
La « guerre contre la pauvreté » est proclamée par leprésident des États-UnisLyndon Johnson lors de sondiscours sur l'état de l'Union du. Johnson reprend alors à son compte l’objectif défini dix ans auparavant parIda Merriam, une chercheuse qui travaillait depuis 1963 auBureau des recherches et statistiques (Office of Research and Statistics, ORS) et qui avait commencé sa carrière dans l'Administration de la sécurité sociale créée sousRoosevelt : vaincre lapauvreté au moyen d’une politique nationale résolue[1].
Johnson propose alors un ensemble de mesures législatives pour lutter contre la pauvreté, qui touchait, selon les estimations, environ 19 % de la population. Le discours sur l'état de l'Union fut suivi du vote, par le Congrès, de l'Economic Opportunity Act, une loi qui établissait l'Office of Economic Opportunity (en) (OEO, Bureau des opportunités économiques) afin d'administrer les applications locales des fonds fédéraux ciblant la pauvreté, ainsi que la loi sur lasécurité sociale de 1965 (Social Security Act de 1965) qui crée leMedicare puis leMedicaid.
Cette politique johnsonienne, qui visait à étendre le rôle de l'État fédéral dans ses rôles sociaux, de l'éducation à lasécurité sociale, faisait partie de son programme d'uneGrande Société, et poursuivait les objectifs duNew Deal de Roosevelt et de ses discours sur lesQuatre Libertés.
Après lesannées 1960, la « guerre contre la pauvreté » perdit de sa popularité, essuyant les critiques croissantes contre l'État-providence, les mesures dedérégulation et des mesures, votées dans les années 1980 et 1990, visant à réduire l'aide fédérale apportée aux pauvres, mesures qui culminent avec lePersonal Responsibility and Work Opportunity Reconciliation Act d', qui, selon le présidentBill Clinton,« met fin à l'assistance telle que nous la connaissons » (« […] this legislation provides an historic opportunity to end welfare as we know it and transform our broken welfare system by promoting the fundamental values of work, responsibility, and family. »[2]).
L'héritage de la guerre contre la pauvreté reste sensible cependant dans l'existence de programmes fédéraux tels queHead Start ouJob Corps.
L'expression de « guerre contre la pauvreté » n'est pas neutre : elle vise à remobiliser les énergies de la nation autour d'un projet commun, ou encore à « dramatiser lecontrat social » (Pierre Rosanvallon, 1995[3]). Rappelant en effet comment l'État-Providence s'est historiquement construit à la faveur de crises sociales et d'élan patriotique provoquées par les deux guerres mondiales, et faisant directement allusion aux réformes de Johnson, entre autres,Pierre Rosanvallon cite ainsiMichael Walzer :« Les défenseurs de l'État-providence cherchent à institutionnaliser et à perpétuer le sens de l'entraide qui apparaît dans une crise collective, l'esprit demutualité qui se manifeste entre citoyens confrontés à une inondation, un ouragan ou même une attaque ennemie. »[4].
Le Bureau des opportunités économiques (OEO), fondé en 1964, était l'agence fédérale chargée de l'administration de la plupart des programmes créés sous Johnson, dont les programmesVolunteers in Service to America (VISTA),Job Corps (en),Head Start,aide légale et leCommunity Action Program. Dirigé successivement parSargent Shriver,Bertrand Harding etDonald Rumsfeld, le OEO devint rapidement la cible des critiques, à la fois de gauche et de droite, contre le programme de « guerre contre la pauvreté ».
Le projet Head Start, lancé à l'été 1965, ciblait les très jeunes enfants de familles pauvres. Il a été ensuite transféré, en 1969, sousNixon, à l'Office of Child Development (Bureau du développement de l'enfant), qui dépend dudépartement de la Santé, de l'Éducation et du Bien-être (Department of Health, Education and Welfare, aujourd'hui HHS,département de la Santé et des Services sociaux).
Un second projet, visant les enfants, a été lancé en 1967 : leprojet Follow Through a été la plus grande expérience éducative jamais instruite aux États-Unis[5].
Ces politiques ont permis à plus de deux millions de jeunes d'acquérir les compétences nécessaires à leur indépendance économique. Job Corps continue, aujourd'hui, d'aider 70 000 jeunes par an à travers 122 centres Job Corps dispersés dans le pays. Job Corps permet aussi d'acquérir des diplômes dehigh school afin de pouvoir entrer à l'université.
Dans la décennie qui suivit lediscours sur l'état de l'Union de janvier1964, les taux de pauvreté décrurent à leur plus bas niveau, 11,1 %. Ils sont restés depuis entre 11 et 15,2 %, alors que la moyenne était auparavant entre 20 et 25 %[6].
La pauvreté parmi les Américains âgés de 18 à 64 ans n'a baissé que marginalement depuis 1966, de 10,5 % à 10,1 % aujourd'hui. Mais elle a baissé de 23 % (en 1964) à 16,3 % aujourd'hui pour les moins de 18 ans, et de 28,5 % (en 1966) à 10,1 % aujourd'hui pour les plus de 65 ans.
L'OEA a été démantelé par Nixon en1973, bien que la plupart de ses programmes ont été transférés à d'autres agences fédérales.