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Guerre civile russe

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Pour les articles homonymes, voirRévolution russe (homonymie).

Guerre civile russe
Description de cette image, également commentée ci-après
Dans le sens des aiguilles d'une montre : les soldats de l'armée du Don en1919 ; une division d'infanterie de l'armée blanche enmars 1920. Soldats de la1re cavalerie ;Léon Trotski en 1918 ; la pendaison de travailleurs àYekaterinoslav par l'armée austro-hongroise enavril 1918.
Informations générales
Date
(5 ans, 7 mois et 9 jours)
LieuAnciens territoires de l'Empire russe (actuelsRussie,Ukraine,Géorgie,Finlande,Pologne,Kazakhstan,Biélorussie,Azerbaïdjan,Estonie,Lettonie,Lituanie,Ouzbékistan,Tadjikistan,Turkménistan),Mongolie-Extérieure,Perse
Casus belliRévolution d'Octobre.
Issue

Victoire de l'Armée rouge.

Belligérants
Bolcheviks etArmée rouge
Drapeau de la république socialiste fédérative soviétique de RussieRSFS de Russie
RSS d'Ukraine
RSS biélorusse
République d'Extrême-Orient
République soviétique de Donetsk-Krivoï-Rog
Flag of the Bukharan People's Soviet RepublicRépublique soviétique populaire de Boukhara
Turkestan Autonomous SSR FlagRépublique socialiste soviétique autonome du Turkestan
Flag of Khiva 1920-1923République soviétique populaire du Khorezm
Communistes mongols
Commune des travailleurs d'Estonie
Red flagRépublique socialiste des travailleurs de Finlande
Red flagRépublique soviétique d'Odessa
Flag of Ukrainian People's Republic of the SovietsRépublique populaire ukrainienne des soviets
Red flagRépublique socialiste soviétique de Tauride
Red flagRépublique socialiste soviétique de Crimée
Union soviétique (à partir de 1922)
Armées vertes (1918-1920)
Armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne (1918-1920)
Калужская организация левых эсеровParti socialiste-révolutionnaire de gauche (1917)
Flag of Persian Socialist Soviet RepublicRépublique socialiste du Gilan (1920-1921)

Baku CommuneCommune de Bakou

République soviétique des marins et des bâtisseurs de forteresses de l'île de Naissaar
Armées blanches
Gouvernement provisoire (1917)
Komuch (1918)
Légion tchécoslovaque
Intervention des Empires centraux (1917-1918) :
Drapeau de l'Empire allemandEmpire allemand
Drapeau de l'Empire ottomanEmpire ottoman
Drapeau de l'Autriche-HongrieAutriche-Hongrie

Intervention alliée (1918-1922) :
Drapeau de la Tchécoslovaquie Tchécoslovaquie
Empire du Japon
Drapeau de la Grèce Royaume de Grèce
Drapeau de l'Empire britanniqueEmpire britannique
Drapeau des États-UnisÉtats-Unis
Drapeau de la République françaiseFrance
Drapeau de la Pologne Pologne
Drapeau du royaume des Serbes, Croates et SlovènesRoyaume des Serbes, Croates et Slovènes
Drapeau de la Roumanie Royaume de Roumanie
 Royaume d'Italie
Drapeau de Taïwan République de Chine
Allemagne
Armées vertes (1920-1921)
Armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne (1920-1921)
Dictature de Caspienne centrale
Калужская организация левых эсеровParti socialiste-révolutionnaire de gauche (1918)
Mongolie
Mouvements indépendantistes locaux
Drapeau de la FinlandeFinlande
Drapeau de l'EstonieEstonie
Drapeau de la LettonieLettonie
Lituanie
Drapeau de la République populaire ukrainienne République populaire ukrainienne
République populaire biélorusse
République populaire de Crimée
Flag of the Crimean Regional GovernmentGouvernement régional criméen
Sibérie
Idel-Oural
Grande armée du Don
République démocratique d'Azerbaïdjan
République démocratique d'Arménie
République démocratique de Géorgie
République populaire du Kouban
République montagnarde du Caucase du Nord
Kokand
Khanat de Khiva
Émirat de Bukhara
Autonomie d'Alash
Ukraine verte (en)
Beylicat de Mastchoh
Flag of TurkestanBasmatchi
Commandants
V. Lénine
Drapeau de la république socialiste fédérative soviétique de RussieL. Trotski
Drapeau de la république socialiste fédérative soviétique de RussieBoris Doumenko
Drapeau de la république socialiste fédérative soviétique de RussieF. Podtieklov (ru)
Drapeau de la république socialiste fédérative soviétique de RussieM. Frounze
Drapeau de la république socialiste fédérative soviétique de RussieA. Samoïlo
Drapeau de la république socialiste fédérative soviétique de RussieD. Parski
Drapeau de la république socialiste fédérative soviétique de RussieD. Nadiojny
Drapeau de la république socialiste fédérative soviétique de RussieN.Krylenko
I. Sorokine
A. Avtonomov
R. Sivers
A. Snesarev
K. Kalinine
M. Toukhatchevski
Drapeau de la RussieA. Koltchak
Drapeau de la RussieL. Kornilov
Drapeau de la RussieA. Dénikine
Drapeau de la RussieP. Wrangel
Drapeau de la RussieV. Kappel
Drapeau de la RussieS. Wojciechowski
Drapeau de la RussieE. Miller
Drapeau de la RussieMikhail Dieterichs
Drapeau de la RussieGrigori Semenov
William S. Graves
George Evans Stewart (en)
Drapeau du Royaume-UniE. Ironside
Drapeau du Royaume-UniWilfrid Malleson (en)
Drapeau du JaponY. Mitsue
M. Janin
Drapeau de la RoumanieErnest Broșteanu (en)

Guerre civile russe

Batailles

Campagne de la steppeBataille de KroutyPremière campagne du KoubanMarche de Iași au DonSeconde campagne du KoubanMarche vers MoscouBataille de PétrogradIntervention en Russie septentrionaleGrande marche de glace de SibérieRévolte de TambovRévolte de KronstadtIntervention en SibérieRévolte basmatchi

Données clés

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Laguerre civile russe est l'ensemble des événements qui déchirent l'ancienEmpire russe durant plus de quatre années, de la fin 1917 à 1921. Elle se situe dans le prolongement de larévolution russe d'Octobre 1917 ; l'essentiel des campagnes militaires se poursuit jusqu'à la proclamation de laNEP.

Laguerre civile russe n'oppose pas simplement les révolutionnairesbolcheviques aux « Blancs »monarchistes partisans du retour à l'ancien régimetsariste. La violence ruineuse du conflit n'est pas due au seul choc des terreurs « blanche » et « rouge » décidées d'en-haut. Cette guerre civile est d'abord un chaos indescriptible et très violent, où l'État et la société russes se sont désintégrés sous la poussée de multiples forces centrifuges, jusqu'à leur reconstruction et leur reprise en main par les bolcheviks enfin victorieux[2].

La guerre a vu en effet les autres formations révolutionnaires (mencheviks,SR,anarchistes,députés de l'ex-Constituante) se battre également contre lesbolcheviks, parfois de façon autonome, parfois au prix d'une collusion avec les généraux blancs. Les tentatives d'émancipation deminorités nationales, l'action des « armées vertes » paysannes (hostiles à la fois aux bolcheviks et aux Blancs), la défense de projets de société concurrents (Makhnovchtchina anarchiste enUkraine), l'intervention étrangère, les multiples règlements de compte et les déchaînements de violence spontanés n'ont pu qu'ajouter aux troubles[3]. Enfin, les retournements d'alliance et les divisions internes n'ont pas manqué, ni les retournements de situation :Kiev change ainsi 14 fois de main pendant la guerre.

Les bolcheviks ont bénéficié de leur organisation supérieure et de leur discipline. Bien qu'ils aient rencontré (etréprimé) des résistances populaires virulentes, leur programme a été finalement mieux reçu des masses que celui desBlancs, lequel tendait au retour pur et simple à l'état des choses antérieur. Le camp des opposants à la révolution d'Octobre a pâti de son hétérogénéité et de ses désunions.

Certains généraux « blancs » telsLavr Kornilov se soucient en fait fort peu de rétablir la monarchie et se voient très bien à la tête d'une républiquedictatoriale. Leurs projets préfigurent en partie lesfascismes européens[4].

SelonSerge Wolikow,« la guerre civile forme le Parti et fabrique une politique identifiée à la révolution sans être celle qui avait été rêvée. Entre 1918 et 1921-1922, se met en place un État révolutionnaire : la guerre civile est en même temps perçue comme la poursuite de la révolution »[5].

Principales phases de la guerre civile

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Première expansion : novembre 1917 – mars 1918

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L'autorité du nouveau gouvernement bolchevique est relayée et progressivement étendue sur l'ensemble du territoire de l'ancien Empire russe, en suivant notamment les voies de communication existantes (chemin de fer).

La signature dutraité de Brest-Litovsk en et la réaction des forces politiques russes opposées au nouveau régime constitue un premier coup d'arrêt à l'expansion territoriale bolchevique.

Réaction russe et internationale : avril 1918 – septembre 1918

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Les forces russes opposées au gouvernement soviétique (Blancs, socialistes modérés) et les puissances étrangères (Japon, France, Royaume-Uni, Légion tchèque) interviennent et réduisent drastiquement le territoire contrôlé par les bolcheviks.

La victoire de la toute nouvelleArmée rouge à Kazan le symbolise la fin du recul soviétique.

Consolidation de la République soviétique : septembre 1918 – octobre 1919

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À partir d', le front bolchevique ne recule plus. LaBiélorussie et la région de laVolga sont même reconquises en janvier-. Les attaques blanches du printemps rognent les marges du territoire soviétique mais restent insuffisantes pour le réduire significativement.

Au début de l'automne 1919, l'issue semble indécise, avec le début de trois grandes offensives blanches, au nord avec labataille de Pétrograd, au sud avec lamarche vers Moscou, et à l'est sous le commandement d'Alexandre Koltchak.

Avance générale soviétique : octobre 1919 – août 1920

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Les fronts adverses s'effondrent les uns après les autres et les puissances étrangères se retirent.

À la veille du « miracle de la Vistule » (défaite soviétique contre les Polonais à l'issue de la bataille de Varsovie en), les territoires contrôlés par le pouvoir bolchevique atteignent leur expansion maximale à l'Ouest, ses dirigeants espèrent exporter la révolution en Europe.

Consolidation définitive du régime et du territoire soviétique : août 1920 – juin 1923

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Le territoire soviétique atteint sa configuration historique ; il consolide son pouvoir sur ses marges orientales (Extrême-Orient russe,Mongolie) ; les révoltes paysannes localisées enUkraine et dans le Sud de la Russie sont réduites courant 1921.

Prémices

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Manifestation sur Perspective Nevski Petrograd le 4 juillet 1917

La guerre civile commence en, aussitôt après la prise de pouvoir par lesbolchéviques. Le nouveau régime se répand en Russie selon différents scénarios : dans les villes et régions où les bolcheviks peuvent compter sur de fortes concentrations ouvrières (Ivanovo,Kostroma, centre miniers de l'Oural), ils ont généralement déjà le contrôle politique par l'intermédiaire des soviets locaux ; dans d'autres régions, ils doivent composer avec diverses forces de gauche et triomphent parfois au terme d'un conflit armé assez bref (Kazan,Samara,Saratov,Nijni Novgorod, etc.) ; dans les bourgs et les régions agricoles, où les bolcheviks sont très minoritaires (Koursk,Voronej,Orel, dans les villes deSibérie, etc.), la prise de pouvoir entraîne souvent des conflits sanglants[6].

Finlande

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Article détaillé :Guerre civile finlandaise.

En janvier1918, la révolution bolchevique est réprimée en Finlande par les « Blancs », aidés par la division allemande du généralRüdiger von der Goltz. La répression est brutale. Les prisonniers rouges sont abattus à lamitrailleuse dans des fossés. LaTerreur blanche fait 35 000 morts dans un pays de 4 millions d'habitants. Début, on compte 64camps de concentration comprenant 81 000 prisonniers « rouges » (soit 6 % de la population adulte finlandaise), essentiellement répartis au Sud du pays. La difficulté énorme que représente le maintien d'un système carcéral aussi massif dans une Finlande détruite par la guerre civile amène rapidement le gouvernement « blanc » d'Helsinki à mettre en place des lois d'amnistie. Début, les camps sont regroupés en 26 lieux de détention qui sont ensuite progressivement démantelés, si bien qu'en décembre, il ne reste plus que 6 100 prisonniers « rouges », considérés comme les plus dangereux. Fin 1921, il n'en restera plus que 900. Au total, on estime à 12 500 le nombre de prisonniers « rouges » décédés dans les premiers camps de la guerre civile — avec plus de 25 % de pertes pour certains (comme celui deEkenäs) —, chiffre auquel il faut ajouter les 268 exécutions capitales prononcées après la répression de l'insurrection bolchevique.

Pour les monarchistes russes, c'est un exemple à suivre et un avertissement de ce qui attend les révolutionnaires s'ils perdent le pouvoir. Plus loin dans le temps, les bolcheviks se souviennent de l'écrasement impitoyable de laCommune de Paris vaincue, lors de la « Semaine sanglante ».

Ukraine et Sud de la Russie

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Article détaillé :Guerre soviéto-ukrainienne.

Jusqu'autraité de Brest-Litovsk, en mars1918, divers groupes nationaux, notamment enUkraine et dans leCaucase, mettent à profit la situation pour tenter de s'émanciper, mais les combats restent sporadiques. Dans la région duDon, les forces blanches s'organisent autour des générauxMikhail Alekseïev etLavr Kornilov pour créer l'Armée des volontaires, qui s'oppose aux bolcheviks lors de lapremière campagne du Kouban en.

Intervention étrangère

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Articles détaillés :Intervention alliée pendant la guerre civile russe,Intervention en Russie septentrionale etIntervention en Sibérie.
Parade de troupes de plusieurs pays (dont les États-Unis) àVladivostok, 1918.
Chars Renault français à Odessa pendant l'intervention alliée de 1918-1919.

À partir d', lesAlliés — français et britanniques — interviennent dans le Nord et dans le Sud du pays pour contrer l'occupation allemande consécutive au traité de Brest-Litovsk. Les bolcheviks ne sont pas initialement hostiles à leur arrivée —Léon Trotski conseille même au soviet deMourmansk d'accepter leur aide contre toute menace allemande et ne précise pas quel ennemi la toute récenteArmée rouge aura à affronter : Allemands ou Alliés.L'armistice de Rethondes prévoit par ailleurs l'annulation du désastreux traité de Brest-Litovsk que le gouvernement bolchevique a signé en.

Ce n'est qu'après leur victoire de que les Alliés prennent ouvertement position contre les Rouges et aux côtés des Blancs. Écœurés par le traité de Brest-Litovsk qui a permis au Kaiser de transférer ses divisions d'Est en Ouest et de manquer de peu de remporter la victoire en France, beaucoup de dirigeants occidentaux s'en tiennent à l'époque à la thèse d'unLénine agent des « Boches » et conçoivent au départ leur intervention comme un prolongement de la lutte contre l'Allemagne. S'y mêle ensuite la peur de la contagion révolutionnaire. Comme le déclaraWinston Churchill, certes anti-bolchevik particulièrement virulent même au regard des critères de l'époque,« lebolchevisme doit être étranglé dans son berceau ». Cependant, son Premier ministreDavid Lloyd George expose le que« le type de gouvernement mis en place par les Russes ne regarde pas la Grande-Bretagne : république, état bolchevique ou monarchie ». Le président américainWoodrow Wilson pense de même et refuse de s'engager trop loin dans l'intervention.

L'idée de Lénine etTrotski n'est pas d'instaurer un régimesocialiste dans la seule Russie, mais que l'extension de la révolution aux pays industriellement avancés comme l'Allemagne est le seul moyen d'imposer la révolution.

À partir de l'été 1918, Anglais, Allemands, Français, Américains, Grecs, Polonais, Roumains et Japonais interviennent. Avantl'armistice de Rethondes, l'Ukraine reste occupée par les troupes allemandes, qui ont renversé son gouvernement et privent la Russie d'approvisionnement en blé. Les troupes autrichiennes occupentOdessa, les Japonais débarquent àVladivostok, les Turcs pénètrent dans leCaucase.

Dans le Sud, Anglais et Français arment le général tsaristeDénikine, le nouveau gouvernement allemand, la division cosaque deKrasnov.Clemenceau conçoit même une intervention française de grande envergure en Ukraine en utilisant des troupes prises sur l'armée d'Orient, mais l'action tourne court à cause du manque de moyens engagés et de l'hostilité de la population locale (mars-). Le général blancLavr Kornilov (tué par un éclat d'obus dans son quartier général en avril 1918) écrit :« Même s'il faut brûler la moitié de la Russie et verser le sang de trois quarts de la population, nous le ferons si c'est nécessaire pour sauver la Russie ». L'écrivain blancAndreïev écrit :« Là où on fusille les gens comme des chiens, règnent la paix, la prospérité et un sens très fin de la légalité ». Les pogroms antisémites que perpètrent ou laissent perpétrer les généraux blancs, notamment en Ukraine, font plusieurs centaines de milliers de victimes et constituent les pires massacres anti-juifs jamais perpétrés avant laShoah.

Les Britanniques emploient des armes chimiques développées pendant la guerre contre l'Allemagne et l'Empire ottoman, 50 000 « M Devices », des bombes contenant de l'adamsite, sont envoyées en Russie. L'aviation britannique les utilise le sur le village de Iemtsa dans larégion d'Arkhangelsk. L'effet de surprise et les morts spectaculaires (vomissements de sang) font fuir l'ennemi. Il y a d'autres bombardements de villages sous contrôle bolchevique. Les bombardements visent d'autres localités sous contrôle rouge telles que Tchounova, Vikhtova, Pocha, Tchorga, Tavoïgor et Zapolki[7].

  • Frontières de 1921
  • Zone sous le contrôle bolchevique en novembre 1918
  • Avance maximale desarmées blanches

Les déclarations incendiaires ne sont pas moins présentes dans le camp opposé. En exil, Lénine a théorisé le passage de la « guerre civile impérialiste » à la « guerre civile révolutionnaire ». La théorie bolchevique juge que la violence est un moteur de l'Histoire. Dans cette perspective, la guerre civile est inévitable, et même parfaitement souhaitable pour vaincre plus vite les forces de réaction et accélérer le changement social. Dès, à propos des détachements chargés des réquisitions forcées de céréales, Trotski s'exclame :« Notre parti est pour la guerre civile. La guerre civile, c'est la lutte pour le pain. Vive la guerre civile ! ». En septembre1918, leConseil des commissaires du peuple décrète officiellement laTerreur rouge, appelant à« isoler lesennemis de classe de la République soviétique dans des camps de concentration, et de fusiller sur-le-champ tout individu impliqué dans des organisations de Gardes-Blancs, des insurrections ou des émeutes »[8]. LaTchéka voit ses effectifs gonfler. Dans la chaleur d'un discours à Petrograd,Grigori Zinoviev s'emporte en 1919 jusqu'à parler d'anéantir les dix millions de Russes hostiles à la révolution. Quant àNikolaï Boukharine, il appelle en ces termes à la vigilance policière :« nous devons tous être des tchékistes ».

Les deux camps principaux sont donc prêts à en découdre et exempts de toute hésitation à recourir à la violence de masse. Trois fronts principaux se constituent par divers groupes nationaux qui mettent à profit la situation pour tenter de s'émanciper :

À ces trois fronts s'ajouteront d'autres forces blanches plus ou moins autonomes :

De la fondation de l'Armée rouge à la victoire des bolcheviks

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Face à la conjugaison des menaces, le gouvernement soviétique, qui a déjà transféré la capitale dePétrograd àMoscou, a proclamé la mobilisation générale et obligatoire. Léon Trotski a pris énergiquement la direction de l'Armée rouge, fondée dès le : de près d'un million d'hommes à la fin de l'année 1918, elle en compte plus de cinq millions deux années plus tard, volontaires ou conscrits.

Sillonnant le pays à bord de sontrain blindé devenu vite légendaire, Trotski va d'un front à l'autre redresser la situation militaire, organiser les troupes et galvaniser les énergies. De même que de nombreux commissaires bolcheviques en mission, il associe étroitement dans son action une propagande à destination des masses et de leur « éducation révolutionnaire » (la célèbreagit-prop voulue par Lénine) avec notamment lesagitki[9] et la conduite des combats militaires. Il rétablit dans les rangs une discipline de fer, toute défaillance, contestation ou désertion étant implacablement châtiée.[réf. nécessaire]

Il n'hésite pas à recycler par milliers les « spécialistes bourgeois » compétents et autres anciens officiers tsaristes, tel l'ex-général en chefAlexeï Broussilov, qui appelle ses pairs à rejoindre l'Armée rouge au nom du salut de la patrie. Des commissaires politiques bolcheviques flanquent ces chefs militaires pour s'assurer de leur loyauté. Ce recours aux spécialistes de l'ancien régime suscite toutefois les méfiances et les critiques virulentes de nombreuxvieux bolcheviks, à l'image deJoseph Staline, commissaire en mission àTsarytsine à l'été 1918. Environ 30 % des officiers tsaristes auraient choisi l'Armée rouge par intérêt, par patriotisme ou par souci de l'ordre[10].

Dès l'été 1918, Trotski reprend l'important nœud deKazan. ÀTsarytsine sur laVolga, clé des communications au sud de la Russie, il se heurte — déjà — àStaline etVorochilov, qu'il fait rappeler à Moscou en septembre, la ville restant aux mains des bolcheviks. Puis l'Armée rouge défait une à une les armées blanches en commençant par celle deNikolaï Ioudenitch qui échoue dans samarche sur Pétrograd en, puis presque simultanément, à la mi-novembre, celle de Koltchak et celle deDénikine dans samarche vers Moscou.

En1920, laPologne, mécontente de laligne Curzon qui fixe sa frontière à l'Est, envahit la Russie bolchevique. La contre-attaque de l'Armée rouge sous les ordres du généralToukhatchevski la mène jusqu'aux portes deVarsovie. Les bolcheviks sont soulevés par un immense espoir : la prise de Varsovie ouvrirait le chemin deBerlin et permettrait l'exportation de la révolution par les armes.

Propagande soviétique pendant leconflit russo-polonais, 1920.

Mais une grave désobéissance de Staline met l'Armée rouge en vulnérabilité stratégique. De surcroît, les Polonais, qui viennent juste de retrouver leur indépendance après un siècle et demi d'occupation étrangère, font bloc contre un envahisseur qu'ils voient d'abord comme russe avant de le voir comme révolutionnaire. Même les masses ouvrières ou juives ne manifestent aucune intention d'aider l'Armée rouge. Le généralPiłsudski, aidé de la mission militaire française de quelques centaines d'hommes à laquelle participe le jeune officierCharles de Gaulle puis de la mission diplomatique franco-anglaise de six hommes, dont le généralWeygand, s'appuie sur ce sursaut national pour redresser la situation militaire[11]. Le, l'armée polonaise remporte une éclatante victoire (« lemiracle de la Vistule ») et repousse l'Armée rouge à plus de 200 km à l'Est de laligne Curzon. Moscou doit s'incliner par traité et reconnaître la perte d'un important territoire.

La période finale de la guerre civile est le long siège des dernières forces blanches enCrimée.Piotr Wrangel y a rassemblé les restes des troupes deDénikine qui se sont fortifiés. Ils tiennent jusqu'à ce que les anarchistes ukrainiens et l'Armée rouge, qui a participé à la guerre contre laPologne, débarquent. Alors, les Blancs sont débordés et leurs dernières troupes évacuées versConstantinople en novembre1920.

Les bolcheviks se retournent alors contre leurs alliés anarchistes de la veille, rompant l'alliance passée avec eux[réf. souhaitée]. Fin 1920, l'Armée Rouge liquide laMakhnovchtchina. Entre le printemps1921 et fin1922, l'Armée rouge envahit et reconquiert plusieurs Républiques qui ont été momentanément indépendantes : l'Arménie, laGéorgie et d'autres enAsie centrale, qui sont réintégrées de force dans l'ex-Empire russe.

Violences d'en-bas et terreurs d'en-haut

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L'Empire russe était de loin le pays d'Europe avec la plus lourde tradition deviolence politique et sociale. Celle-ci était omniprésente du haut en bas de l'échelle sociale. Elle n'épargnait pas plus les tsarsRomanov (l'histoire dynastique la plus sanglante d'Europe) que les victimes duservage. Les longues pratiques despotiques duknout, de lapeine de mort, de l'exil auxkatorga deSibérie avaient marqué l'histoire russe, mais aussi la violence de nombreuses révoltes paysannes (bunt), le recours auterrorisme par divers révolutionnaires duXIXe siècle. Plus globalement, l'arriération du pays maintenait au quotidien des masses analphabètes et opprimées dans une grossièreté et une brutalité de mœurs régulièrement déplorées par les voyageurs ou les élites réformatrices. Enfin, laGrande Guerre de 1914-1917 et son cortège de « brutalisations » n'ont rien arrangé.

La violence de la guerre civile russe ne doit donc pas qu'au choc des « Blancs » et des « Rouges ». SelonMarc Ferro, les bolcheviks n'ont souvent fait qu'assumer ou encourager des violences sociales spontanées, afin de les récupérer ou de donner l'impression qu'ils contrôlaient la situation.

À partir de se multiplient des mesures officielles de « Terreur rouge », en réaction à l'attentat du contre Lénine. Lapeine de mort, abolie juste après la révolution d'octobre, est à cette occasion rétablie. Des tribunaux militaro-révolutionnaires, quijugent à la fois les militaires et les civils, sont établis et se renforcent alors qu'il ne s'agit que d'unejuridiction d'exception[12]. Sous l'impulsion deFélix Dzerjinski, laTchéka gonfle ses effectifs et, en dehors de toute légalité, donne la chasse aux opposants réels ou supposés, aux suspects, aux récalcitrants, ou encore aux marginaux. Elle participe à la mise hors-la-loi de l'Église orthodoxe, certes souvent rangée du côté de la réaction : environ 1 000 prêtres et 25 évêques ont péri en 1920. Au-delà, tout concourt déjà à mettre hors-la-loi quiconque ne partage pas la vision du monde bolchevique : c'est ainsi que lespacifistestolstoïens sont pareillement éliminés par la police politique. Elle sert aussi à prélever de force le ravitaillement chez les paysans, ou à briser un nombre croissant degrèves ouvrières[13]. En, la guerre finie, l'État bolchevique organise aussi contre ses opposants vaincus le premier grandprocès truqué de l'histoire soviétique : les chefs duParti socialiste révolutionnaire (les SR), amalgamés à des accusés de droit commun et à desprovocateurs, sont jugés au mépris de toutes les règles du droit, et condamnés pour certains à mort[14].

Poussée par Lénine et Trotski, laTchéka inaugure unsystème de camps pour interner les suspects et les réprimer : on en compte 21 en 1919, plus de 100 en 1920, qui comptent 100 à 150 000 détenus à la fin de la guerre civile[15]. Les Blancs finlandais et russes ont également eu recours à des camps, aux conditions de vie déplorables, tout comme les Polonais dePiłsudski. Toutefois, seuls les camps bolcheviques ne disparaissent pas avec la fin du conflit, lesystème concentrationnaire devenant permanent, bien que sa population connaisse une diminution sensible dans la première moitié desannées 1920[16]. La question de savoir si c'est bien en eux que se trouvent lesorigines du Goulag de l'ère stalinienne reste très discutée.

Trotski, qui a rétabli une discipline de fer dans l'Armée rouge, est aussi, le, puis surtout les et à l'origine de la « loi desotages » : les enfants et épouses d'anciens officiers tsaristes « transformés » par l'Armée rouge sont arrêtés et détenus pour s'assurer de la loyauté de ces derniers — première introduction de la notion deresponsabilité collective dans les pratiques soviétiques.

Début, l'armée deKoltchak s'approche dangereusement deIekaterinbourg, où sont enfermés le tsarNicolas II et sa famille. Le Comité central du parti bolchevique, alors favorable à un procès public du dernier des Romanov, envoie à IekaterinbourgGolechtchekine,« un bolchevique parfaitement sûr »[17], pour ramener Nicolas II et sa famille à Moscou et organiser leur procès. Le, les officiers de l'Armée rouge préviennent que la chute de la ville et son contrôle par les« Blancs » n'est plus qu'une question de jours. Lénine et une partie duBureau politique décident alors secrètement d'exécuter le tsar sans procès. Celui-ci estassassiné avec sa femme et ses enfants dans la nuit du 17 au, àIekaterinbourg, une semaine avant que celle-ci ne tombe aux mains des« Blancs ». Depuis 1990, Marc Ferro conteste une éventuelle décision de massacre de toute la famille, qui si elle était avérée anticiperait de cinq à huit mois les « lois des otages », et ne reconnaît que celle d'exécuter le tsar, telle qu'elle est annoncée à Iekaterinbourg, la femme, les quatre filles et peut-être le fils unique devant être transportés à Perm sur exigence allemande (?). En tout cas, la population locale accueille l'annonce de la mort de l'empereur avec assez d'indifférence[18] Plus tard, ce sont quatre grands-ducs de la famille Romanov, quinquagénaires comme le tsar, et détenus depuis à Petrograd, qui sont victimes de la première « loi des otages » fin, sur demande de Zinoviev qui, en 1920, clame aussi avoir demandé l'exécution de Nicolas II, mais dément le massacre de sa famille. Les quatre grands-ducs sont fusillés enreprésailles des assassinats le à Berlin deRosa Luxembourg etKarl Liebknecht[19].

La lutte la plus dure oppose surtout les bolcheviks — tout comme les Blancs — à des campagnes qui refusent souvent laconscription et les livraisons de céréales obligatoires (la ruine de l'industrie ayant depuis 1915-1916 privé les villes de biens de production à offrir en échange aux campagnes). Lesréquisitions forcées sont accomplies au prix d'exactions indescriptibles, qui révoltent la paysannerie. Des « armées vertes » formées de précédents réfractaires à l'enrôlement se forment dans les forêts et les campagnes et se battent tour à tour ou simultanément contre les deux armées. Les campagnes cherchent ainsi à maintenir leur autonomie face à un pouvoir urbain traditionnellement mal accepté[20].

L'écrasement de centaines de révoltes campagnardes locales culmine à l'été1921 lorsqueToukhatchevski réprime lavaste révolte des paysans de la région de Tambov.

Tchèques exécutés par les bolcheviks àVladivostok. Photographie prise par le Lt. William C Jones.

Laradicalisation des deux camps a fait disparaître toute voie intermédiaire. En effet, l'aile extrême, réactionnaire et tsariste, a vite pris le contrôle de l'ensemble de l'opposition aux bolcheviks. En, àSamara, uncomité formé d'ex-Constituants (Komuch), avait proposé un programme réformiste et démocratique. De même, àOufa, en septembre, un front anti-bolchevik unifié avait formé un gouvernement provisoire et un directoire siégeant àOmsk. Mais l'extrême-droite a vite le dessus sur eux :Koltchak renverse ce directoire dès, et prend le titre de « régent suprême de Russie »[21].

Massacres ettortures sont monnaie courante dans l'un et l'autre camp.

Dès la révolution d'Octobre, les Blancs supplicient et abattent les bolcheviks faits prisonniers. Ils perpètrent ou laissent leurs troupes perpétrer une série depogromsantisémites extrêmement meurtriers (400 000 morts ?). Ils s'aliènent vite les populations locales en refusant toute concession auxminorités nationales, auxquelles ils n'ont rien à offrir que le retour au nationalisme grand-russe traditionnel. Ils dépossèdent aussi violemment les paysans, inquiets d'un retour probable des grands propriétaires dans les fourgons des armées blanches.

Dans l'autre camp, la terreur rouge se met en place fin août-début septembre 1918, après les attentats du 30 août contre Lénine et Moises Ouritski (le second mortel).

Victoire et crise du« communisme de guerre »

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Bien que les bolcheviks ne contrôlent plus à l'été 1918 qu'un territoire encerclé et réduit en gros à l'anciengrand-duché de Moscovie, celui-ci a l'avantage de former un bloc territorial cohérent, très bien pourvu en routes et en voies ferrées stratégiques, et incluant les deux capitales, Petrograd et Moscou, face à des armées blanches dispersées qui ne sont jamais capables de coordonner leurs offensives.

Ils ont aussi bénéficié de nombreuses sympathies dans les classes populaires et les forces de gauche d'Occident : ainsi larévolte de la flotte française de la mer Noire conduite entre autres parAndré Marty etCharles Tillon () a joué un rôle important dans l'abandon de l'intervention française.

Une Suissesse et ses deux filles lors de la fuite de Russie, 1921 ?

D'autre part, les masses locales ont laissé gagner les bolcheviks, en dépit de nombreux heurts. Si les bolcheviks réquisitionnaient les grains, les Blancs eux voulaient en plus rendre la terre aux grands propriétaires. À tout prendre, la paysannerie a donc préféré la victoire des« Rouges ».

La guerre civile a accéléré considérablement le processus révolutionnaire par l'introduction d'un« communisme de guerre » particulièrement radical. Le Parti s'est militarisé tout en augmentant notablement ses effectifs. Dès 1918, les nationalisations ont touché jusqu'aux magasins et aux boutiques de coiffure. En, un décret confirmait lanationalisation de toutes les usines de plus de cinq ouvriers, si elles ont un moteur et de plus de dix ouvriers sans moteur. Ont aussi été nationalisés tous les théâtres, l'industrie du cinéma, celle de la photographie. L'État bolchevique a ensuite instauré lemonopole du commerce intérieur et extérieur, et pris en main la quasi-totalité des services. Beaucoup de bolcheviks rêvaient même de profiter de ces mesures imposées par laguerre totale pour passer directement à l'édification de la sociétécommuniste : c'est ainsi que l'État s'est mis à assurer à tous gratuitement les services publics, le logement, l'électricité, et jusqu'aux bains publics, et que certains réfléchissaient même à l'abolition de l'argent, ou du moins à une limitation drastique de son usage[22]. L'efficacité économique n'a pas du tout suivi ces mesures, surtout dans les conditions désastreuses du temps.

Une discipline de fer a été rétablie sur les ouvriers. L'étatisation généralisée a signifié la fin du contrôle ouvrier proclamé en qui avait été une revendication principale de laclasse ouvrière. Le salaire aux pièces, honni de tous, a été réinstauré dès le. À l'instauration du « samedi communiste » travaillé « volontairement » sont ajoutés le rétablissement dulivret ouvrier, l'interdiction et larépression brutale desgrèves, ladéportation des meneurs emprisonnés, le recours auxlock-out, la militarisation du travail et l'instauration d'un travail obligatoire[21].

Un certain nombre de réformes ont également été introduites dès1918 : par exemple le passage aucalendrier grégorien, la séparation de l'Église et de l'État, suivie cependant par des années de violence anti-religieuse, et la création d'une« Église vivante » contrôlée par le pouvoir[23].

Dès les lendemains d', les bolcheviks n'ont pas hésité non plus à mettre sous séquestre les avoirs privés détenus dans les coffres-forts des banques, ou àcollectiviser les vastes appartements des bourgeois et des aristocrates, dont les anciens propriétaires ont souvent été expulsés voire réduits à vivre à la rue. C'est l'origine des célèbres appartements communautaires qui ont marqué la vie quotidienne des soviétiques jusqu'à la fin de l'URSS et au-delà.

Par ailleurs, des trains depropagande ont sillonné tout le pays pour assurer l'« éducation révolutionnaire des masses », également offerte/imposée aux innombrables conscrits et volontaires de l'Armée rouge. Un ambitieux programme de lutte contre l'analphabétisme est mis en place par Lénine bien avant la fin des combats, ainsi que de développement de la culture physique et sportive, de lutte contre l'alcoolisme et l'antisémitisme. LesKomsomol sont fondées dès pour convertir la jeunesse du territoire soviétique au bolchevisme.

De nombreux artistes et intellectuels non bolcheviques ont rallié la révolution d'Octobre, telsVladimir Maïakovski,Alexandre Blok,Sergueï Essénine, ou encoreMarc Chagall devenu commissaire à la Culture à Vitebsk, et, dans le prolongement de « l'âge d'argent » ouvert vers 1900, la littérature et les arts modernes connaissent sous la guerre civile une vraie floraison (notamment dans l'affiche et les arts picturaux, essentiels dans une société massivement illettrée), brillante en dépit de l'extrême dureté des temps. La révolution d'Octobre a donc aussi une dimension de révolution culturelle.

Début1921, la révolution est donc sauvée, mais à un prix terrifiant. Le pays est territorialement amoindri, diplomatiquement isolé, et cerné par un « cordon sanitaire » de petits États hostiles au bolchevisme comme à la puissance russe.

Moscou et Pétrograd ont perdu la moitié de leur population, partie à la campagne devant la faillite du ravitaillement urbain. Lafamine de1920-1921 a fait plusieurs millions de morts parmi des paysans déjà très éprouvés par la guerre et par la violence des collectes forcées. L'épidémie très meurtrière detyphus a ajouté au drame. On a assisté à des cas decannibalisme[24]. Des bandes d'orphelins errants, lesbespryzorniki, ont sillonné les routes de Russie pendant des années.

Orphelins des rues, victimes de la famine de 1920-1921.

La gestion de la crise par Lénine a suscité de lourdes controverses. Il fait expulser le comité international de secours aux victimes[réf. nécessaire], et profite de la famine pour nationaliser les biens de l'Église orthodoxe, sans même que ceux-ci profitent aux affamés[réf. nécessaire]. Certains historiens ont accusé Lénine d'avoir utilisé la famine pour soumettre les régions récalcitrantes (méthode utilisée parStaline enUkraine lors de l'Holodomor)[25].

La production industrielle s'est effondrée[26]. Le réseau de transports est disloqué. Lemarché noir est florissant[27]. Lamonnaie qui ne vaut plus rien a disparu et on assiste au retour dutroc[28].

Laclasse ouvrière s'est décomposée, car beaucoup de travailleurs d'usine sont entrés dans l'Armée rouge, ou bien dans la bureaucratie du Parti ou dans la Tchéka. De nombreux autres encore ont été chassés des villes par la faim, et sont retournés à la campagne[29]. Lorsqu'auXe congrès du Parti en, Lénine déplore à la tribune la disparition de laclasse ouvrière en Russie,Alexandre Chliapnikov, un des très rares dirigeants ayant une expérience du travail en usine, le félicite ironiquement« d'exercer le pouvoir au nom d'une classe qui n'existe pas »

Le Parti a reconstruit un État, pour la première fois depuis la désagrégation du tsarisme qui avait même précédé. Il a aussi éliminé toutes les oppositions, mis sur pied un État policier redoutable, supprimé ou réprimé les institutions indépendantes, telles les Églises. Il a aussi pris le contrôle dessoviets, rapidement réduits à des coquilles vides bureaucratisées et privées de pouvoir réel. Les comités d'usine ou de quartier qui proliféraient depuis 1914 et surtout 1917 ont été « phagocytés » par le Parti[30]. Quant auxsyndicats, peu bolchevisés en 1917 mais transformés en courroie de transmission du pouvoir pendant la guerre civile, Trotski propose fin 1920 leur « militarisation », suscitant de vives polémiques au sein du Parti.

La fin de tout pluralisme est mal ressentie jusque par certains acteurs de la révolution d'Octobre et le fossé se creuse entre une bonne part de la population et les dirigeants ou les nouveauxbureaucrates, jugés comme étant de nouveaux privilégiés.

La révolte de Kronstadt et la NEP (mars 1921)

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L'Armée rouge donne l'assaut àKronstadt, 18 mars 1921.
Article détaillé :Révolte de Kronstadt.

En mars1921, les marins deKronstadt, célébrés jusque-là comme les« héros et gloire de la révolution » (Trotski) se révoltent au cri de« Vive les soviets, à bas les bolcheviks ! » ou de« Vive les soviets sans les communistes ! ». Beaucoup des marins sont d'origine paysanne et informés par leurs familles des exactions bolcheviques dans les campagnes ; leur révolte est contemporaine d'une vague de grèves ouvrières à Pétrograd. Leur programme exige des élections libres, une constituante, le retour des libertés fondamentales, la fin de lapolice politique, le retour au marché libre.

L'Armée rouge conduite par Trotski etMikhaïl Toukhatchevski finit par prendre d'assaut l'île de Kronstadt en passant à pied la mer gelée. Une répression implacable s'abat sur les révoltés : certains qui se sont rendus contre promesse de vie sauve sont fusillés après avoir dû creuser leurs tombes, d'autres enfuis enFinlande y sont internés dans des conditions déplorables.

La répression policière s'abat aussi à Pétrograd sur des dizaines de personnes sans lien entre elles et accusées de complicité avec l'insurrection. Ainsi le poèteNikolaï Goumilev, premier mari d'Anna Akhmatova, qui est fusillé et rayé de la mémoire officielle.

Parallèlement, des milliers demencheviks sont arrêtés et leur presse supprimée : ils avaient subsisté jusque-là en se cantonnant à une opposition légale au pouvoir et en conservant une audience non négligeable dans les syndicats et les masses.

Simultanément, leXe congrès du Parti instaure aussi lecentralisme démocratique, qui supprime ledroit de tendance. L'Opposition ouvrière d'Alexandra Kollontaï etAlexandre Chliapnikov, qui critiquait les méthodes du « communisme de guerre », est ainsi défaite et obligée de s'incliner.

La dernière grande révolte politique du cycle révolutionnaire ouvert en s'achève donc sur un échec, laissant intact le monopole bolchevique du pouvoir. Mais le choc de l'insurrection a convaincu Lénine d'abandonner définitivement le « communisme de guerre » au profit d'un « retour limité au capitalisme limité » : leXe congrès, tenu au même moment que l'insurrection, instaure laNouvelle politique économique (NEP).

Dans les arts et la culture populaire

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Filmographie

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Cinéma

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Télévision

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Série
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Notes et références

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  1. (en) W. M.Bisset, « South Africa's role in the Civil War in Russia 1918-1920 »,Scientia Militaria - South African Journal of Military Studies,‎(ISSN 2224-0020,DOI 10.5787/15-4-477,lire en ligne[PDF], consulté le).
  2. SelonNicolas Werth, dans « Que reste-t-il de la révolution d'Octobre ? », table ronde avecMarc Ferro etSerge Wolikow,l'Humanité, 7 novembre 2007 :« Ce qui s'écroule en 1917, c'est aussi l'État. Et la première chose que vont faire les bolcheviks, c'est de le reconstruire. Avec toute une série de piliers fondamentaux : la mise en place d'une armée plus efficace que les autres, d'appareils de répression, avec de très forts pouvoirs, et puis la capacité extraordinaire de bricoler un appareil d'État, avec à la fois des ralliés monarchistes qui y voient la fin du chaos desjacqueries paysannes et toute une gamme de nouveaux venus qui étaient dans les comités sans être nécessairement bolcheviques et qui vont y trouver une place. »
  3. Peter Holquist parle d'ailleurs des guerres civiles (au pluriel), car :« Le terme généralement utilisé de « guerre civile russe » recouvre en réalité toute une série de conflits nationaux et de guerres civiles imbriqués les uns dans les autres. » Peter Holquist, « La question de la violence », dansLe Siècle des communismes, Éditions de l'Atelier, 2000,p. 188.
  4. Marc Ferro, « Nazisme et communisme : les limites d'une comparaison »,Nazisme et communisme. Deux régimes dans le siècle, Hachette, coll. « Pluriel », Paris, 1999,p. 16.
  5. Serge Wolikow, dans « Que reste-t-il de la révolution d'Octobre ? »,loc. cit.
  6. Nicolas Werth,Histoire de l'Union soviétique, Paris, 2008, PUF, collection « Thémis »,p. 139.
  7. (en) GilesMilton, « Winston Churchill's shocking use of chemical weapons »,The Guardian,‎(ISSN 0261-3077).
  8. Nicolas Werth, « Crimes et violences de masse des guerres civiles russes (1918-1921) », sursciencespo.fr,(consulté le).
  9. (en) PeterRollberg,Historical Dictionary of Russian and Soviet Cinema, Rowman & Littlefield,, 855 p.(ISBN 978-1-4422-6842-5,lire en ligne),p. 31-32
  10. 1917, documentaire d'Arte, 7 novembre 2007.
  11. « Le capitaine de Gaulle et le lieutenant Medwecki, à Rembertov en Pologne, 1920 », surcharles-de-gaulle.org,(consulté le)
  12. Nonna Tarkhova,Violences et pouvoirs politiques, Toulouse, Presses universitaires du Midi,, « Les tribunaux militaro-révolutionnaires en Russie de 1918 à 1921 : la formation d’une violence institutionnelle »
  13. Nicolas Werth, « Un État contre son peuple », dansLe Livre noir du communisme, Robert Laffont, 1997.
  14. Jacques Baynac,La Terreur sous Lénine (1917-1924), Sagittaire, 1975, réédition Poche, 2003.
  15. Anne Applebaum,Goulag. Une histoire, Grasset, 2003.
  16. Les camps compteront 25 000 détenus en janvier 1923, pour des effectifs pénitentiaires d'environ 70 000 individus.Jean-Jacques Marie,Le Goulag, PUF, coll. « Que sais-je »,p. 33.
  17. Arno J. Mayer,Les furies,p. 237.
  18. Marc Ferro,Nicolas II, Payot, Paris, 1990 « une mort énigmatique »p. 287-347 (p. 290-291 pour l'annonce de la mort unique du tsar à Ekaterinbourg) ;La vérité sur la tragédie des Romanov, la tsarine et les grandes duchesses ont survécu, Paris, Tallandier 2012 :Romanov, la contre enquête documentaire chaîne Histoire 26 décembre 2018
  19. Edvard Radzynsky, Nicolas II, le dernier tsar Paris 1992
  20. Nicolas Werth,op. cit.
  21. a etbAlessandro Mongili,Staline et le stalinisme, Casterman, 1995.
  22. Nicolas Werth,Histoire de l'Union soviétique de 1917 à 1953, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1998,p. 17.
  23. Jean-Louis van Regemorter,La Russie et l'ex-URSS de 1914 à nos jours, Armand Colin, 1996.
  24. Alexandre Soljénitsyne (trad. Melle J. Lafond et MM. J. Johannet, R. Marichal, S. Oswald et N. Struve),L'Archipel du Goulag : 1918-1956 première et deuxième parties,t. I (essai d'investigation littéraire), Paris,Éditions du Seuil,,3429e éd., 446 p.(ISBN 978-2-02-002118-0), I - L'industrie pénitentiaire,chap. 7 (« La chambre des machines »),p. 247

    « Et pourtant, quelle famine ce fut : jusqu'au cannibalisme, les parents mangeant leurs propres enfants »

  25. N. Werth, J-L Panné, A. Paczkowski, K. Bartošek, J-L Margolin, Stéphane Courtois (dir.),Le livre noir du communisme : Crimes, terreur, répression, Paris, Robert Laffont,, 846 p.(ISBN 2-221-08204-4)
  26. SelonLéon Trotski, la production industrielle de 1921 représente moins d’un cinquième de celle d’avant guerre, la production d’acier a chuté de 4 200 000 à 180 000 tonnes. SelonNicolas Werth (Nicolas Werth,Histoire de l'Union soviétique. De Lénine à Staline, Paris, PUF,coll. « Que Sais-je ? »,,p. 24), elle est tombée à 12 % du niveau d'avant-guerre.
  27. SelonWerth 1998,p. 24, la moitié du ravitaillement urbain en 1919-1920 est assuré par les« porteurs de sacs », ces citadins qui vont à la campagne échanger leurs biens contre des farines.
  28. Selon A. Mongili,op. cit.,le rouble a perdu 200 000 fois sa valeur[pas clair] entre 1913 et 1922 !
  29. Nicolas Werth,op. cit., estime qu'il reste à peine 1 million d'ouvriers en 1921. Moscou a perdu la moitié de ses effectifs ouvriers, Petrograd les deux tiers.
  30. Selon l'expression de Nicolas Werth, dans « Que reste-t-il de la révolution d'Octobre ? »,loc. cit. Voir aussiMarc Ferro,Des soviets au communisme bureaucratique, Hachette Pluriel, 1997.
  31. Il fut sélectionné au Festival de Cannes 1968.

Annexes

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Bibliographie

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Articles connexes

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