dense, la noblesse quant à elle ayant pour devoir de défendre les terres[14].
Leclergé joue un rôle social majeur dans cette organisation de la société. Les clercs, sachant lire et compter, gèrent les institutions ; les religieux font fonctionner les œuvres caritatives[18] et les écoles[19] (voirÉducation au Moyen Âge en Occident) ; par le biais des fêtes religieuses, le nombre des jours chômés atteint 140 par an[20]. Toutefois sur ce plan aussi une différence Nord/Sud existe. Le Midi, moins marqué par larenaissance carolingienne et les ordres religieux que le Nord, se tournait essentiellement vers les sciences telles que la médecine alors que le Nord avait une préférence pour la philosophie ou la théologie. Deux villes démontrent ce clivage, Paris et Montpellier ; alors que la première possédait une des universités les plus réputées du monde chrétien sur le plan théologique, la seconde avait quant à elleune des plus prestigieuses facultés de médecine d'Occident où il n'était pas rare de voir des étudiants venus du Moyen-Orient ou d'Afrique du Nord y étudier.
De la même manière, la noblesse doit conjuguer richesse, pouvoir et bravoure sur le champ de bataille : vivant du labeur des paysans, le maître se doit de manifester sa bravoure et sa loyauté envers eux[14]. L'Église a œuvré pour canaliser les chevaliers-brigands dès la fin duXe siècle. À partir duconcile de Charroux en 989, les hommes en armes sont priés de mettre leur puissance au service des pauvres et de l'Église et deviennent desmilites Christi (« soldats du Christ »)[21]. Depuis leXIIIe siècle, le roi de France a réussi à faire admettre l'idée que son pouvoir de droit divin lui permettait de créer des nobles[22] (voirAnoblissement). La noblesse se différencie donc du reste de la population par son sens de l'honneur et doit faire montre d'esprit chevaleresque, protéger le peuple et rendre justice en préservant un certain confort matériel. Elle doit justifier sur le champ de bataille son statut social : l'adversaire doit être vaincu face à face dans un combat héroïque. L'armée est donc structurée autour de lachevalerie la plus puissante d'Europe, cavalerie lourde combattant de front, au corps à corps[9]. Cette volonté de briller sur les champs de bataille est accrue par l'habitude de l'époque defaire des prisonniers et de monnayer leur libération contre rançon. La guerre devient donc très lucrative pour les bons combattants et les risques d'être tué sont donc amoindris pour les autres[23]. DepuisPhilippe le Bel, le roi peut convoquer « le ban et l'arrière-ban », c'est-à-dire tous les hommes libres de 15 à 60 ans, de toute condition (chevaliers et paysans, jeunes et vieux, riches et pauvres). Vers 1340,Philippe VI de Valois peut compter sur 30 000 hommes d'armes ainsi que 30 000 hommes de pied. Numériquement, c'est inégalable, car l'entretien d'un tel nombre de combattants représente un coût extraordinairement élevé, mais c'est une armée hétéroclite et peu disciplinée[24].
Pour asseoir leur pouvoir face à la grande noblesse et à la papauté, les Capétiens ont donné des gages au peuple : créations devilles franches avec octroi de chartes de franchises, création desétats généraux[25]… L'équilibre social passe par l'acceptation par le peuple d'unpouvoir royal fort, qui l'émancipe de l'arbitraire féodal, et une administration de plus en plus centralisée qui lui assure un certain confort matériel. À la veille de la guerre de Cent Ans, ce système se fragilise car à la suite de la croissance démographique qui a lieu depuis leXe siècle, on assiste à une surpopulation des campagnes et à une demande d'autonomie des villes[26],[8],[27]. La taille des parcelles des paysans se réduit et les prix agricoles chutent : les ressources fiscales de la noblesse diminuent et il devient impératif de briller sur le champ de bataille pour renflouer ses finances[28]. Or l'équipement d'un chevalier coûte toujours plus cher.
Leroyaume d'Angleterre, beaucoup moins peuplé avec quatre millions d'habitants, est touché par lerefroidissement climatique européen à partir duXIIIe siècle et doit renoncer à certaines productions agricoles (le vin, par exemple, produit auparavant dans tout le Sud de l'Angleterre, ne l'est plus qu'enGuyenne[n 4],[30]) et opter pour une économie fondée sur la spécialisation et le commerce[31]. Le climat pluvieux et les pâturages verdoyants favorisent l'élevage (plus particulièrement des ovins) permettant une importante production de laine utilisée par les tisserands et les drapiers (les ovins anglais produisent une laine particulièrement fine et d'excellente qualité pour le filage[32]). L'artisanat, le commerce et donc les villes se sont développés[33]. Les habitants des villes ont surtout besoin de liberté d'entreprendre et de limiter la pression fiscale (une grande partie des finances de l'État vient de la taxe sur la laine)[34],[35]. De même, les propriétaires fonciers (barons et clergé) voient d'un mauvais œil l'augmentation des impôts rendue nécessaire par le financement de la guerre contrePhilippe Auguste, d'autant queJean sans Terre accumule défaites et pertes territoriales. Ce dernier doit leur concéder laGrande Charte de 1215 qui mène à un pouvoir de contrôle sur la fiscalité par leParlement d'Angleterre[36].
Le commerce rend l'Angleterre très dépendante de la Guyenne (car elle produit des vins supérieurs en qualité et en quantité à ceux d'Angleterre), desFlandres (dont les drapiers achètent la laine) et de laBretagne (qui lui vend du sel indispensable à la conservation des aliments)[37].
La langue des élites est l'anglo-normand[40], pour l'essentiel de l'anciennormand, fortement influencé par le dialecteangevin à l'époque des Plantagenêts et de manière moindre par l'anglo-saxon, et cela, jusqu'en 1361 (décret d'Édouard III), bien que l'anglo-saxon continue d'être employé par le peuple[41].
En effet, dans les années 1310-1330, la réduction de la proportion de cavaliers, et en particulier decavaliers lourds, dans les troupes combattantes est l'évolution la plus importante par rapport à l'armée féodale traditionnelle. La diminution du nombre de propriétaires terriens suffisamment riches pour s'équiper en chevalier en est la principale cause. Il est donc décidé de recruter dans les catégories sociales inférieures, suivant un système deconscription, un corps armé moins onéreux à équiper ; l'infanterie également appelée « gens de pied », composés eux-mêmes de fantassins et de gens de trait (archers etarbalétriers). Selon les besoins, chaque paroisse est chargée de fournir un certain nombre d'hommes valides, entraînés et équipés qui ne sont payés qu'en cas de guerre à l'extérieur du pays ; le roi peut ainsi exiger que tout propriétaire foncier jouissant d'un revenu de40 livres sterling réponde à son appel, et comme en France, il peut mobiliser l'ensemble de la population[49]. Cesfantassins appartiennent tous à la partie supérieure de la paysannerie, car ils doivent fournir leur équipement et leurbidet pour leur déplacement. Cetteinfanterie montée devenait alors plus mobile et économisait ses forces pour le combat. Lacavalerie légère, était représentée par leshobelars qui appartenaient le plus souvent à laclasse aisée des propriétaires terriens. Le hobelar est équipé d'unplastron decuir, d'uncasque et desgantelets de fer, uneépée, uncouteau et unelance. L'archer monté était également représenté dans laclasse aisée des propriétaires terriens. Son arme, le grandarclongbow, un arc encombrant de 2 m de haut, fera des ravages lors desbatailles de la guerre de Cent Ans. Placés généralement en rangs serrés sur les ailes, abrités derrière une palissade principalement composée de pieux taillés en pointes, mais également derrière des charrettes et autres obstacles, ces archers étaient capables de décocher 6 flèches à la minute, faisant ainsi pleuvoir une pluie de flèches qui décime les charges ennemies. Ce corps des archers montés remplace entre 1320-1330 le corps desarbalétriers (à pied). Pour lesautres classes de la paysannerie, ils composent selon le cas le corps des archers à pied, le corps descoutiliers ou celui desépéistes. Les troupes anglaises privilégient donc la défense sur l'attaque.
Alors que, sous l'effet des progrès des techniques agraires et des défrichements (essartages), la population s'accroît en Occident depuis leXe siècle, on franchit un seuil qui dépasse les capacités de productions agricoles dans certaines zones d'Europe dès la fin duXIIIe siècle. Avec le jeu des partages successoraux les parcelles subissent un morcellement et se réduisent : leur surface moyenne diminue des deux tiers entre 1240 et 1310[13]. Certaines régions, comme les Flandres, sont en surpopulation et essaient de gagner des terres cultivables sur la mer ; néanmoins, pour couvrir leurs besoins, elles optent pour une économie de commerce permettant d'importer les denrées agricoles. En Angleterre, dès 1279, 46 % des paysans ne disposent que d'une superficie cultivable inférieure à5 hectares, surface minimum pour nourrir une famille de cinq personnes[13]. En France, la situation est à peine meilleure, en 1311 à Garges près de Paris (voirGarges-lès-Gonesse), plus de deux tiers des habitants possèdent un terrain inférieur à34 ares si l'on y compte la maison qui prend près de20 ares[50], dans ce contexte, la moindre catastrophe naturelle peut ruiner une famille. La population rurale s'appauvrit, le prix des produits agricoles baisse et les revenus fiscaux de la noblesse diminuent alors que la pression fiscale augmente, faisant croître les tensions avec la population rurale[51].
Beaucoup de paysans tentent donc leur chance comme saisonniers dans les villes pour des salaires très faibles, engendrant aussi des tensions sociales en milieu urbain. Lerefroidissement climatique[30] provoque de mauvaises récoltes qui se traduisent, avec la pression démographique, enfamines (qui avaient pourtant disparu depuis leXIIe siècle) dans le nord de l'Europe en 1314, 1315 et 1316 :Ypres perd 10 % de sa population etBruges 5 % en 1316[13]. L'essor des villes accroît ce déficit et le ravitaillement doit être assuré par un commerce à plus ou moins longue distance. D'autre part, des consommateurs, au niveau de vie plus élevé grâce à la prospérité générale, réclament une nourriture plus abondante et plus variée : la mode de boire du vin se répand largement dans la noblesse ; pour toutes les classes de la société, lecompanagium (l'accompagnement du pain) devient plus abondant et plus riche[52]. L'enrichissement de la société et les nouvelles demandes en produits à plus forte valeur ajoutée poussent les paysans à diversifier leurs productions. Le vignoble se développe avec la demande : ceux du Nord et de l'Est de la France augmentent leur production. Les souverains anglais, qui ne possèdent sur le continent que laGuyenne, y font croître le vignoble ; au même moment, les ducs deBourgogne encouragent la production et l'exportation des vins de Beaune. Cette diversification de l'agriculture accroît le déficit en produits de base dans l'alimentation de l'époque[52].
Surtout, l'incapacité de l'État à faire accepter l'impôt l'oblige pour équilibrer son budget à user demutations monétaires. Ce qui revient à alléger la dette de l'État en dévaluant la monnaie. Ceci a entre autres pour effet de diminuer les revenus fonciers qui sont fixés contractuellement[53].
La noblesse doit compenser la diminution de ses revenus fonciers et la guerre en est un excellent moyen grâce auxrançons perçues après capture d'un adversaire, au pillage et à l'augmentation des impôts justifiée par la guerre. La noblesse, et plus particulièrement la noblesse anglaise dont les revenus fonciers sont plus touchés, adopte donc un comportement belliciste[23]. En France, le roiPhilippe VI de Valois doit renflouer les caisses de l'État et une guerre permet de lever des impôts exceptionnels.
Sphères d'influences économiques et culturelles de la France et de l'Angleterre
DepuisLouis IX, la modernisation du système juridique attire dans la sphère culturelle française de nombreuses régions limitrophes. En particulier, en terres d'Empire, les villes duDauphiné ou ducomté de Bourgogne recourent à la justice royale pour régler des litiges : le roi envoie ainsi lebailli de Mâcon qui intervient à Lyon pour y régler des différends, comme le sénéchal de Beaucaire qui intervient à Vivier ou à Valence[54]. Les rois de France savent attirer à leur cour la noblesse de ces régions en allouant des rentes et en se livrant à une habile politique matrimoniale. L'hommage prêté au roi de France par lescomtes de Savoie contre l'octroi de pensions, la mort héroïque à Crécy du roi de BohêmeJean de Luxembourg, beau-père de Jean le Bon, et la cession du Dauphiné à Philippe VI par le comteHumbert II du Viennois ruiné par son incapacité à lever l'impôt[55] et sans héritier après la mort de son fils unique[56] sont de parfaites illustrations de ce phénomène. Inversement, le fait que le roi d'Angleterre soit vassal du roi de France pour la Guyenne lui pose problème car tous les litiges peuvent être réglés à Paris et donc en sa défaveur[42].
L'essor du commerce a rendu certaines régions dépendantes économiquement de l'un ou l'autre royaume. À cette époque, le transport de marchandises s'effectue essentiellement par voie maritime ou fluviale. LaChampagne et la Bourgogne alimentent Paris par laSeine et ses affluents et sont donc pro-françaises. La Normandie est partagée car elle est le point d'union entre ce bassin économique et laManche qui devient une zone d'échanges de plus en plus intenses grâce aux progrès des techniques maritimes (le contournement de lapéninsule Ibérique par les navires italiens devient de plus en plus fréquent). L'Aquitaine qui exporte son vin enAngleterre, laBretagne qui exporte son sel et les Flandres qui importent la laine anglaise ont tout intérêt à être dans la sphère d'influence anglaise[37].
Ainsi, les Flamands, voulant échapper à la pression fiscale française, se révoltent de manière récurrente contre le roi de France, d'où les batailles successives deCourtrai (1302), deMons-en-Pévèle (1304) et deCassel (1328)[57]. Les Flamands apportent leur soutien au roi d'Angleterre, déclarant même en 1340 qu'Édouard III est le légitime roi de France. Les deux États ont donc intérêt à augmenter leurs possessions territoriales pour accroître leurs rentrées fiscales et renflouer leurs finances. Dès lors, les intrigues des deux rois pour faire passer laGuyenne, laBretagne et les Flandres sous leur influence conduisent rapidement à la guerre entre les deux États : celle-ci s'étend finalement sur116 ans[58].
Pour comprendre la question dynastique de 1328, il faut remonter une dizaine d'années dans le temps. En 1316, la mort deLouis X le Hutin, deux ans seulement après celle de son pèrePhilippe le Bel, marque la fin du « miracle capétien » : de 987 à 1316, les rois capétiens ont toujours eu un fils à qui transmettre la couronne à leur mort. De sa première épouse,Marguerite de Bourgogne qui a été condamnée pour infidélité[n 5], Louis X le Hutin n'a qu'une fille,Jeanne de Navarre. À sa mort, sa seconde femme attend un enfant. Un fils naît :Jean Ier le Posthume, mais il ne vit que quatre jours avant de mourir[10].
Après le court règne de Philippe V, mort lui aussi sans héritier mâle, c'est son plus jeune frère,Charles IV, qui, bénéficiant du précédent posé par son aîné, ceint à son tour la couronne en 1322. Mais son règne dure également peu de temps. Avant de mourir, sa femme étant enceinte, il demande que, si elle lui donne un fils, celui-ci soit roi. Si ce doit être une fille, il charge les nobles de choisir à qui reviendra la couronne[61].
La tension monte entre les deux souverains d'autant que la noblesse pousse au conflit et débouche sur une déclaration de guerre en 1337.
Le roi de France aide lesÉcossais dans leur combat contre l'Angleterre. C'est la politique menée depuis plusieurs siècles par les rois capétiens : il s'agit de laVieille Alliance (l'« Auld Alliance »)[70]. Le roi d'Écosse, David Bruce (voirDavidII (roi d'Écosse)), a été chassé par Édouard III en 1333 et Philippe VI l'héberge àChâteau-Gaillard et réarme ses partisans en attendant qu'il ait reconstitué des forces suffisantes pour reprendre pied en Écosse[71].
Édouard III intrigue en Flandre, son mariage avecPhilippa de Hainaut lui permet de tisser des liens dans le Nord de la France et dans le Saint-Empire :Robert d'Artois est réfugié à Londres depuis 1336[74], il a acheté l'alliance du comte de Hainaut ainsi que celle de l'empereurLouis de Bavière pour 300 000 florins et le duc de Brabant ainsi que le comte Gueldre se tournent vers lui[75]. Les Flamands sont outrés par le ralliement du comteLouis Ier de Flandre au roi de France et de la pression fiscale qui s'ensuit, mais en cas de relance du conflit avec le roi de France, ils devraient verser une lourde amende au pape (qui a le pouvoir de lesexcommunier ou de jeter l'interdit sur les villes flamandes). Il est prévu avecJacob van Artevelde (l'homme fort de l'opposition flamande) que les Flandres reconnaissent Édouard comme roi de France ce qui permet de contourner cet accord[58]. Louis de Nevers réagit en arrêtant des marchands anglais. Édouard III coupe l'approvisionnement en laine de cette région en[75], menaçant son économie constituée essentiellement de draperie et de tissage[58]. Mais surtout, il soutient l'industrie textile du Brabant auquel il est allié et prend des mesures incitatives pour faire venir en Angleterre les tisserands flamands désœuvrés pour y créer sa propre industrie textile. Si la Flandre reste neutre ou prend le parti du roi de France, elle risque de perdre tout son pouvoir économique et est menacée de ruine[76]. La réouverture du conflit aquitain et le soutien apporté par les Valois à ses adversaires écossais amènent Édouard III à faire de ses prétentions au trône de France un moyen de justifier sa cause. Par mesure de rétorsion, Philippe VI décide donc de confisquer la Guyenne pourfélonie le[77]. Édouard III d'Angleterre réplique en revendiquant lacouronne de France. Le, un archevêque est envoyé à Paris pour jeter le gant à « Philippe, qui se dit roi de France »[38]. La guerre commence[78].
La guerre de Cent Ans comprend deux grands mouvements qui répondent à une même structure : une première période, de 1337 à 1380, qui voit l'effondrement de la puissance de la monarchie française, puis une période de crise suivie d'un rétablissement et d'une seconde période, de 1415 à 1453, reproduisant le même cycle : effondrement, crise, rétablissement. Ces deux périodes sont séparées par une longue trêve provoquée par des conflits de pouvoir dans les deux camps.
On peut subdiviser chacune de ces deux grandes périodes en deux phases :
de 1364 à 1380,Charles V le Sage entame une patiente reconquête du territoire. Le roi a compris que la victoire finale se jouerait sur le sentiment d'appartenance nationale. Il laisse les Anglais ravager la campagne par deschevauchées alors que lui-même soulage la population en envoyant lesGrandes compagnies combattre enCastille. Évitant les batailles rangées qui ont été désastreuses durant la première phase du conflit, il reprend progressivement plusieurs places fortes à l'ennemi. En 1375, Édouard III ne contrôle plus sur le continent queCalais,Cherbourg,Brest,Bordeaux,Bayonne, et quelques forteresses dans leMassif central ;
de 1429 à 1453, les Anglais sont progressivement chassés de France.Jeanne d'Arc cristallise lesentiment national et assoit Charles VII sur le trône français en dépit dutraité de Troyes qui l'avait déshérité. Les Anglais privés du soutien de la population sont lentement chassés du continent. En 1435, letraité d'Arras met fin à l'alliance anglo-bourguignonne et déséquilibre définitivement le rapport de force en faveur des Français. En 1453, les Anglais ne contrôlent plus queCalais à la suite de leur défaite subie àCastillon. La paix est finalement signée qu'en 1475, sous les règnes deLouis XI et d'Édouard IV[80].
Si la guerre est déclarée en 1337, le conflit ne débute que plus tard. Les deux rois ne sont pas riches, et doivent négocier les impôts avec leurparlement respectif, voire emprunter l'argent nécessaire à la guerre.
Les Français, avec le renfort demercenairesgénois, ont le rapport de force maritime pour eux. Ainsi, la flotte française pille régulièrement les ports anglais[83]. Une stratégie deblocus est imaginée car le vin de Guyenne et le sel deBretagne ou dePoitou sont vitaux pour l'Angleterre[n 7]. Le commerce de la laine vers les Flandres et duvin de Bordeaux est interrompu et les finances anglaises sont au plus mal. Les drapiers flamands, sévèrement touchés par le conflit, se soulèvent contre leur comteLouis Ier de Flandre[84]. Ils sont conduits parJacob van Artevelde qui a pris le pouvoir en Flandres et s'allient au roi d'Angleterre[85].
Le commerce ayant repris avec l'Angleterre, les Français envoient leur flotte àL'Écluse, à l'embouchure du canal reliantBruges à lamer du Nord, pour imposer un blocus naval. Le, lors de labataille de L'Écluse, la flotte française, y compris de nombreux navires bretons[86], subit une défaite totale quiinverse le rapport de force maritime. Cette défaite met fin au projet d'envoyer des troupes françaises soutenir les Écossais, et permet à Édouard III d'Angleterre de relancer le commerce de la laine[87]. Au début desannées 1340, le retour des laines anglaises ne ramène cependant pas la prospérité en Flandres et l'autorité de Jacob van Artevelde est de plus en plus contestée. De plus, le papeClément VI ayant lancé uneexcommunication aux Flamands parjures[58],Louis II de Flandre parvient à reprendre pied dans le comté et force Jacob van Artevelde à répondre par une fuite en avant. Ce dernier désavoue lecomte de Flandre et propose le comté àÉdouard de Woodstock, fils d'Édouard III d'Angleterre, le futurPrince Noir. Mais il est trop tard pour lui. Contesté dans sa ville même deGand, Jacob van Artevelde est assassiné lors d'une émeute le ou le. La Flandre abandonne dès lors Édouard III et se rallie à la France[88].
Fort de sa nouvelle maîtrise maritime, une armée d'Édouard III d'Angleterre débarque àBrest en 1343. Toutefois, son alliéJean de Montfort est capturé àNantes, puis meurt en 1345.Charles de Blois reste seul prétendant au duché de Bretagne. Une trêve est signée en Bretagne, les Anglais gardent le contrôle de Brest jusqu'en 1397.
Labataille de Crécy. Miniature de Loyset Liédet tirée desChroniques de Jean Froissart, BNF, Fr.2643.
De son côté, l'Angleterre est un pays tourné vers l'artisanat et le commerce. La tactique guerrière des Anglais, rodée par des années de guerre en Écosse, est fondée sur une recherche maximum d'efficacité. Il en résulte une armée très organisée où les chevaliers comptent moins.
Si lapeste noire, ou Grande Peste, de 1349 oblige les belligérants à cesser le combat jusqu'en 1355, elle est aussi vécue comme une punition divine[93].PhilippeVI doit sa couronne à un vote despairs de France qui ont écarté Édouard III etPhilippe d'Évreux. Vaincu par une armée nettement inférieure en nombre à Crécy, le roi de France a dû fuir, ce qui met en doute la légitimité divine de son pouvoir[94]. Le prestige et l'autorité royale desValois sont donc profondément altérés[93]. Le désordre s'installe dans le Royaume sans que son successeur,Jean II le Bon, parvienne à inverser la tendance. L'économie va mal et, pour éviter de recourir aux impôts de plus en plus impopulaires, l'État procède à des mutations qui dévaluent brutalement la monnaie[95] ; le commerce se réduit comme une peau de chagrin[96] ce qui conduit les commerçants et artisans à souhaiter plus d'autonomie pour les villes et une monnaie stable. Les mercenaires démobilisés, que ce conflit a utilisé sur le long terme[97], se regroupent en bandes et forment lesGrandes compagnies qui terrorisent et pillent les campagnes. L'insécurité grandit sur les routes et dans les campagnes : la noblesse ne remplit plus le rôle qui lui est imparti dans la société féodale.
Toujours confronté à la menace anglaise, Jean le Bon doit convoquer lesétats généraux, le, pour lever l'armée de 30 000 hommes nécessaires. Ceux-ci sont extrêmement méfiants quant à la gestion des finances publiques (échaudés par lesdévaluations entraînées par les mutations monétaires[n 8]) et n'acceptent la levée d'une taxe sur le sel (lagabelle) que si les états généraux peuvent en contrôler l'application et l'utilisation des fonds prélevés. Les officiers qui prélèveraient la taxe doivent être désignés par les états généraux et dix députés doivent entrer auconseil du roi afin de contrôler les finances[105].
La Normandie, région rebelle, refuse de payer : ledauphin Charles, récemment nommé duc, réunit les états de Normandie. Charles le Mauvais voit dans cette levée impopulaire d'impôt, l'occasion de déstabiliser une couronne chancelante en fédérant les mécontents. Présent au titre de ses possessions normandes (il estcomte d'Évreux), il tente alors un rapprochement avec son beau-frère qu'il essaie de convaincre que son père Jean le Bon souhaite le déshériter (Charles est chétif, selon certaines sources présenterait une malformation de la main droite, est peu avantagé sur les champs de bataille et est donc loin de représenter l'idéal chevaleresque cher à son père)[106]. De ce fait, le, le dauphin a convié en son château deRouen tous les hauts seigneurs de la province. La fête bat son plein lorsque surgit Jean II le Bon qui vient se saisir de Charles le Mauvais. Averti de l'opposition de son gendre (il lui a donné en 1352 en mariage sa fille Jeanne de France[107]) et de bruits d'une alliance avec les Anglais, le roi laisse éclater sa colère qui couve depuis près de deux ans, en fait depuis l'assassinat, en, de son favori leconnétable Charles de la Cerda. Il fait décapiter sur-le-champ les compagnons de Charles le Mauvais et fait incarcérer ce dernier[108].
La bataille de Poitiers n'apporte rien aux Anglais sur le plan stratégique mais sur le plan politique la victoire est éclatante, le royaume de France est décapité, le fils de Jean le Bon, le jeune Charles est incapable de reprendre le contrôle du pouvoir. À la tête d'une monarchie ruinée et sans armée il est obligé de laisser chaque région se défendre par elle-même[91]. Du côté anglais, Édouard III a toutes les cartes en main pour négocier d'importantes concessions territoriales et financières.
La première phase du conflit fait apparaître une France affaiblie, tant sur un plan politique, avec la contestation du pouvoir des Valois, que sur un plan économique, les brigandages et les pillages s'ajoutant aux maux apportés par les Anglais.
Tourreluque d'Aix-en-Provence, construite pour se prémunir des bandes de pillards venant du nord de la France et qui sillonnaient la Provence. Les remparts l'entourant ont été détruits auXIXe siècle.
Après labataille de Poitiers, les mercenaires anglais démobilisés regrettent le temps des chevauchées, de l'argent facile et redoutent de retourner à leur situation d'avant-guerre, surtout pour la petite noblesse. Des milliers d'entre eux se regroupent en « grandes compagnies » et, profitant de l'absence d'autorité publique, pillent le pays ce qui alimente le mécontentement populaire[119]. Le but de ces pillages n'est nullement la victoire ou l'instauration de la paix, mais uniquement l'enrichissement personnel de certains qui n'obéissent qu'à leurs propres règles. Ainsi de 1360 à 1390, la France est en proie aux pillages, viols, meurtres, obligeant les paysans à payer des taxes pour pouvoir conserver leurs vies. Ces grandes compagnies n'hésitent pas à se mouvoir sur de grandes distances ce qui accroît le fléau à travers le Royaume[120]. Des faits notables marquent l'époque ; ainsi, durant l'hiver 1360, une de ces grandes compagnies tente de marcher sur Avignon pour intercepter larançon du roi et quelques mois plus tard une armée royale venue les chasser dePont-Saint-Esprit est battue par ces mêmes brigands. Différents dirigeants tentent de les arrêter en leur proposant d'entrer au service de grandes familles italiennes, de partir en croisade en Hongrie contre les Turcs, ou de participer à laReconquista en Espagne. Le Pape va jusqu'à excommunier ces mercenaires, mais les bandes finissent à chaque fois par revenir.
Les défaites deCrécy et Poitiers ont jeté le discrédit sur la noblesse qui est censée justifier sa supériorité sociale sur le champ de bataille[121]. Le roi étant prisonnier, son fils aîné, ledauphin Charles, réunit les états généraux à partir du.Étienne Marcel, leprévôt des marchands de Paris, y voit la possibilité de mettre en place uneforme de régime parlementaire. Allié au parti navarrais regroupé autour de l'évêque de LaonRobert Le Coq, il impose le la création d'un comité de80 membres au sein des états généraux[122] (pour faciliter les discussions) qui appuie leurs revendications. Les états généraux, déclarent le dauphinlieutenant du roi et défenseur du Royaume en l'absence de son père et lui adjoignent un conseil de douze représentants de chaqueordre[123]. Le dauphin est proche du courant réformateur et n'est pas hostile aux réformes proposées. Mais, bien vite, de profonds désaccords surviennent entre le conseil et le dauphin qui refuse de faire juger les anciens conseillers de son père honnis pour avoir brutalementdévalué la monnaie à plusieurs reprises pour renflouer les caisses de l'État[95] ainsi que de faire libérer Charles le Mauvais qui bénéficie d'un fort soutien et pourrait provoquer un changement dynastique. Voyant qu'il ne peut contenir les revendications d'Étienne Marcel et de Robert Le Coq qui veulent faire libérer Charles de Navarre, le dauphin essaye de gagner du temps et réserve sa réponse (prétextant l'arrivée de messagers de son père[122]), puis congédie les États Généraux et quitte Paris, son frère leduc d'Anjou réglant les affaires courantes. Le, le dauphin publie uneordonnance donnant cours à une nouvelle monnaie. Cela provoque une levée de boucliers dans la population qui y voit le risque d'une nouvelle dévaluation et donc d'une forte inflation. Des échauffourées éclatent et Étienne Marcel fait pression sur le duc d'Anjou puis sur le dauphin qui doit révoquer l'ordonnance et rappeler les états généraux[124]. Ceux-ci sont convoqués pour et le dauphin accepte unegrande ordonnance, promulguée le, qui prévoit le contrôle des finances par les états généraux, l'épuration de l'administration (et particulièrement des collecteurs d'impôts), et enfin le remplacement du conseil du roi par un conseil de tutelle au dauphin, où seraient présents douze députés de chaque ordre des états généraux, mais où il n'est plus question de la libération de Charles de Navarre qui ferait peser un danger réel pour la couronne des Valois.
Le, le « Navarrais » est libéré de prison par Jeande Picquigny, à l'instigation d'Étienne Marcel et de Robert Le Coq[125]. Le retour de Charles de Navarre est méticuleusement organisé : libéré le, il est reçu avec le protocole dû au roi dans les villes qu'il traverse, accueilli par les notables et la foule réunie par les états. Le même cérémonial se reproduit à chaque ville depuis Amiens jusqu'à Paris : il y entre avec une magnifique escorte, est reçu par le clergé et les bourgeois en procession, puis il harangue une foule toute acquise, expliquant qu'il a été injustement spolié et incarcéré par Jean le bon alors qu'il est de droite lignée royale[126]. Mis devant le fait accompli, le dauphin ne peut refuser la demande d'Étienne Marcel et de Robert Le Coq et signe des lettres de rémissions pour le Navarrais qui effectue tranquillement son retour triomphal. Il rentre à Paris le et harangue 10 000 personnes rassemblées par Étienne Marcel (ce qui est considérable pour l'époque)[127]. Le, il prononce un nouveau discours devant 10 000 Parisiens réunis par Étienne Marcel au Pré-aux-Clercs[128]. Le, Étienne Marcel s'invite avec un fort parti bourgeois au conseil qui doit décider de la réhabilitation de Charles de Navarre, sous prétexte d'annoncer que les états réunis auxCordeliers ont consenti à lever l'impôt demandé par le dauphin et qu'il ne reste que l'accord de la noblesse à obtenir (qui se réunit séparément des autres états). Au vu de cette démonstration de force, le dauphin ne peut faire autrement que de se réconcilier avec Charles de Navarre et lui restituer ses possessions normandes[129]. Ce dernier élève des prétentions sur plusieurs provinces (dont laChampagne dont il a été dépossédé par Jean le Bon). Le dauphin n'a d'autre choix que d'acquiescer et de réhabiliter Charles le Mauvais[130]. Plus grave pour les Valois, les états doivent trancher la question dynastique le. La couronne des Valois est menacée. Charles le Mauvais exploite le mois d'attente pour faire campagne.
Le, les états généraux sont de nouveau convoqués par le conseil de tutelle (qui, après épuration, est contrôlé par des proches d'Étienne Marcel)[131]. Devant l'opposition du dauphin, Étienne Marcel décide d'imposer sa réforme par la force et rallie les commerçants parisiens à sa cause. Il crée une milice sous prétexte de défense contre les éventuelles attaques des Anglais, alors repliés àBordeaux et renforce lesfortifications de Paris.
Le, Étienne Marcel, escorté par de nombreux hommes en armes et à la tête d'une foule rageuse, envahit lepalais royal de la Cité où réside le dauphin. Voulant s'interposer, le maréchal de ChampagneJean de Conflans et le maréchal de NormandieRobert de Clermont sont tués devant le dauphin, qui croit sa dernière heure arrivée. Marcel l'oblige à coiffer le chaperon rouge et bleu et à renouveler l'ordonnance de 1357[132]. Puis, c'est la chasse à l'homme au cours de laquelle l'avocat général, Renaud d'Acy, qui s'était réfugié dans une pâtisserie, est égorgé férocement.
Il force ensuite le dauphin à ratifier le meurtre de ses conseillers. Le dauphin ne peut qu'accepter un nouveau changement institutionnel ; son conseil est épuré : quatre bourgeois y rentrent, le gouvernement et les finances sont aux mains des états[133], Charles le Mauvais reçoit un commandement militaire et de quoi financer une armée de 1 000 hommes, le dauphin, lui, obtient de devenirrégent du Royaume ce qui permet de ne plus tenir compte des décisions du roi tant qu'il est en captivité (et en particulier des traités de paix inacceptables)[134].
Préférant s'éloigner de la fureur parisienne, le dauphin Charles quitte la capitale pourCompiègne : la noblesse s'y réunit séparément des deux autres états, pour ratifier la nouvelle ordonnance, à l'abri de toute agitation. Champenois et Bourguignons sont choqués par l'assassinat des maréchaux et rallient le camp du dauphin. Ce dernier fait solennellement condamner Étienne Marcel par les députés. Fort de ce soutien, il s'empare des forteresses deMontereau-Fault-Yonne et deMeaux. L'accès de Paris par l'est est bloqué[135]. Au sud et à l'ouest, les compagnies écument le pays et il est crucial pour Étienne Marcel de préserver les communications avec les villes des Flandres : il faut dégager la route du Nord.
La France entre Jacqueries et Compagnies (1356-1363)
À la fin du mois de, se déclenche laGrande Jacquerie : des paysans (principalement de petits propriétaires fonciers), excédés par le renforcement de la rente seigneuriale alors que le prix du blé baisse, se révoltent contre la noblesse. Cette dernière, déjà discréditée par les défaites de Crécy et de Poitiers, n'est plus en mesure de protéger les petites gens. Ce mouvement décrit par les chroniqueurs de l'époque comme extrêmement violent (cette violence a probablement été exagérée) est principalement dirigé contre les nobles qui, s'ils ne sont pas massacrés, voient leurs châteaux pillés et brûlés. 5 000 hommes se regroupent rapidement autour d'un chef charismatique :Guillaume Carl, qui reçoit très rapidement des renforts de la part d'Étienne Marcel, dont l'objectif est de libérer Paris de l'encerclement que le dauphin est en train de réaliser en privilégiant l'accès nord qui permet de communiquer avec les puissantes villes des Flandres[136].
Territoires cédés par la France à l'Angleterre par le traité de Brétigny
Territoire du duché de Bretagne, allié aux Anglais
LedauphinCharles fait appel auxétats généraux qui refusent de signer ce traité humiliant et catastrophique[143]. Ce faisant, il se dédouane ainsi que son père et ressoude le pays contre les Anglais.Édouard III décide alors de passer à nouveau à l'action.
Débarquant àCalais le, il chevauche en direction deReims, la ville dusacre (un sacre y aurait des conséquences catastrophiques pour lesValois puisqu'il tient la vie deJean le Bon entre ses mains). Mais le dauphin Charles a pris les devants et applique la stratégie de laterre déserte. Il a ordonné à tous les habitants des campagnes de se réfugier, avec toutes leurs provisions et matériels, dans les villes fortifiées. Édouard, traversant un pays vide, doit se contenter de ses réserves. Arrivé devant Reims, il trouve les portes fermées et fait donc lesiège de la cité, dont il demande la reddition. Leséchevins refusent, par fidélité au dauphin Charles. L'armée anglaise qui n'était pas équipée pour un siège est obligée de plier bagages au bout d'un mois[144],[145].
Édouard est furieux, il cherche à provoquer une grande bataille avec les Français. Ceux-ci sont invisibles, mais les retardataires et les éclaireurs anglais tombent fréquemment dans des embuscades où ils sont massacrés. Finalement, Édouard arrive devantParis, où le dauphin s'est enfermé avec la population d'Île-de-France. Malgré les provocations, le dauphin interdit à ses chevaliers de livrer bataille. Il ne veut pas renouveler ladéfaite de Poitiers.
Labataille d'Auray. Miniature de Perrin Remiet issue de laChronique de Bertrand Du Guesclin par Cuvelier,British Library, Y.T.35.
Le traité vise à désamorcer tous les griefs qui ont conduit au déclenchement du conflit.ÉdouardIII renonce donc aux duchés deNormandie et de Touraine, aux comtés duMaine et d'Anjou et à la suzeraineté sur la Bretagne et la Flandre. Il renonce surtout à revendiquer lacouronne de France[150].
Le roi meurt en captivité à Londres en 1364 (il y est retourné volontairement pour répondre de l'évasion de son fils Louis d'Anjou qui était garant des accords de Brétigny).Charles le Mauvais, évincé en 1363 de la succession du duché de Bourgogne en faveur dePhilippe le Hardi, veut empêcher le sacre deCharles V à Reims[154].Bertrand du Guesclin, à la tête de l'armée levée grâce aux impôts votés par les états généraux de 1363, le bat à labataille de Cocherel, ce qui met fin à la guerre civile, rétablit l'autorité royale aux yeux de la population (il montre que les sacrifices financiers consentis par la population pour l'effort de guerre sont suivis d'effets sur le terrain) et permet le sacre de Charles V. Ce dernier lui donne ensuite pour mission, d'entraîner lesGrandes compagnies (regroupement de mercenaires démobilisés qui ravagent les provinces françaises) défendre en Espagne les droits deHenri de Trastamare qui dispute àPierre le Cruel le trône deCastille. En pacifiant le Royaume et en diminuant les impôts les plus lourds, il redonne de la popularité à la couronne, restaure le pouvoir royal et récupère à son profit lesentiment national naissant[155]. Édouard III, lui, impose en 1361 l'anglais comme langue nationale (jusqu'à cette date la langue officielle à la cour anglaise était lefrançais) ; cette mesure renforce en retour l'anglophobie dans les territoires conquis[156].
Portrait deCharles V figurant dans unelettrine C ornée au début d'une charte royale datée de 1367. Paris, Archives nationales, J/358/12.
Renonçant aux batailles rangées menées par desbannières de tailles inégales commandées par une noblesse indisciplinée, lesquelles n'ont rien apporté à son père, le roi réorganise l'armée, sous le commandement de chefs expérimentés et loyaux, commeBertrand du Guesclin, son cousinOlivier de Mauny etGuillaume Boitel, son fidèle entre les fidèles. Celle-ci se divise en groupes bien structurés de100 hommes aguerris appelésroutes et commandées par des capitaines qui ne répondent qu'aux ordres du roi[24]. Il les lance dans une guerre d'escarmouches et desièges, grignotant patiemment le territoire de l'ennemi[24]. Sa diplomatie ne reste pas inactive et il récolte les fruits de son soutien àHenri de Trastamare : l'alliance avec le royaume de Castille conduit à l'anéantissement de la flotte anglaise par la flotte castillane à labataille de La Rochelle le[165]. Privées de soutien logistique, les places fortes cédées par le traité de Brétigny tombent les unes après les autres :Poitiers en 1372 etBergerac en 1377. Les Anglais s'en tiennent auxchevauchées, très populaires auprès de leurParlement parce qu'elles ne coûtent rien, mais désastreuses pour l'image de l'Angleterre dans les territoires pillés : elles ne font qu'attiser la haine contre les Anglais et renforcent chaque jour la fidélité envers le roi Charles V. Le clivage des deux nations naissantes se creuse toujours plus[166]. Le roi de France prend soin d'entretenir le patriotisme des régions libérées par l'octroi de nombreux privilèges. Il use, en particulier, de l'anoblissement[167], la noblesse française ayant été décimée par lapeste,Crécy etPoitiers[168]. De même, la reconquête se fait grandement par le retournement des villes d'Aquitaine souvent monnayé contre des promesses de fiscalité plus légère[169].
Mot d'ordre des opérations pour le roi de France : « Mieux vaut pays pillé que terre perdue ». Charles laisse donc le Royaume à la merci despillages anglais, qui provoquent dans la population d'immenses souffrances. À chaque chevauchée, le roi ordonne aux campagnards de se réfugier dans les villes avec toutes leurs réserves, pratiquant la tactique de laterre déserte. Plus les Anglais avancent dans les terres, plus leur ravitaillement est difficile ; harcelés par des Français qui leur tendent de nombreuses embuscades, leurs effectifs sont vite réduits à néant et de nombreux chefs anglais glorieux sont obligés de se replier afin d'éviter le désastre (Jean de Lancastre, le Prince Noir,Robert Knolles et Édouard III lui-même sont victimes de cette stratégie de Charles V)[164].
Charles le Sage, qui a toujours eu une mauvaise santé, veut préparer sa fin. Aussi, en 1374, il fixe la majorité des rois de France à14 ans, et ordonne l'amélioration de tous les châteaux et forteresses de France, rendus vulnérables par l'apparition de l'artillerie[n 9] aussi bien aux frontières que dans les régions exposées aux débarquements anglais (Normandie, notamment), ce qui matérialise un peu plus le territoire national. À la fin de son règne, la paix est revenue, mais la pression fiscale au départ provisoire et justifiée par l'état de guerre est restée lourde et villes et campagnes recommencent à gronder.
En, âgé de42 ans,Charles V le Sage meurt. Son fils de douze ans seulement devient le roiCharles VI mais, mineur, il est placé sous la tutelle de ses oncles. Ceux-ci forment un conseil de régence en remplacement duconseil du roi. Les anciens conseillers de Charles V sont progressivement évincés, les oncles du jeune roi (et frères de feu Charles V :Louis d'Anjou,Jean de Berry,Philippe de Bourgogne) accaparant tout le pouvoir. Le règne de Charles V a été marqué par l'affermissement du pouvoir royal vis-à-vis de la noblesse. En effet, celle-ci a déjà été saignée par les effets desbatailles de Crécy etPoitiers ou de la grande peste et de ses réminiscences régulières, mais elle fait aussi face à une baisse importante de ses revenus fonciers, les campagnes ayant été dépeuplées par la peste et dévastées durablement par les pillages découlant de la stratégie deterre déserte et de l'action des compagnies : les paysans ont fui et leurs terres sont souvent retournées en friche[172] (en particulier, les pieds de vignes détruits entraînent des difficultés durables de production de vin pourtant indispensable à l'époque où l'eau est rarement salubre). Avec le retour de l'ordre, les choses se sont arrangées, les terres ont été recolonisées, mais beaucoup de seigneurs cèdent leurs terres enfermage ou enmétayage ce qui est moins rentable, mais permet des revenus plus réguliers et permet d'être présent à la cour pour bénéficier des largesses de son suzerain. En effet, le trésor royal est enrichi par une fiscalité devenue permanente ce qui permet d'entretenir et de fidéliser ses vassaux. C'est pourquoi les oncles ont besoin de puiser dans les finances royales pour s'assurer le soutien d'une large clientèle[173] et constituer de véritables principautés. Ce gouvernement est relativement néfaste pour le Trésor dans lequel les grands du Royaume prennent l'habitude de puiser. Quand Louis d'Anjou décide de partir conquérir le lointain royaume deNaples qu'il revendique depuis 1382, il finance son expédition aux dépens du trésor royal[171], mais cela l'éloigne des affaires de France et laisse Philippe le Hardi prendre une influence prépondérante au sein du conseil[174].
À l'été et à l'automne 1386, Philippe II de Bourgogne, l'oncle du roi de France, réunit une armée franco-bourguignonne et une flotte de 1.200 navires près de la ville zélandaise deL'Écluse pour tenter une invasion de l'Angleterre, mais cette entreprise échoue. Une ville en bois avec des parties en bois numérotées et les charnières correspondantes a été spécialement préparée à cet effet. La ville devrait atteindre un mur d'enceinte de14 kilomètres de long. Cependant, le frère de Philippe,Jean de Berry, est apparu délibérément en retard, de sorte que le temps d'automne a empêché la flotte de partir et l'armée d'invasion s'est dispersée à nouveau.
Cette période est calme d'un point de vue militaire car le royaume d'Angleterre est en proie à une guerre civile. Unerévolte des paysans est déclenchée par la crise économique qui sévit alors en Angleterre à la suite de l'interruption des commerces du sel, des vins et de la laine, les hausses d'impôts nécessaires à l'entretien de l'armée et le discrédit qui frappe la noblesse du fait de ses défaites à répétition en France. L'insurrection est coordonnée par des prédicateurslollards dont les idées égalitaires séduisent. Elle prend le contrôle de Londres avant d'être matée parRichard II[175].
Les campagnes et les villes supportent mal la forte pression fiscale concédée à titre provisoire pour entretenir l'effort de guerre, mais qui est devenue permanente, d'autant que les recettes semblent plus utilisées pour l'organisation de fêtes somptueuses (nécessaires pour entretenir sa clientèle) que pour la sécurisation du territoire[173]. En 1388,Charles VI, âgé de20 ans, constatant la gabegie et le discrédit entraîné par le gouvernement de ses oncles décide de reprendre en main les affaires du Royaume[173],[176]. La régence prend fin, mais il garde ses oncles comme conseillers et fait revenir les anciens ministres de son père, que l'opposition féodale surnommait lesmarmousets, en référence à des figures grotesques qui côtoient les gargouilles dans les cathédrales.
Le règne du jeune roi, très populaire, s'annonce aussi positif que celui de son père, lorsque, pendant une expédition punitive contre leduc de Bretagne, iltombe « malade », selon les dires de l'époque. En effet, il est alors pris à partie par un individu qui lui aurait dit : « Sire, vous êtes entourés de traîtres, vos compagnons veulent votre mort ! » Le roi Charles, dans un accès de démence, dégaine son épée et se rue vers ses écuyers. Il faut plusieurs hommes pour le maîtriser[177]. Le sombre épisode duBal des ardents, quelques mois plus tard, achève de le déstabiliser psychologiquement[178].
Le Royaume n'étant plus dirigé, les oncles du roi reprennent le pouvoir au sein d'un conseil de régence présidé par la reine (Isabeau de Bavière) et lesmarmousets sont renvoyés[180]. La reine étant piètre politique[réf. nécessaire], le duc de Bourgogne Philippe le Hardi exerce le pouvoir de fait. Mais, il lui faut de plus en plus compter avecLouis d'Orléans, le frère cadet du roi, qui s'emploie à contrer l'influence duduc de Bourgogne à la cour de France[réf. nécessaire]. Ce dernier avait par ailleurs déjà acquis la propriété ducomté de Blois en 1391.
La reprise du conflit trouve ses origines dans différents facteurs. En premier lieu, France comme Angleterre connaissent des luttes pour le pouvoir. En Angleterre, c'est avant tout les revers contre la France qui entraînent un changement dynastique[réf. nécessaire] : après un long conflit,Henri IV de Lancastre s'impose comme roi. En France, la folie deCharles VI entraîne la mise en place d'un conseil de régence présidé par la reine. Le pouvoir réel est partagé par les grands du Royaume (Louis d'Orléans, chef de file desArmagnacs[181], etJean sans Peur,duc de Bourgogne, le duc de Berry étant plutôt un médiateur entre les deux premiers).
Louis d'Orléans prend une influence grandissante sur la reine et est accusé par lesBourguignons, qui se sentent lésés, d'être son amant[182] (et le père réel dudauphin). Cette lutte de pouvoir entre Armagnacs et Bourguignons rapproche progressivement ces derniers des Anglais, d'autant qu'en 1407Jean sans Peur faitassassiner le duc d'Orléans. Le pays sombre dans la guerre civile[182]. D'un point de vue religieux, leGrand Schisme oppose lepape deRome (soutenu par les Anglais et les Bourguignons) à celui d'Avignon (soutenu par les Armagnacs)[183].
En fait, ce sont deux systèmes économiques, sociaux et religieux qui se font face. La France, pays avec une agriculture florissante et un système féodal et religieux puissant d'une part ; l'Angleterre d'autre part, pays d'élevage qui vend sa laine aux drapiers des Flandres. C'est un pays où l'artisanat et la bourgeoisie des villes prennent de l'importance. Les Armagnacs défendent le modèle français, Jean sans Peur, pour prendre le contrôle de Paris, milite pour le modèle anglais (d'autant que les Flandres appartiennent au duché de Bourgogne) promettant baisses d'impôts et contrôle de la monarchie par les états généraux et est soutenu par les artisans et les universitaires parisiens[184]. Il se rend ainsi maître de Paris et donc du roi en 1413[185]. Ses alliés lescabochiens (du nom de leur chef le boucherSimon Caboche) font régner la terreur. Le, l'ordonnance cabochienne est rédigée et promulguée dans l'esprit de lagrande ordonnance de 1357. Mais leurs exactions ont fini par lasser les Parisiens qui appellent les Armagnacs à la rescousse[184]. Jean sans Peur doit fuir et se rapproche des Anglais[184].
Henri V, fils d'Henri IV, comprend la nécessité d'unir sa noblesse contre un ennemi commun et d'attaquer la France. Il revendique l'héritage de Guillaume le Conquérant et des Plantagenêt : la Normandie et l'Aquitaine, soit la moitié de la France[184]. On lui propose l'Aquitaine et la main deCatherine, fille du roi richement dotée, mais on lui refuse la Normandie[184]. En 1415, il se proclame roi de France (en tant qu'arrière-petit-fils d'Édouard III, dont il reprend la revendication en tant que descendant direct dePhilippe le Bel, tandis que les Valois descendent du frère cadet de ce dernier) et débarque à Chef-de-Caux, près de la future ville duHavre avec 13 000 hommes[186]. Il ne vient pas mener une énièmechevauchée enNormandie mais compte s'emparer de la région. Il commence par prendre la ville d'Harfleur puis en expulse les habitants et les remplace par des colons anglais[187]. Ladysenterie qui frappe son armée oblige le roi d'Angleterre à reporter ses rêves de conquête. Il décide de regagner l'Angleterre viaCalais.
Face à ce danger,Armagnacs etBourguignons, les deux partis qui se disputent le pouvoir en France, font une trêve pour faire face. L'armée française rattrapeHenri V enPicardie. Au moment crucial, les Armagnacs rechignent à laisser le commandement au duc de Bourgogne qui retire ses troupes : les Français ne sont que 20 000[188]. Lachevalerie française paie une nouvelle fois ses insuffisances tactiques et la faiblesse de son commandement : les Anglais taillent en pièces la fine fleur de la noblesse de France àAzincourt, le[189]. Ils peuvent rembarquer sans inquiétude. Cette humiliation des Français aggrave les dissensions au sein du Royaume et révèle àHenri V qu'il peut revenir.
Celui-ci lève des fonds pour conduire une guerre desièges face aux châteaux fortifiés sousCharles V le Sage. Deux ans après sa victoire à la bataille d'Azincourt, le roi d'Angleterre revient en Normandie avec une armée de 10 000 à 12 000 hommes et uneartillerie à feu considérable pour l'époque[190] : il compte bien entreprendre la conquête duduché de Normandie.
Armagnacs etBourguignons s'opposent alors dans une véritableguerre civile et ne luttent guère contre les Anglais :Paris, et donc le roi, sont contrôlés par le comte d'Armagnac entre 1413 et 1418, Isabeau de Bavière doit fuir et est recueillie par Jean sans Peur. Les Armagnacs multipliant les exactions dans la capitale, les Parisiens ouvrent les portes aux Bourguignons qui ont su mener une politique accommodante de baisse des taxes dans les villes qu'ils contrôlent[191] fin. C'est un nouveau bain de sang : en, les Armagnacs sont massacrés et le futurCharles VII que son père a nommé lieutenant du Royaume se proclame régent en[192], et, prenant la tête du parti Armagnac, établit son gouvernement àBourges. Henri V a les mains libres : en moins de deux ans, toutes les forteresses normandes, villes ou châteaux, tombent.Rouen, assiégée, est réduite à la famine. La ville accepte finalement d'ouvrir ses portes au roi d'Angleterre le[193]. À cette date, seul leMont-Saint-Michel tient bon.
Les Anglais peuvent prendre Paris en 1419. Une médiation est tentée entre Armagnacs et Bourguignons, et leduc de Bourgogne et le dauphin se rencontrent sur le pont deMontereau le. Mais, lors de l'entrevue,Jean sans Peur est assassiné par des proches du dauphin (pour qui un accord avec les Bourguignons est inacceptable). Le dauphin est accusé d'être le commanditaire et les conséquences sont catastrophiques pour les Armagnacs[194].Philippe le Bon, fils deJean sans Peur, s'allie alors ouvertement aux Anglais, et fait signer letraité de Troyes de 1420 àCharles VI, définitivement fou. Ledauphin est déshérité,Henri V épouse lafille de Charles VI et devient l'héritier du royaume de France. Henri V est régent de France en 1421[195]. LesArmagnacs dénoncent ce traité, arguant du fait que la couronne possède le roi, et non le contraire. Ils s'appuient sur le précédent de la succession deCharles IV le Bel et sur la récupération de laloi salique pour refuser que la couronne puisse échoir au futur fils de la fille du roi. La France est partagée en trois influences : le Sud (régions au sud de laLoire, moins laGuyenne) fidèle audauphin, le Nord-Ouest tenu par les Anglais, le reste auxBourguignons.
Il se dit dans le Royaume qu'une jeune pucelle envoyée par Dieu, et venant duduché de Lorraine a reconnu miraculeusement le vrai roi de France àChinon.Charles VII accepte d'envoyerJeanne d'Arc àOrléans, ville qu'elle se propose de délivrer comme preuve de sa bonne foi, avec un convoi de ravitaillement. En cas de victoire, il verrait légitimée sa revendication au trône de France (qui peut tout aussi bien être revendiqué parHenri VI en vertu dutraité de Troyes).
Lesiège d'Orléans est une bataille phare, capitale, suivie par toute l'Europe[199]. Le, Jeanne entre dans la ville. Le, une desbastilles anglaises (construites pour le siège) est prise. Les jours suivants, une seconde, puis une troisième. Le, les Anglais se rangent en ordre de bataille. Jeanne interdit à l'armée française d'engager le combat, car c'est un dimanche, un jour sacré pour les chrétiens. Les Anglais lèvent alors le siège[200]. Cet évènement a un retentissement considérable en Europe : le contraste est saisissant entre la lenteur du siège et la vitesse à laquelle il est levé dès l'intervention de Jeanne. Les contemporains croient y voir un miracle.Bonne d'Armagnac, femme deCharles Ier d'Orléans, prisonnier des Anglais et chef des Armagnacs, lui écrit pour lui demander de l'aide. La ville deToulouse fait de même. Du côté français comme du côté anglais, la propagande fait rage, invoquant dans les deux cas le surnaturel, bon ou mauvais.
Jeanne désire ensuite marcher surReims, projet difficilement réalisable, la ville étant en plein pays bourguignon. Charles VII aurait pu être sacré à Orléans (comme le futLouis VI le Gros, par exemple) ; cependant l'impact psychologique d'un sacre à Reims serait bien plus important, car il serait interprété comme un nouveau miracle, preuve de la légitimation divine du dauphin. Labataille de Patay, victoire française, à laquelle participe le connétableArthur de Richemont[n 10], ouvre les portes de Reims, où Charles VII estsacré roi de France[201]. Cela coupe l'herbe sous le pied d'Henri VI qui ne put être sacré qu'àNotre-Dame de Paris en 1431. À partir de ce moment, l'influence de Jeanne dans le conflit est plus faible : elle n'est plus soutenue par Charles VII[9] qui, une fois sacré, souhaite ménager les ecclésiastiques (qui ont été profondément divisés par legrand schisme d'Occident) pour assoir sa couronne. Elle échoue devant Paris en 1429. Elle est envoyée dans leBerry pour neutraliser lesGrandes compagnies qui écument le pays durant les trêves. Elle est alors capturée en 1430, àCompiègne, parJean de Luxembourg. Charles VII l'abandonne[9]. Son procès est confié à l'évêque de Beauvais,Pierre Cauchon, proche des Bourguignons, mais elle est brûlée par les Anglais à Rouen, le. Cette manœuvre permet de ne mettre en cause directement ni les Bourguignons, ni lePape (l'Inquisition l'avait un temps réclamée), dans ce qui est perçu à l'époque par beaucoup comme le martyre d'une sainte (Jeanne d'Arc ne fut cependant canonisée qu'en 1920 dans un tout autre contexte politique). Le régent anglais fait couronner en hâte Henri VI à Paris le, mais c'est trop tard : les Anglais sont perçus comme des occupants et les soulèvements se multiplient[202].
Batailles et opérations majeures en France entre 1415 et 1453.
À partir de 1431, la situation politique et militaire des Anglais se dégrade. De fait, depuis letraité de Troyes, ils sont loin de contrôler physiquement tout le territoire qui leur a été assigné : ils n'occupent qu'en partie la Picardie et la Champagne et ne contrôlent qu'imparfaitement l'Île-de-France où les partisans de Charles VII tiennent encore plusieurs places fortes et se cachent dans les forêts du Hurepoix. Entre Saône et Loire les allégeances s'emmêlent[203]. Les capitaines français[203]Dunois,La Hire,Barbazan ou le routierRodrigue de Villandrando multiplient les coups de main en Champagne et enÎle-de-France[204]. La haine des Anglais entraîne de nombreux soulèvements et en Normandie la situation est de plus en plus intenable. En 1432, un coup de main sur le château de Rouen est à deux doigts de réussir[205]. En 1434, la Normandie est en insurrection quasi générale à la suite de l'augmentation des exigences fiscales anglaises[205] et malgré la répression sanglante ordonnée par leduc de Bedford[204].Jean sans Peur avait multiplié les promesses démagogiques d'exonérations fiscales et les Anglais ne peuvent les tenir[203]. De même, la création d'uneuniversité de Caen en 1432 est vécue par les maîtres de l'Université de Paris comme une défiance, voire un détournement de clientèle : les Parisiens s'éloignent des Anglais[204].
En,La Hire etSaintrailles taillent en pièces l'armée anglaise ducomte d'Arundel à labataille de Gerberoy. Le duc de Bourgogne sent le vent tourner et, sous la pression des villes flamandes et des Parisiens qui souhaitent la paix pour des raisons économiques, se rapproche des Français[204]. En 1435, Charles VII fait amende honorable pour l'assassinat de Jean sans Peur, ce qui permet la conclusion de lapaix d'Arras avec lesBourguignons[205]. Ce traité permet en outre à Philippe le Bon d'accroître ses possessions : il reçoit les comtés d'Auxerre et deMâcon, des seigneuries de Péronne, Royes etMontdidier et prend en gage des villes de Picardie comme Amiens, Saint-Quentin et Abbeville[204]. Ce traité fait définitivement basculer le rapport de force en faveur des Français[206]. Immédiatement, des soulèvements anti-anglais se déclenchent, en particulier en pays de Caux et dans le val de Vire[207]. Dans la fouléeDieppe,Montivilliers etHarfleur sont reprises[207]. En 1436, par suite de l'action du connétableArthur de Richemont[208],[n 11], Paris ouvre ses portes aux Français[205] qui proclament le pardon général[207].CharlesVII ne se presse pas : il réorganise le Royaume et prépare la reconquête.
La dernière phase de la guerre est très lente. Elle est cependant caractérisée par un élément majeur : la supériorité militaire anglaise, fondée sur desarchers performants et uneinfanterie disciplinée, disparaît progressivement au profit des Français qui font émerger une nouvelle technologie sur les champs de bataille : l'artillerie de campagne, organisée parJean Bureau, qui fait débander l'adversaire, laissant prise à des charges de cavalerie lourde[209]. Le roi d'AngleterreHenri VI, dont la mère est française, se révèle francophile et peu enclin à la guerre. Depuis la mort de Bedford, son conseil est en proie aux discordes[205]. En 1444, latrêve de Tours est conclue entre les deux camps. Charles VII la met à profit et réorganise son armée de manière à pouvoir vaincre les Anglais. Il obtient progressivement des états de la langue d'oïl (1438 et 1443) puis d'oc (1439) la possibilité de reconduire les aides sans réunir les états annuellement : c'est l'instauration de la permanence de l'impôt[210]. Le roi a dès lors les moyens d'entretenir une armée permanente et d'éviter que les mercenaires démobilisés ne se livrent au pillage. Il envoie ledauphin Louis à la tête de plus de 20 000 écorcheurs combattre les cantons suisses révoltés contre le duc d'Autriche. Cela lui permet de tester ses hommes et de se débarrasser des éléments douteux ou mal équipés. Beaucoup deroutiers périssent face auxSuisses et auxAlsaciens[211]. Il renvoie ensuite un grand nombre d'éléments indésirables dans leur pays d'origine (en particulier en Espagne) ou les recycle dans l'administration, les disperse par petits groupes, leur ayant accordé des lettres de rémissions[211].
Au total, Charles VII ne retient à son service que la moitié environ des combattants. Par l'ordonnance de Louppy-le-Châtel de 1445, il les organise enlances, unité de base où les compétences de chacun se complètent. Chacune est constituée d'un homme d'armes accompagné de deux archers à cheval, d'uncoutilier (armé d'une épée et d'une longue dague), d'unpage et d'un valet (ces derniers ne combattant pas en règle générale). 100 lances forment unecompagnie. Les quinze compagnies totalisent 9 000 hommes, dont 6 000 combattants qui forment lagrande ordonnance. Bientôt, trois nouvelles compagnies sont créées. Cette armée est entretenue de façon permanente et est mise en garnison dans des villes du Royaume qui ont la charge de l'entretenir. Le coût ne repose donc plus sur les finances royales. En 1448, il créela petite ordonnance : en cas de mobilisation, chaque paroisse (cinquante feux[212]) est tenue de mettre à la disposition du roi un archer bien équipé et bien exercé. Pour compenser les charges qui pèsent sur lui, il est dispensé d'impôt (lataille[212]) : on l'appellefranc-archer. Choisi par les agents du roi, il est tenu au service de ce dernier. Le Royaume en compte environ 8 000 et possède enfin une archerie comparable à l'armée anglaise. Ceci n'empêche pas le roi de recruter le cas échéant des mercenaires[210] (une garde écossaise permanente est d'ailleurs constituée[211]). Enfin, l'artillerie est organisée enparcs de24 pièces. Cette artillerie fut utilisée dans un premier temps lors des sièges puis sur les champs de bataille. Au total, le roi peut tabler sur une armée de 15 000 hommes à cheval, mobiles et entraînés[210].
Inversement, les archers anglais, dont la formation est très lente, voient leur nombre diminuer progressivement avec les batailles. Capturés, ils sont mis hors d'état de combattre définitivement par amputation dumajeur avant d'être rançonnés[213] (ils préfèrent alors souvent mourir plutôt que de se rendre et être mutilés). Moins nombreux, les archers sont aussi moins efficaces : les chevaux de lacavalerie française sont maintenant protégés[n 12] afin d'être moins vulnérables aux tirs paraboliques des archers et d'autre part, la cavalerie essaye de déborder l'adversaire plutôt que de le charger frontalement comme àPatay où les archers anglais sont massacrés.
L'occasion de rompre la trêve survient le :François de Surienne prendFougères au duc de Bretagne rallié à Charles VII pour le compte du duc de Somerset, le lieutenant d'Henri VI pour la Normandie[212]. Charles VII attaque aussitôt laNormandie sur trois fronts. Les Anglais y sont considérés comme des occupants et une année, de 1449 à 1450, suffit pour reprendre leduché. La campagne commence par une guerre de siège qui tourne à l'avantage des Français, grâce à l'artillerie : en quelques semainesLisieux,Argentan,Saint-Lô etCoutances sont reprises[212]. Les habitants de Rouen ouvrent les portes de la ville et Charles VII y entre le[212].Somerset débordé n'y a même pas pu tenir le château[212]. La prise deHonfleur libère l'estuaire de la Seine. Une armée de secours débarque en Normandie, mais elle est écrasée le àFormigny, où l'artillerie française désorganise les rangs anglais : les archers doivent charger pour neutraliser deuxcouleuvrines et sont alors balayés par la cavalerie bretonne du connétable de Richemont[215] qui intervient de manière décisive[216].Cherbourg tombe quatre mois plus tard, il n'y a plus d'Anglais en Normandie.
EnGuyenne, les populations ne sont pas pro-françaises[217], la région exportant massivement du vin vers l'Angleterre. Ainsi, les résultats d'une première campagne victorieuse en 1451, pendant laquelle Bordeaux et Bayonne ont été prises, ont été réduits à néant par une insurrection pro-anglaise, les habitants ayant du mal à accepter la lourde fiscalité française.L'objectif n'est alors plus de prendre les villes mais bien de battre les Anglais dans une bataille rangée[réf. nécessaire]. Elle est livrée le, àCastillon. Les Anglais qui chargent les Français retranchés sont taillés en pièces par300 pièces d'artillerie tirant à la fois (il s'agit pour la plupart de canons à main), chargées àmitraille et disposées de manière à prendre les assaillants en enfilade[218]. Le carnage est effrayant. Les assaillants sont pressés les uns contre les autres ne pouvant ni s'échapper ni se dissimuler. La cavalerie bretonne charge les survivants et c'est le massacre : 4 000 Anglais perdent la vie[218]. Cette écrasante victoire remportée parJean Bureau surJohn Talbot est décisive.
Le, auchâteau de Lormont, dit « château du Prince Noir », un traité entreJean de Bueil, amiral de France et chef du corps assiégeant, etRoger de Camois, chef d'artillerie, précise les modalités du départ des Anglais de Bordeaux. Le document stipule que tous les navires anglais peuvent quitter Bordeaux avec leur armement et leurs marchandises. Des sauf-conduits sont délivrés à ceux qui partent par les terres. Il est précisé que ces contrats restent valables jusqu'au[219],[220].
Le, auchâteau de Montferrand, près de Bordeaux, était signé le nouveau traité qui donnait pour toujours la Guyenne à la France. La ville de Bordeaux perdait ses privilèges, le droit de battre monnaie, celui de voter l'impôt… Bon nombre de seigneurs gascons furent livrés au roi, ou durent s'exiler, commePierre de Montferrand, seigneur deLangoiran. Sur le continent, les Anglais ne gardent queCalais (Philippe le Bon ayant souhaité que les importations de laine anglaise indispensables à l'économie des Flandres ne soient pas perturbées[217]). Aucune paix n'est conclue, mais les Anglais subissent unedifficile guerre civile pendant une trentaine d'années et il n'y a plus de combats sur le continent entre les deux pays après cette date qui marque, pour beaucoup d'historiens, la fin du conflit.
Durant la deuxième partie de la guerre de Cent Ans, les ducs de Bourgogne, depuisPhilippe le Hardi, ont progressivement rassemblé un vaste ensemble territorial, qui comprend à l'est la Bourgogne et la Franche-Comté, et au nord la Picardie, l'Artois, le Hainaut, le Brabant, la Hollande et le Luxembourg, entre autres. Du fait dutraité d'Arras de 1435, la Bourgogne, gouvernée par Philippe III le Bon, est devenue indépendante. Son filsCharles le Téméraire, qui lui succède en 1467, est dévoré par l'ambition : il espère réunir ses domaines en annexant une partie de l'Alsace et de la Lorraine, et obtenir ensuite une véritable couronne, qui ferait de lui l'égal du roi de France, son rival.
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les combats pendant la guerre de Cent Ans font peu de morts directes. À la vue de la longueur de la période étudiée, il y a peu de batailles, qui engagent rarement plus de 10 000 hommes. Elles font souvent peu de victimes du fait de l'habitude de l'époque d'épargner les prisonniers pour en tirer une rançon. Cependant, àPoitiers ou àAzincourt, les Anglais, voulant affaiblir durablement la chevalerie française, ne fontpas de quartier, ce qui a pour conséquence de saigner fortement la noblesse française. Certains auteurs ont estimé que 40 % de la chevalerie française disparaît lors de la bataille de Poitiers (1356), et au moins 70 % à Azincourt[168]. Cela entraîne un renouvellement important de la petite noblesse qui contribue à sa perte de pouvoir. En Beauce, par exemple, vers 1500, seuls 19 % des nobles peuvent se prévaloir d'un titre antérieur auXIVe siècle[22].
Le second grand fléau est lagrande peste de 1349, qui est largement plus dévastatrice que la guerre. Entre le début duXIVe et le milieu duXVe siècle, l'Occident a perdu 30 % de sa population[222]. La maladie surprend la population de l'époque puisque depuis 767, la peste a disparu d'Occident[223] ce qui la rend d'autant plus redoutable. La contamination des populations suit les routes commerciales.
La maladie pénètre à Marseille et remonte leRhône mais aussi leLanguedoc en. En avril,Toulouse est touchée, et un mois plus tard, c'est au tour deBordeaux, ce qui permet à l'infection d'atteindre plus facilement l'Angleterre[224].
Elle a été dévastatrice en 1349 mais a eu aussi des récurrences pendant de longues années qui sont d'autant plus dévastatrices que leschevauchées (et la tactique de laterre déserte) et les pillages des compagnies ont durablement touché les campagnes. Des terres sont retournées en friches, des périodes de disettes ont été notées en 1345-1348, 1351, 1361, 1368, 1373-1375, avec à chaque fois une augmentation de la mortalité[225]. Vers 1310-1320, la France compte peut-être21 millions d'habitants dans les frontières actuelles. Un siècle plus tard, en 1430, elle ne compte plus que 8 à 10 millions environ d'habitants. Avec une perte de 60 % de sa population, elle est revenue au niveau de l'an mille. En Angleterre, vers 1400, il ne reste que2,1 millions sur4 millions d'habitants au début du conflit[226].
On observe, en Angleterre, une désertification des campagnes qui accentue la transition vers une société commerçante avec un fort pouvoir des villes, alors que la France garde une population à 90 % agricole[9]. Des mesures sont prises comme la mise en quarantaine des navires arrivant de Marseille en 1383 ou bien àLille, l'interdiction d'enterrer les malades dans les églises urbaines, mais dans presque toute l'Europe, les mesures prises sont totalement inefficaces[227].
Les réactions des populations face à la maladie sont très diverses : des phénomènes d'hystérie collective apparaissent, des comportements superstitieux comme la flagellation se développent, plus généralement, l'on note une augmentation de la ferveur religieuse ; enfin, des boucs émissaires, issus des minorités religieuses et ethniques sont désignés arbitrairement, et persécutés par les locaux[228].
Bataille de Patay (1429) : la chevalerie charge avant que les archers anglais aient pu se retrancher.Jeanne d'Arc y remporte une victoire décisive. Détail d'une miniature attribuée àPhilippe de Mazerolles tirée d'un manuscrit de Jean Chartier, Fr.2691.
À la fin du Moyen Âge, les armées sont composées principalement de deux éléments : les gens d'armes, c'est-à-dire la cavalerie lourde, fer de lance de l'armée ; les gens de pied, composés eux-mêmes de fantassins et de gens de trait (archers etarbalétriers). La structure sociale se retrouvait aussi dans les armées, l'équipement militaire étant à la charge du combattant. L'armure présente sur le gisant du Prince Noir reflète à ce titre le niveau de perfectionnement de l'équipement de certains : en acier résistant aux flèches, elle était lourde (obligation d'avoir un cheval) mais surtout onéreuse. L'armure des gens de pieds est quant à elle plus simple et se résume généralement à une protection en cuir, le cheval, lorsqu'ils en possèdent un, est de médiocre qualité et ne sert pas au combat.
Longbow anglais, qui donne une réelle supériorité aux Anglais à labataille d'Azincourt.
Cette stratégie de charge frontale est battue en brèche dès le début duXIVe siècle, une haie de piquiers suffisant à briser les charges de chevalerie. Ainsi àCourtrai, les Flamands écrasent la chevalerie française, et àBannockburn, les Écossais écrasent la chevalerie anglaise[43] ; désarçonnés et engoncés dans leurs lourdes armures, les chevaliers sont des proies faciles pour les fantassins. C'est d'ailleurs en perdant la bataille de Bannockburn que les Anglais comprennent que malgré sa puissance, le chevalier possède des faiblesses très facilement exploitables. Ce qui pose un problème immense au vu du coût de son équipement et de son temps d'entraînement.
La démobilisation des armées de mercenaires parfois étrangers (Nord-Italiens,Allemands,Suisses,Flamands,Brabançons etc.) posant le problème descompagnies pillant le pays durant les trêves, les armées se professionnalisent et deviennent permanentes et constituées de combattants soldés financés par des levées d'impôts. Ces levées sont devenues possibles à la suite de l'enrichissement de la population avec le développement du commerce et des villes, qui peuvent d'ailleurs lever leurs propres armées[229].
Progressivement, les armures évoluent pour être moins vulnérables aux flèches. La cotte de mailles est progressivement remplacée par des plates qui couvrent d'abord les membres avant de protéger tout le corps. En fin de conflit, les chevaux sont protégés et moins vulnérables aux flèches, l'artillerie de campagne désorganise les rangs d'archers adverses et permet aux Français de lancer leurs redoutables charges de cavalerie sur l'ennemi dispersé[209]. Cette stratégie reste payante jusqu'auxguerres d'Italie, etMarignan reste la meilleure illustration de cette combinaison cavalerie/artillerie, mais progressivement grâce à l'apparition de l'arquebuse, les fantassins suisses puisespagnols[230], s'imposent sur les champs de bataille de la Renaissance[231].
L'apparition de l'artillerie transforme aussi l'art desfortifications. Les murs s'épaississent, et on entoure les forteresses de talus pour arrêter les tirs de boulets. À laRenaissance, que certains font commencer à la fin de cette guerre, les châteaux sont devenus incapables de résister à l'artillerie et se transforment en demeures spacieuses et confortables à habiter. Lechâteau fort, symbole de la féodalité, disparaît. La sécurité devient du ressort d'un pouvoir central, capable de financer une armée permanente. La noblesse perd de son influence au profit de la royauté[232].
Dans tous les domaines, cette longue guerre marque la fin de l'âge féodal et le déclin de la civilisation médiévale.
Les conséquencesdémographiques de la guerre et de lagrande peste entraînent àmasse monétaire constante une hausse importante des prix. Les produits duMoyen-Orient deviennent alors plus compétitifs, et il s'instaure undéficit commercial au profit[233]. Cela encourage le commerce sur longue distance et les progrès techniques dans le domaine de lanavigation mais aussi rend rares lesmétaux précieux dans un deuxième temps et rend donc nécessaires des mutations monétaires, qui raréfient le taux de métal noble dans le numéraire[233]. Donc, la guerre entraîne une insécurité des voies commerciales mais aussi monétaire (les mutations monétaires effectuées à maintes reprises par les belligérants ont entraîné des dévaluations)[234]. L'économie réussit à s'adapter :
l'insécurité des routes est néfaste pour l'économie des Flandres et de la France : les Flamands désertent lesfoires de Champagne, qui périclitent au profit de Paris. Le commerce du textile se fait par voie maritime en contournant la péninsule Ibérique, ceci au bénéfice des marchands italiens. Le rôle commercial de la France, puissance continentale, diminue[96] :
l'arrêt répété du trafic transmanche influence fortement l'industrie textile flamande qui, au début du conflit, importe de la laine anglaise. Pour combler ce manque, les Anglais se rendent moins dépendants économiquement des Flandres en transformant directement leur laine en vêtements[236]. Pour cela, ils sont aidés par les mesures incitatives du roi d'Angleterre, qui taxe les vêtements beaucoup moins que la laine et dès 1337 accorde de larges privilèges à tout ouvrier étranger s'établissant dans les villes anglaises et interdit l'exportation de laine vers les Flandres et l'importation de draps[237]. Face à cette situation, de nombreux tisserands flamands itinérants viennent tenter leur chance en Angleterre. Avant la grande peste, les Flandres subissent une crise démographique, qui entraîne une forte émigration[238]. Les drapiers flamands importent alors leur laine d'Espagne, ce qui rend économiquement logique l'intégration à l'empire des Habsbourg alors que les liens avec la France diminuent avec la perte d'influence desfoires de Champagne, et développent des matières premières de substitution comme lelin[239] ;
la concurrence anglaise diminuant les profits des tisserands, l'économie flamande développe d'autres activités comme le secteur bancaire[96] ;
le secteur financier progresse. Afin de sécuriser les fonds, l'usage des lettres de change se développe et permet d'éviter les transports de fonds avec beaucoup moins de risque et l'impact des changements de cours incessant de la monnaie. Cela se fait par le développement du réseau postal[240] ;
pour mutualiser les risques, les commerçants s'associent en sociétés et compagnies et créent des filiales indépendantes. En cas de faillite, la filiale n'entraîne pas l'effondrement de l'ensemble de la compagnie[241].
Enfin, l'évolution progressive vers la pénurie demétaux précieux et l'accroissement du commerce avec l'Orient poussent à l'établissement de voies commerciales vers l'Asie et à trouver de nouvelles sources de métaux précieux[233]. Avec l'amélioration des techniques de navigation, les voyages transocéaniques deviennent envisageables[242]. À partir du milieu duXVe siècle, tout pousse auxgrandes découvertes.
Au début du conflit, lespapes siègent àAvignon et sont français[243], ce qui confère un important avantage diplomatique aux Français. Cependant en 1377,Grégoire XI fait revenir la papauté àRome pour mettre fin au conflit avec les Florentins grâce à l'entremise deCatherine de Sienne. En 1378, le nouveau pape,Urbain VI, se montre particulièrement despotique envers les cardinaux français[244], qui l'accusent donc d'avoir été élu sous la pression de la rue romaine et élisent l'antipapeClément VII à Avignon[245],[246].
Au cours de ces deux siècles de guerre, de famine et de peste, les croyants découvrent une Église parfois incapable de répondre à leurs angoisses. C'est l'époque où l'« arithmétique du salut » (Henri Martin), la « comptabilité de l'au-delà » (Jacques Chiffoleau), prennent des proportions incompréhensibles pour qui ignore la terreur des hommes de cette époque pour l'enfer. Les plus riches achètent des centaines, voire des milliers de messes pour le salut de leur âme[247]. Riches et pauvres participent en foule à des processions pénitentielles, aux « passions » théâtrales sur le parvis des églises, et le « couronnement de la Vierge », la figure protectrice de la mère de Jésus, devient un thème majeur de l'art. De plus en plus de fidèles, de réformateurs chrétiens exigent aussi un accès direct à la source du Salut, à la lecture de la Bible en langue vernaculaire, en un temps où seuls les clercs ont le droit de lire et de commenter l'Écriture. Là se trouve une origine de laRéforme protestante, un autre élément de modernité de la fin du Moyen Âge, avec l'ascension des classes bourgeoises[9].
La division de l'Église à la suite duGrand Schisme ouvre un espace à la critique. Des théories nouvelles comme celles deJohn Wyclif peuvent se divulguer, et les ecclésiastiques se déchirent entre partisans du pape ou de l'antipape, qui se discréditent. Le terrain est préparé pour la Réforme dont Wyclif est l'un des précurseurs[248].
Le schisme n'est résolu qu'en1415 auconcile de Constance, les deux papes devant abdiquer ce qui permet l'élection d'un pape unique :MartinV. Pour résoudre le conflit, l'Église doit recourir auconciliarisme : lesconciles (rassemblement de tous lesévêques) ont plus de pouvoir que le Pape lui-même et doivent se réunir régulièrement. Dès lors, la papauté est très affaiblie ce qui permet àCharlesVII de s'imposer en1438 comme le chef naturel de l'Église de France en s'appuyant sur l'épiscopat français : c'est legallicanisme[249].
L'Angleterre favorise l'élevage et le commerce de lalaine. L'artisanat et les villes se développent. Labourgeoisie et leparlement (celui-ci destitueRichardII en1399 quand ce souverain tente de renforcer le pouvoir monarchique)[250], prennent de plus en plus de puissance d'autant qu'avec lagrande peste de nombreux villages anglais ont été désertés. Le pays est de moins en moins agricole et de plus en plus artisanal et commerçant. Du fait des difficultés récurrentes à exporter la laine vers les Flandres, la lourdeur des taxes sur la laine et l'apparition de matières premières concurrentes (lin, soie et laine espagnole entre autres), l'Angleterre est devenue directement productrice de vêtements et de draps[236] : son économie devient de plus en plus industrielle. Lanoblesse ne remplit plus son rôle de sécurisation des campagnes et se discrédite donc en imposant lourdement les paysans afin de financer l'effort de guerre. Or, les paysans, de moins en moins nombreux, estiment que leur rôle social devrait être mieux reconnu, d'autant plus que de nombreuses batailles de la guerre de Cent Ans ont été gagnées grâce à leur talent d'archer, et répondent favorablement aux prêches deslollards qui répandent les idées deJohn Wyclif. Leur révolte contreRichardII est matée mais ce dernier finit par être renversé : lamonarchie anglaise a perdu de la crédibilité et du pouvoir[251]. John Wyclif est un précurseur de la Réforme, et son pays accueille favorablement leprotestantisme à la Renaissance[252]. D'autre part, les voies commerciales sont plus maritimes qu'en France, donc la nécessité d'un pouvoir centralisé fort sécurisant les routes est moins évidente, la noblesse étant de moins en moins indispensable. On se dirige vers un pouvoir de moins en moins absolu, et les libertés individuelles sont progressivement revendiquées. La Renaissance amène la prise d'autonomie religieuse de l'Angleterre, puis l'avènement progressif d'unemonarchie constitutionnelle.
Saint Éloi orfèvre,Petrus Christus (1449). Représente un couple de bourgeois chez un orfèvre : la guerre de Cent Ans a vu la bourgeoisie augmenter ses revendications politiques.
La France, dont le climat est propice à l'agriculture, évolue vers une société religieuse, assise sur une structure rurale stable et une monarchie puissante aupouvoir centralisé fort et protecteur. Le développement des villes a permis à la bourgeoisie de contester le pouvoir de la noblesse, qui semble incapable de justifier son statut sur les champs de bataille. L'usage desétats généraux devient fréquent et labourgeoisie prend ainsi place dans la société, mais des monarques avisés (CharlesV et son petit-filsCharlesVII) savent regrouper autour d'eux les campagnes, puis le pays, en utilisant le sentiment national naissant, renforcent finalement le pouvoir royal. Ils tirent parti de l'insécurité générée par le conflit, qui engendre des troubles dans les campagnes mais retentit aussi sur le commerce en touchant les voies de communications, et il ne peut plus être gérée par la petite noblesse en sécurisant le territoire grâce à une armée permanente financée par un système fiscal et administratif modernisé. Lanoblesse perd graduellement soncontre-pouvoir face au souverain, et leféodalisme contestataire et revendicateur, héritage duhaut Moyen Âge, tend à disparaître face à l'autorité du roi. Le terrain est prêt pour l'évolution vers lamonarchie absolue[250]. D'autre part, comparativement au reste de l'Europe, la guerre ralentit l'avancée vers une civilisation plus urbaine en France. On constate dans le reste de l'Europe une pré-Renaissance et l'évolution vers un pouvoir accru pour les villes, mais la France échappe à cette évolution et développe unemonarchie absolue dedroit divin extrêmement centralisée[9].
Enfin, en Angleterre, lalangue officielle devient l'anglais en1361 alors que l'anglo-normand était la langue usitée par l'aristocratie depuis la conquête normande. C'est la guerre de Cent Ans qui entérine le clivage culturel franco-anglais.
La guerre de Cent Ans aussi entraîne l'indépendance de fait de l'État bourguignon, qui devient une véritable principauté composée de territoires issus de la France et duSaint-Empire. LesHabsbourg et lesValois se disputent le contrôle de ces terres, ce qui entraîne deux siècles de conflits entre la France d'une part et l'Autriche et l'Espagne d'autre part.
La carte de l'Europe de laRenaissance est dessinée à la fin de la guerre de Cent Ans, d'autant queConstantinople est prise en1453, étape importante dans la géographie orientale médiévale. Cette guerre contribue entre autres à la création des deux États dont les affrontements récurrents marquent le continent pendant bien des siècles : la France et l'Angleterre.
Bataille de Crécy () : les archers anglais déciment la chevalerie française. Ce désastre discrédite la noblesse française.
Siège de Calais (1346) : aussitôt après Crécy,ÉdouardIII lance le siège de Calais qu'il prend en 1347,PhilippeVI n'ayant pas pu secourir la ville (elle restera sous contrôle anglais jusqu'auXVIe siècle).
Bataille de Poitiers () : lePrince noir, fils du roi d'Angleterre, parti deBordeaux, conduit une chevauchée jusque dans leBerry. Au retour, il est pris en chasse par Jean le Bon qui le rejoint près dePoitiers. C'est une sévère défaite française, marquée par la capture du roi de France, emmené prisonnier à Bordeaux, puis en Angleterre.
Son fils aîné le dauphinCharles ayant 18 ans devientrégent du royaume, conservant dans le conseil de régence lesconseillers du roi de son père.
Traité de Londres (janvier 1358), signé par Jean le Bon, sans l'accord du dauphin ni des autres dirigeants du royaume
Deuxièmetraité de Londres (mars 1359), encore plus favorable à l'Angleterre. Charles réunit de nouveau lesétats généraux, qui déclarent ce traité nul.
Offensive anglaise enChampagne (octobre 1359), dans le but de prendreReims et de procéder ausacre d'Édouard III. C'est un échec total.
Début de véritables négociations avec le dauphin ; signature dutraité de Brétigny (8 mai 1360) ; libération de Jean le Bon, moyennant une rançon qui reste à payer.
Jean le Bon part à Londres (3 janvier 1364) pour renégocier le traité de Brétigny
Bataille de Nájera () : leroi de CastillePierre le Cruel, attaqué par son rivalHenri de Trastamare (soutenu par les troupes desGrandes compagnies commandées par du Guesclin), appelle à l'aide son beau-frère le Prince Noir. Ce dernier remporte une victoire àNájera ; du Guesclin, fait prisonnier, est libéré sur parole et rentre en France pour payer les rançons dues.
Bataille de Montiel () : du Guesclin revenu en Castille et Henri de Trastamare vainquent une coalition menée par le roi de Portugal. Fait prisonnier peu après, Pierre le Cruel est assassiné (24 mars) par Henri de Trastamare, qui monte sur le trône de Castille, assurant l'alliance de ce royaume avec la France.
Bataille de La Rochelle () : la flotte castillane détruit la flotte anglaise. Cette défaite prive les Anglais de soutien logistique sur le continent. Les Français les repoussent progressivement en reprenant l'une après l'autre la quasi-totalité de leurs places fortes.
Charles VI sombre dans la folie (1394) ; le royaume est gouverné par le Conseil du roi où siègent ses oncles, notamment le duc de Bourgogne et le duc d'Orléans.
Par letraité de Troyes (21 mai 1420), le dauphin Charles, présenté comme un bâtard par la propagande anglaise et bourguignonne, est exclu de la succession au trône de France, qui à la mort de Charles VI, doit revenir à Henri V.
le dauphin se réfugie à Bourges, devenant « leroi de Bourges ».
Bataille de Patay () : victoire française qui ouvre la route vers Paris.
Chevauchée vers Reims (juin-juillet 1429) : expédition voulue par Jeanne d'Arc pour faire sacrer le roi à Reims, ville située dans les territoires contrôlés par les Bourguignons.
Sacre de Charles VII (17 juillet 1429) : le sacre donne àCharlesVII une légitimité de droit divin dont son rival Henri VI d'Angleterre ne dispose pas et met fin à toute mise en cause à propos de sa naissance.
Capture (23 mai 1430) et mort (31 mai 1431) de Jeanne d'Arc après un procès mené par l'évêque de Rouen. Malgré cela, la situation est désormais favorable à Charles VII et défavorable aux Anglais.
Traité d'Arras (21 septembre 1435), mettant fin à la guerre entre Philippe le Bon et Charles VII.
Bataille de Formigny () : victoire française qui permet la reprise de la Normandie.
Bataille de Castillon () : victoire française qui permet la reprise de la Guyenne, notamment de Bordeaux.
La bataille de Castillon marque la fin de la guerre franco-anglaise sur le plan militaire ; mais ce n'est qu'en 1475 qu'un traité de paix, letraité de Picquigny, est conclu.
NicolasSavy, « Les exactions des compagnies anglo-gasconnes dans la moyenne vallée de la Dordogne durant les années 1370 »,Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, Société historique et archéologique du Périgord,t. 138,4e livraison,,p. 503-514(lire en ligne).
Françoise Lehoux,Jean de France, duc de Berry. Sa vie, son action politique (1340-1416), éd. Picard, 1966-1968, 4 vol., 459+534+518+151 p.
Peter S. Lewis,La France à la fin du Moyen Âge. La société politique, Paris, Hachette, 1977 (édition originale :Later Medieval France. The Polity, Londres, Macmillan, 1968).
RenéCintré,Les marches de Bretagne au Moyen Âge : économie, guerre et société en pays de frontière,XIVe – XVe siècles, Pornichet, Éditions Jean-Marie Pierre,, 238 p.(ISBN2-903999-11-2).
BrunoRamirez de Palacios,Charles dit le Mauvais : Roi de Navarre, comte d'Evreux, prétendant au trône de France, Le Chesnay, Bruno Ramirez de Palacios,, 530 p.(ISBN978-2-9540585-2-8).
Walter Prevenier (dir.),Le prince et le peuple. La société du temps des ducs de Bourgogne, Anvers, Fonds Mercator, 1998.
Jean Richard,Les ducs de Bourgogne et la formation du duché duXIe au XIVe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1954 (Publications de l'université de Dijon, 12).
(en)Bertrand Schnerb, « Burgundy », dansThe New Cambridge Medieval History,t. VII,c. 1415 - c. 1500, Christopher T. Allmand (dir.), Cambridge, Cambridge University Press, 1998,p. 431-456.
↑a etbPendant laguerre de Succession de Bretagne (1341-1364), conflit annexe à la guerre de Cent Ans, la noblesse bretonne est divisée entre deux factions luttant pour le trône ducal : lamaison de Blois, alliée au roi de France, et lamaison de Montfort, alliée au roi d'Angleterre, qui remporte la victoire. Mais en 1381, après lesecond traité de Guérande, le duc de Bretagne revient dans le camp du roi de France.
↑a etbLa Flandre se rallie à la maison de France en 1345, à la suite de l'assassinat deJacques van Artevelde.
↑Marguerite de Bourgogne a été condamnée après avoir été reconnue coupable d'entretenir depuis 1311, des relations d'adultère avec le chevalierPhilippe d'Aunay.
↑Pour des raisons de santé publique : à l'époque le vin est plus salubre que l'eau et le sel indispensable à la conservation des aliments. Philippe Richardot,Y a-t-il une pensée navale dans l'occident médiéval ?,stratis.org.
↑Le roi pouvait changer le cours d'une monnaie : il favorisait ainsi les monnaies royales à forte teneur en or face aux monnaies d'argent frappées par ses vassauxLe Franc histoire d'une monnaie. Les mécanismes de mutationBibliothèque nationale de France etBalard, Genet et Rouche 2003,p. 273.
↑Il fait, par exemple, ceinturer Paris par un fossé et un talus en remblais surmonté d'une palissade. Le talus permet d'éviter les boulets et la palissade sert à empêcher l'ennemi d'utiliser le talus comme abri.
↑Richemont s'était composé une armée de600 hommes d'armes et 400 hommes de trait. Elle comprenait notamment les compagnies des sires de Beaumanoir, Rostrenen, Montauban, G. de St Gilles, A. de la Feuillée, de nombreux autres Bretons de sa maison et des seigneurs du Poitou en tout400 lances et800 archers (environ 4 000 hommes). La Pucelle arrive à Beaugency. Richemont la rejoint et décide de secourir Meung, puis de poursuivre les Anglais regroupés à Janville. Richemont avec ses Bretons et l'armée de la Pucelle les surprennent et ils sont complètement défaits au village de Patay. Références sur le site de Skol Uhel Ar Vro.
↑Arthur de Richemont, futur duc de Bretagne, est connétable depuis 1425, mais après une période disgrâce, il eut un rôle éminent (et oublié) dans la dernière phase de la guerre de Cent Ans. Selon Jules Michelet, de tous temps« la meilleure arme de la France contre la Grande-Bretagne avait été la Bretagne »,« Parmi les hommes célèbres du règne deCharlesVII… s'il en est un qui mérite d'occuper à côté de Jeanne d'Arc le premier rang, on peut affirmer, tout bien pesé, que c'est le connétable de Richemont » — Ernest Lavisse ;« Du Guesclin, Clisson, Arthur de Richemont, les plus grands capitaines du Moyen Âge, sortirent du duché » de Bretagne,Vies des grands capitaines français du Moyen Âge, par Alexandre Mazas ;« Le connétable de Richemont était le seul homme qui prit à cœur les intérêts de la monarchie et songé à sa défense », Simonde de Sismondi.
↑Lesbardes, qui sont relativement coûteuses, ne se généralisent qu'au cours duXVe siècle[214].
↑Tableau chronologique de l'histoire du Moyen Âge: pour servir à l'étude et à l'enseignement de l'Histoire générale, et particulièrement de l'Histoire de France par Chrysanthe Desmichels (1823)disponible surGoogle Livres.
↑« Comment le roi David d'Escosse avec la roine sa femme vinrent à Paris au roi de France ; et comment il et tous les barons d'Escosse lui promirent et jurèrent qu'ils ne feroient point paix aux Anglois sans son conseil ».Chroniques de Jean Froissart,LivreI,partieI,chap. 75, Bibliothèque nationale de France,[lire en ligne],p. 67. Consulté le 11 avril 2010.
↑« Comment le comte de Montfort s'en alla en Angleterre et fit hommage au roi d'Angleterre de la duché de Bretagne ».Chroniques de Jean Froissart,LivreI,partieI,chap. 152,p. 133-134,Bibliothèque nationale de France et« Comment les douze pairs et les barons de France jugèrent que messire Charles de Blois devoit être duc de Bretagne ; et comment ledit messire Charles les pria qu'ils lui veuillent aider ».Chroniques de Jean Froissart,LivreI,partieI,chap. 154,p. 134,Bibliothèque nationale de France.
↑« Comment le roi David d'Escosse avec la reine sa femme vinrent à Paris au roi de France ; et comment il et tous les barons d'Escosse lui promirent et jurèrent qu'ils ne feroient point paix aux Anglois sans son conseil ».Chroniques de Jean Froissart,LivreI,partieI,chap. 75,p. 67,Bibliothèque nationale de France.
↑Blaye, Portsmouth, Plymouth et Southampton sont pillés :Favier 1980,p. 91.
↑« Comment les seigneurs d'Angleterre firent alliance avec les Flamands par donner et par promettre, et espécialement avec Jaquemart d'Artevelle ».Chroniques de Jean Froissart,LivreI,partieI,chap. 66, Bibliothèque nationale de France,[lire en ligne],p. 60.
↑1340 : le duc de Bretagne fournit une forte escadre de vaisseaux de Bretagne à la flotte française, détruite le 24 juin, dans le port de L'Écluse, par les flottes anglo-flamandes coalisées.« Environ quatre-vingts grands vaisseaux » dit d'Argentré, voir aussi La Borderie,Histoire des villes de France, d'Aristide M. Guilbert,Mnémonique de l'histoire, ou précis d'histoire universelle en tableaux… de C. M. Nicolle.
↑« Comment messire Charles d'Espaigne fut occis par le fait du roi Charles de Navarre à Laigle en Normandie, et comment le roi Jean voulut contrevenger sa mort ».Chroniques de Jean Froissart,LivreI,partieII,chap. 13,p. 301,Bibliothèque nationale de France.
↑Jourdan, Decrusy et Isambert,Recueil général des anciennes lois françaises, depuis l'an 420 jusqu'à la Révolution de 1789, Paris : Belin-Leprieur : Plon, 1821-1833,[lire en ligne],p. 738-745.
↑« Comment ceux de Rouen et d'Évreux se refusèrent à l'établissement d'une gabelle sur le sel par l'ennortement du seigneur de Harecourt et du roi de Navarre, et comment le roi Jean fit mettre les mains sur le roi de Navarre ens ou châtel de Rouen ».Chroniques de Jean Froissart,LivreI,partieII,chap. 20,p. 322-325,Bibliothèque nationale de France.
↑Jourdan, Decrusy et Isambert,Recueil général des anciennes lois françaises, depuis l'an 420 jusqu'à la Révolution de 1789, Paris : Belin-Leprieur : Plon, 1821-1833,p. 769-794,Bibliothèque nationale de France. D'autres sources font état de douze représentants de la noblesse, douze représentants du tiers état et six du clergé : Georges Duby,Le Moyen Âge, Seuil 1995,p. 489.
↑H. Gourdon de Genouillac,Paris à travers les âges : histoire nationale de Paris et des parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, Tome premier ; ouvr. rééd. sur un plan nouveau et approuvé par Henri Martin,p. 179-183,Bibliothèque nationale de France.
↑« Comment le duc de Normandie et son conseil envoyèrent légats pour traiter de la paix entre le roi de France et le roi d'Angleterre; et comment la paix fut faite ».Chroniques de Jean Froissart,LivreI,partieII,chap. 131,p. 429-433,Bibliothèque nationale de France.
↑« Ci s'ensuit la chartre de l'ordonnance de la paix faite entre le roi d'Angleterre et ses alliés, et le roi de France et les siens ».Chroniques de Jean Froissart,LivreI,partieII,chap. 132, Bibliothèque nationale de France,[lire en ligne],p. 433-437.
↑« Ci après s'ensuit la forme et la manière de la lettre de renonciation que fit le roi d'Angleterre entre lui et le roi de France ».Chroniques de Jean Froissart,LivreI,partieII,chap. 139, Bibliothèque nationale de France,[lire en ligne],p. 444-448.
↑« Comment messire Bertran du Guesclin fut pris ; et comment messire Charles de Blois fut occis en la bataille ; et toute la fleur de la chevalerie de Bretagne et de Normandie prise ou occise ».Chroniques de Jean Froissart,LivreI,partieII,chap. 195,p. 496-497,Bibliothèque nationale de France.
↑« Comment le roi de France envoya messages pour traiter de la paix entre le comte de Montfort et le pays de Bretagne; et comment il en demeura duc ».Chroniques de Jean Froissart,LivreI,partieII,chap. 200,p. 500-501,Bibliothèque nationale de France.
↑« Comment la guerre commença entre le roi Dam Piètre et son frère Henry le Bastard ; et comment le roi de France envoya messire Bertran du Guesclin atout les Compagnies avec le dit Henry contre Dam Piètre ».Chroniques de Jean Froissart,LivreI,partieII,chap. 203,p. 503-505,Bibliothèque nationale de France.
↑Plus exactement il s'agit de saxon imprégné de mots normands : Cristian-Ioan Panzaru,Le crépuscule du Moyen Âge,unibuc.ro.
↑« Comment le comte de Pennebroch se partit d'Angleterre pour venir en Poitou ; et comment les Espaignols au hâvre de la Rochelle durement le combattirent. »Chroniques de Jean Froissart,LivreI,partieII,chap. 342,p. 636-637,Bibliothèque nationale de France.
↑« Comment les Compagnies gâtoient et exiloient le royaume de France, et comment moult de gens en murmuroient contre le roi d'Angleterre et le prince de Galles son fils ».Chroniques de Jean Froissart,LivreI,partieII,chap. 202,p. 502-503,Bibliothèque nationale de France.
↑Chroniques de Jean Froissart,« De la grosse armée et du voyage que le roi de France vouloit faire en Bretagne sur le duc de Bretagne, pour la cause qu'on disoit qu'il soutenoit messire Pierre de Craon ; et comment au dit voyage le roi devint malade, pourquoi le voyage fut rompu »,livre 4,chap. 29.
↑[Larané] André Larané, « 5 août 1392 -CharlesVI le Bien Aimé devient le Fou », surherodote.net(consulté le).
↑Chroniques de Jean Froissart,« Comment le duc de Berry et le duc de Bourgogne, oncles du roi, eurent le gouvernement du royaume ; et comment ils firent chasser et prendre ceux qui avoient eu le gouvernement du roi »,livre 4,chap. 30.
↑Avant l'assassinat de Louis d'Orléans en 1405 le parti d'Armagnac se nomme le parti d'Orléans, mais pour faciliter la lecture nous avons volontairement ignoré cette nuance.
↑a etbMichel Mollat,La reconstruction (1440-1515) tiré deHistoire de la France des origines à nos jours sous la direction deGeorges Duby, Larousse, 2007,p. 435-436.
↑a etbLa Bataille de Castillon. Un mois auparavant, le 17 juin 1453, Chalais fut repris en présence de Charles VII. ()Xénophon group.
↑Jean-Jacques Déogracias, Le Fort du Hâ de Bordeaux, Les dossiers d'Aquitaine.
La version du 8 mars 2007 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.